N° 656

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux dépenses de l' assurance maladie hors prise en charge des soins ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Rapporteur général.

(1) Cette mission est composée de : M. Yves Daudigny, président ; MM. Alain Milon, Jacky Le Menn, vice-présidents ; MM. Gilbert Barbier, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, secrétaires ; Mmes Annie David, Jacqueline Alquier, M. Jean-Noël Cardoux, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Godefroy, Mme Chantal Jouanno, M. Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Pasquet et M. René-Paul Savary.

(2) Cette commission est composée de : Mme Annie David, présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Répondant à une demande de la commission des affaires sociales du Sénat en date du 2 décembre 2010, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur les dépenses de la branche maladie du régime général ne correspondant pas, stricto sensu , à des remboursements de soins, ni à des charges de gestion administrative.

Ventilées entre différents postes budgétaires, ces dépenses « hors soins » ne sont pas toujours facilement identifiables dans les comptes de l'assurance maladie. Il paraissait nécessaire de les cerner de manière plus précise et d'en établir le poids financier, afin de mesurer leur contribution à la progression des dépenses sociales, d'évaluer leurs modalités de contrôle et de régulation et, le cas échéant, d'apprécier le bien-fondé de leur imputation à l'assurance maladie.

Près de 90 % des dépenses de la branche maladie du régime général résultent du paiement des prestations légales. Parmi les dépenses restantes, les transferts à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) tiennent une part prépondérante et correspondent également à la prise en charge de soins réalisés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux au profit de personnes âgées et de personnes handicapées.

De l'ordre de 6 à 6,5 milliards d'euros par an, les dépenses autres que les soins ne représentent donc qu'une part réduite, inférieure à 5 %, des charges de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Encore faut-il préciser qu'environ la moitié d'entre elles financent les prestations d'autres régimes, à travers les mécanismes de compensation démographique.

Ces dépenses de nature très diverses se rangent, par volumes financiers décroissants, en quatre catégories :

- les transferts à d'autres régimes au titre de la compensation démographique (plus de 3 milliards d'euros) ;

- la prise en charge d'une partie des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (2 milliards d'euros, dont 1,8 milliard à la charge du régime général) ;

- des participations au financement de fonds ou établissements nationaux intervenant en matière de santé publique, d'optimisation du système de soins et de modernisation du secteur hospitalier (près de 1 milliard d'euros) ;

- des actions de la Cnam ne constituant pas des prestations obligatoires (600 millions d'euros), comme l'action sanitaire et sociale des caisses primaires ou les actions de prévention.

La Cour des comptes constate qu'en dix ans les dépenses autres que les soins ont augmenté de 22 %, soit deux fois moins que les prestations, en progression de 50 % sur la même période. Ces charges n'ont donc pas eu d'impact déterminant sur le niveau d'évolution des dépenses d'assurance maladie ces dernières années. Leur montant est néanmoins suffisamment significatif pour justifier un examen attentif.

De l'enquête de la Cour des comptes, votre rapporteur général retient deux éléments principaux.

Premièrement, la Cnam contribue au financement de plus d'une vingtaine de fonds ou organismes extérieurs. Ces dépenses se caractérisent par des variations annuelles sensibles. Elles vont parfois au-delà des stricts besoins des fonds et organismes concernés, leur procurant une trésorerie avantageuse. Le partage du financement avec l'Etat n'obéit pas toujours à des règles claires. Plusieurs participations de la Cnam qui ne sont pas incluses dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) augmentent rapidement.

Votre rapporteur général appuie les recommandations de la Cour des comptes visant à clarifier et rationaliser les principes régissant ces contributions de l'assurance maladie. Celles-ci devraient systématiquement faire l'objet d'une programmation pluriannuelle et la Cnam devrait être mieux associée au pilotage des actions des organismes qu'elle finance.

Deuxièmement, la prise en charge par la Cnam des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés du secteur 1 représente une dépense proche de 2 milliards d'euros par an qui progresse à un rythme soutenu. La Cour des comptes constate que ce dispositif n'a guère freiné le développement du secteur 2 où s'accentuent les dépassements d'honoraires. Elle regrette que cette contribution non négligeable au revenu des professionnels de santé ne soit pas davantage utilisée comme levier au bénéfice de l'assurance maladie et des patients. Elle suggère que la prise en charge des cotisations fasse l'objet d'une modulation géographique, en vue de contribuer à une meilleure répartition territoriale des praticiens.

