I. UNE EUROPE SPATIALE INACHEVÉE ET CONCURRENCÉE

L'Europe spatiale est multiforme.

S'il n'existe pas « une » politique spatiale européenne facilement identifiable, ce qui est sans doute une faiblesse, l'intérêt d'acteurs multiples pour l'espace peut constituer une force pour l'Europe. Cette caractéristique risque toutefois aussi d'être source de confusion dans les objectifs et de dispersion dans les moyens, ce qui serait très préjudiciable à la construction de l'Europe spatiale.

A. UNE CONSTRUCTION INACHEVÉE FONDÉE SUR DES BUDGETS LIMITÉS

A l'image de la construction européenne dans son ensemble, on pourrait dire de l'Europe spatiale qu'elle « ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait » 1 ( * ) . Si l'engagement de l'Union européenne dans le secteur spatial est une chance pour celui-ci, son champ d'action et ses mécanismes restent à définir et à consolider au cours des années à venir.

1. Des ambitions et mécanismes à consolider

Les trois acteurs publics majeurs de la politique spatiale européenne (États membres, ESA et Union européenne) forment un « triangle spatial ». Les États membres sont les piliers de ce triangle, puisque ce sont eux qui décident à tous les niveaux des programmes et de leur financement, parallèlement à la conduite éventuelle de politiques spatiales nationales.

a) La politique spatiale française : une gouvernance à redéfinir ?

Les États sont la base du « triangle » de la politique spatiale. Si, à tous les niveaux, les décisions nécessitent des négociations complexes entre États européens, encore faut-il trouver les voies et moyens d'aboutir à l'élaboration préalable d'un consensus national.

Le CNES, créé en 1961, qui a permis à la France de devenir la troisième puissance spatiale avec le lancement de la première fusée Diamant en 1965, est demeuré depuis lors le point focal de la politique spatiale française. Sa vocation est de permettre une coordination entre tous les acteurs, civils et militaires. Le schéma est le suivant : le CNES propose, le gouvernement décide, puis le CNES conduit la politique ainsi décidée. Il s'agit d'un dispositif centralisé, ce qui peut être un atout pour l'élaboration des positions françaises dans les différents groupes de travail (ESA, UE), à condition que les points de vue de l'ensemble des acteurs de la filière puissent être pris en compte.

Lors de son audition, M. Yannick d'Escatha, président du CNES, a ainsi décrit la stratégie de l'agence spatiale française, tenant compte du fait que les États-Unis dépensent en fonds publics six fois plus que l'Europe dans le secteur spatial, et qu'il faut donc optimiser l'emploi des moyens disponibles :

- une stratégie de niche, centrée sur les aspects les plus innovants, dans le but de permettre à l'industrie française de demeurer compétitive ;

- une stratégie de coopération à l'intérieur de l'Europe et au niveau international, le CNES ayant eu vocation dès ses premières années à s'engager dans une coopération internationale équilibrée (entre Ouest et Est, après l'accord de coopération spatiale franco-soviétique de 1966) ;

- une stratégie d'excellence par mise en compétition et sélection rigoureuse des programmes, selon un mode de fonctionnement comparable à celui de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Le CNES est lié à l'État par un contrat pluriannuel depuis la période 2005-2010, au cours de laquelle il a fallu assurer la sortie de crise et la restauration de sa place et de son rayonnement sur la scène internationale, à la suite de l'échec subi par Ariane 5 en 2002. Un second contrat a été signé pour la période 2011-2015, qui décline les priorités de la politique spatiale de la France pour la période.

Ces priorités ont été exposées récemment dans un document intitulé « Stratégie spatiale française », présenté par M. Laurent Wauquiez, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, le 23 mars 2012, faisant suite aux discours prononcés par le Président de la République au Centre spatial guyanais (11 février 2008) et au Centre du CNES à Toulouse (22 novembre 2001) qui ont tracé les grandes lignes d'une politique spatiale française.

LIGNES DIRECTRICES ET ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE

Jouer un rôle moteur au sein de l'Europe de l'espace

- Mettre en place une gouvernance adéquate au sein de l'Europe de l'espace : donner à l'Union européenne un rôle de pilote stratégique de la politique spatiale européenne et utiliser les compétences existantes au sein de l'ESA et des États membres

- Mener des coopérations internationales équilibrées pour profiter des compétences des puissances spatiales extra-européennes

Maintenir l'indépendance technologique et d'accès à l'espace

- Appliquer la préférence européenne pour les systèmes critiques et les lancements de l'ensemble des missions institutionnelles menées en Europe

- Fournir collectivement au niveau européen (ESA, Union européenne) le soutien financier nécessaire à l'existence de la filière européenne des lanceurs.

Accélérer le développement d'applications et services à haute valeur ajoutée

- Garantir l'accès aux données des infrastructures spatiales ;

- Faciliter l'expression des besoins des utilisateurs et mener une action en matière de R&D et de réglementation

Mener une politique industrielle ambitieuse

- Instaurer des règles industrielles harmonisées au niveau européen et optimisées par sous-secteur

- Mettre en place un comité de concertation de la politique spatiale

Formation, culture scientifique et communication

- Veiller au renouvellement des ressources humaines de la filière

- Favoriser la création de pôles spatiaux au sein des nouvelles structures d'enseignement supérieur de recherche

- Développer la communication sur les missions spatiales

Recherches scientifiques et technologiques

- Participer prioritairement aux missions du programme scientifique obligatoire de l'ESA, qu'il convient d'orienter vers des objectifs novateurs

- Garantir aux laboratoires spatiaux des moyens suffisants et faciliter l'accès aux données spatiales

- Mettre l'accent sur des innovations technologiques génériques à fort potentiel

Accès à l'espace

- Maintenir et développer, dans le cadre de l'ESA et de l'Union européenne, la compétitivité du CSG

- Exploiter la gamme de lanceurs Ariane 5, Soyouz, Vega

- Réduire les coûts du système Ariane par une optimisation de l'ensemble de la structure industrielle

- Préparer la suite d'Ariane 5 en lançant les travaux de développement les plus à même de répondre aux besoins institutionnels et commerciaux

Télécommunications et navigation

- Maintenir la compétitivité de l'industrie nationale dans ce domaine

- Pérenniser EGNOS et mettre en service au plus vite un système Galileo à 30 satellites avec une double source d'approvisionnement pour les systèmes de lancement (Soyouz depuis le CSG, Ariane 5)

- Réduire la fracture numérique et susciter l'émergence en Europe de nouveaux services et applications à haute valeur ajoutée

Observation de la Terre

- Assurer le renouvellement des infrastructures afin que la continuité des données et services soit garantie

- Développer GMES au sein de l'Union européenne grâce à une gouvernance clarifiée et à un financement par le budget de l'Union européenne

- Mener des activités de R&T pour renforcer les filières d'excellence française

- Favoriser l'émergence en France et en Europe d'un marché des applications et services spatiaux à valeur ajoutée pour la gestion opérationnelle de l'environnement et l'aménagement du territoire

Sécurité et Défense

- Assurer le renouvellement des infrastructures pour l'observation optique haute résolution et les télécommunications sécurisées et développer des capacités nouvelles

- Faire jouer, chaque fois que possible, la dualité des systèmes spatiaux

- Développer dans un cadre européen une capacité opérationnelle de surveillance de l'espace en se fondant sur une mutualisation des développements nationaux

Exploration spatiale

- Prendre part à un programme européen d'exploration avec Mars comme objectif, dans le cadre d'un programme mondial à la gouvernance renouvelée

- Favoriser la participation française et européenne aux développements de compétences technologiques critiques

Source : Stratégie spatiale française, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Il ne semble pas à vos rapporteurs que la Stratégie spatiale française manque d'ambition, bien au contraire.

Elle pourrait toutefois mettre davantage l'accent sur l'objectif de consolider la position des entreprises françaises et industries présentes sur son sol , compte tenu du contexte d'intensification de la concurrence au niveau mondial. La stratégie spatiale allemande, publiée en novembre 2010, est davantage conçue dans cet esprit. Elle a d'ailleurs été élaborée non par le ministère fédéral allemand chargé de la recherche mais par le ministère fédéral de l'Économie et de la Technologie (BMWi).

