Audition de M. Bernard ACCOYER, député (mardi 20 novembre 2012)

Mme Muguette Dini , vice-présidente . - Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui les auditions de notre commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé en rencontrant M. Bernard Accoyer, député, ancien président de l'Assemblée nationale.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.

J'attire l'attention du public ici présent qu'il est tenu d'assister à cette audition en silence. Toute personne qui troublerait les débats, par exemple en donnant des marques d'approbation ou d'improbation, sera exclue sur le champ.

J'en viens à notre réunion.

L'audition de notre collègue Bernard Accoyer s'inscrit dans un ensemble d'auditions auxquelles nous allons procéder au cours de séances successives sur le thème des risques liées à certaines méthodes de psychothérapie et à l'emprise mentale.

Il nous a paru souhaitable de demander à M. Accoyer de nous faire part de son expérience, car il a pris part entre 2004 et 2009 à un véritable combat pour encadrer strictement le titre de psychothérapeute, afin limiter les risques que font courir à leurs patients des thérapeutes non qualifiés. Ce que l'on appelle aujourd'hui l'« amendement Accoyer », du nom de son inspirateur, a incontestablement comblé un vide juridique. Il a néanmoins fallu environ huit ans pour que le décret d'application soit publié : nous allons certainement y revenir pendant cette audition.

Je rappelle à l'attention de M. Accoyer que notre commission d'enquête s'est constituée sur la base du droit de tirage annuel du groupe RDSE. Le rapport de cette commission a donc tout naturellement été confié à notre collègue Jacques Mézard, président du groupe RDSE et auteur de la proposition de résolution qui se trouve à l'origine de la constitution de cette commission.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à M. Accoyer de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Monsieur Bernard Accoyer, veuillez prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

M. Bernard Accoyer, député . - Je le jure.

Mme Muguette Dini , vice-présidente . - Vous avez la parole.

M. Bernard Accoyer, député . - L'influence des mouvements sectaires dans le domaine de la santé constitue un problème important et mal connu, et je félicite le Sénat d'avoir adopté la proposition de résolution de M. Mézard. Comme vous le savez, j'ai conduit un combat de longue haleine contre les pratiques déviantes des psychothérapeutes « autoproclamés » ; avant d'exercer des fonctions publiques, j'ai eu une longue pratique de la médecine, qui m'a permis de me forger une opinion sur l'influence des pratiques sectaires dans le domaine de la santé.

Les mouvements sectaires se caractérisent par un phénomène d'emprise ayant toujours pour but la domination, la pression, la possession, le bénéfice - financier, physique ou sexuel. Nous croyons souvent que les personnes les plus fragilisées sont les plus concernées, mais ce n'est pas toujours le cas.

L'emprise du gourou se traduit chez sa victime par une perte du discernement. Le gourou qui manipule la personne selon son bon vouloir. Il arrive à persuader sa victime d'agir en dehors de toute rationalité. Les sectes et les individus manipulateurs ont la capacité de disqualifier ceux qui cherchent à remettre les adeptes sur le droit chemin.

Grâce à la manipulation, à la suggestion, aux techniques des psychothérapies, utilisées souvent par des personnalités charismatiques, les mouvements sectaires ont la faculté de couper les victimes de toute réalité et de les séparer de leurs proches, avec des conséquences parfois dramatiques. Ils ont l'art de déformer la réalité par des mécanismes pervers, dignes des escrocs. Ils mettent en confiance leur auditoire, qui en vient à croire n'importe quoi, au-delà du discernement et de la raison. Les vérités reconnues depuis toujours par les adeptes sont balayées ; les adeptes se laissent convaincre que ces vérités procèdent d'une conspiration au service d'intérêts obscurs. Les tiers, qui souhaiteraient dénoncer ces mouvements d'emprise, sont décrédibilisés auprès des victimes avant même qu'ils puissent s'exprimer ; le gourou les qualifie de menteurs, de racistes, d'homophobes, de scientistes impénitents, de vendus, etc. Et la victime le croit !

