INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le déploiement rapide du très haut débit est une opportunité que la France doit saisir.

Ces réseaux sont les voies par lesquelles les grandes circulations qui font la prospérité d'un pays passeront dans le futur. Elles détermineront les échanges mais aussi les innovations productives au rendez-vous desquelles - et ce rendez-vous c'est aujourd'hui - il ne faut pas manquer de répondre.

Le saut technologique qu'apporte la fibre optique est un défi pour la cohésion nationale mais il est aussi une chance pour celle-ci.

Dans l'économie de la connaissance qui est la seule voie à suivre pour une France dynamique et compétitive, ce serait une faute que de tarder à franchir ce pas si décisif.

La fracture numérique n'est pas complètement réduite, loin s'en faut. Les nombreux témoignages exprimés par les contributeurs à l'espace participatif ouverts par vos rapporteurs à l'occasion de la présente mission ne laissent aucun doute sur sa persistance. Elle nourrit des frustrations, voire un mécontentement, bien compréhensibles. Elle contrarie notre idéal d'égalité. En affectant les chances de beaucoup, elle atteint notre potentiel commun de création.

Le déploiement d'un réseau beaucoup plus performant, s'il n'est pas accompagné de dispositifs en garantissant un égal accès peut encore aggraver la fracture numérique. Les inégalités territoriales s'accentueraient et prendraient des proportions alarmantes. Il n'est pas exagéré d'évoquer le spectre d'un « exode numérique » accentuant radicalement les congestions dont souffrent tant de territoires urbains où se déverseraient les « exclus du numérique » délaissant des territoires ruraux de plus en plus désertés.

Ce scénario de l'inacceptable doit être conjuré. Il serait d'autant plus absurde que le très haut débit, à condition qu'il bénéficie à tous, est l'occasion d'un aménagement de notre territoire enfin satisfaisant.

Chacun doit mesurer sa contribution à la satisfaction des besoins dont la frustration déclenche les dynamiques négatives qui déséquilibrent notre pays.

De toute façon, la « frontière technologique » du numérique n'est pas un luxe qu'une « France des ingénieurs » voudrait, pour une satisfaction quelque peu corporatiste, imposer au pays.

Il y a certes de bonnes raisons sous un angle technique d'anticiper les congestions que l'explosion des flux numériques ne manquerait pas de susciter si les infrastructures n'étaient pas radicalement rénovées.

Mais les évidences économiques et sociétales sont là. L'économie de notre siècle sera numérique et cette perspective dépasse de beaucoup ses déjà formidables enjeux de richesses. C'est tout le champ des relations de l'homme à la technique qu'il faut se mettre en mesure de maîtriser. Cette maîtrise ne passera pas par une attitude passive mais bien par la conquête, par l'expérience, des nouveaux territoires du numérique.

Les infrastructures sont une composante à part entière de ces territoires. Les terminaux ont été au coeur des dynamiques du numérique ; sans réseaux performants ils ne pourraient rien.

La construction d'infrastructures de nouvelle génération s'impose et de nombreux pays dans le monde l'ont compris. De son côté, l'Europe du très haut débit est à la traîne et la France décroche en Europe.

L'objectif d'équipement du territoire par le très haut débit qui a été réaffirmé et raccourci par le nouveau président de la République est un défi : celui d'installer et d'acclimater une technologie en rupture avec l'existant.

L'État a attribué aux collectivités territoriales un rôle de premier plan pour qu'elles contribuent à l'investissement de très grande ampleur qu'il faudra consentir pour relever ce défi.

L'objet du présent rapport est d'évaluer si cette mission est correctement formulée, si les collectivités territoriales pourront remplir le rôle attendu d'elles.

Le cadre qui constitue l'environnement économique et financier de l'investissement dans les infrastructures numériques est tributaire d'une conception dominante dans l'économie générale (la macroéconomie) et dans l'économie sectorielle (la microéconomie) qui assigne a priori au marché et à ses mécanismes des « compétences » prééminentes.

Cette approche, de principe, a fait l'objet de quelques correctifs - mais ambigus - pour tenir compte de son inadaptation aux problèmes posés par une innovation aussi radicale que celle à entreprendre pour le très haut débit.

Le système reste profondément déséquilibré ; il est, par là, porteur d'inefficacité et peu conforme à l'équité.

Une fois encore, le cadre théorique des marchés concurrentiels se révèle inapproprié dès le moment où l'on envisage concrètement les positions d'acteurs.

Les régulateurs l'ont compris. Ils ont tenté d'instaurer un système plus réaliste.

Mais, il est difficile de concilier les contraires et cette tentative n'est pas aboutie.

Dans l'architecture mise en place coexistent un oligopole déséquilibré - celui des opérateurs privés - et un monopole contrarié - celui des réseaux d'initiative publique -, superposition de structures de marché imparfaites qui n'est pas propice à la diffusion de l'innovation radicale qu'on souhaite diffuser.

Dans un tel cadre, l'investissement est bloqué ou bien réalisé sous des risques inacceptables, d'autant plus inacceptables qu'ils se concentrent sur les deniers publics.

C'est à sortir du scénario de l'échec que cette configuration d'acteurs oblige à écrire qu'il faut s'atteler au plus vite.

L'instauration sur des bases équitables de positions réellement soutenables des différents investisseurs oblige à des progrès décisifs de coordination qui sont la condition d'efficacité à réunir pour relever le défi du « très haut débit pour tous ».

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