OUVERTURE

M. JOËL BOURDIN, SÉNATEUR DE L'EURE, PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE À LA PROSPECTIVE

Bienvenue à ce nouvel atelier de prospective qui est dédié à un sujet particulièrement essentiel et qui m'est d'ailleurs doublement cher comme Président de la Délégation à la Prospective, c'est vrai, mais aussi parce que j'ai depuis quelques années le redoutable honneur d'être le rapporteur spécial des crédits de l'agriculture de notre Commission des Finances. L'agriculture, c'est maintenant l'agriculture et l'alimentation. A ce titre, lorsque Yvon Collin a proposé que notre délégation - qui venait d'être créée - examine les problèmes posés par la satisfaction des besoins alimentaires prévisibles dans le long terme, je n'ai pas hésité une seconde à soutenir cette idée qui a bien sûr été retenue par la délégation. Lorsque nous examinons chaque année les crédits de l'agriculture, nous savons que ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une politique agricole, dont ils sont les moyens. Nous savons aussi que cette politique est l'expression d'une volonté qui répond au souci d'atteindre des objectifs complexes, dont certains de court terme et d'autres plus stratégiques. Sur ce dernier point, le monde agricole français a une vieille et très précieuse culture du temps. Si, dit-on, un agriculteur prévoit toujours la récolte d'après, les responsables politiques se sont eux aussi efforcés de penser l'agriculture dans le long terme. La loi de modernisation de l'agriculture qui est en cours de discussion au Sénat - nous y étions encore cette nuit, nous y serons la nuit prochaine ainsi que trois nuits la semaine prochaine -, cette loi témoigne que la tradition ouverte par les grands textes d'orientation adoptés dans le passé reste vivante. Ainsi, je crois que ce n'est pas un hasard si agriculture et prospective font si bon ménage, ce dont les travaux de nos intervenants témoignent avec force et éclat.

Ce dont ils témoignent aussi, c'est que notre perception du futur est en train de changer de façon dramatique. Nous avons été saisis par une certaine angoisse au carrefour des années 2007-2008 avec des événements terribles, le retour des émeutes de la faim dont nous nous sommes demandés s'ils ne préfiguraient pas un avenir probable. Puis l'attention de la communauté internationale s'est portée sur d'autres problèmes : la crise économique et financière mais aussi la prospective du climat. Ces deux grandes crises méritent évidemment toute l'attention qu'elles ont mobilisée, mais nous avons un devoir de mémoire et celui-ci nous oblige à revenir à la crise alimentaire. Je dis bien crise alimentaire car, outre que plusieurs millions d'êtres humains vivent déjà concrètement dans leur chair les tourments de la faim, nous sommes dans cet instant très particulier de dilemme, qui est une crise. On peut aller vers une sorte de renaissance ou au contraire vers l'effondrement. Nous savons que nous sommes à ce tournant grâce aux travaux des prospectivistes. On dit souvent que la prospective permet d'allonger la vision en ce qu'elle tient compte du temps long. Je vois dans les prospectives de l'agriculture et de l'alimentation la manifestation d'un effet associé à ce processus et qui va dans un sens tout à fait inverse, celui d'un raccourcissement du temps. Lorsqu'on braque sa longue vue sur le futur, celui-ci se rapproche parce qu'il est alors doté d'une très grande présence, présence des événements à venir, présence du futur dans l'actuel. Au fond, la prospective, c'est l'actualisation du futur. C'est à cette actualisation que je vous remercie d'avoir bien voulu contribuer par votre participation à nos travaux de cette matinée dont maintenant Yvon Collin, qui est rapporteur, va vous parler plus amplement.

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