B. LES INCERTITUDES SUR LE CHAMP DE COMPÉTENCES ET LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE FEI NE SONT CEPENDANT PAS LEVÉES

Ce contrat ne lève pas certaines incertitudes dans lesquelles est laissé l'opérateur.

1. Des incertitudes quant à la nature et au périmètre des interventions

D'un côté, le ministère des affaires étrangères ne renonce pas à l'idée d'un opérateur généraliste ayant vocation à fédérer les autres opérateurs avec une vocation d'ensemblier.

Le contrat d'objectifs et de performances indique que « FEI, par ses missions adossées à la politique étrangère de la France et la composition de son conseil d'administration, a vocation à travailler avec tous les ministères ». Il doit renforcer à cet égard ses compétences dans l'ingénierie et la gestion de projet et développer « son rôle d'ensemblier pour les projets multisectoriels ou transversaux » et l'invite à s'associer, en tant que de besoin, aux opérateurs et bureaux d'études privés afin de remporter et d'exécuter tout contrat confié par un maître d'ouvrage, français ou étranger, désireux de conduire un projet international.

De l'autre côté, le contrat définit un champ sectoriel en demandant à FEI de développer l'ingénierie de projets dans les domaines qui relèvent des « objectifs du millénaire pour le développemen t », de « la gestion des biens publics mondiaux et, en particulier, dans le domaine de la santé, de l'économie de la connaissance, de la gouvernance, des situations d'après crise ou encore de la sécurité et de la stabilité internationales ».

Il s'agit d'autant de domaines où d'autres opérateurs relevant d'autres ministères en matière de santé ou de sécurité intérieure s'estiment également légitimes et contestent la présence de FEI comme opérateur « métier ». Mais le ministère, en fixant comme objectif à FEI d'accroître ses parts de marché dans ces secteurs et de financer son développement en faisant des marges sur ses interventions, l'invite à se placer en situation de concurrence avec ses homologues des autres ministères.

En l'absence d'une rationalisation du champ de la promotion de l'expertise technique à l'international, FEI semble être condamné à être contesté par les autres opérateurs aussi bien dans un rôle de fédérateur et d'ensemblier que d'intervenant métier sans que le ministère des affaires étrangères n'ait la volonté ou les moyens de clarifier la situation.

2. Des incertitudes quant à la nature publique ou privée du modèle économique de l'établissement

FEI est un établissement public participant à l'action extérieure de l'Etat au sens de la loi du 27 juillet 2010. C'est un opérateur public adossé au ministère des affaires étrangères auquel il est fixé des objectifs de politique publique, mais auquel on n'attribue aucune subvention et auquel on donne des objectifs de captation de part de marché dans un secteur hautement concurrentiel.

FEI apparaît à la fois comme un démembrement de l'Etat, répondant à des objectifs de politiques publiques, s'appuyant sur le réseau diplomatique, bénéficiant de procédures dérogatoires pour les assistants techniques publics de l'AFD ou pour l'initiative 5 % et, en même temps, comme un bureau d'étude public placé en situation concurrentielle, remboursant son loyer et ses frais informatiques au MAE et contraint de financer ses frais de fonctionnement sur une marge bénéficiaire de projets remportés sur d'autres modes de financements dont les appels d'offres internationaux.

En outre, loin de se cantonner à être un organisme de gestion de fonctionnaires en mission d'expertise, FEI gère majoritairement des experts privés. Il ne se limite pas à gérer des experts, mais offre des prestations intellectuelles complètes et d'ingénierie de projet, y compris avec un volet éventuel de marchés de matériels ou fournitures, rentrant ainsi potentiellement en concurrence avec les bureaux d'étude privés.

Chargé d'une mission publique de prospection et de rayonnement de l'expertise publique française, FEI pourrait légitimement bénéficier d'une subvention pour des actions au profit de la communauté des opérateurs publics et privés.

Dans la situation actuelle, il y a d'un côté des opérateurs publics au même titre que FEI dont les charges de service public ne sont pas clairement identifiées et les subventions correspondantes non corrélées à la partie des activités non rentables, de l'autre un opérateur (FEI) théoriquement chargé de missions de service public mais sans subvention correspondante et dès lors amené à faire preuve d'une sélectivité sur ses projets sur la base de critères économiques prépondérants.

