Audition de Mme Pascale FLAMANT, déléguée générale, du Pr Ivan KRAKOWSKI, directeur du service interdisciplinaire de soins de supports en oncologie au centre Alexis Vautrin (CLCC de Nancy), et de M. Bernard LECLERCQ, directeur général du centre Oscar Lambret (CLCC de Lille) - Fédération française des centres de lutte contre le cancer (mercredi 19 décembre 2012)

M. Alain Milon , président . - Nous auditionnons les représentants de la Fédération française des centres de lutte contre le cancer (FFCLCC) : Mme Pascale Flamant, déléguée générale ; le Pr Ivan Krakowski, directeur du service interdisciplinaire de soins de supports en oncologie au centre Alexis Vautrin (CLCC de Nancy), et M. Bernard Leclercq, directeur général du centre Oscar Lambret (CLCC de Lille). Notre réunion est ouverte au public et à la presse. Un compte rendu en sera publié avec le rapport ; son enregistrement vidéo sera diffusé sur le site du Sénat.

Nous avons souhaité procéder à une série d'auditions sur le thème du cancer, compte tenu de la menace que font peser sur ces malades les promesses de guérison, souvent hélas dénuées de fondement, faites par des charlatans dont les agissements semblent par ailleurs relever de comportements sectaires.

Notre commission d'enquête a pour origine une initiative de notre collègue M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, qui en est le rapporteur.

Je vais, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander aux personnes auditionnées de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 et suivants du code pénal.

Madame Pascale Flamant, messieurs Ivan Krakowski et Bernard Leclercq, veuillez successivement prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

Les trois personnes se lèvent et prêtent serment.

Mme Pascale Flamant, déléguée générale de la Fédération française des centres de lutte contre le cancer. - Les centres de lutte contre le cancer (CLCC) sont des établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic). Leur gouvernance est tout à fait particulière puisqu'elle se rapproche de celle des établissements publics : un préfet préside leur conseil d'administration ; leur directeur général est un médecin nommé par le ministre de la santé, dans certains cas par le ministre de la recherche. On est donc très proche du monde public même si la gestion est privée. Leur triple mission de service public (soins, enseignement, recherche) les rapproche des centres hospitaliers universitaires (CHU). Les CLCC comptent vingt sites, soit environ un par région. Toutefois, d'un strict point de vue juridique, on compte dix-huit établissements figurant sur la liste arrêtée par le ministre de la santé. Ils emploient 16 000 salariés, dont 1 500 à 1 600 médecins. Leur activité s'élève à pratiquement 2 milliards d'euros ; sa croissance est due pour une part - malheureuse - à la hausse du nombre de malades du cancer, et pour une autre part - plus favorable - à la chronicisation de la maladie, c'est-à-dire à l'allongement de la durée des traitements.

Nous venons d'adopter notre plan stratégique. Vous avez entendu parler de la marque Unicancer. Créé dans le cadre de la stratégie de groupe, Unicancer est un groupement de coopération sanitaire de moyens entre les CLCC et leur fédération, chargé d'héberger les activités mutualisées entre les centres. Notre plan stratégique a pour signature : « ensemble, innovons toujours pour nos patients ». Son premier axe est l'innovation : les centres sont en effet pionniers dans de nombreuses pratiques thérapeutiques ; un deuxième axe regroupe la diffusion des savoir-faire, notamment dans la recherche clinique - nous sommes des établissements de recours. Enfin, la performance constitue une autre priorité stratégique, tant en termes d'efficience médico-économique qu'en qualité des prestations. Les CLCC sont en outre très attentifs à la culture du patient-partenaire : l'objectif est de chercher à répondre aux attentes des patients sur la qualité et l'accès aux soins. L'Observatoire des attentes des patients créé à cette fin donne déjà des résultats très intéressants. Bref, les CLCC sont pionniers dans les soins de support et dans la professionnalisation des équipes.

M. Ivan Krakowski, directeur du service interdisciplinaire de soins de supports en oncologie au Centre Alexis Vautrin. - Je témoigne ici en tant qu'oncologue médical, particulièrement intéressé au développement des soins oncologiques de support. Ce type d'approche est ancien dans nos centres, mais de plus en plus formalisé grâce aux progrès de la cancérologie. Nous pouvons désormais suivre des patients guéris mais conservant des séquelles, ou non guéris mais dont l'espérance de vie a été allongée et dont la prise en charge est reportée sur les symptômes de la maladie. Les médecins sont de plus en plus nombreux à se lancer dans ces nouvelles pistes de recherche. Pour notre part, nous avons été à l'origine d'un groupe de soins de support, et j'ai l'honneur de présider l'Association francophone pour les soins oncologiques de support (Afsos). La première définition officielle des soins de support a été donnée par un article fondateur de la circulaire de 2005 relative à l'organisation de la prise en charge du cancer.

La situation actuelle est nouvelle : l'allongement de l'espérance de vie et les progrès réalisés dans l'accompagnement des malades ont modifié leurs attentes. Les états généraux de la Ligue contre le cancer l'ont bien montré, les patients souhaitent désormais, outre une amélioration de leur prise en charge, davantage d'écoute et d'aide dans les épreuves qu'ils traversent. Au sein de nos établissements, nous fournissons ainsi, au-delà de l'aide technique à la rémission du cancer et à l'atténuation des effets secondaires des médicaments, une médecine hippocratique un peu oubliée : nous mettons davantage de temps à la disposition des patients. Ce type d'attention constitue encore à ce jour la meilleure garantie qu'ils n'aillent pas chercher ailleurs des solutions miraculeuses.

