B. ANALYSE CRITIQUE ET CHOIX D'UNE MÉTHODE

La démarche adoptée est celle d'une assimilation critique des scénarios de l'INRA et de la DATAR, prélude à la construction argumentée d'un scénario optimal propre à nourrir une réflexion politique sur les hypothèses qui conditionnent sa réalisation.

1. La diversité des postulats méthodologiques

Les scénarios de l'INRA et de la DATAR, pour avoir inévitablement de nombreux points communs, diffèrent cependant les uns des autres et affichent des tonalités décalées que les dix années d'écart séparant leur échéance ne sauraient expliquer. L'approche est différente dans l'un et l'autre cas, les accents ne sont pas placés sur les mêmes phénomènes. Il convient d'approfondir cette diversité méthodologique pour mieux éclairer les choix à faire.

1.1. La prospective de l'INRA repose sur le choix « non pas de construire des hypothèses d'évolution à partir de définitions fixes et exclusives de l'urbain et du rural, mais de s'intéresser aux relations entre l'urbain et le rural ». C'est ainsi que les ruralités prises en compte dans cette prospective ont été définies comme « des arrangements composites d'usages résidentiels, récréatifs et productifs, de représentation des acteurs et de rapports à la nature, au patrimoine et aux enjeux écologiques inscrits dans des rapports dynamiques ville-campagne ». En effet les territoires périurbanisés, comme les territoires irrigués par des bourgs ruraux et par des petites villes, témoignent entre villes et campagnes d'interdépendances qui exercent une influence majeure sur l'avenir des campagnes en termes de « configurations spatiales, de flux et d'acteurs ».

On notera que ces partis pris méthodologiques s'articulent bien avec le constat indubitable selon lequel le temps n'est plus où les ruraux acceptaient un accès aux services et aux aménités de la société inégal à celui dont profitent les populations urbaines . La distinction ville-campagne conserve bien entendu une pertinence à maints égards profonde, elle ne peut cependant plus être clivante. C'est pourquoi la mise en lumière de quatre scénarios d'évolution fondés sur la prise en compte de la diversité des interactions envisageables entre certaines catégories de campagnes et certaines catégories de villes semble revêtir un caractère particulièrement opérant du point de vue du politique, qui est celui de la délégation à la prospective.

1.2. La prospective de la DATAR repose aussi sur l'étude de phénomènes d'interactions, puisque « le parti pris de la démarche est de s'intéresser à des systèmes territoriaux animés par des logiques fonctionnelles privilégiant des processus d'organisation spatiale, économique et sociale singuliers, chaque système territorial identifié étant en situation d'interaction forte, voire d'emboîtement avec d'autres systèmes territoriaux ». Cependant, le choix de chercher à « spécifier la catégorie générique du rural » en s'appuyant sur la notion de faible densité ne permet pas de mettre en relief un fait majeur structurant.

Ainsi, seuls deux scénarios sur les cinq du modèle, celui de la faible densité absorbée et celui de l'avant-scène des villes, mettent l'accent sur les relations entre les villes et les campagnes, les trois autres semblant postuler la possibilité d'espaces ruraux évoluant indépendamment du devenir des villes 25 ( * ) .

Si ce point de départ peut donner une impression de choix parfois arbitraire des facteurs d'évolution - par exemple l'accent mis sur la dérégulation et sur l'isolement territorial dans le scénario des archipels communautaires - la méthodologie présente en revanche l'intérêt d'insister d'emblée sur la disparité des espaces de la faible densité : « la première caractéristique majeure des espaces de faible densité français sur les plans à la fois géographique, économique et social porte sur leur diversité de profils. Ils sont présents dans toutes les régions ; cependant (...) la variété des formes et des situations est grande ». La prise en compte de cette diversité est évidemment précieuse pour imaginer le passage de la prévision à l'action.


* 25 Même s'il faudrait, par ailleurs, considérer une part de la réflexion portant sur un autre « système spatial » identifié par la DATAR, celui dénommé « les villes intermédiaires et leurs espaces de proximité ».

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