B. UNE BONNE SANTÉ ÉCONOMIQUE OBTENUE AU « PRIX FORT »

1. Une austérité budgétaire reconduite

Les efforts budgétaires consentis par l'Allemagne pour « apurer » ses comptes risquent forts d'être reconduits jusqu'à ce que l'équilibre soit atteint.

Ainsi, la loi de finances pour 2012 , adoptée le 25 novembre 2011, prévoit une stabilisation des dépenses à 306,2 milliards d'euros pour 2012. Si la recherche et l'enseignement supérieur voient leurs crédits augmenter substantiellement (+ 10 %), tous les financements des autres postes ministériels sont gelés ou réduits.

Ce nouvel effort devrait permettre de contenir le déficit à 26,1 milliards d'euros, soit un niveau largement inférieur aux 40,1 milliards d'euros initialement prévus par le programme de financement pluriannuel 2012-2015.

2. Le creusement des inégalités sociales

Jusqu'à ce que la crise advienne, l'Allemagne était le pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) où la pauvreté avait le plus augmenté depuis 2008. Face à une France qui a fait le choix de conserver, autant que possible, les acquis sociaux de ses salariés, au risque de « créer du chômage », l'Allemagne est couramment présentée comme ayant fait un choix inverse : flexibiliser le marché du travail pour favoriser un accès aussi large que possible à l'emploi, au risque que ce dernier ne soit pas d'une qualité remarquable .

Quelques chiffres permettent de mieux apprécier cet état de fait, qui s'étend à la fois au niveau de rémunération et à la nature des emplois occupés.

S'agissant des revenus , selon les statistiques d'Eurostat, 15 % de la population allemande disposait en 2008 de moins de 60 % du revenu médian de la population, contre 13 % de la population française. Selon l'institut économique DIW, 5,8 millions de personnes travaillaient en 2010 pour un salaire horaire inférieur à 8,5 euros de l'heure. Enfin, de 1998 à 2010, le pouvoir d'achat de chaque salarié a baissé de 1 % en Allemagne, tandis qu'il a progressé de 18 % en France.

Pour ce qui est de la qualité des emplois occupés, elle s'est dégradée fortement au cours de la dernière décennie. Selon le syndicat IG Metall, en 2010, 43 % des emplois créés étaient des contrats intérimaires, 42 % des contrats à durée déterminée (CDD) et seulement 15 % des contrats à durée indéterminée (CDI). La France, où la moitié de la population active bénéficie d'un CDI, paraît mieux lotie à cet égard, sachant toutefois qu'elle partage avec l'Allemagne sur le long terme cette tendance générale à la précarisation des différentes formes de travail.

3. La responsabilité discutée du « paquet Hartz »

Le paquet de réformes dit « Hartz » est couramment présenté comme étant à l'origine de ces évolutions. Si ses effets sur l'emploi ont été globalement positifs en volume 2 ( * ) , une analyse plus qualitative fait ressortir une dégradation des conditions d'emploi . Ainsi, la majorité des emplois créés est constituée d'emplois atypiques, à temps partiel. Par ailleurs, la modification de la législation sur les « mini jobs » a conduit à évincer en partie les emplois soumis à des cotisations sociales.

De nombreux organismes et personnalités ont remis en cause l'opportunité de telles réformes et ont alerté sur la « casse sociale » qu'elles entraîneraient .

D'un point de vue purement juridique , la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a estimé que certaines mesures - organisation du service public de l'emploi en guichet unique et mode de calcul de l'indemnisation des chômeurs percevant l'ALG II - heurtaient des principes constitutionnels et devaient être revues.

Mais surtout, les réformes « Hartz » sont au coeur de débats politiques allant du risque de « trappe à inactivité » à celui de pauvreté. D'un côté, le parti libéral (FDP) pointe le faible écart entre rémunération du travail et ALG III, en particulier pour les secteurs à bas salaire pour lesquels il n'existe pas de salaire minimum de branche, comme dans l'hôtellerie.

De l'autre, le « paquet Hartz » est perçu comme responsable de l' appauvrissement général de la population active . Selon l'institut IAB, la seule loi « Hartz IV » s'est traduite par une diminution des revenus pour 57 % des bénéficiaires de l'ALG II, et par une diminution moyenne de 20 % des revenus.

Cela vaut en particulier pour les personnes âgées , qui bénéficiaient auparavant d'une prestation d'assistance-chômage élevée. Pour 17 % de leurs anciens bénéficiaires, les nouvelles conditions prévues pour la perception de l'ALG II ont conduit à la suppression de toute prestation, plus encore pour les couples.

En réponse à ces critiques, des améliorations ont été apportées au système « Hartz IV », qu'il s'agisse du relèvement de la prestation forfaitaire à l'Est, de la prise en compte de la couverture de besoins particuliers, du relèvement des plafonds de patrimoine ou encore de l'augmentation progressive et limitée du montant forfaitaire de l'ALG II.


* 2 Voir supra .

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