B. DÉVELOPPER DES COOPÉRATIONS INTERNATIONALES EN FAVEUR D'UN MODÈLE MARITIME INTERNATIONAL RESPONSABLE

Avec son domaine ultra marin, la France est présente sur presque tous les continents et trois océans, elle occupe une place unique au monde en matière de richesse et de densité de sa biodiversité car elle est concernée par la plupart des grands ensembles géographiques que compte la planète.

Sa responsabilité est immense, tant sur ses propres espaces maritimes que dans le cadre de son action européenne et internationale. Elle doit non seulement mener une politique volontariste dans le cadre de la politique communautaire maritime, mais également respecter ses engagements pour apparaître crédible sur la scène internationale.

1. Approfondir la construction d'une Europe de la mer

L'Union européenne jouera à l'avenir un rôle croissant au sein des enceintes internationales du domaine maritime (OMI, OMC, ONU) dans le cadre d'une véritable politique maritime guidée par le traité de Lisbonne.

La France doit avoir une démarche active dans la définition de la politique maritime européenne, notamment dans le cadre du prolongement du Livre vert de 2006 et de la réforme à l'étude de la Politique commune des pêches.

Elle doit être une force de proposition et veiller à rassembler autour d'elle selon des axes de progrès durable, de justice sociale et de respect de l'environnement halieutique.

Par ailleurs, la France, de par sa présence sur tous les océans du monde, doit mondialiser la politique maritime européenne en la dotant d'une sensibilité ultra-marine qu'elle est la seule à pouvoir lui proposer au sein du concert des nations européennes.

2. Favoriser des coopérations internationales en faveur d'un modèle maritime international responsable

L'histoire et la géographie ont doté la France d'un potentiel immense et de responsabilités tout aussi importantes qui se traduisent par des droits et des obligations qu'elle entend assumer pleinement dans le contexte international.

Pour cela, la France doit accentuer sa contribution à l'efficacité des instances internationales chargées d'organiser et de réguler les activités humaines liées de près ou de loin à la mer.

Au niveau international, un grand nombre d'instances traitent des questions maritimes ; système des Nations unies (FAO, OMI, ...), Alliance atlantique, conventions thématiques (biodiversité, climat...) ou géographiques (conventions de mers régionales, organisations régionales de pêche...), autres forums internationaux.

L'efficacité de l'action de la France, seule ou dans le cadre communautaire, à travers ces instances, repose notamment sur sa capacité à être exemplaire dans l'exercice de ses droits et de ses responsabilités dans les zones placées sous sa juridiction et par son implication, hors de ces zones, pour y faire respecter les traités, conventions et décisions internationaux.

Or, malgré notre exceptionnel patrimoine écologique, économique et social, nous sommes un des pays les plus en retard dans la concrétisation de certaines obligations, en contradiction avec les engagements pris depuis la Conférence des Nations unies de 1992 sur l'environnement et le développement. Au rythme actuel, il faudra, en effet, attendre la fin du XXI è siècle pour atteindre seulement 30% des objectifs internationaux fixés pour instaurer la protection d'aires marines.

La France doit utiliser la synergie et la complémentarité que lui confèrent sa présence Outre-mer et son appartenance à l'Union européenne et au pourtour méditerranéen.

La France doit oeuvrer, dans les instances internationales pertinentes, au développement de la place de l'Union européenne et à l'extension de son influence.

Une attention particulière doit être accordée à la Méditerranée qui se caractérise par une forte dépendance écologique réciproque entre les pays riverains. Cette dépendance écologique peut être un élément majeur de l'avenir des coopérations du bassin, tant elle pourrait affecter la paix et la prospérité de cette région.

Dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée ou dans celui des coopérations « à géométrie variable » du Partenariat de Deauville, du processus de Barcelone ou du dialogue 5+5, la France doit encourager les pays riverains à développer une stratégie marine intégrée méditerranéenne afin de faire de la Méditerranée une mer plus propre et plus sûre.