J'en ai fait les frais lorsque j'ai défendu un amendement lors du débat de la loi de 2004 (les décrets, comme vous le savez, sont intervenus bien plus tard).

En 1999 déjà, un psychologue clinicien avait attiré mon attention sur la concurrence déloyale exercée par les psychothérapeutes « autoproclamés ». Etant oto-rhino-laryngologiste et chirurgien plasticien, j'avais eu à solliciter l'avis de psychologues avant de réaliser des interventions. J'ai donc abordé ce sujet sans a priori . J'ignorais que l'on pouvait s'autoproclamer psychothérapeute, accrocher sa plaque et exercer. Or des milliers de praticiens sont dans ce cas. Leur niveau de formation est inconnu et très variable. Leurs patients, qui sont dans une situation de grande fragilité, consultent un psychothérapeute quand ils estiment en avoir besoin car son titre inspire confiance, à la différence du généraliste, qu'ils jugent non compétent, ou du psychiatre, qui pour eux ne traite que les fous. Ces patients sont les victimes toutes désignées de ces psychothérapeutes !

La technique la plus employée par les charlatans est la méthode des faux souvenirs, qui consiste à induire chez la victime, pour la guérir de son malaise, le souvenir prétendu d'une agression sexuelle par un ascendant. Le patient subit alors un choc psychologique majeur et en vient à se couper de sa famille. Un médecin désemparé m'avait ainsi consulté à ce sujet dans ma permanence en Haute-Savoie. Une de ses filles, après avoir consulté un psychothérapeute, était persuadée d'avoir été victime d'une agression de sa part ; ses autres enfants, dans le doute, voulaient bien croire leur père sur parole. Je lui ai conseillé de porter plainte avant que le praticien ne le fasse contre lui, et de s'impliquer dans l'aide aux victimes.

Le monde des psychothérapeutes « autoproclamés » est un monde qui se tient les coudes. J'ai tout d'abord souhaité déposer une proposition de loi pour encadrer l'usage du titre de psychothérapeute et organisé un colloque à l'Assemblée nationale. M. Bernard Kouchner, alors ministre, y était favorable, mais son cabinet fut très vite alerté par l'action de cette meute dont les membres se connaissent et se protègent mutuellement, utilisant même le concours de personnalités connues.

Puis vint la loi de 2004, dite Mattei, sur la santé publique. Le Pr Dubernard présidait alors la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Mon amendement y fut adopté. Les psychothérapeutes « autoproclamés » se réunirent alors à la Mutualité, brandissant des banderoles réclamant la suppression de la disposition introduite dans le texte de la loi par mon amendement. Pendant des semaines, dans une ambiance surchauffée, avec l'appui de vedettes ou d'hommes politiques, ils s'opposèrent à un amendement qu'ils qualifiaient de liberticide, embrigadant la psyché. A une heure de grande écoute audiovisuelle, Gérard Miller, psychanalyste, s'est employé à me décrédibiliser, en me traitant de raciste et d'homophobe. Il s'agit là d'un procédé caractéristique, utilisé aussi bien contre des adversaires individuels que contre des mouvements de pensée constitués pour discréditer les personnes qui s'opposent à leurs théories. Le frère de Gérard Miller, psychanalyste et diplômé de l'université, l'a soutenu. Je suis heureux d'avoir résisté à ces pressions car les pratiques de ces psychothérapeutes provoquent beaucoup de souffrances, brisent des familles, aboutissant parfois à des suicides, quand le gourou n'a d'autres soucis que celui de son portefeuille.

Heureusement, le Pr Dubernard m'a aidé. Il connaissait le cas d'un boucher de sa circonscription qui, après avoir consulté un psychothérapeute « autoproclamé », en raison d'une dépression provoquée par la concurrence d'une supérette qui vendait de la viande, était à son tour devenu psychothérapeute...