Par ailleurs, si la Stratégie spatiale française énonce l'objectif d'occuper un rôle moteur au sein de l'Europe de l'espace, se donne-t-elle réellement tous les moyens de parvenir à cet objectif ? La stratégie spatiale allemande est beaucoup plus concrète à cet égard, en faisant part de son ambition d'occuper des postes clefs tant au sein des institutions publiques (ESA, UE) que dans les entreprises privées.

La principale différence entre les Stratégies spatiales française et allemande réside dans les notions de souveraineté, d'autonomie de décision et d'indépendance d'accès à l'espace, marquées en France, et peu ou pas abordées dans le document stratégique allemand 2 ( * ) .

EXTRAIT DE LA STRATÉGIE SPATIALE ALLEMANDE

« Pour l'Allemagne, cette participation aux activités spatiales européennes signifie aussi qu'elle doit être représentée de façon adéquate par du personnel allemand qualifié à tous les niveaux dans les institutions européennes, et particulièrement aux fonctions de décision. Le gouvernement fédéral continuera à soutenir des mesures visant à optimiser la proportion de représentants allemands au sein de tous les organismes européens. Nous demandons à l'industrie, lors du renouvellement des postes de management dans les entreprises européennes, de faire en sorte que toutes les nations participantes soient équitablement représentées. »

Source : « Making Germany's space sector fit for the future. The space strategy of the German Federal Government », Ministère fédéral de l'Économie et de la Technologie BMWi (Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie).

En tout état de cause, la Stratégie spatiale française a souffert de sa présentation sous forme d'énumération, ne permettant pas d'identifier les priorités véritables et les choix ou ruptures à effectuer et ne suscitant donc pas véritablement de débats. Sa publication quelques semaines avant l'élection présidentielle ne constituait pas un calendrier favorable. Il semble qu'elle soit surtout venue en réaction à la publication par l'Allemagne et l'Italie de leurs propres stratégies spatiales.

Les enjeux sont pourtant essentiels pour l'Europe : ils concernent son autonomie d'accès à l'espace, un pan stratégique de son activité industrielle, ses capacités de Défense, la possibilité d'une meilleure connaissance de la Terre pour comprendre et anticiper, par exemple, le changement climatique...

Plus fondamentalement, si la politique spatiale semble manquer d'une vision à long terme, c'est parce qu' elle demeure anonyme, qu'elle n'est pas politiquement incarnée . A ce sujet, le rapport de nos anciens collègues Christian Cabal et Henri Revol en 2007 regrettait que l'espace ait disparu des dénominations ministérielles et de directions générales d'administration centrale. Elle est quasiment absente des organigrammes officiels. Le CNES, établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle des ministères chargés de la recherche et de la défense, est sans conteste un instrument efficace : un carrefour, un fédérateur d'initiatives et surtout un centre expert doté de compétences uniques en Europe. Mais il demeure un instrument, au service d'une vision, d'une ambition qui n'a probablement pas la place qu'elle mériterait dans le débat public. L'ambition spatiale est insuffisamment portée aux niveaux politique et administratif. Elle est, en conséquence, peu partagée par la population. L'utilité de l'espace dans la vie quotidienne est quelque peu méconnue du grand public.

Vos rapporteurs ont été particulièrement frappés, lors de leur déplacement aux États-Unis, par la place qu'y occupe le Parlement dans la définition de la politique spatiale. Le Congrès contrôle l'administration d'une part par son pouvoir budgétaire, d'autre part en contrôlant l'activité internationale du Président. La NASA est ainsi en constante négociation avec les deux chambres du Congrès pour la définition des objectifs, moyens et modalités de sa politique. C'est le cas par exemple sur la question des moyens à mettre en oeuvre pour reconquérir l'orbite basse. Sur toutes les questions relatives à l'avenir de la politique spatiale : durée de vie de la Station spatiale internationale, exploration humaine lointaine nécessitant la construction d'un lanceur lourd, programme scientifique de la NASA, règles d'exportation ITAR 3 ( * ) , négociation d'un « code de conduite » des activités spatiales... les parlementaires américains et leurs comités dédiés font entendre leur voix, voire malmènent la NASA. Ils sont particulièrement critiques des nombreux dépassements budgétaires affectant les programmes de leur agence spatiale nationale. Ils sont susceptibles d'intervenir postérieurement aux décisions prises, comme ce fut le cas après l'abandon unilatéral par la NASA du programme d'exploration robotique martienne Exomars, mené en coopération avec l'Agence spatiale européenne, décision notamment récusée par le Président du sous-comité du Sénat pour le commerce, la justice et la science (comité en charge du financement de la NASA), mais sans conséquence immédiate.

Les différences d'approches entre parlements français et américains sont certes dues à des dissemblances institutionnelles profondes, dont le secteur spatial n'apporte qu'une illustration parmi d'autres.

Néanmoins, il serait légitime que le Parlement français puisse être saisi à intervalles réguliers de la politique spatiale française et de la vision défendue, en conséquence, par la France au niveau européen. Compte tenu du calendrier politique, un rythme quinquennal paraît adapté. Ce rythme correspond aussi à la durée du contrat pluriannuel État-CNES. Le Parlement pourrait donc être saisi à intervalles réguliers, par exemple un an avant le renouvellement du contrat pluriannuel État-CNES, d'un projet de loi de programmation spatiale, objet d'un avis préalable de l'OPECST.

Les auditions réalisées ont par ailleurs mis en évidence un certain déficit de transversalité de la politique spatiale française, les acteurs industriels ayant le sentiment de ne pas être associés de façon adéquate aux décisions prises, et demandant un dialogue renforcé avec les autorités institutionnelles, dans l'objectif de concevoir une véritable politique industrielle du secteur spatial. Le CNES a d'ailleurs une tutelle strictement « recherche » et « défense », mais pas « industrie » . La Stratégie spatiale française, mentionnée ci-dessus, reconnaît cette carence puisqu'elle propose la mise en place d'un « comité de concertation de la politique spatiale», pour faciliter l'échange d'informations entre la puissance publique et l'industrie spatiale. L'épineuse question de l'avenir d'Ariane, au sujet de laquelle les agences et les industriels ont défendu des positions différentes, illustre la nécessité de construire un dialogue pérenne entre les différents acteurs de la filière.

A titre d'exemple, dans le secteur aéronautique, un Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) a été mis en place en juillet 2008, afin de rassembler l'ensemble du secteur : industriels, compagnies aériennes, opérateurs, acteurs de la recherche, ministères concernés. L'objectif est l'élaboration d'une feuille de route pour les actions de recherche & technologie.

Le déficit de gouvernance du spatial français a déjà été mis en évidence par les rapports susmentionnés de l'Office. Vos rapporteurs constatent que les préconisations alors formulées n'ont pas été suivies d'effet. Cette préoccupation relative à la gouvernance demeure d'actualité, puisqu'elle est encore évoquée dans un rapport paru récemment 4 ( * ) .

Orientations

- Réintroduire l'espace dans l'intitulé d'un ministère qui sera chargé d'en valoriser l'utilité auprès du grand public

- Saisir le Parlement à intervalles réguliers, par exemple un an avant le renouvellement du contrat pluriannuel État-CNES, d'un projet de loi de programmation spatiale, objet d'un avis préalable de l'OPECST

- Créer une structure de concertation État-industrie sur les questions spatiales, sur le modèle du Conseil pour la Recherche aéronautique civile (CORAC), présidé par une personnalité indépendante

b) L'ESA entre élargissement et approfondissement des liens avec l'Union européenne

Au début des années 1960, la France et l'Allemagne avaient mis en place un programme de satellites de télécommunications, appelé Symphonie, qui représentait une avancée technologique importante. Ces satellites devaient être lancés par Europa, premier programme de lanceur européen, qui a préfiguré Ariane mais s'est soldé par un échec à la fin des années 1960. Les Américains ont accepté de lancer Symphonie, mais moyennant une contrepartie de taille : en exigeant de l'Europe que ces satellites n'aient aucune utilité opérationnelle, dans la mesure où ils faisaient concurrence aux leurs. Les satellites Symphonie n'ont par conséquent servi qu'à des démonstrations et essais scientifiques. La nécessité d'un accès autonome à l'espace était démontrée.