Tout en étant conscient de l'intérêt de cette proposition de la Cour des comptes, mais aussi des risques qu'elle pourrait entraîner en termes d'accès aux soins aux tarifs opposables, votre rapporteur général estime nécessaire de réexaminer l'ensemble des paramètres propres à garantir une meilleure répartition territoriale des médecins et une limitation des dépassements d'honoraires.

Le présent rapport vise à rendre publique l'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat. Il est précédé des observations de votre rapporteur général sur les principales conclusions auxquelles elle est parvenue.

CHARGES DE LA BRANCHE MALADIE DU RÉGIME GÉNÉRAL - hors provisions, hors charges de gestion courante (en millions d'euros)

(en grisé : dépenses étudiées dans l'enquête de la Cour des comptes)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Prestations légales

115 258

121 047

126 471

129 398

136 565

140 892

Soins des assurés à l'étranger

266

312

276

296

393

360

Action sanitaire et sociale

455

426

380

215

254

220

Actions de prévention

303

343

381

419

467

394

Transferts de compensation

3 022

3 305

2 899

3 038

3 155

3 367

Prise en charge cotisations

1 746

1 694

1 627

1 691

1 752

1 783

Subventions et participations

649

596

777

693

1 000

838

Transferts à la CNSA

9 425

10 077

10 961

11 933

12 879

Pertes sur créances irrécouvrables

893

965

996

1 781

1 072

1 135

Total

123 202

138 660

144 496

148 581

156 673

161 949

Source : Cour des comptes

I. LE FINANCEMENT PAR LA CNAM DE FONDS ET ORGANISMES EXTÉRIEURS : LA NÉCESSITÉ D'UN ENCADREMENT ET D'UN SUIVI PLUS STRICTS

La Cour des comptes a recensé vingt-cinq fonds et entités financés par la Cnam en 2010, dont cinq relèvent exclusivement de la branche accidents du travail et vingt concernent la branche maladie.

Cet inventaire permet de distinguer des dotations qui entrent dans le champ des dépenses d'assurance maladie, même si elles ne correspondent pas à des prestations au sens strict (Fiqcs et Fmespp), et des contributions au fonctionnement d'organismes ou établissements publics dont l'assurance maladie est souvent le financeur majoritaire, y compris lorsqu'ils n'ont qu'un lien très indirect avec ses propres missions et objectifs.

Au vu de l'enquête de la Cour des comptes, on constate la grande hétérogénéité des règles applicables à ces contributions , qu'il s'agisse de la détermination de leur montant, de leur part dans le financement des entités concernées ou de leurs modalités d'imputation dans les comptes de la Cnam. Il y a là un réel déficit de transparence à combler.

L'enquête soulève par ailleurs deux problématiques principales appelant de nécessaires corrections :

- la légitimité des contributions de la Cnam au regard de son degré d'influence sur l'action des organismes financés ;

- l'évolution parfois heurtée de contributions insuffisamment ajustées aux besoins réels des organismes .

A. DES CONTRIBUTIONS OBÉISSANT À DES RÈGLES HÉTÉROGÈNES, UN DÉFICIT DE TRANSPARENCE

Selon le bilan établi par la Cour des comptes, les contributions de la Cnam à des fonds et entités extérieurs se sont élevées à 959 millions d'euros en 2010 au titre de la branche maladie. Elles devraient dépasser 1 milliard d'euros en 2011.

Il s'agit d'un montant modeste au regard de l'ensemble des dépenses de la branche maladie du régime général (155 milliards d'euros), mais il a doublé depuis 2001 , du fait du nombre croissant d'organismes subventionnés , alors même que les déficits s'accumulaient au cours de la période.

Il importe toutefois d'opérer des distinctions, parmi ces contributions, en fonction de leur nature et de leur objet.

Le Fiqcs (fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins) et le Fmespp (fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés) sont intégralement financés par les régimes d'assurance maladie, tout en relevant de structures de gestion propres. Leurs dépenses entrent dans le champ de l'Ondam, en complément des dépenses de soins. Ils représentent à eux deux une part notable des contributions extérieures de la Cnam (35 % en 2010).

