2. Pour une contribution de l'État ajustée à ses responsabilités et à l'exigence d'égalité des territoires

Le soutien financier de l'État doit prendre en compte le nécessaire engagement de celui-ci au service de l'aménagement du territoire, qui est une politique nationale, et de la croissance du pays. Il doit aussi respecter la logique de réussite de son choix.

La doctrine d'emploi de l'enveloppe de 900 millions d'euros prévue au titre du FSN a été définie en tenant compte de l'objectif d'aménagement du territoire :

- d'une part, le soutien du FSN a été conditionné à une forme de complétude des projets qui doivent couvrir l'ensemble d'un département et s'inscrire dans un SDTAN ;

- d'autre part, et surtout, une modulation du soutien a été ménagée en fonction de la proportion de la population rurale des départements avec un taux de couverture du besoin de financement public compris entre 33 % et 45 %, dans le cadre d'un plafond nominal compris entre 200 et 500 euros par prise en fonction de l'importance des zones rurales dans le département concerné.

Par ailleurs, on rappelle qu'une part minoritaire de l'enveloppe a été consacrée à l'amélioration, par des technologies alternatives, de la fourniture de l'internet à haut débit en complément d'un projet THD. Les technologies alternatives au FttH peuvent être soutenues, via des prêts ou des subventions selon les cas, dans la limite d'un plafond de 100 euros par prise qui, pour être inférieur à celui posé pour le FttH, une fois ramené au coûts, n'en peut pas moins équivaloir à des taux de soutien du même ordre que celui dont il bénéficie.

Analysant l'enveloppe réservée au soutien de l'équipement des zones peu denses, le rapport de l'IGF précité observait que sa mobilisation dépendrait de la capacité des collectivités territoriales à dégager les moyens nécessaires à la logique de cofinancement qui est la sienne.

Les résultats d'exécution du FSN préservés dans le jaune budgétaire annexé au PLF 2013 montrent des taux de consommation très faibles qui sont expliqués par la longueur du processus d'adoption des projets.

AUTORISATIONS ET DÉCAISSEMENTS AU 31 AOÛT 2012
(en millions d'euros)

*Une différence inexpliquée de 18,9 millions d'euros a été constatée entre le détail des montants et le total annoncé.

Source : rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir

Le taux de consommation des autorisations d'engagement n'atteint pas 25 %. Quant au taux de décaissement, il est nul.

Cette situation combinée avec l'analyse des projets de RIP, qui repose sur des perspectives probablement encore incertaines, conduit les responsables de la gestion du fonds à envisager que le niveau de la ressource est suffisant jusqu'à la moitié de 2014.

Il n'en reste pas moins que l'observation sur l'impasse structurelle de financement mentionnée précédemment est entièrement justifiée.

Pour l'État, l'estimation de cette impasse est tributaire de perspectives qui sont en partie incertaines - quel cofinancement des opérateurs privés ? - en partie maîtrisables.

De ce point de vue, la variable essentielle est celle du taux de participation global de l'État au programme d'équipement des zones couvertes par les administrations publiques. Ce taux dépend de différents arbitrages sur les architectures finalement choisies et sur la charge laissée aux collectivités territoriales.

Sur la base des estimations du présent rapport, le besoin de financement public à couvrir en subventions s'élève (hors accidents variantiels) à 870 millions d'euros par an (pour un total d'investissement de 1,313 milliard d'euros en incluant les contributions privées).

Dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2013, il est fait mention d'un effet de levier de 1 à 5 des engagements de l'État 60 ( * ) . Sur cette base, on pourrait déduire que le fonds devrait comporter des aides de l'ordre de 263 millions d'euros par an.

Mais cette dotation qui reviendrait à un taux de participation l'État moyen de 30 % n'est pas soutenable et devra être augmentée.

Du reste, le document précité l'admet. Il mentionne très justement que :

« Les projets financés par le FSN ne constituent que la première période d'investissement pour assurer la mise en oeuvre des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) ». Rappelant que les phases ultérieures d'investissement ont vocation à être cofinancées par l'État via le Fond d'aménagement numérique des territoires (FANT), il indique que le taux de subventionnement de ces projets devra être accru « au fur et à mesure que ces réseaux se déploieront dans des zones de densité toujours plus faible » et conclut qu'il « convient d'anticiper qu'une large part de cet effort financier supplémentaire devra être pris en charge par un accroissement de l'effet de péréquation des interventions financières de l'État via le FANT ».

