2. Les écoles départementales : atteindre une optimisation des moyens
a) L'essor de ces écoles

Au nombre de cinquante six aujourd'hui, les écoles départementales de sapeurs-pompiers s'appuient sur une histoire plus ou moins longue et un ancrage plus ou moins fort selon les départements. Opérées par les SDIS, elles ont connu un essor certain avec la départementalisation des services d'incendie et de secours.

La cartographie des écoles départementales en 2011

Source : DGSCGC

Un exemple : la nouvelle école départementale des sapeurs-pompiers d'Ille-et-Vilaine (à L'Hermitage) a été inaugurée en 2007

Source : SDIS 35 d'Ille-et-Vilaine

Les écoles départementales visent à la formation initiale et continue des sapeurs-pompiers . Tandis que l'ENSOSP s'adresse aux officiers et aux futurs officiers, elles se consacrent plus spécifiquement aux autres grades et accueillent aussi bien des sapeurs-pompiers professionnels que volontaires.

La proximité du terrain représente un atout majeur pour ces écoles et il en résulte toute une série de bénéfices pour la formation dispensée aux sapeurs-pompiers des différents SDIS. Ce constat est d'autant plus fort s'agissant des sapeurs-pompiers volontaires. Ceux-ci en effet sont d'autant plus incités à prendre sur leur temps et à se former que le lieu de formation se situe à proximité de leur lieu de vie et de travail.

Au-delà d'un tronc commun, cette formation est ciblée selon les écoles en fonction, d'une part, des spécificités des risques plus particulièrement présents dans le département (inondations, risques technologiques, feux de forêt, sauvetage-déblaiement...) et, d'autre part, des théâtres d'opération.

Fondée sur une approche très pratique en complément de la formation théorique, ces écoles disposent de plateaux techniques et peuvent ainsi développer une pédagogie reposant largement sur les mises en situation.

L'exemple de l'école départementale des sapeurs-pompiers de l'Orne

Située aux portes d'Alençon, sur l'ancien site des usines Singer, l'école départementale des sapeurs-pompiers de l'Orne (EDSPO) est ouverte depuis 1999 . Sa création a coïncidé avec la départementalisation des services d'incendie et de secours.

L'objectif prioritaire de l'école réside dans la formation par des entraînements en conditions réelles . Il est rempli grâce à plusieurs plateaux techniques à disposition sur près de six hectares :

- le plateau de secours routier , qui s'articule autour d'une plate-forme reprenant dans les moindres détails les éléments susceptibles d'exister sur la voie publique (signalisation au sol, borne d'appel d'urgence, rond-point, fossé, station-service...). Régulièrement, l'école remplit son stock de voitures accidentées utilisées pour recréer des accidents ;

- le plateau « gaz » : installé par Gaz de France (GDF), ce plateau dispose d'un véritable réseau de gaz alimenté en basse ou en moyenne pression. Il permet de manoeuvrer sur toute situation de fuite de tuyaux, de torchère, de détérioration de compteur... Les sapeurs-pompiers peuvent alors s'entraîner en conditions réelles, en présence de gaz enflammé sur tous types de vannes ou de conduites ;

- le plateau ferroviaire , composé d'un passage à niveau télécommandé et d'un wagon-citerne. Ce plateau sert pour l'apprentissage des manoeuvres touchant aux accidents de la circulation sur rail ou au transport de matières dangereuses ;

- le plateau hydrocarbures , où deux citernes pouvant contenir plusieurs milliers de litres s'élèvent et simulent un lieu de stockage d'hydrocarbures. A leurs côtés, une cuve de rétention peut être enflammée, ainsi qu'un caniveau pour former les sapeurs-pompiers à éteindre ces feux particulièrement difficiles ;

- la maison à feu : tout type de feu d'appartement, de cave ou de cuisine peut y être simulé. Afin de pousser la ressemblance au maximum, la cuisine et les chambres disposent des équipements que l'on retrouve dans chaque foyer : lits, chaises, tables, gazinière, vide-ordures...

- le puits de sauvetage et la tour de manoeuvre (de douze mètres de haut et composée de quatre étages), qui permettent l'entraînement à tout type de manoeuvre aussi bien dans les airs qu'en profondeur (sauvetage en excavation).

Le développement des écoles départementales permet de répondre à l'éparpillement des formations qui caractérisait auparavant le système. L'ouverture d'un site unique, et si possible central dans le département (afin de limiter les temps et les frais de déplacement), offre aux sapeurs-pompiers un lieu de formation complet fédérant les différents enseignements préexistant et dispersés auparavant dans les centres de secours (CS). Ce point est important car, si les sapeurs-pompiers font l'effort de se déplacer pour une formation, c'est autant que possible pour jouir de moyens dont ils ne disposent pas dans leurs CS.

