2. Assurer la transparence de l'information sur les actes à finalité esthétique

L'importance du thème de l'esthétique dans la ligne éditoriale de la presse magazine ainsi que la multiplication des sites d'information sur les différentes méthodes morpho-esthétiques et anti-âge sur Internet participent d'un vaste mouvement de vulgarisation des connaissances sur les techniques de correction de l'apparence et de rajeunissement, qu'elles soient chirurgicales ou non. Mésothérapie, « vampire lift » , laser fractionné, cryothérapie, dermabrasion, laser-abrasion, lyse adipocytaire, liporéduction, électro-lipolyse, lipocryolyse, carboxythérapie, radiofréquence, micro-courants anti-âge, photoréjuvénation, luxopuncture, éveinage : la liste des interventions à visée esthétique est inépuisable . Une simple recherche en ligne portant sur l'une de ces techniques produit une multitude de résultats parmi lesquels il est difficile, pour le grand public, de faire la part entre information purement commerciale et documentation solide sur le plan scientifique.

L'abondance de l'information relative aux actes à visée esthétique disponible dans la presse et sur Internet tranche avec l'absence de données officielles concernant le nombre de médecins et de professionnels de l'esthétique autorisés à les exécuter. Hormis les chirurgiens esthétiques, il n'existe pas, pour l'heure, de système de déclaration d'activité des médecins pratiquant des interventions à visée esthétique , que ce soit auprès du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) ou du ministère de la santé. En outre, en l' absence d'une réelle cotation des actes de médecine esthétique , qui échappent logiquement à la nomenclature de l'assurance maladie, il n'est pas possible de recenser les actes effectués par les différents médecins concernés.

Face à la profusion des messages à caractère commercial émanant des professionnels du secteur de l'esthétique et des fabricants de produits et dispositifs à visée esthétique, la mission estime indispensable, dans un premier temps, de créer les conditions d'un accès du grand public à une information indépendante et transparente , diffusée sur une plateforme numérique qui serait cogérée par la HAS (plus particulièrement par la CNEDiMTS, sa commission spécialisée dans les dispositifs médicaux et les techniques médicales) et l'ANSM, destinée à regrouper l'ensemble des informations susceptibles de démontrer la qualité des actes à visée esthétique et de leurs outils et de préciser les risques qu'ils représentent 91 ( * ) .

Dans un contexte de développement du tourisme esthétique, cette plateforme aura également vocation à informer le grand public des précautions et des mises en garde à observer dans le cadre de soins esthétiques effectués à l'étranger.

Le développement du tourisme esthétique

Compte tenu de la réputation de son système de soins hospitaliers et de la qualité de la formation de ses médecins, la France constitue traditionnellement une destination pour le tourisme chirurgical. Depuis quelques années, un flux inverse est apparu. De plus en plus de Français se tournent vers des cliniques situées à l'étranger pour faire réaliser des interventions de chirurgie esthétique. La motivation des intéressés tient essentiellement au prix des interventions pratiquées à l'étranger, parfois trois fois moindre qu'en France.

Les charges de structure étant bien moins élevées, la facture finale est donc plus faible. En outre, un chirurgien esthétique travaille, en France, avec toute une équipe et une infrastructure soumises à des conditions strictes d'hygiène et de sécurité, contrôlées dans le cadre d'accréditations et d'inspections sur site.

Par ailleurs, les soins postopératoires sont incontournables dans des pays soumis à des réglementations strictes et représentent, potentiellement, des coûts considérables. L'absence de suivi et de correction éventuelle pour les opérations low cost réalisées à l'étranger diminue la facture globale de 30 %. Enfin, des formules « tout compris » permettent de prolonger le séjour au bord de la piscine d'un hôtel attenant à la clinique de chirurgie esthétique, voire à la plage, au mépris des règles de comportement postopératoire. Bien évidemment, une fois rentré en France, le client ne bénéficie d'aucun suivi particulier : il ne peut revenir en consultation après l'opération.