L'échec d'Europa fut attribué en grande partie à une gestion non intégrée du lanceur, dont chaque élément était confié à un État différent (un premier étage britannique, un deuxième étage français, un troisième étage allemand, une coiffe italienne...) ce qui a engendré des problèmes d'interfaces. Cet échec fut à l'origine de la mise en place de l'Agence spatiale européenne (ESA), décidée en 1973 et créée en 1975 par fusion de l'ELDO 5 ( * ) , agence chargée des lanceurs, et de l'ESRO 6 ( * ) pour les satellites. La France obtint alors la réalisation du lanceur Ariane qu'elle finançait aux deux tiers.

L'ESA est aujourd'hui considérée par tous comme un succès pour l'Europe spatiale et pour le développement de l'industrie spatiale européenne. Elle a démontré sa compétence pour la conduite de programmes spatiaux complexes et s'est révélé, au niveau international, un partenaire dynamique et fiable. Elle ne remet pas en cause les agences nationales mais doit pouvoir compter sur leurs compétences , afin d'éviter la redondance des structures. Le rapprochement géographique de la direction des lanceurs du CNES et de celle l'ESA, en 2012, à Paris (Daumesnil) est un exemple positif. En effet la Direction des lanceurs (DLA) du CNES a conduit pour le compte de l'Agence spatiale Européenne les développements du lanceur Ariane et le programme visant à implanter Soyouz en Guyane. Elle a contribué au développement de Vega et assiste aujourd'hui l'ESA dans ses réflexions sur l'avenir d'Ariane. Lorsque c'est possible, la constitution d'équipes intégrées co-localisées doit être privilégiée.

L'arrivée de nouveaux États membres et les ambitions spatiales de l'UE doivent néanmoins amener l'ESA à ajuster son fonctionnement.

L'ESA s'est élargie, à l'image de l'Union européenne, au lendemain de la guerre froide. Ses membres sont toutefois distincts de ceux de l'Europe politique : la Suisse et la Norvège sont membres de l'ESA. Le Canada participe à certains projets, conformément à un accord de coopération. A contrario , certains États membres de l'Union européenne ne sont pas membres de l'ESA : la Hongrie, la Slovénie, l'Estonie (États sous Statut spécial), la Lituanie, la Lettonie, Chypre, Malte et la République slovaque (États ayant un accord de coopération avec l'ESA), la Bulgarie (accord de coopération en cours de négociation). L'ESA est passée de 12 pays il y a 25 ans à 20 7 ( * ) actuellement, et dans cinq ans elle pourrait en compter 27.

L'Union européenne ayant été dotée de compétences spatiales par le Traité de Lisbonne, la question d'un éventuel rapprochement avec ESA/UE se pose. Un tel rapprochement paraît difficile en raison de l'hétérogénéité des compositions respectives des deux organisations, notamment du fait que la Suisse et la Norvège sont membres de l'ESA. Par ailleurs, les deux institutions appliquent des règles différentes de fonctionnement. L'ESA applique pour l'attribution de ses marchés une règle de retour géographique qui est contraire aux règles de l'UE. La règle de retour géographique vise à ce que chaque État membre participe équitablement à la mise en oeuvre des programmes spatiaux, compte tenu de sa participation financière . Autrement dit, plus un État contribue au budget de l'ESA, plus son industrie reçoit des contrats de l'ESA.

CONVENTION DE L'ESA - ANNEXE 5

Article IV

La répartition géographique de l'ensemble des contrats de l'Agence est régie par les règles générales suivantes :

1. Le coefficient de retour global d'un État membre est défini comme le rapport entre le pourcentage des contrats qu'il a reçus, calculé par rapport au montant total des contrats passés dans l'ensemble des États membres, et son pourcentage total de contribution. (...)

2. Pour le calcul des coefficients de retour, le montant de chaque contrat est pondéré en fonction de son intérêt technologique. Les facteurs de pondération sont définis par le Conseil. Plusieurs facteurs de pondération peuvent être appliqués pour un même contrat lorsque son montant est important.

3. La répartition des contrats passés par l'Agence doit tendre vers une situation idéale dans laquelle tous les coefficients de retour global sont égaux à 1.

4. Les coefficients de retour sont calculés trimestriellement et cumulés en vue des examens formels prévus au paragraphe 5.

5. Des examens formels de la répartition géographique des contrats ont lieu tous les cinq ans ainsi qu'un examen intermédiaire avant la fin de la troisième année.

6. Pour chaque État membre, la répartition géographique des contrats entre deux examens formels de la situation doit être telle que, lors de chaque examen formel, le coefficient de retour global cumulé ne s'écarte pas sensiblement de la valeur idéale. Lors de chaque examen formel, le Conseil peut réviser la limite inférieure du coefficient de retour cumulé applicable à la période suivante, étant entendu qu'elle ne doit jamais descendre au-dessous de 0,8.

(...)

La règle de retour géographique doit être modulable pour ne pas être source de duplications et de déperditions de compétences. Certes, cette règle est utile au bon fonctionnement de l'ensemble. Elle existe d'ailleurs aussi implicitement aux États-Unis. Elle est nécessaire pour obtenir le soutien et le financement nécessaires à la mise en oeuvre des programmes. Avant d'être une règle de dépense, c'est une règle en vue de la collecte de financements. En tout état de cause, cette règle n'a pas empêché l'industrie européenne de devenir très compétitive, au cours des dernières décennies.

Lors de leur déplacement à Bruxelles, vos rapporteurs ont pu constater - malgré une différence de philosophie fondamentale entre les règles de l'ESA et celles de l'UE - qu'une certaine convergence sur la question du « juste retour » était possible. Nos interlocuteurs de la Commission ont estimé, d'une part, qu'il n'était pas souhaitable que le secteur spatial soit concentré dans trois pays (France, Allemagne, Italie), et, d'autre part, que tous les pays avaient intérêt à ce que l'ensemble des États participent. Si le gain n'était pas partagé, certains pays pourraient estimer que le financement de la politique spatiale n'a pas à relever de l'Union, comme c'est le cas pour le programme GMES (voir ci-après). Une règle au moins implicite de « retour équitable », plus souple que celle actuellement inscrite dans la convention de l'ESA, paraît donc envisageable.

Toutefois, pour ne pas tomber dans l'excès inverse, il faut veiller à ce que la règle de retour géographique n'engendre pas de « saupoudrage » des contrats , de nature à dissuader les industriels de réaliser des investissements, et ne permettant pas de bénéficier d'effets de série. Au niveau de l'ESA, la règle pourrait être assouplie, par exemple en espaçant davantage les « examens formels » (point 5 ci-dessus - annexe 5), ou en révisant la « limite inférieure » fixée à 0,8 (point 6 - annexe 5).

La règle de retour géographique peut aussi être interprétée comme une règle de « juste contribution » , selon une logique inverse : on commence par choisir le projet industriel le plus robuste, puis on demande aux États de contribuer à due proportion du retour attendu sur le territoire.

Les nouveaux pays adhèrent d'ailleurs à l'ESA moins pour développer leur industrie spatiale - encore que certains comme la République tchèque ou la Pologne possèdent de réelles compétences industrielles - que pour bénéficier des services associés (télécommunications, observation, navigation). Dans le cadre de la politique de « retour », il est souhaitable de les encourager à développer leurs activités de services spatiaux, en aval de la filière, plutôt que de risquer le développement de moyens dupliquant des capacités existant déjà dans d'autres États.

En tout état de cause, l'UE doit pouvoir profiter des compétences de l'ESA dans la conduite des programmes, ce qui signifie une complémentarité plutôt qu'une concurrence entre les deux institutions, la question d'une intégration de l'une à l'autre étant secondaire. L'ESA pourrait jouer le rôle d'agence spatiale de l'UE, tout en conservant par ailleurs, pour ses autres programmes, un fonctionnement intergouvernemental.

Afin d'améliorer les relations ESA-UE, et surtout éviter que l'Union ne crée sa propre agence spatiale - ou des structures équivalentes - pour la recherche et le développement sur ses programmes, l'ESA doit avoir une légitimité juridique dans le cadre de l'UE, c'est-à-dire être reconnue par celle-ci comme son agence spatiale.

