B. L'URGENCE D'UNE SOLUTION D'ÉQUILIBRE

1. Les conséquences sur l'économie mahoraise : les retards de paiement

Les difficultés budgétaires des collectivités territoriales ne sont pas sans incidence sur l'économie mahoraise.

En effet, les paiements reçus par les entreprises ayant répondu à des marchés publics des collectivités territoriales sont effectués un an, voire deux ans après la réalisation des travaux. Ainsi, beaucoup d'entreprises ne peuvent recruter des salariés qualifiés en raison de l'absence de trésorerie due aux retards de paiement des collectivités et ne disposent pas toujours des moyens suffisant pour répondre à de nouveaux marchés publics.

D'après les informations fournies par les chambres syndicales, la dette cumulée du conseil général auprès de Colas (représentant 750 employés à Mayotte) s'élève à 17 millions d'euros et celle auprès de De Vinci (250 employés via une de ses filiales SOGEA) est évaluée à 13 millions d'euros. La commune de Koungou a une dette de plus de 6 millions d'euros auprès de ses prestataires pour un budget de fonctionnement s'élevant à 3 millions d'euros, la masse salariale représentant 80 % de ce budget.

Ce constat plaide, selon vos rapporteurs, pour la mise en place d'une procédure spécifique d'encadrement des paiements , afin que les entreprises bénéficient de la trésorerie suffisante pour l'achat de matériels et l'embauche de nouveaux salariés.

Proposition n° 29 :

Mettre en place une procédure spécifique d'encadrement
des paiements des entreprises par les collectivités territoriales.

2. Les interrogations liées à l'application de la fiscalité du droit commun en 2014

Comme vos rapporteurs l'ont déjà souligné, la mise en oeuvre de la fiscalité de droit commun en 2014 pose de sérieuses questions sur le niveau des futures ressources fiscales dont disposeront les collectivités territoriales mahoraises. Il n'est pas certain que leur rendement compensera le niveau actuel des impôts nationaux ou des taxes douanières, car une grande part de la population n'est pas solvable fiscalement. Aujourd'hui, seules les communes de Mamoudzou et de Koungou disposent de matières imposables suffisantes. En outre, l'octroi de mer devrait remplacer l'ensemble des droits de douanes si l'activité économique en 2014 se maintient à son niveau actuel, ce qui n'est pas certain aujourd'hui.

Les élus locaux doutent que les nouvelles ressources fiscales que les collectivités percevront en 2014, soient dynamiques, en raison de l'absence d'un cadastre finalisé.

Dès lors, vos rapporteurs s'interrogent sur le dispositif de compensation qui devra être mis en oeuvre afin de permettre aux collectivités, qui sont déjà dans une situation financière préoccupante, de profiter d'un niveau de ressources au moins équivalent à celui d'aujourd'hui. Par ailleurs, cette situation va nécessiter une réflexion sur la répartition du produit fiscal entre l'ensemble des collectivités.

Proposition n° 30 :

Engager, dès aujourd'hui, une réflexion
sur la répartition du produit fiscal issu de l'application
de la fiscalité de droit commun, le 1 er janvier 2014,
entre l'État, les collectivités territoriales mahoraises
et le Parlement.

Cette question n'est pas sans incidence pour les chambres consulaires. Aujourd'hui, leur financement est assuré par le conseil général à hauteur d'un million d'euros par an. Lorsque la fiscalité de droit commun s'appliquera, les chambres consulaires pourraient perdre, selon leurs évaluations, 200 000 euros de dotation alors qu'elles estiment que le financement actuel est inférieur de 240 000 euros à leurs besoins. En d'autres termes, leur financement pourrait être amputé de 440 000 euros à partir de 2014, ce qui posera de sérieuses questions quant à leur pérennité.

Vos rapporteurs estiment, en raison du retard pris dans la finalisation du cadastre et aux nombreuses interrogations liées au rendement qui résulteront de l'application de la fiscalité de droit commun, qu'une période transitoire réaliste mérite d'être prévue, afin de permettre une application adaptée de la fiscalité de droit commun aux spécificités locales de Mayotte. L'objectif est de permettre aux collectivités mahoraises de bénéficier de ressources pérennes et suffisantes et de prévoir, si besoin, une compensation budgétaire de l'État.

