D. LES PROTOTYPES DE LA TTF

1. Le droit de timbre en Suisse

Au départ, le droit de timbre suisse s'appliquait de manière générale à tout échange de titres en Suisse. Après plusieurs réformes, ce droit de timbre ne s'applique plus qu'aux opérations des banques de gestion et à celles des autres acteurs institutionnels de la finance, mais il ne s'applique pas aux agents de change étrangers, ni aux banques institutionnelles étrangères ni aux gérants de fortune étrangers.

Ce droit de timbre créé en 1918 et réformé en 1973 a pour facteur de déclenchement de l'imposition le transfert de propriété de titres, uniquement à caractère onéreux, par l'entremise d'une institution financière suisse habilitée à intervenir sur les marchés financiers, le « commerçant de titres ».

Les titres soumis à ce droit comprennent les titres suisses comme tous les titres étrangers, qu'il s'agisse d'actions, d'obligations ou de parts de fonds ainsi même que certains produits dérivés.

Les émissions sur le marché primaire sont exonérées de ce droit de timbre. Sont également exonérés les placements collectifs de capitaux suisses et étrangers. Ces deux exonérations méritent d'être soulignées dans la mesure où parmi les États ayant rejoint le projet européen d'une coopération renforcée, certains n'y sont pas insensibles.

Les taux sont de 1,5 °/ °° pour les titres suisses et de 3 °/ °° pour les titres étrangers ; chaque fois, la taxe est partagée par moitié entre les deux contractants (soit 0,075 % et 0,15 % ou 7,5 et 15 points de base).

Cette taxe rapporte annuellement 2,856 milliards de francs suisses et s'apparente à une TTF partielle puisqu'elle ne frappe qu'une partie des transactions et à la condition qu'elles donnent lieu à un changement de propriété à titre onéreux. Moins ambitieuse que la TTF imaginée par la Commission, elle a pour elle la clarté et l'efficacité, outre l'autorité que lui confère sa durée - presque un siècle d'existence.

2. La « Stamp Duty » britannique

La Stamp Duty Reserve Tax est un impôt applicable aux transactions portant sur des actions cotées au Royaume-Uni. Sous les effets combinés de la crise de 2008 et d'une décision de la CJUE de 2009, les recettes de cette taxe ont connu une baisse sensible. Cependant, son existence n'est pas remise en cause, car le débat porte plutôt sur l'éventuelle exonération des investissements des fonds britanniques et étrangers. Cette querelle n'est pas sans intérêt pour les États membres qui veulent entrer dans la coopération renforcée, car la même question se posera à eux au moment de cerner les vrais contours du projet de la nouvelle TTF européenne.

La Stamp Duty , refondée en 1986 à partir d'une taxe existant depuis 1694, est due au titre des transactions portant sur les actions de sociétés britanniques, sur les actions enregistrées au Royaume-Uni de sociétés étrangères, sur les options d'achat, sur les droits issus d'actions déjà détenues et sur le droit à recevoir le produit de la vente de ces actions. C'est un droit d'enregistrement dont le taux est de 0,5 % ou de 1,5 % si les titres transitent par une chambre de compensation lors d'un transfert à l'étranger. Le redevable de la taxe est l'acquéreur et non les deux parties à la transaction.

Les recettes de la Stamp Duty évoluent dans une moyenne de 2,5 à 3,5 milliards de livres. L'existence de cette taxe figure parmi les arguments utilisés par le Royaume-Uni pour s'opposer à l'instauration d'une TTF européenne. Or, la Stamp Duty ne concerne qu'une partie des transactions, mais elle a le mérite d'être doublement territoriale puisqu'il s'agit de titres britanniques achetés sur le sol britannique et donc de ne pas menacer la souveraineté fiscale des autres États. En contrepartie, elle ne peut s'opposer au phénomène d'évitement qui consiste à ce que les investisseurs aillent acheter et détenir des actions britanniques en dehors du territoire.

3. L'ancien impôt d'opération de bourse français

En France, jusqu'en 2007, tout investisseur résidant sur le territoire national devait s'acquitter d'un impôt sur toute opération de bourse ayant pour objet l'achat ou la vente de valeurs de toute nature qu'elles fussent françaises ou étrangères. Le taux était de 0,3 % pour la première tranche (jusqu'à 153 000 euros) et 0,15 % au-delà de cette tranche. Le montant de l'impôt était plafonné à 610 euros.

Les obligations étaient exonérées de cet impôt. Cependant l'impôt fut supprimé, car il nuisait à l'attractivité de la place de Paris et accentuait les délocalisations d'opérateurs. On l'accusait aussi de créer des distorsions de concurrence et de réduire la liquidité. Son principal défaut était bien de discriminer les seuls résidents français et les prestataires de services d'investissement établis en France et le corollaire de ce défaut était la délocalisation des ordres au profit des places étrangères. Les clients français étaient invités à recourir à des intermédiaires établis hors de France pour réaliser leurs opérations sur Euronext ou sur les marchés étrangers.

Cette taxe rapportait 260 millions d'euros en 2007, soit sans doute moins que la perte de recettes fiscales et sociales générée par la délocalisation des ordres.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page