Orientations

- Favoriser les rapprochements entre ESA et agences nationales afin d'éviter les doublons et de permettre à l'ESA de bénéficier des compétences développées sur le territoire européen

- Rationaliser les règles de fonctionnement de l'ESA eu égard à son élargissement, en ce qui concerne, en particulier, la règle historique de « retour géographique » qui, pour ne pas devenir préjudiciable à la compétitivité de l'industrie européenne, pourrait évoluer vers une règle de « juste contribution »

c) La politique spatiale de l'Union européenne : un processus en devenir

L'Union européenne s'appuie sur l'héritage des compétences ainsi développées par les États membres et l'ESA pour développer sa propre politique spatiale dont les contours et les mécanismes restent à préciser.

L'émergence de L'Union européenne dans le domaine spatial doit être l'occasion de donner une nouvelle dimension, complémentaire des compétences de l'ESA, aux programmes spatiaux européens. Certes, l'Europe n'a pas attendu l'UE pour devenir une puissance spatiale, comme l'a illustré le succès du programme Ariane. Mais face à des partenaires de la dimension des États-Unis ou de la Chine, l'entrée en scène de l'Union européenne, qui peut sembler dans l'immédiat un facteur de complexité supplémentaire, deviendra à terme une force.

L'aboutissement du projet Galileo, qui vient concurrencer - ou compléter - le GPS américain, et permettra à l'Europe d'être autonome pour sa navigation-localisation-synchronisation, en est déjà l'illustration.

(1) La mise en place de la politique spatiale de l'Union européenne

Un livre blanc de la Commission européenne en date de novembre 2003 a abouti à la signature en 2004 d'un l'Accord-cadre entre la Communauté européenne et l'Agence spatiale européenne, qui met notamment en place des réunions régulières conjointes du Conseil compétitivité de l'Union européenne et du Conseil de l'ESA au niveau ministériel. Ce conseil « Espace » s'est réuni régulièrement à un rythme annuel, soit huit fois depuis sa création, en marge des conseils «compétitivité » de l'Union européenne. Le quatrième conseil « Espace » (mai 2007) a permis d'adopter une résolution sur la politique spatiale européenne, dont les premières priorités sont les projets phare Galileo et GMES. Le cinquième conseil « Espace », organisé sous présidence française de l'Union européenne (septembre 2008) a confirmé ces projets et proposé de nouvelles initiatives, notamment en matière de contribution des technologies spatiales à la lutte contre le changement climatique, à la compétitivité et à l'emploi ainsi qu'à la sécurité de l'Europe. La Présidence française de l'Union européenne a permis des avancées significatives dans les domaines de la défense et de la sécurité, en ouvrant la voie à un renforcement de l'information et du renseignement spatial, notamment grâce à la préparation d'une nouvelle génération de satellites d'observation (MUSIS). Elle a aussi permis le lancement d'un projet de Code de conduite pour les opérations spatiales.

La politique spatiale de l'Union européenne : quelques étapes

Livre blanc de la Commission : « Espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion - Plan d'action pour la mise en oeuvre d'une politique spatiale européenne ».

11 novembre 2003

Accord-cadre CE-ESA

25 novembre 2003

Conseils « Espace »

En moyenne 1/an depuis 2004

Réunion informelle des ministres européens chargés des questions spatiales à Kourou (présidence française de l'UE)

22 juillet 2008

Document de travail de la Commission : « Rapport sur l'état d'avancement de la politique spatiale européenne »

11 septembre 2008

Traité de Lisbonne

Entré en vigueur le 1 er décembre 2009

Communication de la Commission : « Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive »

3 mars 2010

Communication de la Commission : « Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation. Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène »

28 octobre 2010

Communication de la Commission : « Vers une stratégie spatiale de l'Union européenne au service du citoyen »

4 avril 2011

Résolution du Parlement européen sur « Vers une stratégie spatiale de l'Union européenne au service du citoyen »

19 janvier 2012

Depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1 er décembre 2009, l'Union est compétente pour élaborer son propre programme spatial, en liaison avec l'Agence spatiale européenne. La Commission a récemment précisé ses intentions dans le domaine spatial dans une communication de 2011 intitulée « Vers une stratégie spatiale de l'Union européenne au service du citoyen ». Le secteur spatial est aussi l'une des dimensions de la stratégie « Europe 2020 », visant une croissance « intelligente, durable et inclusive » à horizon de 10 ans, qui constitue un ensemble d'orientations faisant suite à la « stratégie de Lisbonne » (2000-2010). La politique spatiale est à ce titre l'une des dimensions de l'initiative « phare » sur la politique industrielle (2010), qui souligne la nécessité de favoriser le développement d'une base industrielle solide et équilibrée dans le secteur spatial.

ARTICLE 189 DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE
ISSU DU TRAITÉ DE LISBONNE SIGNÉ LE 13 DÉCEMBRE 2007
ET ENTRÉ EN VIGUEUR LE 1ER DÉCEMBRE 2009

1. Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en oeuvre de ses politiques, l'Union élabore une politique spatiale européenne. À cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l'exploration et l'utilisation de l'espace.

2. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires, qui peuvent prendre la forme d'un programme spatial européen, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres.

3. L'Union établit toute liaison utile avec l'Agence spatiale européenne.

4. Le présent article est sans préjudice des autres dispositions du présent Titre.

Quelques années après sa mise en place, la politique spatiale européenne s'incarne dans deux programmes d'envergure : l'un concerne la navigation-localisation-synchronisation (Galileo), l'autre l'environnement et la sécurité (GMES).

(2) Les réalisations : EGNOS, Galileo, GMES
(a) Navigation, localisation, synchronisation

Galileo est le premier système mondial de navigation par satellite conçu à des fins civiles, afin de garantir l'indépendance de l'Union européenne dans un domaine stratégique, où toutes les grandes puissances souhaitent être présentes.

Un nombre croissant d'applications civiles et militaires dépendent en effet aujourd'hui du système américain GPS ( Global positioning system ) dont les données sont disponibles gratuitement, à condition de disposer d'un récepteur adapté. Le GPS donne non seulement des indications de latitude, longitude et altitude, mais aussi de temps, grâce à ses horloges atomiques. Il permet des opérations de synchronisation, utiles à de nombreuses activités économiques, dans les domaines des télécommunications, des transports, des réseaux de distribution électrique ou encore dans le secteur financier. Dépendre d'un seul pays ou d'un seul système à cet égard - fût-il gratuit - est un facteur de vulnérabilité.

Des systèmes d'augmentation de la précision du GPS ont été développés, tels qu'EGNOS en Europe, qui permet d'améliorer considérablement la précision du signal GPS. Ces systèmes sont utiles notamment pour l'aviation civile, mais ne répondent pas à l'objectif d'autonomie, puisqu'ils sont fondés sur l'utilisation du signal américain.

Être présente dans le domaine de la navigation-localisation-synchronisation doit aussi permettre à l'Europe de répondre à des enjeux économiques et industriels, en lui permettant de se positionner non seulement dans le développement des technologies spatiales mais aussi sur le marché des applications découlant de ces systèmes, par exemple dans le secteur de la téléphonie mobile. Elle doit permettre aux entreprises européennes de créer de nouveaux standards et donc de devenir structurantes sur les marchés. Les retombées économiques potentielles de Galileo pour l'Europe sont estimées par la Commission à 80 Mds€.

Systèmes de navigation-localisation-synchronisation

Systèmes globaux de navigation par satellite (GNSS 8 ( * ) )

Nom

Description

Participants

GPS ( Global positioning system )

GPS est le système de navigation le plus utilisé au monde. Il appartient à et est opéré par l'armée américaine, depuis 1993. Il existe deux niveaux de signal : un signal standard à l'intention du grand public (dont la marge d'erreur est de 17 m) et un signal plus précis, réservé à certains utilisateurs qualifiés, notamment l'armée.

Gouvernement américain

GLONASS

Système de navigation par satellites issu de la technologie soviétique, mis en service en 2011 par la Russie. C'est actuellement la seule alternative opérationnelle au GPS.