La discussion fut difficile au Sénat, puis en CMP. Certains sénateurs défendaient les psychothérapeutes. J'ai alors distribué un document vantant la gestalt-therapie où il était expliqué que les relations sexuelles avec des patients n'étaient pas illégitimes. J'ai convaincu Jean-Marie Le Guen et l'amendement est passé.

La publication des décrets d'application fut très difficile. Ces praticiens disposaient de soutiens dans l'administration ou les cabinets ministériels.

L'utilisation du titre de psychothérapeute est aujourd'hui subordonnée à une formation théorique et clinique ou à l'octroi d'un agrément par une commission départementale qui vérifie les aptitudes des praticiens. Ce combat a duré douze ans. Si je n'avais pas été président du groupe majoritaire puis de l'Assemblée nationale, je n'y serais sans doute pas arrivé.

Cependant les pratiques sectaires en matière de santé prolifèrent, avec certains domaines de prédilection. L'hygiène de vie est le premier : pour vivre centenaire, il suffit de suivre un régime, en réalité carencé et dangereux. Autre domaine : la vaccination. En raison d'une croyance, pourtant démentie par les études scientifiques, qui établit un lien entre la vaccination contre l'hépatite et l'apparition de la sclérose en plaques, la France est le pays où le taux de vaccination est le plus faible et où cette maladie cause le plus de morts. Ces manipulations de l'opinion menacent la vérité scientifique. Autre exemple : l'influence des antennes de radiotéléphonie mobile. Les effets des champs électriques ont fait l'objet de nombreuses études. Comment qualifier l'action de l'association Priarterm à cet égard, est-ce une secte ? En tout cas, ses pratiques y ressemblent. Enfin les OGM : certes tous ne se valent pas, mais les procédures de validation ont été mises en cause sans fondement. Quelles relations entre science et la démocratie ? Quelles doivent être la place du relativisme et de la vérité ? Celle-ci est-elle d'ordre social ou factuel ?

La naturopathie nous invite à revenir aux sources. Sans doute cela est-il sain, mais nos pratiques alimentaires ne nous ont pas empêchés d'allonger notre espérance de vie. Récemment, vingt-neuf personnes sont mortes en Allemagne et une en France à cause de graines germées. Pourtant le scandale a été passé sous silence : dès qu'il s'agit d'agriculture biologique ou de retour au naturel, notre jugement est faussé et nous perdons tout discernement.

Les psychothérapeutes « autoproclamés » interviennent également dans le champ de la maladie, et pas seulement d'ordre psychologique. Les personnes atteintes de cancer, même lorsqu'elles sont très instruites, peuvent nier la réalité de leur maladie. Elles constituent des victimes désignées pour des gourous adeptes de médecines parallèles qui les convainquent, mettant en péril leur vie, qu'elles peuvent échapper à un traitement lourd et mutilant. Une femme d'un bon niveau d'éducation, atteinte d'un cancer du sein - pourtant veuve, mère et soeur de médecin ! -, n'a jamais soigné son cancer, préférant recourir aux préparations de plantes, particulièrement onéreuses, que lui prescrivait son gourou. A ses proches qui la mettaient en garde contre ces traitements elle opposait, comme souvent dans ces cas-là, le mur du refus. Telle est la force de ces pratiques non conventionnelles, mais les malades risquent d'y laisser leur santé et leur vie.

Je remercie la sénatrice Catherine Génisson qui m'a beaucoup aidé dans mon combat. Il est important d'expliquer au public les conséquences de cet obscurantisme, qui peut être criminel.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Je salue votre action. Il fallait du courage et de l'opiniâtreté pour mener ce combat. L'amendement a été voté et le décret est paru. Quelle appréciation portez-vous sur les dispositions prises pour lutter contre ce milieu de « professionnels », dont un certain nombre a un comportement à risques pour nos concitoyens ? Il était important de protéger le titre de psychothérapeute mais un foisonnement d'autres appellations est apparu.