Proposition n° 31 :

Prévoir une transition réaliste pour l'application
de la fiscalité de droit commun, sur une période à définir.

3. Quelles pistes d'amélioration ?

Pour aider les collectivités territoriales à faire face à leurs difficultés budgétaires structurelles, plusieurs pistes peuvent être explorées.

Aujourd'hui, Mayotte bénéficie du Fonds mahorais de développement économique et social (FMDES) alimenté par une enveloppe de 30 millions d'euros sur trois ans, auquel s'ajoute le plan de relance spécifique à Mayotte qui s'élève à 50 millions d'euros. Vos rapporteurs estiment que ces deux dispositifs doivent être maintenus afin de préparer la « rupéisation » de Mayotte, prévue pour 2014.

On rappellera en outre que le prochain recensement général de l'INSEE aura lieu entre le 21 août et le 17 septembre 2012. Il permettra une réévaluation des dotations budgétaires de l'État, principalement la dotation globale de fonctionnement (DGF) dont la part forfaitaire est directement corrélée à la population. Selon les estimations présentées à vos rapporteurs, la population officielle de Mayotte serait comprise entre 218 000 et 230 000 habitants, contre 186 452 habitants en 2007.

Vos rapporteurs estiment que la situation catastrophique des collectivités territoriales mahoraises ne trouvera pas d'issue sans une remise en cause du droit commun et des dotations budgétaires actuelles. Comme l'a indiqué M. Christian Roux, les collectivités territoriales qui sont sous tutelle budgétaire de la chambre régionale des comptes ne suivent pas, par inertie, les comptes arrêtés par celle-ci.

Par conséquent, cette situation plaide pour une nouvelle convention entre l'État et les collectivités territoriales , dans laquelle l'État verserait une subvention d'équilibre aux collectivités, afin de les aider à faire face à leurs difficultés budgétaires structurelles. En contrepartie, les collectivités devraient respecter un certain nombre de règles prescrites par l'État et la chambre régionale des comptes. En d'autres termes, il s'agirait de verser aux collectivités une subvention d'équilibre contre un plan de redressement contraignant .

Par ce plan de redressement, les collectivités territoriales seraient incitées à améliorer la transparence de leurs comptes puisque l'opacité actuelle contribue à accroître leur déficit budgétaire. Une étude sur la réorganisation des services des collectivités territoriales mériterait également d'être mise en oeuvre. Pour faire face au poids de la masse salariale sur le budget de fonctionnement du département, il pourrait être envisagé une convention de restructuration , qui définirait une politique de licenciements et de non-renouvellement des contrats, afin de diminuer la part des dépenses de personnels dans les dépenses de fonctionnement. Toutefois, il convient de préciser que cette convention ne serait pas imposée au conseil général mais négociée préalablement avec les services de l'État.

Parallèlement, le travail du comité local d'évaluation des charges mérite d'être plus régulier afin que celle-ci devienne l'instance de dialogue incontournable entre l'État et les collectivités territoriales, sur toutes les questions budgétaires, plus particulièrement celle, épineuse, des charges indues. On rappellera que, créée en octobre 2011, le CLEC ne s'est réuni qu'une seule fois. En mars 2012, il a donné son avis sur le financement du RSA.

Beaucoup de personnes entendues par vos rapporteurs se sont interrogés pour savoir si une subvention d'équilibre de la part de l'État était politiquement souhaitable. Vos rapporteurs estiment que, en raison des attentes des Mahorais vis-à-vis de la départementalisation et de leur attachement indéfectible à la France, l'État devait aider la population mahoraise à bénéficier du niveau de vie auquel elle aspire depuis plusieurs décennies. Cette proposition - subvention d'équilibre contre un plan de redressement - représente la volonté de notre pays d'intégrer, conformément à la volonté des Mahorais, cette île dans le droit commun de notre République.

Proposition n° 32 :

Prévoir une subvention d'équilibre de l'État aux collectivités territoriales, pour financer le plan de redressement qui apparaît indispensable
afin de faire face à des difficultés ciblées et circonscrites.

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