Gouvernement russe

Galileo

Galileo est la seule constellation d'initiative civile. C'est un ensemble autonome basé sur une constellation de 30 satellites (27 satellites actifs + 3 satellites en réserve) en orbite à moyenne altitude, qui émettent des signaux compatibles et interopérables avec les autres systèmes mondiaux de navigation par satellite existant (GPS et Glonass). Il comprend également une infrastructure terrestre déployée à travers le monde. Galileo offrira 5 services de couverture mondiale destinés à des usages distincts (service ouvert, service commercial, service sauvegarde de la vie, service public réglementé, service recherche et sauvetage). les 2 premiers satellites (IOV 9 ( * ) -1 et IOV-2) ont été lancés avec Soyouz depuis le centre spatial guyanais, le 21 octobre 2011. Les 2 suivants (IOV-3 et IOV-4) doivent l'être en octobre 2012). Les satellites suivants (dits FOC 10 ( * ) ) seront mis en orbite entre 2013 et 2015. Les premiers services opérationnels sont attendus en 2014.

Commission européenne, ESA

BEIDU / Compass

Système de navigation par satellite chinois. Il est considéré depuis 2011 comme un système régional, visant à devenir mondial d'ici 2020.

Gouvernement chinois

IRNSS ( Indian regional navigational satellite system )

Projet de système de navigation par satellite pour le sous-continent indien

ISRO (agence spatiale indienne), Gouvernement indien

Systèmes d'augmentation de précision par satellite (SBAS 11 ( * ) )

Nom

Description

Participants

EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay Service)

EGNOS est le premier volet de la stratégie européenne en matière de navigation par satellites, avant le développement du système Galileo. Il est né de la volonté de pallier certaines limitations des systèmes existants américain (GPS) et russe (Glonass) sur la zone européenne. Son objectif est de rendre plus performant le service de radionavigation par satellite pour des applications exigeantes en terme de sécurité des personnes et des biens, et en tout premier lieu celles de l'aviation civile. Il améliore la précision du signal GPS (3 m) et apporte des informations sur sa fiabilité. EGNOS est opérationnel depuis 2005.

ESA, Commission européenne, Eurocontrol

WAAS ( Wide area augmentation system )

Relais géostationnaire permettant d'augmenter la précision des signaux GPS notamment au service du trafic aérien, en Amérique du Nord.

Federal aviation administration (gouvernement américain)

MSAS ( multifunctional satellite augmentation system )

Système japonais d'augmentation de précision du signal GPS.

Gouvernement japonais

QZSS ( Quasi-Zenith Satellite system )

Projet de système japonais d'augmentation de précision du signal GPS sur l'Asie-Pacifique.

Gouvernement japonais

GAGAN ( GPS aided geo augmented navigation )

Système indien d'augmentation de précision du signal GPS.

Gouvernement indien (autorité aéroportuaire, ISRO)

Autres systèmes (divers)

Nom

Description

Participants

DORIS (Détermination d'orbite et de radioposition-nement intégrés par satellite)

Le système Doris est utilisé pour déterminer au centimètre près l'orbite de satellites équipés de récepteurs grâce à un réseau de stations terrestres, utilisées comme points de référence au sol. A l'inverse, le système permet le rattachement précis de points donnés au Système de référence terrestre international (ITRF).

Cette dualité permet à Doris de servir, depuis 1992, de nombreuses applications : le système est ainsi associé aux missions altimétriques de mesure des océans ou des glaces, à l'étude de la forme et des mouvements de la Terre mais aussi à de nombreux services de localisation.

CNES, ESA, IGN, GRGS (Groupe de Recherches de Géodésie Spatiale)

Tandis que les Russes ont remis en service leur système de navigation GLONASS, et que Chinois et Indiens ont aussi des ambitions, les Européens mettent progressivement en place leur constellation Galileo, constituée de 4 satellites de test dits IOV ( in-orbit validation ) et 22 satellites opérationnels dits FOC ( full operational capability ). Les premiers, produits par Astrium, ont été lancés par Soyouz en Guyane en octobre 2011 et octobre 2012. Les seconds ont été commandés à l'entreprise allemande OHB, la filiale SSTL d'Astrium réalisant la charge utile, contre une offre concurrente d'Astrium-Thalès Alenia Space. Ils seront lancés entre 2013 et 2015. Si l'on compte aussi les deux satellites de tests, et les deux satellites en réserve au sol, ce sont 30 satellites qui auront été produits au total pour Galileo.

Après de nombreux retards (4 ans) et surcoûts, Galileo est finalement en voie d'aboutissement. Les premiers services (pré-opérationnels) sont prévus pour 2014-2015. La constellation complète devrait être déployée vers 2018-2019. Afin d'accélérer le déploiement de la constellation, la Commission a pris des risques, en abandonnant le principe d'une double source industrielle dans la fabrication des satellites, désormais confiés pour l'essentiel à l'entreprise allemande OHB. Nos interlocuteurs européens nous ont expliqué avoir agi dans l'intérêt du contribuable, en retenant l'offre la plus compétitive du point de vue de ses coûts, quitte à renoncer au principe de double approvisionnement, qui aurait offert une sécurité supplémentaire.

(b) Environnement, sécurité

Le programme européen GMES 12 ( * ) vise à développer des services combinant observations spatiales, données collectées in situ et modélisation, pour produire des données de surveillance du climat et de l'environnement susceptibles de servir à la décision publique, tant sur le long terme qu'en situation d'urgence.

GMES illustre le fait que les technologies spatiales sont devenues essentielles dans le domaine du développement durable car elles permettent de collecter des informations de manière globale, continue et homogène. L'observation de la Terre n'est pas un terrain nouveau pour l'Europe, puisque de nombreux programmes ont été développés et continuent à l'être, notamment par le CNES, en coopération avec des partenaires étrangers (voir ci-après, au II. B. 2. du présent rapport).

GMES a pour objet de créer un cadre commun cohérent pour structurer la demande et pour satisfaire cette demande grâce à des données harmonisées, soit en donnant accès à des services existants, soit en développant de nouveaux services opérationnels.

De nombreux domaines des politiques de l'environnement, par exemple le changement climatique, doivent bénéficier de GMES, qui est considéré comme la contribution européenne à la mise en place du réseau mondial des systèmes d'observation de la Terre GEOSS. Ce programme doit permettre à l'Europe d'accéder de façon autonome à des informations fiables et accroître ainsi son influence dans les négociations internationales.

L'architecture de GMES est fondée sur trois composantes : une composante « services », qui fournit des informations à l'appui des politiques environnementales et de sécurité, et deux composantes d'observation (infrastructures spatiales et in situ ) qui fournissent les données nécessaires au fonctionnement des services. La composante spatiale est constituée de cinq missions Sentinel : Sentinel 1, Sentinel 2 et Sentinel 3 sont des constellations de satellites en orbite polaire ; Sentinel 4 est une charge utile qui sera embarquée sur un satellite Meteosat de troisième génération ; Sentinel 5 est une charge utile embarquée sur un satellite de météorologie en orbite polaire MetOp Seconde génération (2020).

Au-delà du déploiement de l'infrastructure, l'objectif de GMES est de mettre en place des services d'information environnementale, dans les domaines de la surveillance des territoires, des océans, de l'atmosphère, du climat, ainsi que pour la gestion des urgences et l'appui à la sécurité.

Pour y parvenir, il faut agir non seulement sur l'offre mais aussi sur la demande, ce qui suppose un pilotage passant par une réflexion sur l'utilisation des données, le développement de modèles, les conditions d'accès à l'information. Lors de leur déplacement à Bruxelles, vos rapporteurs ont trouvé leurs interlocuteurs quelque peu évasifs s'agissant du développement des services du programme GMES. Il leur a été dit que la Commission était « très en amont » de la réflexion à ce sujet, et que c'était à l'industrie de se mobiliser pour faire émerger ces services. Or, un an avant les premiers lancements de satellites de ce programme, il ne paraît pas prématuré de mettre en place le pilotage nécessaire à l'entrée en phase opérationnelle des services, la Commission ayant vocation à mettre en marche ce processus.