Le regroupement des formations au niveau départemental vise également à homogénéiser la formation des stagiaires et à faire en sorte que tous les sapeurs-pompiers parlent le même langage sur le terrain. A cet égard, les écoles représentent un lieu privilégié d'échanges et jouent un rôle de cohésion important. A l'échelle du département, elles sont souvent tout à la fois un lieu emblématique, un motif de fierté et un élément de reconnaissance de la qualité du service rendu par les sapeurs-pompiers à la population.

b) Les montants de l'investissement : quelques ordres de grandeur

Les écoles départementales de sapeurs-pompiers constituent toutefois une lourde charge d'investissement pour les SDIS et les départements.

Un effort d'investissement est tout d'abord requis à la création de l'école ou lors de l'un de ses réaménagements. Ainsi, par exemple, Jean-Pierre Maggi, président du conseil d'administration du SDIS13 des Bouches-du-Rhône, a-t-il indiqué à votre rapporteur spécial que le projet actuel d'ouverture d'une nouvelle école départementale (à Velaux) représente un coût d'investissement « d'environ 30 à 32 millions d'euros » 74 ( * ) . Inauguré en 2005, le plateau technique d'Uxegney (Vosges) a nécessité un financement à hauteur de 2 millions d'euros entièrement supporté par le conseil général (pour un plateau s'étendant sur 5,5 hectares et offrant une capacité d'accueil pouvant aller jusqu'à 700 stagiaires).

Une fois l'école ouverte, l'effort doit ensuite continuer de se porter sur le renouvellement des matériels servant aux formations .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur spécial par la DGSCGC, l'investissement moyen dans les écoles (matériels pédagogiques, véhicules, bâtiments, informatique...) représente chaque année 0,8 million d'euros pour un SDIS de première catégorie (c'est-à-dire de grande taille), 0,1 million d'euros pour un SDIS de troisième catégorie (c'est-à-dire de taille moyenne) et 65 000 euros pour un SDIS de cinquième catégorie (c'est-à-dire de petite taille).

c) Les limites de ce mode d'organisation

L'essor des écoles départementales de sapeurs-pompiers ne va pas sans poser un certain nombre d'interrogations. S'il n'est certes pas question de remettre en cause l'utilité de ces écoles ni leurs résultats en terme de formation, on peut néanmoins réfléchir à la juste adéquation entre les investissements réalisés (parfois très conséquents) et les besoins .

L'une des caractéristiques du système français d'incendie et de secours est d'amener chaque sapeur-pompier, qu'il soit professionnel ou volontaire, à un haut niveau de formation dans tous les domaines afin qu'il puisse être un « généraliste » du secours . Dans son rapport précité, la MEC de l'Assemblée nationale estimait en 2009 qu'« en moyenne nationale un sapeur-pompier, qu'il soit professionnel ou volontaire, [consacrait] 35 heures de formation par an, soit l'équivalent d'une semaine de 8 heures par jour. Le régime indemnitaire (prime de spécialité) encourage à la formation de spécialité chez les sapeurs-pompiers. Plus de 85 % des formations sont réalisées en interne, dans le SDIS de rattachement » 75 ( * ) . Ainsi, la volonté de faire du sapeurs-pompier un « généraliste » de l'intervention, conjuguée aux effets pervers du système de rémunération des personnels, a pour conséquence un accroissement de la demande de formation pesant sur les SDIS.

Peut-on, ou doit-on, revenir sur cette mécanique aux effets assez clairement inflationnistes ? Une approche strictement budgétaire militerait assurément pour une évolution de ce système en vue de réduire la charge de formation et donc les investissements qu'elle induit. Il s'agirait alors de s'engager dans une logique de spécialisation des sapeurs-pompiers. Cette logique serait d'autant plus justifiée qu'elle se fonderait sur la prépondérance croissante du secours à personne dans l'activité quotidienne des sapeurs-pompiers. Elle permettrait en outre une rationalisation des formations : toutes les formations à la plongée sous-marine sont-elles par exemple bien justifiées ?

Pour autant, une telle approche peut être contestée. Le sapeur-pompier est amené à participer à des missions de secours à personnes, à des missions d'incendie et à des opérations diverses. Or, le risque « incendie » demande un haut niveau de formation, à l'identique des risques particuliers qui nécessitent un entraînement spécifique. Même s'il ne constitue plus l'activité principale, l'incendie demeure néanmoins au coeur du métier des sapeurs-pompiers et il paraît difficile de réduire le format des formations. Une « spécialisation » des missions des sapeurs-pompiers pourrait en outre déboucher sur une augmentation des effectifs .

