2. Des dispositifs de maintien d'une présence judiciaire encore insuffisants

Selon l'engagement pris par le garde des sceaux dans son discours inaugural du 27 juin 2007, la suppression des juridictions d'instance devait être compensée par le maintien d'une présence judiciaire sur l'ensemble du territoire.

Force cependant est de constater que ce qui aurait dû prendre la forme d'une politique volontariste de maintien d'une présence judiciaire dans les territoires, auprès des justiciables, s'est limité à des initiatives plus ou moins ponctuelles.

a) L'accès au droit : un maillage de structures « parajudiciaires » porté par les acteurs locaux

« S'agissant de la justice de proximité et de l'accès aux droits, le moment n'est-il pas venu de donner plus de consistance aux maisons de justice et du droit ? N'est-il pas envisageable d'offrir aux justiciables en un même lieu : la conciliation, la médiation civile ou pénale, les consultations juridiques, la réparation pénale, le guichet unique du greffe ? Il s'agirait alors de créer de véritables maisons de service public de la justice et du droit ». Ainsi s'exprimait le garde des sceaux dans son discours du 27 juin 2007. La création des maisons de la justice et du droit (MJD) « nouvelle génération » fait écho à cette déclaration.

La première génération de ces structures - un peu plus d'une centaine - était en effet jusqu'alors destinée à assurer une présence judiciaire de proximité dans les zones urbaines sensibles . Leur champ a donc été étendu aux zones rurales isolées, pour les besoins de la réforme de la carte judiciaire.

Les maisons de la justice et du droit (MJD) fournissent des services d'information, d'orientation, de consultation juridique. Elles regroupent différents acteurs (magistrats, éducateurs, travailleurs sociaux, avocats...) et répondent à la petite délinquance quotidienne (actions de prévention, d'insertion et de réinsertion, mesures alternatives aux poursuites pénales) et aux petits litiges civils (logement, consommation, surendettement), en proposant des solutions à l'amiable (une conciliation, une médiation). Des audiences foraines peuvent y être organisées.

Les MJD « nouvelle génération » sont progressivement équipées de points « visio-justice », dont vos co-rapporteurs ont souligné plus haut qu'ils n'étaient pas toujours adaptés au public auquel ils sont destinés. Ces bornes ne sauraient remplacer une implantation judiciaire.

Depuis 2010, huit MJD de « nouvelle génération » ont ouvert leurs portes à Châteaubriant (Morbihan), à Toul (Meurthe et Moselle), à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), à Lodève (Hérault), à Briançon (Hautes-Alpes), à Faulquemont (Moselle), Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) et Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie).

Ce processus se poursuit en 2012 avec la création de huit nouvelles MJD à Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), Loudéac (Côtes-d'Armor), Saint-Lô (Manche), Ussel (Corrèze), Château-Thierry (Aisne), Prades (Pyrénées-Orientales), Romilly-sur-Seine (Aube).

Au 1 er janvier 2012, ces MJD « nouvelle génération » ne représentaient toutefois qu'à peine plus de 10 % du total des 133 MJD 62 ( * ) .

En effet, si les MJD sont bien créées par arrêté du Garde des sceaux, l'initiative de leur création ne lui appartient pas exclusivement. Elle repose sur des conventions, signées par l'ensemble des partenaires de la structure : le préfet de département, les chefs de juridiction dans le ressort duquel est située la MJD, le président du conseil départemental de l'accès au droit (CDAD), le maire du lieu d'implantation, le bâtonnier de l'ordre des avocats, les associations oeuvrant dans le domaine judiciaire, et le cas échéant, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire.

Quant à leur financement, force est de constater que, si l'État supporte le premier équipement de la structure, les éventuels travaux d'aménagement et, le cas échéant, la mise à disposition de personnels judiciaires, en revanche les frais de fonctionnement pèsent sur les collectivités territoriales. En outre, ce sont les collectivités territoriales, à travers le conseil départemental d'accès au droit (CDAD), qui fournissent le bâtiment, et, le plus souvent, une part importante du personnel.

Ainsi, en 2011, 92 structures bénéficiaient de l'affectation d'un personnel mis à disposition par les collectivités territoriales ou par l'un des signataires de la convention constitutive.