Pour la gestion de GMES, la Commission envisage de déléguer certaines tâches à l'Agence du système mondial de navigation par satellite européen (Galileo), actuellement en cours d'installation à Prague (GSA 13 ( * ) ), plutôt que de créer une agence dédiée ou de recourir à des compétences existantes (Eumetsat). Cette configuration ne paraît pas la plus adaptée, l'ampleur des tâches de la GSA pour Galileo étant déjà colossale ; elle pourrait, par ailleurs, venir doublonner des compétences déjà existantes chez Eumetsat. En effet, si Galileo a introduit la navigation-localisation-synchronisation en Europe, GMES développe pour sa part des compétences déjà existantes, dans le domaine de l'observation de la Terre.

Les incertitudes sur la gouvernance de GMES illustrent une politique spatiale européenne dont les contours et mécanismes devront être précisés.

(3) Un modèle en cours d'élaboration

Le modèle de la politique spatiale européenne reste à définir. Le traité de Lisbonne est une opportunité, mais de nombreuses questions restent posées.

En particulier, il n'est pas certain que les processus européens soient adaptés aux enjeux d'une politique industrielle.

La Commission n'a toujours pas fait pleinement sien le principe d'une utilisation systématique des lanceurs européens dans le cadre des programmes institutionnels du continent, même si elle a accepté de ne lancer les satellites Galileo que depuis Kourou.

Ainsi par exemple, dans le cadre du programme GMES, si le lancement de Sentinel 1A a été confié à Arianespace (Soyouz), les lancements de Sentinel 2A et 3A seront assurés par le lanceur Rockot, produit par la société Eurockot, depuis la base de Plesetsk en Russie. Basée à Brême, Eurockot est une joint venture entre Astrium (51 %) et Khrunichev (49 %) dont le lanceur est dérivé de missiles intercontinentaux soviétiques.

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place une relation partenariale et les outils juridiques et contractuels correspondants entre l'Union européenne et ses États membres dans le domaine spatial, afin qu'ils puissent partager réellement la compétence spatiale, conformément au traité de Lisbonne.

La gouvernance du « triangle spatial » formé par l'Union européenne, l'ESA et les États membres n'est pour le moment qu'une ébauche. Elle doit être formalisée et permettre à l'Europe de bénéficier pleinement de toutes les compétences déjà existantes.

Comme le suggère le rapport du Centre d'analyse stratégique 14 ( * ) , repris en cela par la Stratégie spatiale française (2012), l'UE doit jouer un rôle de pilotage et utiliser les compétences de l'ESA et des États membres dans la conduite des programmes.

En tant que maître d'ouvrage des programmes spatiaux de l'Union, il revient à la Commission de définir les priorités et de mettre en place les financements. Elle devrait ensuite s'appuyer sur les compétences techniques et les capacités de maîtrise d'ouvrage de l'ESA et aussi des agences spatiales des États membres pour qu'ils assurent conjointement, autour de l'ESA, en apportant les meilleures compétences, la maîtrise d'ouvrage déléguée de ces programmes.

La maîtrise d'oeuvre a, pour sa part, vocation à être confiée à l'industrie européenne.

Un tel schéma, mettant en oeuvre un principe de subsidiarité, faciliterait le partage effectif de la compétence spatiale conformément au Traité de Lisbonne.

Orientations

- Établir un véritable programme spatial de l'Union européenne, à horizon de dix ans, plus exhaustif dans ses ambitions et plus clair dans ses principes de gouvernance

- Dans ce cadre, faire de l'ESA l'agence spatiale de l'UE et permettre aux agences nationales d'apporter leurs compétences à la Commission

- Reconnaître le maintien de l'autonomie d'accès à l'espace comme prioritaire et donc la nécessité pour l'Europe de recourir à ses propres lanceurs

- Instaurer dans le domaine spatial un principe de réciprocité avec les partenaires non européens, c'est-à-dire n'acheter hors d'Europe que si les marchés tiers sont réellement ouverts

L'Europe spatiale, dont les schémas de fonctionnement ne sont pas stabilisés, fait par ailleurs usage de budgets institutionnels limités, en comparaison de ceux des autres puissances spatiales, partenaires et rivales.

2. Des budgets institutionnels limités

L'examen des budgets européens, auxquels la France apporte une contribution essentielle, sera précédé d'un aperçu des budgets consacrés en France à l'espace.

a) Les budgets spatiaux français

Les budgets publics alloués à l'espace en France s'élèvent à environ 2 Mds€ annuels, avec un effort particulier réalisé au cours des années récentes, au titre du programme d'investissements d'avenir.

Les crédits budgétaires du CNES s'élèvent à 760 M€ en 2012 (835 M€ en incluant les crédits au titre du plan d'investissement d'avenir) ; 743 M€ sont inscrits au projet de loi de finances pour 2013, soit 583 M€ sur le programme 193 (recherche spatiale) et 159 M€ sur le programme 191 (recherche duale), ce qui correspond à une baisse de 2,2  % (17 M€).

La contribution française à l'ESA, budgétée à hauteur de 770 M€ en 2012, serait portée à 799 M€ en 2013 (+3,8 %).

Les budgets spatiaux inscrits en loi de finances initiale (2012) en M€
Total : 1991 M€

Les budgets spatiaux par opérateur (2012)
Total : 1991 M€

(1) Programme 193 « Recherche spatiale » :

Ce budget représente près des ¾ du total. Il est sous la responsabilité du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. La répartition des crédits au sein de ce programme montre la priorité accordée par la France à l'accès à l'espace, qui concentre plus d'un tiers du total, soit 494 M€, dont 354 M€ reversés à l'ESA.

Répartition des crédits du programme 193 « Recherche spatiale » (2012)

(2) Programme 191 : Recherche duale

Le programme 191 est à double finalité civile et militaire. Il a pour vocation de financer des actions d'intérêt pour la défense, conduites par le CNES et par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il vise à maintenir le lien entre ces opérateurs et la Défense, ainsi impliquée dans la préparation du programme de recherche des organismes. S'agissant du volet aérospatial, confié au CNES, qui représente 82 % du montant total du programme, les programmes concernent, pour une part prépondérante du budget, des démonstrateurs en vol qui contribuent à la préparation des capacités futures et au développement de la base technologique et industrielle.

La coopération entre la Direction générale de l'armement (DGA) et l'agence spatiale a permis la mise en place et le financement des programmes suivants : ELISA (démonstrateur dans le domaine des écoutes électromagnétiques), Pléiades (observation optique), AltiKa (océanographie altimétrique), Athéna-Fidus (télécommunications haut-débit), Composante spatiale optique (CSO) de MUSIS 15 ( * ) (pour prendre la suite des satellites HELIOS), TARANIS (caractérisation du couplage atmosphère-ionosphère-magnétosphère lors des épisodes orageux). Au titre des activités de recherche et technologie, deux démonstrateurs sont actuellement en phase d'avant projet : CXCI est un démonstrateur de technologies innovantes dans le domaine du Renseignement d'origine image (imagerie très haute résolution) ; GRANDIR est un démonstrateur de détecteur infrarouge améliorant les performances.

(3) Programme d'investissements d'avenir

Le programme d'investissements d'avenir alloue 600 M€ à la recherche dans le domaine spatial.

D'une part, la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 relative au programme d'investissements d'avenir a ouvert une subvention de 500 M€ au CNES, au titre de l'action « Espace » du programme « Projets thématiques d'excellence ». Ces crédits sont destinés à financer :

- les études et démonstrateurs technologiques pour préparer la mise au point d'un nouveau lanceur « Ariane 6 » (250 M€) ;

- des projets de satellites déterminants pour le savoir-faire et la compétitivité de la filière française (250 M€).

Le volet « lanceur » porte sur un projet précédemment identifié, mais, dans la mesure où une décision relative au futur lanceur européen est attendue lors de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA, une somme de 140 M€ a été réservée. Outre 82,5 M € alloués au titre de la phase 1 des études sur le lanceur de nouvelle génération, 27.45 M€ ont été consacrés à une recapitalisation d'Arianespace, dont l'État est actionnaire à hauteur de 33 %.

Le volet « satellites » a donné lieu à un appel à projet, qui a abouti à la sélection des programmes suivants :

- SWOT : Il s'agit d'une mission commune à la NASA et au CNES dont les objectifs sont de fournir des données altimétriques et cartographiques sur les océans, plans d'eau et fleuves, dans la continuité des satellites Jason actuellement en service, et dans la perspective de fournir des services à forte valeur ajoutée ;

- Myriade Évolutions : Il s'agit d'accroître les capacités de la plateforme de microsatellites Myriade, et d'obtenir la qualification de ce nouveau système au travers de la première mission utilisatrice, Merlin, qui est une coopération franco-allemande dans le domaine de la surveillance des gaz à effet de serre (méthane).

