Mme Isabelle Veyrat-Masson, Directrice de recherche au CNRS, Directrice du Laboratoire Communication et Politique

Je remercie tout d'abord les intervenants politiques de cette rencontre d'avoir fait l'effort de réfléchir aux questions qui se posent aux historiens. Depuis des années, je travaille comme historienne et politologue sur la question des archives audiovisuelles, et il existe plusieurs manières de mesurer leurs apports spécifiques. Pour la construction de l'histoire de notre pays, ce sont des archives comme les autres. Pour l'élaboration d'une histoire de la télévision, elles sont particulières.

Collecter, Conserver, Classer et Communiquer les documents produits par les hommes, telles sont les quatre actions qui permettent à une communauté de disposer de traces fiables de son activité, permettant de construire une histoire partagée qui ne repose pas que sur les récits, forcément parcellaires et subjectifs, portés par les consciences individuelles. Depuis la Bibliothèque d'Alexandrie où étaient conservées les copies de tous les documents qui arrivaient en Égypte, les sociétés de l'écrit ont vu dans le recueil (collecte) de ces documents un moyen d'abord de contrôle des activités et des pensées des contemporains. Puis, une fois conservées et classés, ces textes ont pu être utilisés comme sources de connaissance puis de transmission des données du présent : ces traces sont des archives.

« Ceci tuera cela » écrivait Victor Hugo dans la célèbre formule de « Notre Dame de Paris », signifiant ainsi que les nouvelles techniques feraient disparaître les sociétés qui les avaient précédées. Au coeur du désir d'archive gît, au contraire, le rêve de limiter l'évanescence du temps. L'apparition de techniques de dissémination et de conservation des documents a été à l'origine de décisions politiques importantes concernant les archives tandis que dans un mouvement parallèle, les sociétés voyaient dans cette constitution d'un fonds commun de textes et d'images dont l'accès ne cessait de se simplifier, un moyen unique d'interroger le passé pour construire un présent changeant.

Avant d'être un média de culture, d'information et de distraction, la télévision a été une technique permettant de fabriquer des images. Ces images éphémères, disparaissant au moment de leur diffusion, n'ont pas tout de suite semblé mériter d'être conservées, et il a fallu des années pour que les images de télévision aient été constituées en archives. Mais depuis, la France en particulier, s'est vite « rattrapée » de sa première ingratitude.

Le sénateur André Diligent a vu en 1974, dans les archives de la radio télévision « un trésor absolument inestimable, unique au monde ». C'est lui d'ailleurs qui porte cet amendement, le 27 juillet 1974 qui permet la création de l'INA, nouvel organisme, chargé des archives de l'audiovisuel. Pourtant les archives des sociétés de programmes d'outre-mer seront oubliées. Cet oubli ne portait pas à conséquences tant que les archives de l'audiovisuel conservées par l'INA n'étaient utilisées qu'avec un objectif de rediffusion ou de réutilisation à l'intérieur de nouveaux programmes. Mais, à partir du moment où les archives étaient mises à disposition des chercheurs, il en était tout autrement.

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