M. Bernard Accoyer. - Il faudra évaluer cette loi, notamment pour déterminer dans quelles conditions les commissions départementales autorisent l'usage de ce titre à des professionnels qui n'ont pas le cursus universitaire requis. La nature humaine est ainsi faite qu'il y aura toujours des charlatans, mais le titre « psychothérapeute » était rassurant, laissant penser qu'il était encadré par les pouvoirs publics. Il est vrai que des conseillers ou coachs sont apparus depuis le vote de la loi. Chassés par la porte, ils cherchent à rentrer par la fenêtre, n'hésitant pas à demander à être inscrits dans les Pages Jaunes sous la rubrique « pratique de la psychothérapie hors cadre réglementaire ». Imagine-t-on d'ouvrir une rubrique « pratique de la chirurgie hors cadre réglementaire » ? Mais ils reviendront à la charge parce que leurs syndicats sont puissants et manipulateurs.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Le titre de thérapeute autorise bien des usages : une praticienne sur Internet se définit ainsi comme une médiatrice à l'écoute du savoir du patient et dont le rôle consiste à restituer ce savoir...Comment l'Etat peut-il remettre de l'ordre dans tout cela ? Les réactions des Ordres professionnels ou de la justice vous paraissent-elles adaptées à ces comportements extraordinaires qui peuvent nuire à la santé ?

M. Alain Milon , président . - On n'a pas le droit d'user du titre de psychothérapeute sans en posséder le diplôme mais sur Internet, on trouve une foule de psychothérapeutes spécialisés dans le couple, la dépression, la gestalt-thérapie, etc.

M. Bernard Accoyer. - Il faut évaluer le dispositif actuel. Les Ordres professionnels jouent un rôle régulateur pour les médecins ou, désormais, pour les kinésithérapeutes, avec le pouvoir de transmettre les dossiers le cas échéant aux procureurs. Le ministère de la santé devrait concentrer ses moyens de surveillance sur les professions qui en sont dépourvues, comme les psychologues. Il n'y a aucune surveillance pour les psychothérapeutes « autoproclamés ». Mais des progrès ont été accomplis grâce à la formation ou à l'éducation, et le temps n'est plus où des croyances en la persuasion ou la suggestion tenaient lieu de pratiques médicales répandues. Au risque d'apparaître comme un scientiste forcené, je considère que le relativisme est dangereux et contribue à l'essor des médecines parallèles. La justice peut être indulgente, mais elle peut aussi être manipulée. Dans une affaire de viol prétendu, j'ai pu constater que le diagnostic avait été réalisé par un psychothérapeute, à l'évidence, incompétent. Il avait pourtant été inscrit sur le registre des experts agréés de la Cour d'appel. J'ai demandé au garde des Sceaux d'exiger que seules des personnes titulaires du diplôme y soient inscrites. De même, il suffit parfois que la femme d'un magistrat soit elle-même une psychothérapeute « autoproclamée » pour influencer l'issue d'un procès.

Mme Catherine Génisson . - La question est complexe. Je ne regrette pas d'avoir soutenu et voté avec conviction l'amendement de M. Accoyer. Les pressions ont été fortes. Les professionnels très compétents, comme les psychiatres ou les psychanalystes, couvrent parfois les psychothérapeutes. La frontière est parfois floue entre ces disciplines, ce qui empêche d'avancer de façon rationnelle sur ce sujet. Il n'est peut-être pas besoin d'Ordre mais de juridictions professionnelles.