- Satellites du futur : Il s'agit d'aider les industriels français à affronter l'intensification de la concurrence dans le secteur des satellites, en encourageant l'apparition d'une nouvelle génération de plateformes de satellites géostationnaires de télécommunications (PFGeoNG) pour les satellites de 3 à 6 tonnes qui représentent 75 % du marché mondial. Cette nouvelle génération de plateformes sera complémentaire de la plateforme Alphabus développée par Astrium et Thalès Alenia Space, qui vise le marché des très gros satellites (plus de 6 tonnes). Ce projet doit conduire à une amélioration de 30 % de la compétitivité des satellites géostationnaires de télécommunications des industriels. Une seconde tranche de ce projet pourrait faire l'objet d'un nouveau programme dans le cadre du programme de télécommunications ARTES de l'ESA, qui sera proposé à la prochaine Conférence Ministérielle.

« Investissements d'avenir » sélectionnés (2010-2011)

Projet

Bénéficiaires ou porteurs

Montant autorisé consommable

Lanceur de nouvelle génération

CNES

82.5 M€

Recapitalisation d'Arianespace

Arianespace

27.45 M€

SWOT

CNES

170 M€

Myriade Evolution

CNES

40 M€

Satellites du futur

Astrium / Thales Alenia Space

42,5 M€

Source : Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir (2012)

D'autre part, au sein de l'action « Développement des réseaux à très haut débit » du plan d'investissements d'avenir, qui vise prioritairement à accélérer le déploiement de la fibre optique sur le territoire, un effort a été consenti en faveur du développement des solutions satellitaires à très haut débit, sous maîtrise d'ouvrage du CNES, afin de permettre à terme une couverture exhaustive du territoire national. A ce titre, une enveloppe de 40 M€, susceptible d'être portée à 100 M€ d'ici 2013, est mobilisée.

(4) Budgets de la Mission Défense

Le Livre blanc Défense et Sécurité nationale (2008), jugeant que l'espace est devenu « un milieu aussi vital pour l'activité économique mondiale et la sécurité internationale que les milieux maritime, aérien ou terrestre », avait prévu un doublement des crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires en moyenne annuelle, sur la base d'un budget qui s'élevait à 380 M€ en 2008 (voir ci-après la partie consacrée à l'espace militaire).

Le budget adopté en LFI 2012 paraît éloigné de cet objectif, avec 355,2 M€ en crédits de paiement (CP) pour l'espace militaire, dont 189,3 M€ de ressources budgétaires et 165,9 M€ en provenance du Compte d'affectation spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien  », abondé par le produit de la cession de bandes de fréquence relevant du ministère de la défense.

Cette estimation des ressources dédiées à l'espace militaire doit être considérée comme un ordre de grandeur. D'une part, elle dépend du périmètre attribué à l'espace militaire. D'autre part, ces crédits connaissent de fortes variations chaque année, notamment en termes d'autorisation d'engagement (par exemple : 297 M€ en 2012 contre 2024 M€ en 2011), en fonction de l'affectation annuelle des tranches des différents programmes 16 ( * ) . Enfin, il existe chaque année des écarts significatifs entre autorisations budgétaires et réalisations ex post 16 ( * ) .

Orientations

- Poursuivre dans la logique du programme d'investissement d'avenir, c'est-à-dire : consolider les budgets spatiaux français en privilégiant les dépenses ciblées destinées à améliorer la compétitivité de notre industrie

- Présenter l'ensemble des budgets spatiaux français dans un document unique, susceptible d'alimenter le débat public

b) Les budgets de l'Europe spatiale

La dépense publique spatiale européenne représente environ 6,5 Mds € par an, dont 4 Mds € pour les programmes de l'ESA. Le reste (environ 2,5 Mds€ par an) est constitué de programmes nationaux.

(1) L'ESA

Tous les États membres de l'ESA participent, en fonction de leur PIB, aux activités liées à la science spatiale, au travers d'un ensemble de programmes dits obligatoires. Ils choisissent par ailleurs leur niveau de participation aux programmes facultatifs. L'ESA gère aussi des programmes pour le compte de tiers (Galileo pour l'UE).

Modalités de participation des États membres au budget de l'ESA

Contribution obligatoire (% PIB)

Contribution facultative

- Budget général : études pour de futures missions, recherche technologique, éducation, investissements communs (équipements, laboratoires, infrastructure de base)

- Science : science du système solaire, astronomie, physique fondamentale

- Vols habités

- Télécommunications

- Observation de la Terre

- Lanceurs

- Navigation

- Exploration robotique

75 % du budget de l'ESA provient des contributions de ses États membres ; 25 % provient de l'UE et d'autres entités tierces, notamment Eumetsat. L'UE (20 %) est désormais le premier contributeur de l'ESA devant la France (19 %) et l'Allemagne (18 %).

La contribution française à l'ESA, qui s'élève à 770 M€ en 2012, pour un appel à contribution de 751 M€, est grevée par l'apurement de la dette que la France a contractée à l'égard de l'agence 17 ( * ) . L'objectif de la France est de rembourser cet arriéré d'ici à 2015 18 ( * ) . Lors de son audition par vos rapporteurs, M. Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'ESA, a estimé que cette dette avait permis de sauver le lanceur Ariane 5 après 2002 et qu'il s'agissait, par conséquent, d'une dette « salutaire » et « responsable ».

Lors du dernier Conseil ministériel de l'ESA, qui s'est tenu à la Haye (2008), 10,4 Md€ de programmes nouveaux ont été souscrits auprès des États membres, dont 2,33 Md€ de nouveaux engagements pour la France, en priorité pour l'accès à l'espace (737 M€), le développement durable (452 M€) et les sciences spatiales (484 M€). L'Allemagne est le premier souscripteur avec 2,7 milliards d'euros consentis. De façon générale, ce pays met plutôt l'accent sur la l'ISS, tandis que la France privilégie la thématique des lanceurs.

A l'avenir, si les évolutions se prolongent, il se pourrait que l'Allemagne devienne le premier État contributeur de l'ESA, après l'Union européenne, d'autant que les engagements financiers de la France demeureront contraints pour encore quelques années par le remboursement de l'arriéré qu'elle a accumulé. Étant donné l'objectif prioritairement industriel de la politique spatiale allemande, cette évolution, si elle s'accentuait, pourrait avoir des conséquences sur la base industrielle. Elle pourrait influencer les orientations - voire la philosophie - de la politique spatiale européenne, actuellement encore très largement héritière de la politique spatiale française.

Du point de vue de ses emplois, le budget de l'ESA se partage ainsi : 40 % pour les applications, 30 % pour la science et 25 % pour l'infrastructure (lanceurs et ISS). Ses deux plus gros programmes sont aujourd'hui l'observation de la Terre et la navigation, correspondant aux priorités affichées par l'Union européenne.

Orientations

- Poursuivre l'apurement de la dette de la France vis-à-vis de l'ESA

- Maintenir à long terme l'engagement de la France à l'ESA, c'est-à-dire sa part de contribution au budget, pour continuer à jouer un rôle moteur dans la définition de ce que doit être l'Europe spatiale, et pour demeurer en mesure de faire jouer les règles de « retour géographique » autant que possible au profit de notre industrie

(2) Une politique spatiale européenne à consolider par un financement pérenne

La Commission a présenté ses propositions de budget pour l'UE à l'horizon 2020 dans une communication de juin 2011 19 ( * ) . Ces propositions illustrent l'absence de vision globale de la politique spatiale européenne, qui se réduit au financement de Galileo et à une part du budget de la recherche de l'Union.

Proposition de la Commission pour le financement de Galileo (M€)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2014-2020

1 100

1 100

900

900

700

900

1 400

7 000

Initialement cofinancés par l'ESA, Galileo et EGNOS sont désormais intégralement financés par l'Union européenne, qui est propriétaire des biens issus de ces programmes. Comme le montre le tableau ci-dessus, la Commission propose d'inclure un budget de 7 milliards d'euros à ce titre au sein du prochain cadre financier pluriannuel (2014-2020), soit en moyenne 1 Md€/an.