Dans cet esprit, il faut poursuivre et amplifier la démarche en cours pour réunir les garde-côtes de la Méditerranée et aller vers une harmonisation des pratiques opérationnelles et des relations « maritimes ».

La France doit parallèlement accentuer son action dans les travaux des instances internationales ou régionales dont elle est membre au titre d'Etat riverain ou associé en tant qu'observateur et entretenir sa présence navale sur tous les océans, en appui direct de sa diplomatie. L'action de la diplomatie française doit s'attacher à promouvoir la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) auprès des États qui ne sont pas encore signataires tout en la complétant de dispositions juridiques qui permettent de prendre en compte les enjeux, menaces et risques.

Il faut éviter que la haute mer, espace de liberté, ne se transforme progressivement en un espace de «non-droit» ; le cadre juridique doit être complété en conséquence pour permettre d'y interdire les activités délictueuses ou préjudiciables à l'environnement tout en préservant la liberté fondamentale de circulation sur les océans. Les États qui en ont les capacités maritimes doivent pouvoir intervenir en haute mer au nom de la communauté internationale.

La question de la biodiversité en haute mer doit, à cet égard, faire l'objet d'une attention particulière. La France doit encourager le développement d'aires marines protégées en haute mer et les outils juridiques de régulation des espèces et activités de la haute mer, tels que la convention OSPAR pour l'Atlantique du Nord-Est, la convention de Barcelone pour la Méditerranée, les conventions de Carthagène pour les Caraïbes, de Nairobi pour l'océan Indien, de Nouméa pour le Pacifique Sud, et, dans une certaine mesure,la convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique pour l'océan Austral.

Grâce à l'Outre-mer, la France est présente sur la plupart des océans et peut participer activement à bon nombre de coopérations interétatiques régionales ou thématiques. Certaines zones maritimes d'Outre-mer commandent des espaces stratégiques (Canal du Mozambique, par exemple).

Les espaces maritimes communs sont a priori des espaces favorables aux coopérations régionales décentralisées ou au niveau des États, qui peuvent être conduites à travers les conventions de mers régionales consacrées à la protection de l'environnement, les organisations régionales de pêche, les partenariats bilatéraux ou multilatéraux (surveillance en commun de zones de pêche, gestion, sanctuaires et autres aires marines protégées, accords de nature judiciaire et pénale, etc.).

À l'intérieur de ces espaces de coopération, les régions insulaires, et les archipels français notamment, peuvent constituer des modèles de développement maritime moderne pour les petits États insulaires, par exemple, en matière d'autosuffisance énergétique (énergies renouvelables marines : cf. La Réunion), de valorisation des ressources marines autres qu'halieutiques (aquaculture éco-responsable, bio-ressources...) ou de gestion intégrée (zones côtières, aires marines protégées).

Pour des zones spécifiques comme l'Arctique, la France doit mettre à profit son statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique pour exprimer, en liaison avec ses partenaires européens, ses positions, notamment en matière environnementale . La nomination d'un ambassadeur pour les pôles permet d'affirmer la volonté de la France de contribuer à élaborer un schéma intégré de développement durable pour cette région à l'écosystème particulièrement fragile. La France doit continuer d'appeler les États à s'imposer un moratoire sur les nouvelles pêches en haute mer dans l'océan Arctique, en attendant la mise en place de nouvelles réglementations.

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La maritimisation est un enjeu majeur de l'évolution du contexte stratégique. Dans la situation budgétaire actuelle, le défi auquel sont confrontés les pouvoirs publics est de réduire les dépenses sans injurier l'avenir.

C'est pourquoi, il convient de bien réfléchir à la pertinence des choix que les pouvoirs publics seront amenés à prendre dans les prochains mois en matière d'investissement et de défense, et garder à l'esprit le « grand large » et le « temps long ».

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