3. Privilégier la sécurité
a) Réserver les actes présentant des risques sérieux aux médecins qualifiés

Le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les règles de formation et de qualification applicables aux personnes habilitées à exécuter des interventions à visée esthétique. Créé par l'article 61 de la loi « HPST » 92 ( * ) , l'article L. 1151-2 du code de la santé publique dispose que « la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant de l'article L. 6322-1 [interventions de chirurgie esthétique] peut, si elle présente des risques sérieux pour la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par décret, relatives à la formation et la qualification des professionnels pouvant les mettre en oeuvre, à la déclaration des activités exercées et à des conditions techniques de réalisation » . Il prévoit également que l'exécution de ces actes « peut également être soumise à des règles de bonnes pratiques de sécurité fixées par arrêté du ministre chargé de la santé » .

Le ministère de la santé travaille, à l'heure actuelle, à l'élaboration, en collaboration avec les représentants du secteur, d'un projet de décret relatif aux actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique présentant des risques sérieux pour la santé, autres que la chirurgie esthétique. Le précédent gouvernement avait envisagé d'insérer dans la partie réglementaire du code de la santé publique un ensemble de dispositions relatives à l'encadrement des « actes à visée esthétique présentant des risques sérieux réservés aux médecins » . Le but de ces dispositions aurait été de réserver aux seuls médecins la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique présentant des dangers sérieux pour la santé dès lors qu'elle a pour objet :

« 1° Le comblement de toute partie du corps par injection de produits ou utilisation de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« Le comblement de toute partie du corps concerne toute action qui vise à redonner du volume ou à redessiner des volumes pour corriger l'apparence physique ;

« 2° L'amincissement par utilisation de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« L'amincissement concerne toute action qui vise à affiner la silhouette ;

« 3° Le traitement des lésions cutanées par utilisation de produits à l'exclusion des produits cosmétiques mentionnés à l'article L. 5131-1 du code de la santé publique, de dispositifs, techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« Le traitement des lésions cutanées ayant un retentissement esthétique concerne toute action qui vise à effacer ou à atténuer les cicatrices, les lésions vasculaires, les taches pigmentaires, les vergetures ou réaliser un détatouage ;

« 4° L'épilation par utilisation de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« L'épilation concerne toute action qui vise à éliminer, temporairement ou définitivement les poils sur un corps humain ;

« 5° Le traitement des rides par injection ou application de produits à l'exclusion des produits cosmétiques mentionnés à l'article L. 5131-1 du code de la santé publique ou utilisation de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« Le traitement des rides concerne toute action qui vise à atténuer les sillons à la surface de la peau ;

« 6° Le traitement des calvities ou des alopécies par injection de produits ou utilisation de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« Le traitement des calvities ou des alopécies concerne toute action qui vise à freiner la chute, stimuler la repousse ou réimplanter des follicules pileux ;

« 7° Le tatouage médical par utilisation de produits, de dispositifs, de techniques, de rayonnements électromagnétiques ou d'ultra-sons.

« Le tatouage médical concerne toute action qui vise à redonner une pigmentation normale de la peau. »

Il est urgent d'établir une liste d'interventions à visée esthétique dont le degré de dangerosité et la nature des compétences requises pour leur exécution justifient leur pratique par des médecins préalablement formés. Afin de ne pas être rapidement rendue obsolète par l'évolution des techniques, cette liste devra se fonder sur les finalités des interventions et être périodiquement réactualisée.

Proposition n° 28 :
Fixer par décret la liste des interventions à visée esthétique ne pouvant être exécutées que par des médecins dûment qualifiés

b) Encadrer strictement le recours par les esthéticiennes à certains dispositifs à visée esthétique

L'arrêté du ministre chargé de la santé, en date du 6 janvier 1962, a fixé la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des docteurs en médecine. Cette liste mentionne « tout mode d'épilation » , à l'exception des « épilations à la pince ou à la cire » . Or un grand nombre d'esthéticiennes proposent désormais à leurs clients des séances d'épilation utilisant des lampes à lumière pulsée.

Certains de ces appareils sont désormais en vente libre et si leur puissance est pour l'instant différente de celle des lampes à usage médical, nul ne peut garantir qu'il en sera ainsi à l'avenir. Il serait pour le moins paradoxal de maintenir l'interdiction faite à des personnes formées d'effectuer des actes que tout un chacun peut librement réaliser à son domicile.

A l'inverse, au nom des impératifs de santé publique, la mission considère qu'il convient d'encadrer strictement les conditions dans lesquelles les professionnels de l'esthétique pourraient être autorisés à pratiquer la photodépilation par lumière pulsée.

