6. Revoir les modalités de l'évaluation et de la surveillance clinique des dispositifs médicaux implantables avant et après leur commercialisation

Alors que le marquage CE constitue avant tout une garantie de conformité des dispositifs médicaux avec des règles de sécurité et de fabrication, tous les acteurs du secteur s'accordent sur la nécessité de renforcer l'évaluation de ces produits de santé par la systématisation des études réalisées après leur mise en vente.

Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Comme on l'a vu précédemment, la directive 2007/47/CE du 5 septembre 2007 a complété la directive de 1993 en rendant obligatoires les investigations cliniques pour les dispositifs médicaux implantables ainsi que pour ceux de classe III, « sauf si le recours aux données cliniques existantes peut être dûment justifié » (annexe X de la directive 93/42, §1.1 bis ; article R. 5211-36-2 du code de la santé publique). Malheureusement, le droit en vigueur est souvent méconnu et mal appliqué.

a) Corriger les ambiguïtés de la réglementation européenne

Jean-Luc Harousseau l'a déploré lors de son audition : « les essais cliniques, que la directive 2007/47/CE encourage pour les dispositifs de classe III, se mettent en place lentement, les produits étant souvent fabriqués par des toutes petites entreprises pour des publics très ciblés. [...] Il faudrait inciter, plus que ne le fait la directive, les industriels à lancer des études » . En l'absence de lignes directrices claires, leurs termes sont négociés entre le fabricant et l'organisme notifié qui examine son dossier. Les autorités nationales de régulation du secteur, comme l'ANSM en France, n'ont pas directement accès à ces données et ne peuvent pas s'assurer que les études sont réalisées selon un protocole scientifiquement irréprochable. Elles ne connaissent pas non plus le plan de surveillance établi par le fabricant afin d'obtenir sa certification CE.

Dans ces circonstances, il est regrettable de constater que les dispositions de l'annexe X de la directive 93/42, qui définit les modalités de l'évaluation clinique obligatoire pour les dispositifs médicaux implantables, soient de manière quasi systématique contournées par les fabricants et interprétées de telle sorte qu'ils soient exonérés de leurs obligations. En effet, ce texte prévoit que les investigations cliniques doivent être réalisées « sauf si le recours aux données cliniques existantes peut être dûment justifié » (§ 1.1 bis ). Malheureusement, aucun contrôle n'est effectué sur le recours à cette alternative qui aurait dû, dans l'esprit du texte, rester l'exception . La mauvaise application de cette réglementation lui ôte toute sa force. De plus, l'évaluation clinique a un caractère souvent biaisé lorsqu'elle est réalisée par des experts rémunérés par les industriels.

Il est donc indispensable que, dans le cadre de la refonte de la réglementation européenne qui s'annonce, les obligations en matière d'évaluation clinique soient précisées et rendues plus contraignantes. D'ores et déjà, les organismes notifiés pourraient se montrer plus exigeants au niveau de l'évaluation des données de conception des dispositifs médicaux implantables . La démarche d'évaluation de la performance clinique d'un dispositif médical par son fabricant devrait être soumise au régulateur. Afin de s'assurer de la qualité de l'expertise scientifique, il serait même souhaitable de mettre en place une double validation, par l'organisme notifié puis par l'autorité nationale compétente, des données cliniques avant la délivrance du marquage CE .

La procédure d'évaluation clinique par équivalence, basée sur la littérature scientifique existante, devrait être mieux encadrée afin qu'elle cesse d'être celle choisie dans près de 90 % des cas . L'organisme notifié et le régulateur devraient pouvoir demander plus de détails au fabricant sur la méthodologie utilisée et vérifier qu'elle est applicable à chaque cas d'espèce.

Surtout, il convient de mieux encadrer la notion même d'équivalence, afin d'éviter un « effet domino » qui permet aujourd'hui à des fabricants, par une suite d'équivalences successives, de considérer que la littérature scientifique relative à un dispositif médical existant est pertinente pour évaluer le comportement d'un nouveau produit sensiblement différent. Il faudrait donc définir clairement les critères permettant de l'apprécier et de la restreindre à une équivalence en lien direct entre deux dispositifs médicaux précis. Afin de garantir incontestablement le sérieux scientifique de cette voie d'évaluation et renforcer son bien-fondé, elle devrait être limitée aux cas où le dispositif médical auquel le fabricant prétend que son produit est équivalent a lui-même fait l'objet d'investigations cliniques avant sa commercialisation .

Proposition n° 20 :
Limiter « l'effet domino » en définissant plus précisément l'équivalence
pouvant être acceptée entre deux dispositifs médicaux
pour satisfaire à l'obligation d'évaluation clinique

Proposition n° 21 :
Imposer que le dispositif médical auquel un nouveau produit est présenté comme équivalent ait lui-même fait l'objet d'investigations cliniques

Les mesures proposées par la mission d'information visent à mettre un terme à des pratiques et des comportements, de la part des fabricants, des organismes notifiés et des autorités nationales, qui ont eu pour conséquence de rendre quasi inopérantes, dans les faits, les dispositions de la réglementation européenne relatives à l'évaluation clinique des dispositifs médicaux implantables.

Profitant des imprécisions du texte et du peu d'empressement des certificateurs et des régulateurs à s'assurer de sa bonne application, les producteurs ont réussi jusqu'à présent à s'affranchir de leurs obligations en ayant massivement recours à la voie la moins contraignante qui, si elle peut être justifiée dans certaines situations spécifiques, devrait néanmoins rester exceptionnelle. C'est pourquoi, pour des raisons qui tiennent à la surveillance du marché, à la protection de la santé publique et au développement de l'expertise scientifique dans le domaine des dispositifs médicaux implantables, il est nécessaire de renforcer les contrôles et de clarifier les textes afin d'affirmer sans aucune ambiguïté que des essais cliniques scientifiquement crédibles et impartiaux doivent constituer une obligation préalable à la commercialisation des dispositifs médicaux implantables.

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