B. UNE CONSÉQUENCE DE LA CRISE DE 2008

Très vite, il a été établi que le secteur financier avait joué un rôle important dans le déclenchement de la crise économique et que les pouvoirs publics et les contribuables avaient dû en supporter le coût. Dans ces conditions, la TTF est apparue comme un impôt moral et, il faut bien le reconnaître, une forme de sanction infligée aux principaux coupables de la crise.

Il fut admis que le secteur financier devait apporter une contribution plus substantielle et plus équitable. On découvrit alors que le secteur financier bénéficiait d'une « sous imposition » et, qu'entre autres particularités, il n'était pas soumis à la TVA 1 ( * ) . Il fallait garantir une égalité de traitement fiscal du secteur financier par rapport aux autres secteurs. Il aurait fallu, pour bien faire, mettre sur la table la fiscalité du secteur financier qui constitue un débat à elle toute seule.

Au même moment, l'Union européenne s'était attelée à un ambitieux programme de réforme réglementaire du secteur des services financiers pour mieux encadrer ce secteur, renforcer les établissements financiers et parer aux défaillances, rendre les marchés plus sûrs et plus transparents et enfin, accroître la protection des consommateurs de services financiers (règlement EMIR et révision de MIF débouchant sur le règlement MIFID et la directive MIFIR).

On se rallia à l'idée que le secteur financier devait payer et que la TTF était le meilleur vecteur. Certains, pourtant, sans remettre en cause l'idée de faire contribuer davantage le secteur financier, expliquèrent qu'il y avait d'autres moyens plus simples pour contraindre le secteur à contribuer davantage, mais ils ne furent pas entendus.

C. LE DÉBAT SUR UNE CONTRIBUTION PLUS IMPORTANTE DU SECTEUR FINANCIER

Plutôt qu'une taxe sur les transactions financières, il a été évoqué une augmentation de l'impôt sur les résultats des banques ou encore une taxe assise sur le passif des banques sur le modèle anglais ou le modèle français.

1. La taxe sur les activités financières

Une taxe sur l'activité financière (TAF) avait été envisagée par le FMI, c'est-à-dire une taxe sur les rémunérations et sur les profits des banques. Ce type de taxe a pour avantage de ne pas pouvoir être répercutée trop facilement sur le client final puisqu'elle est basée sur les résultats avant impôts, et non sur les transactions opérées au nom des clients. Cependant, pas plus que la TTF, elle ne prend en compte les bénéfices réels du secteur financier.

Or, la taxe sur les activités financières qui était proposée par le FMI ne modifie pas les structures des marchés puisqu'elle frappe les revenus indépendamment de la manière dont ils sont générés (elle porte sur la totalité des profits découlant des activités commerciales des établissements financiers). Elle est donc perçue sur toutes les activités et pas seulement sur les transactions financières et elle ne modifie pas - du moins dans un premier temps - le prix des instruments financiers et n'a pas d'incidence sur la forme des transactions financières. Il y a naturellement avec la TAF un risque de délocalisation des revenus et des rémunérations, mais compte tenu du fait que les établissements financiers doivent offrir leurs services de base là où se trouvent leurs clients, ce risque reste limité.

Le FMI proposait au G 20 et à la Commission une combinaison de la TTF et de la taxe sur l'activité financière. La Commission a hésité jusqu'au dernier moment avant d'opter pour la TTF.

2. La taxe bancaire de risque systémique française

La taxe bancaire de risque systémique française répond à une autre logique : elle est applicable aux entreprises du secteur bancaire relevant de la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel et soumises à des exigences minimales en fonds propres supérieures à 500 millions d'euros. Cette taxe est donc assise sur les fonds propres réglementaires et son taux est de 0,25 %.

La taxe de risque systémique est affectée au budget général, elle devrait rapporter plus d'un milliard d'euros au titre de 2012 du fait du doublement de son taux intervenu avec la deuxième loi de finances rectificative pour 2012.

Pour mémoire, le rendement de l'ensemble des taxes bancaires serait au Royaume-Uni et en Allemagne respectivement de l'ordre de 3 milliards d'euros et de 1,2 milliard d'euros.

3. Le fond du débat : souveraineté fiscale et égoïsmes nationaux

Tous ces débats sur la meilleure taxe possible dissimulent pourtant l'essentiel de la problématique que l'on peut résumer de la façon suivante: il fallait éviter les distorsions économiques sur des marchés internationaux parfaitement intégrés, éviter de limiter la liberté de circulation des capitaux, enfin éviter une trop grande réduction de la souveraineté fiscale des États et promouvoir pourtant un minimum d'unité et de synergie entre des États souverains habitués jusqu'ici à opter presque toujours pour des politiques fiscales individualistes dont l'efficacité était éphémère. D'un côté des marchés financiers sans frontières, de l'autre des citadelles fiscales nationales recroquevillées sur une politique fiscale de court terme cherchant à maximiser le produit de l'impôt et à conserver le plus longtemps possible le maximum de bases taxables par définition mobiles.

Un autre aspect du débat concernait, comme il a été dit, le souhait de limiter, voire de supprimer, grâce à une taxe dissuasive, les transactions purement spéculatives et à risque. Les détracteurs de la TTF estimaient qu'elle serait inopérante et que seule une interdiction de ces transactions pourrait y mettre fin. Leur démonstration n'a pas convaincu.

Par ailleurs, il est curieux de remarquer que le débat ne s'est pas nourri de l'existant, c'est-à-dire des premières expériences de TTF, même s'il s'agit plutôt de lointains prototypes : le droit de timbre suisse, l'impôt de bourse français, la Stamp Duty britannique. Ces taxes, sévèrement critiquées par certains défenseurs de la TTF, ont pourtant le mérite de montrer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas et à ramener le débat sur des fondamentaux réalistes.


* 1 La plupart des services financiers et des services d'assurance sont exonérés de la TVA.

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