La contribution de la Cnam aux dépenses de gestion des agences régionales de santé (ARS) et à leurs actions de prévention représente elle aussi un poste important (143 millions d'euros en 2010).

Enfin, s'ajoutent des subventions de la Cnam à plus d'une quinzaine d'organismes parmi lesquels figurent :

- une autorité administrative indépendante , la Haute Autorité de santé (HAS) ;

- plusieurs établissements publics , l' Eprus (établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires), l' Oniam (office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales), l' Inpes (institut national de prévention et d'éducation pour la santé), l' Agence de la biomédecine , l' Atih (agence technique de l'information sur l'hospitalisation), le CNG (centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière) ;

- des groupements d'intérêt public , l' Anap (agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), l' INTS (institut national de la transfusion sanguine), Asip santé (agence des systèmes d'information partagés de santé), les Gip Sesame Vitale , MDS (modernisation des déclarations sociales) et IDS (institut des données de santé), auxquels il faut ajouter l' OGC (organisme gestionnaire conventionnel), organisme paritaire doté de la personnalité morale en charge de la formation médicale continue, qui a pris le statut de Gip en 2012 ;

- deux associations relevant de la loi de 1901 , le CGOS (centre de gestion des oeuvres sociales de la fonction publique hospitalière) et l' UNPS (union nationale des professionnels de santé).

Seules les contributions au Fiqcs et au Fmespp s'imputent sur l'Ondam .

La loi de financement de la sécurité sociale fixe chaque année le montant de la contribution des régimes d'assurance maladie au Fiqcs et au Fmespp, aux charges de gestion des ARS (et non à leurs actions de prévention), à l'Eprus et à l'Oniam. Un arrêté fixe ultérieurement les montants à la charge des autres régimes. Votre commission a toutefois constaté, à l'occasion de l'examen des PLFSS, que le Parlement ne disposait pas toujours des éléments d'information nécessaires , notamment sur l'exécution des budgets antérieurs, pour apprécier en toute connaissance de cause les montants soumis à son approbation.

Les autres types de subventions sont déterminés par voie d'arrêté ministériel ou de décision administrative, dans des conditions encore moins propices à la transparence de l'information.

NATURE DE LA CONTRIBUTION DE LA CNAM

MONTANT 2010

(en millions d'euros)

Dépenses d'assurance maladie incluses dans l'Ondam

Fiqcs

201,0

Fmespp

135,6

Contribution aux ARS

143,5

Subventions

HAS

23,6

Eprus

144,0

Oniam

59,3

Inpes

58,4

Agence de biomédecine

24,9

INTS

8,6

Atih

5,8

CNG

14,7

Anap

33,3

Asip Santé (hors Fiqcs)

21,0

GIP Sesame Vitale

29,1

GIP MDS

1,2

GIP IDS

0,4

OGC

41,9

CGOS

12,0

UNPS

0,7

TOTAL

959,0

La Cour des comptes relève que les règles de partage de financement entre l'Etat et l'assurance maladie sont rarement formalisées et que les clés de répartition ne sont pas homogènes.

Les régimes d'assurance maladie financent en totalité les deux fonds inclus dans l'Ondam (Fiqcs et Fmespp), mais cela est également le cas pour l'Oniam qui ne reçoit pratiquement aucun concours de l'Etat.

Dans d'autres cas, l'Etat participe au financement, mais l'assurance maladie fournit la majorité des ressources, selon un partage Etat/assurance maladie généralement de l'ordre de un tiers/deux tiers. Il s'agit plutôt d'une règle tacite que d'un principe établi. La répartition des financements s'effectue au cas par cas.

On peut aussi relever que certaines subventions ont fait l'objet d'un rattachement comptable spécifique dans les comptes de la Cnam :

- sur le fonds national de gestion, pour les contributions aux charges de gestion des ARS et aux Gip Sesame Vitale, Asip santé, MDS et IDS ;

- sur le fonds national de prévention, pour les contributions aux actions de prévention des ARS et à l'Inpes ;

- sur le fonds d'action sanitaire et sociale, pour la contribution à l'OGC.

En revanche, les autres subventions sont purement et simplement prises en charge sur le risque, au même titre que les prestations.

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