M. Bernard Accoyer. - En toile de fond se joue un combat entre psychiatres de tendance analytique et psychiatres de tendance cognitivo-comportementaliste. Cette lutte procède par amalgames, autre pratique privilégiée des mouvements sectaires, car elle permet d'occulter les réalités. Il est difficile d'arbitrer cette querelle entre personnes très brillantes. Certains psychanalystes, les lacaniens, et l'Ecole de la cause freudienne avec Jacques-Alain Miller, défendent bec et ongles les psychothérapeutes « autoproclamés » au nom de la liberté absolue de la pensée. Les comportementalistes considèrent, quant à eux, que des attitudes psychopathologiques névrotiques peuvent être corrigées, avec un certain succès d'ailleurs, grâce à des outils comme l'explication ou la suggestion, à l'image des troubles obsessionnels compulsifs. Les analystes leur reprochent de vouloir régir la société par des normes et de brider la liberté de penser de l'individu. Ce débat ne sera jamais tranché. Si l'école psychanalytique a perdu du terrain aux Etats-Unis, elle reste influente en France. L'Ecole psychanalytique de Paris, néanmoins, nous a aidés. Mais elle regrette qu'aucune disposition n'exige des psychothérapeutes l'accomplissement d'un travail d'analyse sur eux-mêmes.

M. Yannick Vaugrenard . - Merci pour votre combat qui traverse tous les clivages politiques. Votre récit est édifiant. Si la complexité du sujet peut inciter à la démission, les exemples que vous citez incitent au contraire à une action volontaire. Quels moyens l'Etat se donne-t-il ? La démocratie est une force, mais cette force même la rend vulnérable. Il nous appartient de fixer des cadres. Il a été impossible de mettre en place un conseil de l'Ordre des psychothérapeutes : pourquoi ? L'Etat ne peut tout faire mais si la proximité avec une personne peut inciter à prononcer un jugement qui ne va pas dans le sens de la raison, l'Etat doit jouer son rôle. Pourquoi autorise-t-on les organes de presse gratuits à diffuser autant de publicités en faveur des mouvements sectaires sans fondement scientifique ? En outre, les programmes scolaires ne portent aucune attention au phénomène sectaire, ni aux moyens de se prémunir contre la manipulation ou l'emprise psychologique. Il est préoccupant de constater que ce phénomène concerne tout le monde.

M. Alain Milon , président . - Existe-il selon vous un profil type des victimes ? Comment pourrait-on mener une action éducative préventive ?

M. Bernard Accoyer. - Mme Catherine Génisson a raison de souligner que les Ordres professionnels ne sont pas la panacée. Il n'y a pas d'Ordre professionnel des psychologues. Tous les psychanalystes ne sont pas médecins. Mon amendement ne visait ni les psychiatres ni les psychanalystes, mais seulement les psychanalystes « autoproclamés ».

C'est surtout la liberté individuelle qui est en cause. Nos seuls instruments sont l'information et l'éducation, non la contrainte. En outre, il est difficile de détecter un gourou au premier abord. Au contraire ! Il se présente comme un expert en formation personnelle, il utilise les instruments de la psychanalyse pour manipuler sa future victime. Seul l'effort d'information peut aider les victimes. Cette commission d'enquête participe de cet objectif.

Les gratuits comme les grands journaux sont remplis de pages entières de publicité. Il faut une évaluation de la loi. Tout un champ échappe à la surveillance des autorités sanitaires.

Mme Catherine Génisson . - Lorsque les professions sont encadrées par des juridictions professionnelles, elles sont soumises à des normes : cursus, autorisations d'exercer, etc. Dans le cas de la psychothérapie, il est difficile de trouver de tels référentiels pour déceler les pratiques déviantes. De plus, le terme même de psychothérapeute inspire confiance, comme vous le disiez. Enfin, concernant l'éducation, on apprend à l'enfant à la fois à se méfier mais aussi à être libre. Or, dans les médias, des psychothérapeutes, aux compétences douteuses mais présentées comme faisant autorité, s'expriment devant des millions d'auditeurs.

