2. Les phénomènes cévenols et karstiques

Plus largement que le seul département du Var, le sud-est de la France est donc exposé à un risque multiforme de crues. À ce titre, les phénomènes cévenols, de type torrentiel, sont particulièrement symboliques, le relief du territoire provoquant le soulèvement d'air chaud et humide débouchant sur un épisode pluvieux intense.

Les départements du Gard, de l'Ardèche et de l'Hérault sont particulièrement sujets à ce type de phénomène, le bassin versant le plus représentatif étant celui du Virdoule dans le sud-est du massif des Cévennes, qui subit de fréquentes inondations 16 ( * ) .

L'étude de l'historien Jean-Louis Ponce 17 ( * ) , commandée par le Syndicat mixte d'aménagement et de gestion équilibrée des Gardons (SMAGE), retrace la survenue régulière de ces événements dans la région des Cévennes.

Il indique que des crues majeures ont affecté les bassins versants du Gardon d'Anduze et de Saint-Jean en 1697, 1741, 1768, 1790, 1846, 1861, 1907, 1958 et 2002, faisant à chaque fois des dégâts considérables. Ainsi, à Saint-André-de-Valborgne en 1790 : « Les communications sont rompues avec les villes qui nous avoisinent du côté du Gévaudan, d'où nous tirons les grains pour notre subsistance. Tous nos moulins sont ou emportés ou encombrés. Toutes les digues sont rompues, le plus grand nombre de nos mûriers emportés par les torrents. Notre vallon resserré, dont la principale production consistait en prairies, ne présente plus que des rochers à nu. Les coteaux rapides qui nous procurent cette denrée précieuse, la châtaigne qui alimente les habitants, n'offrent plus que des excavations effroyables, qui nous menacent d'une totale destruction. Et dans ce lieu-même, Messieurs, quel spectacle effrayant que nos ponts démantelés et ébranlés, les rues dépavées, les portes des maisons fracassées et, plus que tout encore, ces visages livides qui portent l'empreinte de la frayeur et de la misère, l'anéantissement de notre fabrique de laine. »

Une autre particularité des crues méditerranéennes réside dans l'existence de phénomènes karstiques , qui d'abord les retardent, puis les aggravent si elles se prolongent 18 ( * ) .

De fait, lors d'une crue classique, une partie de l'eau s'infiltre dans le sol puis est stockée dans les interstices et poches de l'aquifère souterrain, qui tamponne les écoulements et réduit le niveau de l'inondation. Quand il est plein, l'eau ressurgit.

Le danger survient lorsque le karst, rempli d'eau, déborde au travers d'avens inondés et de sources temporaires . Les remontées d'eaux souterraines s'additionnent alors aux ruissellements de surface, démultipliant le niveau et le débit de la crue .

L'étude menée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) sur l'inondation de 1988 à Nîmes donne un bon éclairage des conséquences du phénomène karstique sur les crues. Pour mémoire, au mois d'octobre 1988, la ville de Nîmes a subi une inondation dramatique, faisant 9 morts et 45 000 victimes (blessés et/ou déplacés) et causant des dégâts matériels estimés à 600 millions d'euros. Le karst situé en amont de la ville possède une capacité d'absorption limitée à 250 mm d'eau. Lorsque ce niveau a été atteint, les eaux souterraines ont brutalement envahi le centre urbain par la fontaine de Nîmes.


* 16 La leçon de Sommières Titre VI.I.A. p. 233 et suivantes.

* 17 Recherches historiques sur le Gardon d'Anduze - Jean-Louis Ponce - septembre 2008.

* 18 Voir plus haut ce qui s'est passé dans le Var en juin 2010 : effet retardateur du karst pour la partie moyenne de l'Argens et accélérateur, au bout d'un moment, dans la partie amont de la Nartuby.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page