Les démarchages pour des séjours « esthétiques » à l'étranger, auprès des demandeurs de soins esthétiques, se multiplient, dans des formes publicitaires de plus en plus agressives, en particulier sur Internet. L'interdiction, en France, de la publicité pour la chirurgie esthétique ne vaut que pour les installations autorisées en France. Les cliniques situées à l'étranger sont évidemment libres de toute règle lorsqu'elles diffusent des publicités sur Internet.

Proposition n° 25 :
Mettre en ligne l'ensemble des informations sur le rapport bénéfices-risques des produits et dispositifs à finalité exclusivement esthétique

Lors de son audition par la mission, M. Jean-Luc Harousseau, président de la HAS, regrettait le manque de données et d'essais cliniques concernant les interventions à visée esthétique : « nous ne pouvons nous appuyer que sur quelques publications scientifiques, sur les rapports de sinistralité des assureurs, sur les données éventuelles de cosmétovigilance ou de pharmacovigilance, sur l'expérience internationale, et, éventuellement, sur les réseaux de vigilance des sociétés professionnelles » . Dans ces conditions, lorsqu'elle est conduite à formuler un avis sur certains actes à visée esthétique, sur le fondement de l'article L. 1151-3 du code de la santé publique, la HAS ne peut invoquer, bien souvent, qu'une suspicion de danger grave basée sur le mode d'action potentiel des techniques invasives. Cette difficulté a trouvé une nouvelle illustration lorsque le Conseil d'Etat, appelé à statuer sur la régularité du décret d'avril 2011 visant à interdire les techniques de lyse adipocytaire, a considéré, dans sa décision du 17 février 2012, que la dangerosité des techniques non invasives n'était pas suffisamment établie sur le plan scientifique.

Les actes à visée esthétique doivent répondre aux mêmes exigences que celles applicables aux interventions thérapeutiques. C'est pourquoi la mission propose la mise en place de prérequis expérimentaux et d'études cliniques afin d' évaluer scientifiquement le rapport entre les bénéfices attendus, les risques encourus e t l'incertitude quant au résultat acceptable associé à une technique d'intervention à visée esthétique présentant un danger potentiellement grave pour la santé humaine, au sens de l'article L. 1151-3 du code de la santé publique. Ces données doivent être rendues publiques par la HAS lorsque celle-ci est appelée à rendre des avis d'interdiction ou de levée d'interdiction concernant des actes à visée esthétique, en vertu de ce même article.

Proposition n° 26 :
Rendre publiques toutes les informations sur le rapport bénéfices-risques
des interventions esthétiques

Il appartiendra à l'ANSM de garantir la mise à la disposition des professionnels de santé, des professions non médicales du secteur de l'esthétique et du grand public, l'ensemble des informations relatives à l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation des produits et dispositifs à finalité exclusivement esthétique. L'existence de ces données d'évaluation est bien sûr conditionnée à la mise en oeuvre du marquage CE spécifique - proposé par la mission - pour les produits et dispositifs à visée esthétique, qui suppose la conduite préalable d'études cliniques rigoureuses sur le plan scientifique.

Le développement d'une démarche d'évaluation des bénéfices et des risques qui s'attachent à l'utilisation d'un produit esthétique pose la question de sa composition. Il n'existe aucun référentiel transparent sur les éléments, substances et matériaux autorisés à entrer dans la composition des produits et dispositifs à visée esthétique. Or les professionnels, qui les achètent, doivent pouvoir accéder, au-delà des seules informations publicitaires transmises par les fabricants, à une information indépendante sur les composants autorisés et non autorisés dans leur production. L'ANSM doit donc établir une liste des composants ne présentant pas de danger pour la santé et à même d'entrer dans la fabrication des produits et dispositifs à visée esthétique.

Proposition n° 27 :
Etablir une liste des matières premières, des substances et des composants autorisés pour la fabrication de produits et de dispositifs à visée esthétique


* 91 A titre d'exemple, l'Etat de Victoria, en Australie, a mis en place, à partir de 2008, une rubrique spécifiquement consacrée aux interventions à visée esthétique au sein du site d'information indépendant « Better Health Channel » : elle permet l'accès à un ensemble d'informations dont la qualité est certifiée par un comité d'experts indépendants .

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