Or, la justice étant une mission régalienne de l'État, vos co-rapporteurs s'inquiètent du transfert de la prise en charge financière, notamment, d'une présence judicaire de proximité aux collectivités territoriales .

Outre les MJD, le territoire compte aujourd'hui 1 158 points d'accès au droit (PAD) 63 ( * ) . Ces structures, contrairement aux MJD, n'ont pas de missions judiciaires - même si elles peuvent parfois être hébergées auprès de juridictions. Le coût en est assumé principalement par les collectivités territoriales et les partenaires au CDAD. Elles répondent à une demande d'informations juridiques par l'organisation de permanences assurées par des auxiliaires de justice (avocats, notaires, huissiers, associations spécialisées, conciliateurs, médiateurs...) 64 ( * ) .

b) Des structures complémentaires qui n'ont pas vocation à remplacer les juridictions

Si cet arsenal d'outils d'accès au droit semble avoir une réelle utilité, nombreuses sont les personnes rencontrées qui ont répété avec force à vos co-rapporteurs qu'il n'est qu' un moyen d'accès au droit ou d'accessibilité à la justice par l'information (PAD et MJD) ou par le traitement non-juridictionnel des litiges (MJD). Il ne s'agit en aucun cas pour les structures d'accès au doit, de se substituer au juge .

D'ailleurs, certaines préexistaient à la juridiction supprimée et avaient pour vocation, comme à Hazebrouck, de faciliter l'accès des justiciables à cette juridiction.

En effet, selon M. Thierry Roy, premier président de la Cour d'appel de Reims 65 ( * ) , même si les maisons de la justice et du droit donnent satisfaction, ce qui est le cas à Romilly et Reims, ces structures n'assurent pas une présence judiciaire suffisante sur le territoire, d'autant qu'elles ne fonctionnent pas, le plus souvent, avec des professionnels de la justice, mais avec des personnels des collectivités territoriales. M. Jean-François Pascal, procureur général près la Cour d'appel a considéré que c'était une erreur de remplacer les anciennes juridictions par des maisons de la justice et du droit, puisqu'elles ne couvraient pas le même besoin.

c) L'accès au juge grâce aux audiences foraines : une solution qui n'a pas pu s'imposer

Le dernier dispositif envisagé pour pallier la suppression des juridictions fut celui des audiences foraines, pour les litiges du quotidien, notamment en matière familiale 66 ( * ) .

L'organisation des audiences foraines est régie par l'article R. 124-2 du code de l'organisation judiciaire, qui prévoit pour toute juridiction, la possibilité de tenir des audiences foraines en dehors de la commune où elles ont leur siège et en toute matière. L'organisation de ces audiences est une faculté qui appartient aux chefs de cour 67 ( * ) .

Leur organisation repose donc exclusivement sur l'investissement des magistrats et des personnels et génère un certain nombre de contraintes puisqu'elles obligent magistrats et greffiers à se déplacer avec leurs dossiers.

De plus, les lieux qui accueillent les audiences foraines doivent être aménagés en conséquence : outils informatique, dispositif de sécurité...

Selon le syndicat de la magistrature, elles « représentent pour des magistrats déjà surchargés, un effort considérable. D'autant plus qu'elles se tiennent très souvent sans greffier et dans des conditions difficiles ».

À Niort par exemple, les audiences foraines à l'ancien TGI de Bressuire ont été abandonnées, compte tenu des difficultés pratiques qu'elles généraient : manque d'effectif, temps de trajet, lieux inadaptés, absence de système de sécurité...


* 62 Cf. en annexe, pour une carte de ces implantations.

* 63 Au 1 er janvier 2012.

* 64 Dans les collectivités d'outre-mer, aux points d'accès au droit correspondent les antennes de justice.

* 65 Déplacement de la mission carte judiciaire dans le ressort de la Cour d'appel de Reims le 11 avril 2012.

* 66 La création de chambres détachées du tribunal de grande instance de regroupement qui auraient permis de conserver une partie du contentieux antérieurement dévolu au tribunal supprimé n'a été que rarement utilisée.

* 67 Celles-ci sont en effet créées ordonnance du premier président, après avis du procureur général.

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