A ce stade, votre rapporteur spécial ne souhaite pas trancher cette question . Il veut néanmoins la souligner dans la mesure où elle pèse sur l'effort d'investissement à la charge des SDIS et des départements. Les réponses à y apporter méritent assurément une concertation plus large que ne peut le permettre une mission de contrôle budgétaire.

En revanche, votre rapporteur spécial estime que des efforts significatifs peuvent être engagés par les SDIS en vue d'une plus grande mutualisation de leurs outils de formation .

En effet, le développement des écoles départementales ne doit pas se transformer en une « course à l'armement » entre les SDIS. Or, à cet égard, il n'est pas certain que la carte des écoles et de leurs plateaux techniques ne comporte pas un certain nombre de « doublons » qui auraient pu être évités sans un effet de « myopie administrative ». Dans le département des Bouches-du-Rhône, se trouvent concentrées : l'ENSOSP, l'Ecole d'application de sécurité civile (ECASC) à Valabre 76 ( * ) , l'école de marins-pompiers de la marine (relevant du BMPM) et les écoles de formation du SDIS 13 avec la perspective de la création d'une nouvelle école sur le site de Velaux. Si le département des Bouches-du-Rhône est particulièrement soumis au risque « feu de forêt » et que cette sur-exposition justifie une densité particulière de formations, une optimisation des moyens apparaît toutefois utile. Déjà mise en oeuvre du point de vue opérationnel, cette démarche doit pouvoir trouver son pendant sur le volet « formation ».

D'une manière générale, avec la montée en puissance de la départementalisation, les SDIS ont surtout été préoccupés par leurs propres besoins au cours de la décennie passée, sans attacher d'extrême importance aux actions engagées par leurs voisins. Ce constat vaut notamment dans le domaine des formations proposées et des plateaux techniques décidés. Votre rapporteur spécial estime nécessaire que les SDIS franchissent désormais un cap dans leur réflexion stratégique en matière de formation et sortent d'une logique « auto-centrée » peu propice à la réalisation d'économies d'échelle .

Il s'agit aujourd'hui, pour ces services départementaux, d'optimiser et de rationaliser leurs investissements en adoptant une démarche plus systématiquement interdépartementale débouchant sur des mutualisations. Ces mutualisations pourraient notamment trouver à s'exprimer s'agissant des plateaux techniques .

La mutualisation des sites de formation : le bon exemple du SDIS 72 (Sarthe)

Sur une ancienne friche industrielle, le SDIS de la Sarthe dispose depuis 2001 d'un site d'entraînement qui permet de réaliser des exercices d'application inhérents aux scénarios pédagogiques nationaux. Ce site ne permet cependant pas de répondre à tous les objectifs de formation prévus par la règlementation. En effet, il ne dispose pas de plateau technique au sens national du terme.

Un projet de maison à feu de type gaz, adapté à l'importance du département, a été validé dans le cadre du « projet de service 2009 - 2011 » pour répondre aux enjeux de formation continue dans le domaine de l'incendie. Mais la proximité de plusieurs sites de formation sur des départements limitrophes, ou à une distance n'excédant pas une demi-journée de trajet, a conduit à s'intéresser aux sites déjà existants . Les plateaux techniques et les maisons à feu des SDIS 61 (Orne), 37 (Indre-et-Loire), 86 (Vienne), 49 (Maine-et-Loire) et 41 (Loir-et-Cher) sont ainsi désormais utilisés.

Sur la base d'un conventionnement financier , le SDIS de la Sarthe utilise ces outils, avec, selon les cas, la mise à disposition d'une équipe d'encadrement du département d'accueil.

Source : d'après le rapport sur « Les finances départementales » de Pierre Jamet (avril 2010)

Dans la mesure où il est dans la mission de l'ENSOSP d'animer le réseau des écoles départementales 77 ( * ) , cette école pourrait utilement jouer un rôle fédérateur autour de projets structurants pour les SDIS. Elle dispose non seulement de l'expertise nécessaire mais aussi de la vision périphérique lui permettant de mettre en relation et de coordonner les initiatives.


* 74 Audition du 5 avril 2012.

* 75 La MEC se fondait sur une étude réalisée par le Cabinet Lamotte.

* 76 L'ECASC a pour vocation de réaliser des actions de formation en vue de la protection des personnes, des biens et de l'environnement et, plus particulièrement, la préservation de la forêt méditerranéenne. Elle est devenue un centre national de formation agréé par le ministère de l'intérieur en matière de lutte contre les feux de forêts et de plongée subaquatique.

* 77 Cf. décret précité du 7 juin 2004 relatif à l'ENSOSP.

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