Proposition n° 29 :
Encadrer strictement le recours par les esthéticiennes
à certains dispositifs à visée esthétique

Cette autorisation devrait être assortie de conditions strictes en matière de transparence de l'information du patient, d'hygiène et de sécurité :

- préalablement à toute séance de photodépilation par lumière pulsée au sein d'un centre esthétique, le client doit être en possession d'une attestation dermatologique déclarant sa peau saine ;

- l'esthéticienne doit apporter la preuve d'une formation adéquate à la technologie de la photodépilation par lumière pulsée et d'une connaissance solide des précautions d'emploi des équipements et d'administration des traitements ainsi que des risques et événements indésirables potentiels ;

- l'intensité maximale des appareils de photodépilation destinés à un usage non médical doit être limitée en fixant une norme générale en la matière ;

- les informations relatives aux traitements et aux zones concernées doivent être consignées dans un dossier remis au client afin que celui-ci puisse garder la trace de ces interventions et en informer les professionnels auxquels il s'adressera par la suite, ces informations étant cruciales pour permettre au professionnel de déterminer l'état d'avancement d'un traitement épilatoire à la lumière pulsée et d'évaluer le nombre de séances restantes nécessaires ;

- le client doit manifester son consentement par écrit en signant un formulaire comprenant l'ensemble des explications relatives à la procédure.

c) Interdire les cabines de bronzage hors usage médical pour éviter un futur scandale sanitaire

L'assimilation d'une peau bronzée à la santé est profondément ancrée dans l'esprit de nos contemporains. L'utilisation des lampes UV à des fins esthétiques n'est aujourd'hui interdite qu'au Brésil. Elle le sera en 2014 en Nouvelle-Galles du Sud, l'Etat le plus peuplé d'Australie.

Les tenants du bronzage en cabine expliquent que l'éducation à la santé et la prévention constituent le meilleur remède à la multiplication des pathologies associées au « soleil artificiel ». Et si cet argument ne suffisait pas, ils ajoutent souvent qu'il favorise la synthèse de la vitamine D, dont la carence affecte la majorité de la population française en hiver. Par le passé, ils ont su trouver d'autres arguments pour présenter les bienfaits supposés du bronzage artificiel, par exemple le fait que les lampes utilisées ne délivrent que des UVA, considérés comme moins dangereux.

L'Institut national du cancer (INCa) a récemment consacré plusieurs études au sujet. Toutes confirment la nocivité du bronzage en cabine. Après un premier rapport en 2010 93 ( * ) , l'institut concluait ainsi un rapport de juillet 2011 94 ( * ) réalisé dans le cadre du Plan cancer 2009-2013 : « La pratique du bronzage par UV artificiels présente un risque cancérogène avéré pour la peau. Ainsi, en l'état actuel des connaissances scientifiques, le rapport bénéfices-risques des expositions répétées aux UV artificiels délivrés par les appareils de bronzage UV ne peut donc être que négatif et en défaveur des UV artificiels. »

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a établi, sur la base des données épidémiologiques les plus récentes, l'existence d'une relation entre risque de mélanome et exposition aux UV artificiels. En conséquence, il a ajouté, en 2009, les UV artificiels (UVA et UVB) à la liste des cancérogènes pour l'homme, au même titre que le rayonnement solaire.

Selon l'INCa, au vu des mêmes résultats scientifiques, il n'est pas possible de déterminer une fréquence minimum pour laquelle l'exposition aux lampes UV est sans risque. Celle-ci n'entraîne aucun bénéfice pour la santé : elle ne prépare pas la peau au soleil, ne permet pas ou très peu la production de vitamine D et entraîne un vieillissement cutané prématuré . De plus, les mêmes travaux démontrent que l'affirmation, avancée par certaines études américaines, selon laquelle les UV auraient un effet protecteur sur l'incidence de certains cancers non cutanés, ne repose pas sur des bases scientifiques solides.

La mission première des pouvoirs publics est de protéger la santé de nos concitoyens de dangers sanitaires avérés. C'est bien le cas des UV artificiels, en dehors des quelques usages médicaux pour lesquels ils peuvent être prescrits (traitement de certaines formes d'acné ou de psoriasis). Faute de le faire, il leur faudra assumer toutes les conséquences de leur inaction, lorsque, d'ici à vingt ans, le laxisme actuel se traduira par un surcroît de pathologies cutanées.

Proposition n° 30 :
Interdire les cabines de bronzage hors usage médical
pour éviter un futur scandale sanitaire


* 92 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, précitée.

* 93 INCa, « Installations de bronzage UV, état des lieux des connaissances sur les risques de cancer », avril 2010.

* 94 INCa, « UV (artificiels et solaires), vitamine D et cancers non cutanés », juillet 2011.

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