Vos rapporteurs partagent pleinement cette appréciation. Elle rejoint les analyses du rapport du CGI qu'il faut citer :

« Les modalités de soutien (taux de soutien, plafonds par prise) définies actuellement dans le cadre de l'appel à projets « Réseaux d'initiative publique » (RIP) du FSN ne sont pas adaptées pour le financement de ces deuxièmes ou troisièmes vagues d'investissement à horizon de 5 ou 10 ans ( le « reste à payer » pour les collectivités concernées serait écrasant au faut et à mesure que les RIP couvriront des zones de moins en moins denses) et devront être adaptées à ces nouvelles phases portant sur des zones aux coûts de déploiement particulièrement élevés. Il conviendra d'accentuer graduellement l'effet de péréquation en cohérence avec la mise en place d'un mode de financement pérenne du Fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT), appelé à prendre la relève du FSN, une fois les ressources financières de celui-ci épuisées. »

Il importe donc que le taux de participation de l'État apporte une forte dose de péréquation au plan de financement.

A cet égard, le plafonnement doit être revu puisqu'il emporte de profondes iniquités.

Sur la base d'une échelle des coûts correspondant aux différents niveaux de couverture du territoire 61 ( * ) , avec un surcroît de 17 milliards d'euros pour les 40 % des « logements marginaux » (soit environ 11 millions de foyers) et d'un apport privé de 500 euros par logement, le besoin de financement public s'élève autour de 11,5 milliards pour cette population.

Un taux de participation de l'État de 30 % obligerait à provisionner à ce titre 383 millions d'euros par an contre seulement 83,3 millions d'euros pour couvrir, dans les mêmes conditions, 60 % de la population.

Compte tenu d'une disposition à payer de 5,5 milliards d'euros des opérateurs privés pour la zone d'intervention publique (contre 7 milliards pour les 60 % couverts par la zone d'intérêt privé), qui apporterait 500 millions d'euros par an (contre 700 millions pour la première), les collectivités territoriales devraient fournir 770 millions d'euros par an pour équiper cette tranche de la population.

SIMULATION DE LA RÉPARTITION DES COÛTS ENTRE LES DEUX ZONES D'INTÉRÊT AVEC UN TAUX DE PARTICIPATION DE L'ÉTAT DE 30 % DU BESOIN DE FINANCEMENT PUBLIC*
(en millions d'euros)

*Entre parenthèses figure le coût par logement, en euro : 16,5 millions de logements pour la zone d'intérêt privé, et 11 millions de logements pour la zone d'intervention publique.

Source : calcul des auteurs

La simulation illustre les effets asymétriques d'un taux de participation de l'État de 30 % du besoin de financement public. Le coût par logement pour le contribuable local, de 40,6 € dans la première zone passe à 700 € dans la seconde zone 62 ( * ) .

Un taux de participation de 50 % réduirait cet écart.

TABLEAU DE FINANCEMENT DE L'ÉQUIPEMENT DE LA TANCHE DE POPULATION DE LA ZONE D'INTERVENTION PUBLIQUE AVEC UN TAUX DE PARTICIPATION DE L'ÉTAT DE 50 % DU BESOIN DE FINANCEMENT PUBLIC
(en millions d'euros)

Source : calcul des auteurs

Mais l'écart demeurerait très élevé dans un rapport de 1 à 14,1.

Pour arriver à une neutralité fiscale du choix de l'État pour le contribuable local, il faudrait que la contribution des collectivités territoriales soit limitée à 496,6 millions d'euros et qu'ainsi l'État apporte 96,1 % de la contribution publique dans la zone considérée.

Cette configuration est très éloignée du taux de participation actuelle de l'État, qui n'est donc en effet pas soutenable au regard de l'équité.

Une équité complète obligerait l'État à provisionner 1,105 milliard d'euros par an pour financer l'équipement de la zone d'intérêt public 63 ( * ) .

A l'évidence, il faut considérer une autre variable - celle de la vérité des coûts - aux fins de responsabiliser les agents économiques.

Ces deux considérations pourraient conduire à une forme de moyen terme. Le taux moyen de contribution de l'État se situerait alors autour de 66 %  mais selon une modulation pour tenir compte de la dispersion des coûts dans la zone B.

Enfin, la contribution de l'État devrait être modulée en fonction du potentiel fiscal des collectivités territoriales.


* 59 On peut se reporter à cet égard au dernier rapport public de la Cour des comptes sur l'évolution de la durée des coupures de courant sur le réseau électrique.

* 60 Cet effet de levier est présenté comme faible au vu des projets soutenus sans pour autant que les observations entourant cette appréciation soient tout à fait probantes.

* 61 On retient ici celle de la DATAR en le corrigeant pour les déciles de logement au-delà du sixième pour rester sous le plafond d'un coût total de 25 milliards d'euros.

* 62 Encore faut-il observer que les moyennes utilisées occultent la dispersion réelle des coûts.

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