2. La difficile question du lien entre les tarifs et les coûts

On l'a vu, le périmètre des coûts hospitaliers et celui des tarifs ne correspondent pas entièrement du fait des autres ressources versées par l'assurance maladie aux établissements (Migac, forfaits, liste en sus...).

Surtout, dans un système de financement à l'activité, la dépense totale dépend, d'une part, du tarif pratiqué, d'autre part, du volume ou du nombre d'actes et prestations facturés. Or l'enveloppe globale est fermée et son évolution contrainte.

Dans la méthodologie retenue, l'évolution des tarifs se déduit de la prévision d'activité pour l'année considérée, une fois pris en compte les facteurs généraux de progression ou de réduction des charges (évaluation de la masse salariale, économies ciblées). Le tarif n'est donc pas établi à partir du coût. L'ENC sert uniquement à déterminer une échelle des coûts entre les différents GHM, échelle qui servira de référence pour la hiérarchie des tarifs.

Alors que les besoins augmentent, notamment en raison du vieillissement de la population et du développement des pathologies chroniques, les volumes croissent rapidement, si bien que les tarifs doivent être au mieux stabilisés, parfois réduits, pour « tenir dans l'enveloppe ».

A défaut de la mise en place de réels outils pour piloter l'activité, la France a choisi une régulation des dépenses par les tarifs plus que par les volumes , et ce à un niveau macro-économique sans prise en compte de l'activité de chacun des établissements pris individuellement.

De telles modalités de fixation des tarifs ne peuvent qu' éloigner les tarifs des coûts réels .

Lors de son audition par la mission, Christophe Jacquinet, président du collège des directeurs généraux d'ARS, a souligné la difficulté croissante des tarifs à couvrir l'augmentation mécanique des charges liée notamment au glissement vieillesse technicité (GVT) ou à la réforme de la masterisation des infirmières.

Parallèlement, toute diminution des contraintes sur les tarifs aurait un impact sur les autres compartiments de financement, au premier chef les Migac destinées à couvrir les missions de service public.

Par ailleurs, les pouvoirs publics peuvent choisir délibérément d'éloigner certains tarifs des coûts pour orienter l'activité, par exemple afin de favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire. Une étude de la Drees menée en 2011 souligne cependant que l'utilisation des tarifs à des fins d'incitation est extrêmement complexe et difficile ; elle risque souvent d'apparaître moins lisible aux acteurs que d'autres mesures de type réglementaire ou organisationnel 17 ( * ) .

Lors de son audition, Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, a souligné qu'au-delà des objectifs de santé publique, certaines distorsions entre la hiérarchie des coûts et celle des tarifs pouvaient également s'expliquer par la nécessité de maintenir des situations acquises. Il a ainsi pris l'exemple de l'opération de la cataracte qui demeure survalorisée dans le secteur privé parce qu'une diminution des tarifs aurait pour conséquence de mettre en difficulté de nombreuses cliniques 18 ( * ) .

Il a indiqué que, selon une enquête de l'Igas, ces distorsions représentaient un montant de 1 milliard d'euros pour les hôpitaux publics, soit des survalorisations de 7 % et des sous-valorisations de 6 % à 7 %. Dans le secteur privé, les survalorisations seraient en moyenne de 12 % et les sous-valorisations de 10 %.


* 17 Drees, Dossiers solidarité et santé, « La réactivité des établissements de santé aux incitations tarifaires », n° 21, 2011.

* 18 C'est ce que relève déjà le rapport 2010 au Parlement sur la convergence tarifaire et on a vu précédemment que la racine de GHM « Interventions sur le cristallin avec ou sans vitrectomie » représente 7 % de l'activité du secteur ex-OQN.

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