Au-delà de quelques transferts ponctuels sur une base ad hoc (14 ETI actuellement), le ministère des affaires étrangères n'a pas souhaité lui confier de façon plus systématique la gestion de ses experts techniques résidents en effectifs pourtant plus nombreux que ceux transférés à l'AFD.

FEI n'est donc pas à proprement parler un opérateur chargé d'une mission de service public, il n'est d'ailleurs pas un opérateur de l'Etat au sens de la LOLF, puisqu'il ne bénéficie pas de subvention de fonctionnement. Mais, ce n'est pas non plus un opérateur privé tant il bénéficie, comme d'autres opérateurs publics, d'un statut dérogatoire pour certaines commandes passées de gré à gré.

3. Des incertitudes quant à la viabilité de son modèle économique à moyen terme

Les résultats de FEI sur moyenne période montrent une activité juste à l'équilibre. En 2011, FEI est contraint de reprendre des charges exceptionnelles datant du GIP FCI dont des provisions et créances anciennes créant un déficit de plus d'un million d'euros. En 2012 avec un chiffre d'affaires qui pourrait s'élever à 26 millions d'euros, les prévisions de résultats sont de l'ordre de 350 000 euros.

Évolution du résultat de FCI puis FEI depuis 2002

2002

2003

2004

2005

2006

CA CA

750 000

1 177 290

1 619 495

2 918 489

9 226 979

CA Résultat

697 099

57 352

-76 458

-539 059

591 118

2007

2008

2009

2010

2011 *

BP 2012

CA

17 604 631

24 837 442

21 750 626

21 626 517

22 853 220

33 407 584

Résultat

1 140 232

1 015 869

93 208

369 958

-1 050 813

349 653

* Passage FCI _ FEI au 1 er avril 2011

En moyenne, le chiffre d'affaires se situe ces 7 dernières années à 20 millions d'euros pour un résultat en moyenne de 350 000 euros soit 2 % du chiffre d'affaires.

Autrement dit, malgré l'adossement au ministère des affaires étrangères qui assure directement ou via l'AFD plus d'un tiers du chiffre d'affaires, l'activité de FEI sur les marchés concurrentiels a une rentabilité limitée.

Si FEI a consolidé son modèle financier sur des procédures relativement protégées, celles-ci ne concernent aujourd'hui que 36 % de son chiffre d'affaires liés à l'AFD ou au ministère des affaires étrangères.

Sur ces 36 %, la concurrence est limitée mais existe, au sens où nul n'est, au final, obligé de recourir aux services de l'établissement, y compris le ministère qui peut très bien recourir à d'autres opérateurs ou l'AFD qui peut très bien ne pas recourir à une prestation assurée par un expert public.

Pour plus de 60 % de son chiffre d'affaires, FEI doit remporter des marchés dans un secteur hautement concurrentiel. La capacité de l'établissement sur la durée à gagner des marchés tout en assurant un excédent d'exploitation n'est pas acquise.

Elle suppose de la part de l'ensemble des équipes de FEI un effort de prospection et une vigilance constante sur la maîtrise des couts de structure. Le contrat ne dit pas si l'objectif à poursuivre est l'obtention d'un résultat net positif ou le maintien du juste équilibre entre les charges et les revenus.

Évolution des charges de structures de FCI puis de FEI

2007

2008

2009

2010

2011

Total Produits

17 604 631,00

24 837 442,00

22 450 626,00

21 626 517,00

21 672 642,00

Charges de structure

1 817 000,00

3 121 166,00

3 837 542,00

3 454 397,00

3 679 546,00

%

10%

13%

17%

16%

17%

Jusqu'à présent FEI a stabilisé les charges de structure à 17 % de son chiffre d'affaires.

Pour les années 2012-2016, l'initiative 5 % assurera une part croissante du chiffre d'affaires, les effets des 18 millions d'euros d'engagements annuels ne se faisant sentir que progressivement. Ainsi, les prévisions de décaissements sur les montants engagés au titre du canal 1 ne dépassent guère les 3 millions d'euros tandis que le rythme de mise en place des projets financés sur le canal 2 rend peu probable l'hypothèse de décaissements significatifs avant l'exercice 2013. Cependant avec 7,5 % de rémunération pour la gestion de cette initiative, il n'est pas certain que cette opération soit rentable pour FEI.

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