La deuxième composante spatiale du budget de l'Union européenne est incluse dans le budget de la recherche Horizon 2020 (cadre stratégique commun pour la recherche, l'innovation et le développement technologique 20 ( * ) ). La Commission propose d'allouer 80 Mds€ sur la période 2014-2020 à ce budget, dont 1,7 Mds€ dans le domaine spatial.

Quant au programme GMES, financé depuis son lancement en 1998 par l'Union européenne et par l'ESA, il est à ce stade exclu du futur cadre financier pluriannuel de l'Union. Par le passé, l'UE a financé plutôt le développement des services de GMES, tandis que l'ESA se concentrait davantage sur la composante « espace ».

Financement de GMES sur la période 1998-2013

En M€

ESA

UE

Total

Composante « services »

240

520

760

Composante « espace »

1650

780

2430

Total

1890

1300

3190

Pour l'avenir, le déploiement, la maintenance et la mise à niveau de GMES nécessiteront, d'après la Commission, un budget de 5,8 Mds € pour la période 2014-2020, dont 1091 M€ pour les services, 350 M€ pour la composante in situ et 4,4 Mds€ (d'après les estimations de l'ESA) pour la composante « espace ».

Tandis que GMES entre en phase opérationnelle, et est donc amené à sortir du budget de la recherche, la Commission propose de l'exclure du cadre financier pluriannuel 2014-2020, estimant que le budget de l'Union européenne est insuffisant pour mettre en oeuvre l'ensemble des politiques souhaitées par les États membres, singulièrement les « projets de grande envergure ».

LA COMMISSION EUROPÉENNE DÉFAVORABLE AUX GRANDS PROJETS INDUSTRIELS ?

« L'expérience acquise au fil des ans a montré que les projets de grande envergure qui présentent un intérêt pour l'UE tendent à représenter un coût démesuré pour le budget limité de l'UE. Les prévisions de coûts initiales étant souvent dépassées du fait de la spécificité de ces projets, il est nécessaire de trouver des financements supplémentaires, ce qui implique également la nécessité de redéployer des fonds qui ont déjà été affectés à d'autres besoins prioritaires. Cette solution n'est pas viable et la Commission a donc décidé de soumettre d'autres propositions concernant le financement futur des projets scientifiques de grande envergure en établissant une distinction entre Galileo et les autres projets.

L'UE est l'unique propriétaire du projet Galileo et le présent paquet propose un budget suffisant pour couvrir ses besoins futurs. Il sera nécessaire de maintenir les efforts permettant de maîtriser les coûts. Le règlement fixant le cadre financier pluriannuel répondra à cette nécessité. Il est prévu de parvenir à la phase de déploiement complet de Galileo et à sa phase opérationnelle au début du prochain cadre financier; à ce stade, il conviendra d'envisager de nouvelles modalités de gestion dans une perspective à plus long terme.

En ce qui concerne les projets tels qu'ITER et GMES, dont les coûts et/ou les dépassements de coûts sont trop élevés pour être supportés exclusivement par le budget de l'UE, la Commission propose de prévoir leur financement en dehors du CFP après 2013. Cela permettra à l'UE de continuer à honorer pleinement ses engagements internationaux. »

La Commission reconnaît aussi toutefois, de façon quelque peu contradictoire, que « GMES n'a pas présenté de dépassements de coûts par le passé et n'est pas susceptible d'en présenter dans l'avenir, étant donné qu'il est fondé sur une structure qui permet, si nécessaire, de redéfinir les priorités du contenu et des objectifs de ses différentes composantes afin de rester dans la limite des coûts prévus. »

Source : Communications précitées des 29 juin 2011 et 30 novembre 2011.

En conséquence, c'est un budget intergouvernemental qui est proposé pour financer GMES, c'est-à-dire des contributions directes des États membres en fonction de leurs PNB respectifs, à hauteur de 5,8 Mds€ sur 7 ans.

Proposition de la Commission pour le financement de GMES (M€)
hors cadre financier pluriannuel

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2014-2020

834

834

834

834

834

834

834

5.841

La proposition de la Commission a été officiellement rejetée par la France et plusieurs autres États membres (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Suède, Pays-Bas, Finlande). Le Parlement européen s'est aussi opposé à cette proposition.

Tandis que les infrastructures sont financées et en cours d'achèvement, puisqu'il est prévu de lancer en 2013 les satellites A des constellations Sentinel 1,2 et 3, l'incertitude sur le financement futur de la phase opérationnelle d'un programme pourtant reconnu comme stratégique par l'Union européenne instille un doute sur sa pérennité. L'ESA s'interroge, en toute logique, sur la nécessite de procéder aux lancements prévus. Cette situation est aberrante compte tenu des 3,2 Mds€ alloués à GMES jusqu'en 2013. Elle est d'autant plus préjudiciable à l'Europe que le satellite Envisat, dont les satellites Sentine ont vocation à prendre la suite, a récemment cessé de fonctionner (le 8 avril 2012).

L'approche de la Commission met en danger l'existence même du projet GMES, pour lequel plus de 3 milliards d'euros ont déjà été investis. Il est en effet peu probable que les États membres acceptent la vision développée par la Commission. Les discussions difficiles qu'engendrerait un modèle intergouvernemental susciteraient, à tout le moins, un allongement conséquent des délais du programme.

En revanche, d'après nos interlocuteurs, il paraît possible de réévaluer le coût du programme GMES, voire d'en reconfigurer certains aspects, afin de le rendre plus viable budgétairement.

Orientations

- Réintégrer rapidement GMES dans le cadre financier pluriannuel de l'Union pour 2014-2020

- Veiller concomitamment à la préservation des autres budgets spatiaux de l'UE (Galileo, recherche)


* 1 Termes de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950.

* 2 Voir, en annexe au présent rapport : « L'Allemagne, une grande puissance économique », note de l'Ambassade de France en Allemagne consacrée au système politique et économique allemand ainsi qu'à sa stratégie spatiale.

* 3 International traffic in arms regulation.

* 4 « Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d'espace à l'industrie de Didier Lucas (juillet 2012), Les Notes stratégiques de l'Institut Choiseul.

* 5 European Launcher Development Organisation (1962).

* 6 European Space Research Organisation (1962).

* 7 Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Pologne (depuis 2012), la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède, la République Tchèque et la Suisse.

* 8 Global navigation satellite system (GNSS).

* 9 In-orbit validation (IOV).

* 10 Full operational capability (FOC).

* 11 Satellite Based Augmentation System (SBAS).

* 12 Global monitoring for environment and security. Voir la communication de la Commission du 30 novembre 2011 concernant le programme européen de surveillance de la Terre (GMES) et sa mise en oeuvre (à partir de 2014).

* 13 European GNSS (Global Navigation Satellite System) Agency.

* 14 « Une ambition spatiale pour l'Europe », Rapport de la mission présidée par Emmanuel Sartorius, Centre d'analyse stratégique (2011).

* 15 Multinational space-based imaging system for surveillance : programme Défense en coopération européenne destiné à fournir une capacité d'observation optique et radar de la Terre. Le CNES est en charge de la Composante spatiale optique (CSO).

* 16 Avis n° 108 (2011-2012) de MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2012 (tome VI - Défense : équipement des forces).

* 17 A ce sujet, voir le rapport de notre ancien collègue Christian Gaudin : « La dette du CNES à l'égard de l'Agence spatiale européenne : pour un atterrissage en douceur », fait au nom de la Commission des finances du Sénat, n°226 (2008-2009).

* 18 Cet objectif paraît peu réaliste à nos collègues Michel Berson et Philippe Adnot, rapporteurs spéciaux de la mission Recherche et Enseignement supérieur au nom de la Commission des finances : annexe n°21 du rapport Sénat n°107 (2011-2012).

* 19 Communication de la Commission en date du 29 juin 2011 intitulée «Un budget pour la stratégie Europe 2020».

* 20 Ce cadre réunit les trois principales sources de financement existantes de la recherche à savoir : le 7 ème programme cadre ; le volet innovation du programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité ; l'Institut européen d'innovation et de technologie.

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