C. DES FRAGILITÉS STRUCTURELLES PERSISTANTES

1. Des évolutions démographiques inquiétantes

Face à un pays comme la France, dont les statistiques en matière de démographie la placent aux avant-postes de l'Europe, l'Allemagne connaît des évolutions extrêmement préoccupantes pour le long terme.

Ainsi, chaque année, elle enregistre environ 200 000 naissances de moins que notre pays . Le nombre d'enfants par femme y est bloqué à 1,4 , contre 2 en France. A évolution constante, les deux populations , dont la différence est tout de même de 17 millions de personnes aujourd'hui (82 millions pour l'Allemagne, contre 65 pour la France) devraient s'égaliser au milieu du siècle à venir .

A ce trait quantitatif s'ajoute, naturellement, une évolution qualitative liée au vieillissement de la population germanique, que connaît d'ailleurs également notre pays. En 2060, les plus de 60 ans représenteront près de 40 % outre-Rhin, contre 26 % aujourd'hui.

Ce déclin et ce vieillissement démographiques ont un effet positif à très court terme, puisqu'ils contribuent mécaniquement à modérer le taux de chômage. Cependant, ils entraîneront nécessairement, à moyen terme, une baisse progressive des recettes fiscales et une forte augmentation des coûts de la sécurité sociale . Or, ces tendances ne pourront être contrebalancées que de façon lente, et au moyen de politiques volontaristes et impopulaires.

2. Un secteur financier restant à consolider

Concernant le secteur financier, les besoins de recapitalisation des banques allemandes sont importants : selon le stress-test mené par l'ABE, ils s'élèvent à 13,1 milliards d'euros , dont 5,3 pour Commerzbank et 3,2 pour Deutsche Bank. Afin de satisfaire à cette exigence, les établissements de crédit envisagent trois solutions : la thésaurisation des bénéfices, l'augmentation des fonds propres et la vente d'actifs jugés non stratégiques ou trop risqués, essentiellement à l'étranger.

Malgré l'annonce d'un plan stratégique, Commerzbank, particulièrement concernée par les nouvelles exigences, pourra difficilement éviter une intervention de l'État ( via le fonds de sauvetage bancaire, Soffin, réactivé fin décembre). La commission européenne a par ailleurs validé fin décembre dernier le plan de démantèlement de la WestLB, concernant 4 400 salariés.

3. Une dette publique non encore maitrisée

Si les déficits publics décroissent à un rythme soutenu, l'Allemagne reste fortement endettée , à hauteur de 83,2 % de son PIB en 2010 .

Selon les experts, le déclin et le vieillissement démographique que connaît le pays auront pour conséquence, à moyen terme, de réduire substantiellement les rentrées fiscales et au contraire d'augmenter les dépenses publiques, ce qui aura un impact fortement négatif sur l'état de la dette.

A court terme cependant, les perspectives sont meilleures , du fait du retour de la croissance et de la hausse des recettes publiques. Ainsi, la dette a diminué en 2011 , à 81,7 % du PIB selon la Commission européenne, tandis que les excédents primaires dégagés par le pays d'ici 2015 auraient pour effet de la ramener à 75,5 % du PIB à cette échéance.

4. Une économie largement dépendante des partenaires européens

A l'inverse d'un pays comme la France, la croissance allemande a traditionnellement été « tirée » par les exportations , notamment des biens industriels, bien davantage que par la demande interne.

Une telle structuration peut être considérée favorablement dans une conjoncture positive de croissance généralisée chez les pays partenaires. En revanche, lorsque la conjoncture se retourne et que lesdits pays sont affectés par une stagnation, voire une récession, c'est la « machine économique » toute entière qui risque de se gripper.

Or, l'Allemagne est très largement orientée vers les autres économies européennes , dont le « chemin de croissance structurelle » est aujourd'hui limité. Trois de ses quatre premiers clients sont ainsi européens : la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, et le pays réalise 40 % de ses exportations vers la zone euro. Il en résulte une croissance à la fois plus volatile et cyclique que certains de ses voisins.

La grave crise qui a affecté ces derniers, et plus généralement les économies occidentales, début 2008, s'est directement propagée en Allemagne, où la croissance n'est repartie en 2009 qu'en réponse à la reprise de la demande externe, ainsi qu'à la nécessité de reconstituer les stocks. De plus, l' intensité de la récession y a été plus importante que dans notre pays : la croissance allemande avait accusé un recul de 4,7 %, contre seulement 1,7 % en France.

Cette dépendance importante de l'Allemagne à l'égard de l'extérieur, et plus particulièrement de ses partenaires européens les plus proches, reste vérifiable mais tend à s'amoindrir, au moins ponctuellement. Ainsi, les bons chiffres de croissance enregistrés en 2011 reposent-ils majoritairement sur la demande intérieure : consommation des ménages et, dans une moindre mesure, investissements des entreprises. Cette année a même été, selon la fédération allemande pour les chambres de commerce, la meilleure pour la consommation des ménages depuis dix ans.

Du fait des bons résultats économiques enregistrés depuis plusieurs mois, de nombreuses branches sont entrées en négociation salariale et se fait jour un rééquilibrage , dans la composition de la croissance, entre la part des exportations et celle de la demande intérieure, qui contribuent désormais à respectivement un tiers et deux-tiers de l'augmentation du PIB.

La pérennité de cette reprise dépend toutefois « de manière décisive de la croissance et de la stabilité des partenaires européens », indique un rapport du ministère allemand de l'économie de janvier 2012, qui ajoute que le pays devra veiller à voir « ses forces de croissance se déplacer de plus en plus vers la demande intérieure », en particulier la consommation des ménages.

Page mise à jour le

Partager cette page