M. Bernard Accoyer. - Dès 2004, Gérard Miller a essayé de me « tuer » politiquement, par tous les moyens, avant que je puisse défendre mon amendement.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Vous avez rappelé les manifestations régulièrement organisées contre votre amendement : peut-on qualifier de sectaires certains des mouvements qui ont joué un rôle dans ces mobilisations ? Vous avez en outre évoqué les obstacles à l'adoption des règlements d'application de la mesure législative que vous avez fait voter : A quel niveau se sont opérées les interventions en question ?

M. Bernard Accoyer. - Des sectes, je ne sais pas. Mais des communautés d'intérêts, certainement. Plus largement, les syndicats de psychothérapeutes « autoproclamés » ont manié l'arme médiatique avec beaucoup de talent.

A quel niveau se sont faites les interventions ? Je n'ai pas de noms à vous communiquer, mais dans l'entourage du ministre, il se trouve toujours - comme par hasard - un psychothérapeute ou l'un de leurs ardents défenseurs.

Un mot sur les victimes : elles portent rarement plainte, car elles sont sous influence. Le fait de susciter le besoin de gourou et la certitude d'être par lui protégé, voilà précisément la définition de l'activité sectaire, voilà l'objet de leur commerce honteux et criminel.

Mme Muguette Dini . - La fiction a considérablement banalisé la figure du psy. Dans les films américains par exemple, les personnages s'y rendent fréquemment. Cela pousse-t-il nos concitoyens à se rendre plus volontiers chez n'importe quel psychothérapeute autoproclamé ?

M. Bernard Accoyer. - On a tous besoin de parler, on a tous besoin d'aide, selon les circonstances de la vie qui vous poussent parfois à chercher quelqu'un d'extérieur au cercle familial à qui vous confier. Mais gardons-nous de faire l'amalgame entre psychiatre, psychanalyste, psychologue clinicien et psychothérapeute. Tous interviennent dans le champ de la psyché, mais ne sont pas de même nature et n'ont pas vocation à traiter les mêmes pathologies. Il est des cas dans lesquels des troubles psychotiques graves ont été déclenchés par l'action d'un psychothérapeute « autoproclamé » ! La confusion est entretenue par une certaine presse spécialisée, qui exploite les thématiques du bien-être personnel et des méthodes de séduction à la portée de tous.

Mme Catherine Deroche . - On voit de plus en plus de parents amener leurs enfants chez le psy, dans le cadre de problèmes de couples ou de difficultés scolaires par exemple. Cette exposition précoce risque-t-elle de favoriser les dérives sectaires ?

M. Bernard Accoyer. - Les gens ont besoin d'être informés pour qu'ils puissent s'adresser à des praticiens confirmés. L'évolution de notre société nous a rendus plus demandeurs d'accompagnement psychologique. Il peut certes exister des brebis galeuses, dans ces professions comme dans les autres, mais faire appel à un professionnel ne présente aucun risque, dès lors qu'il est diplômé et qu'il a une compétence professionnelle.

Les cas d'enfants que la fréquentation d'un psychothérapeute « autoproclamé » mettrait en danger sont très marginaux. Ceux qui font appel à ce type d'individus sont généralement des adultes confrontés à de graves difficultés personnelles. Ils peuvent considérer qu'un médecin généraliste ne serait pas compétent, et ne souhaitent pas consulter un psychiatre car ils pensent que le psychiatre ne traite que les fous. Il y a là un risque de passer à côté du dépistage d'une vraie psychose, par exemple. Protéger les patients et leur entourage, c'était le sens de la disposition législative que j'ai réussi, avec quelques collègues, à faire adopter.

Mme Catherine Génisson. - Vous avez raison de souligner l'amalgame qui est fréquemment fait entre les différents métiers de la psyché. Le psychiatre peut pratiquer la psychothérapie, qui est une spécialité, il n'est pas pour autant réductible à un psychothérapeute. Ce glissement sémantique est terrible. J'ignore toutefois comment combattre ce confusionnisme.

M. Bernard Accoyer. - Par l'information. C'est une tâche difficile.

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