IV. LA MISE EN oeUVRE DE CE CONTRAT DÉPENDRA LARGEMENT DE LA CAPACITÉ DES POUVOIRS PUBLICS À MENER UNE RÉFORME AUJOURD'HUI URGENTE DE LA STRUCTURATION DES DIFFÉRENTS ACTEURS PUBLICS INTERVENANT DANS CE DOMAINE

Nombre des incertitudes relevées tiennent au contexte dans lequel s'inscrit l'activité de FEI, qui intervient dans un paysage administratif investi par une trentaine d'opérateurs publics d'expertise à l'international

A. LA FRAGMENTATION DE L'ACTION PUBLIQUE DANS CE DOMAINE N'OFFRE PAS À FEI UN CADRE OPÉRATIONNEL COHÉRENT ET FRAGILISE LA PLACE DE LA FRANCE SUR LES MARCHÉS INTERNATIONAUX DE L'EXPERTISE.

Le choix politique au moment de la réforme de 1998 a été de ne pas se doter d'un opérateur public dominant qui aurait pu permettre de développer les synergies entre aide bilatérale et expertise technique internationale.

Le résultat quelques années plus tard est un dispositif atomisé où les chevauchements de compétences sont nombreux et dans lequel la viabilité économique des opérateurs est une question latente.

Le rapport « Maugüé » sur « le renforcement de la cohérence du dispositif public d'expertise technique internationale », demandé par votre commission lors de la discussion de la loi sur l'action extérieure de l'État de juillet 2010, le souligne à nouveau. Il indique que cette dispersion s'accompagne d'une diversité de situations en matière de statuts et modèles économiques et que cohabitent des associations, des GIP, des EPIC, des EPA, des SA détenues majoritairement par l'Etat avec des ressources qui peuvent provenir de subventions d'exploitations, de cotisations, de crédits pour opérations ou de contrats remportés.

Le volume d'activité cumulé annuel s'élève à environ 80 millions d'euros dont 60 millions d'euros proviennent des 3 plus grosses structures (FEI, ADETEF et CIVIPOL). Ces 80 millions d'euros se décomposeraient en 50 millions d'euros de financements européens, 22 millions d'euros de financements bilatéraux français et le solde de marchés remportés auprès de pays tiers ou de bailleurs multilatéraux.

En face, la GIZ allemande avoisine les 300 millions d'euros, son équivalent anglais 100 millions de livres anglaise.

Autrement dit, les opérateurs français n'ont pas la taille critique pour être compétitifs sur les marchés internationaux. Cette fragmentation ne leur permet pas de bénéficier d'économie d'échelle, de partager en commun des services de veille, des services juridiques de rédaction des contrats, etc. Les gros opérateurs européens (GIZ, FIIAPP) savent profiter de cette fragmentation lorsqu'ils recherchent des forces d'appoint pour leurs projets (expertise spécialisée et/ou francophone).

Cette situation ne permet pas de porter à l'étranger une offre française lisible. Non seulement ces opérateurs se font parfois concurrence, c'est-à-dire répondent aux mêmes appels d'offres en ordre dispersé, mais ils se font concurrence avec des modèles économiques assez différents, certains opérateurs bénéficiant de subventions publiques, ce qui fausse la concurrence non seulement avec les opérateurs publics mais également avec les opérateurs privés.

Elle conduit à une forte dispersion de l'effort public.

Dans le domaine de la santé, FEI a mis en place une équipe « santé », principalement pour piloter l'initiative 5 %. FEI a ainsi contribué à structurer l'expertise métier dans le domaine de la lutte contre les pandémies, en mettant en place un vaste réseau « 5 % Fonds mondial » constitué de partenaires publics, de professionnels de santé et d'ONG spécialisées.

De son côté, le ministère de la santé cherche à structurer une expertise métier qui provient en grande partie des administrations et établissements qui relèvent de sa tutelle.

Enfin, la division « santé » de l'Agence française de développement, à qui a été confiée la mise en oeuvre d'une partie des « engagements de Muskoka » de la France en faveur de la santé maternelle et infantile met en oeuvre des projets pour lesquels elle s'appuie sur des experts techniques pour suivre et piloter ses financements sur le terrain.

Cette fragmentation des acteurs et cette dispersion des moyens publics ne manquent pas de susciter des tensions entre les structures bénéficiant chacun d'une fraction de ceux-ci.

Partant du même constat d'insuffisance du dispositif actuel, et en l'absence de réforme portée par les ministères concernés, chaque acteur de coopération fait de son mieux pour occuper une partie du champ laissé vacant - au risque d'accroître davantage la fragmentation.

Ainsi l'AFD travaille-t-elle à la mise en place d'un fonds d'assistance technique dont elle assurerait la gestion - ce qui reviendrait à la création d'un opérateur d'assistance technique supplémentaire. Le GIP Inter, à l'occasion du renouvellement de sa convention constitutive, a souhaité élargir son mandat aux questions de protection sociale et de santé. Le GIP Esther manifeste quant à lui le souhait d'élargir ses compétences à l'ensemble du champ santé par la mise en oeuvre de jumelages hospitaliers, alors même que la direction générale de l'offre de soins gère les appels d'offres dédiés aux jumelages hospitaliers.

La situation est, de ce fait, hautement conflictuelle. Les divergences sur le périmètre attisent les conflits. Les différences entre les modèles économiques des opérateurs freinent, en outre, considérablement les tentatives de coordination.

Votre rapporteur a eu l'impression, selon l'expression d'une personne auditionnée, qu'il n'y a « pas de politique, pas de gendarme, pas de pilotage ».

Chez les principaux partenaires et concurrents de la France, l'expertise technique est portée par un département ministériel ou une agence chargée de la coopération internationale qui, dans ce cadre, assure la promotion de l'expertise. Celle-ci bénéficie ainsi de son adossement à l'aide bilatérale au développement et des fortes synergies qui existent entre ces deux types d'actions.

A l'inverse ce secteur est organisé, en France, en fonction du périmètre de compétence des pouvoirs de tutelle.

De ce fait «l'expertise métier» structure l'offre française, l'opérateur FEI, qui se veut «ensemblier» et polyvalent, constituant à cet égard une exception.

Cette situation entraîne de véritables difficultés à se positionner sur les appels d'offres internationaux en l'absence de taille critique qui permette une maîtrise des procédures et une capacité de veille suffisante.

A cela s'ajoutent des difficultés à mobiliser le potentiel humain : malgré la proximité affichée des « viviers d'expertise », les opérateurs publics dans leur majorité sont confrontés à la réticence accrue des administrations à mettre à disposition leurs experts du fait des restrictions en personnel, à des viviers au périmètre restreint à la fonction publique d'Etat et à l'absence d'une valorisation de l'expérience internationale dans le déroulé de carrière des experts.

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