Notre démarche se veut scientifique, donc vertueuse. Nous combinons ces méthodes avec des thérapies complémentaires. 60 % de nos patients ont aujourd'hui recours à des approches non conventionnelles, comme l'homéopathie, l'auriculothérapie ou le thermalisme. Il convient de poursuivre l'évaluation de ces pratiques - il y a déjà des pistes de recherche. Des référentiels sont en cours d'élaboration ; les 6 et 7 décembre derniers, l'Afsos a d'ailleurs mis à la disposition des professionnels les premiers documents réalisés. L'approche des personnes, en complément du traitement des organes malades, constitue la meilleure des méthodes à ce jour, d'autant qu'il peut y avoir des interactions entre des médicaments naturels et des thérapies.

Mme Pascale Flamant. - Les soins de support englobent des pratiques traditionnelles, telles que la kinésithérapie ou la psycho-oncologie. Le Plan cancer prévoit d'ailleurs de les développer. Les CLCC ont été précurseurs en la matière, parce que la prise en charge globale du malade fait partie de leurs fondamentaux. Cependant, de nouvelles pratiques émergent, mal identifiées et qui ne relèvent pas véritablement des soins de support.

M. Bernard Leclercq, directeur général du centre Oscar Lambret. - Je suis directeur de CLCC depuis onze ans - j'en suis à mon troisième mandat. Auparavant, j'avais travaillé vingt et un ans à l'Institut Gustave Roussy, dont j'ai été le directeur adjoint. J'ai conduit divers projets pour la fédération à destination de l'ensemble des CLCC. Je suis, en outre, membre du bureau de la fédération et responsable du comité stratégique du management qualité et risques de nos établissements. J'ai donc une vision globale du secteur.

Tous les CLCC fonctionnent sur une organisation transversale et multidisciplinaire, reposant sur le principe d'une expertise collective. Aucune personne soignante ne prend de décision thérapeutique seule. C'est l'un des meilleurs garants de la robustesse de nos établissements. De plus, en raison de leurs plateaux techniques comme de leur expertise, nos établissements sont sollicités pour traiter les cas les plus graves dans les régions où ils sont implantés : ils ont depuis longtemps la masse critique indispensable pour gérer les situations difficiles.

Autre particularité : la qualité de l'information donnée aux patients dès le début de leur maladie. Les CLCC se sont naturellement inscrits dans les dispositifs expérimentaux dès le premier Plan cancer. Leur dispositif d'annonce associe les professionnels médicaux et paramédicaux. Il ne faut pas oublier que les patients sont souvent trop fragiles pour se rappeler tout ce qui leur est dit. Des validations fréquentes de l'information donnée sont réalisées, notamment aux deux extrémités de l'échelle des âges : à l'attention de nos patients les plus jeunes comme à l'égard des plus âgés. Mon établissement traite chaque année 1 500 patients de plus de soixante-quinze ans, atteints de polypathologies et d'une symptomatologie riche dans laquelle il est difficile d'identifier ce qui ne relève que du cancer. Nos établissements ne ferment pas la porte aux thérapeutiques nouvelles, qu'ils prennent avec sérieux. Il y a une exigence d'évaluation et des garanties offertes aux malades auxquels ces pratiques sont proposées : dans tous les cas, le consentement aux soins, attesté par déclaration écrite, est vérifiable.

En trente-trois ans d'expérience, je n'ai jamais été confronté personnellement à un problème de dérive sectaire. J'ai entendu parler de patients prétendument soignés par des méthodes douteuses, comme le traitement du docteur Solomidès. J'ai vu des parents confrontés à la situation douloureuse d'enfants condamnés par la maladie, et cherchant sur Internet des solutions miracles. A chaque fois, nous avons veillé à leur donner l'information la plus complète possible pour leur faire comprendre ce qu'il était possible de faire dans des situations médicalement identifiées. L'organisation de nos centres protège correctement les patients. La plus grande attention reste toutefois de mise, et la formation des professionnels de santé doit aiguiser leur vigilance.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Avez-vous des précisions à nous donner sur les soins de support ? Quels effets thérapeutiques constatez-vous grâce à eux ?

M. Ivan Krakowski. - Les soins de support sont l'ensemble des soins et du soutien aux personnes atteintes de maladies graves, tout au long de leur maladie. Ils englobent des thérapies conventionnelles (traitement de la douleur, soins palliatifs, lutte contre la dénutrition, accompagnement psychologique...) ; ils font également appel à des thérapies complémentaires, comme la stimulation transcutanée ou l'acupuncture, qui peut être une méthode de lutte contre la douleur. Il importe de bien distinguer les soins de support des thérapies alternatives. Les premières restent définies selon des critères scientifiques - bien que ceux-ci ne soient pas tous complètement établis - et sont utilisées depuis longtemps. L'acupuncture en est un bon exemple. Nous avons des preuves assez formelles de l'intérêt de cette double approche, par exemple en cas de cancer du poumon. Cette double approche par les traitements spécifiques et les soins de support augmente la qualité de vie, allonge l'espérance de vie et diminue la nécessité de recourir à des traitements agressifs. La communauté scientifique évalue certaines approches : la stimulation transcutanée est en train d'être assimilée aux thérapies conventionnelles. L'effet placebo, qui en cancérologie peut être important, peut pour certaines méthodes dépasser les 60 %. Deux études importantes sont par ailleurs prévues, l'une sur le thermalisme qui va être l'objet d'une étude clinique, l'autre, comparative, sur l'homéopathie.

M. Alain Milon , président. - L'Institut de cancérologie de l'Ouest a publié une étude sur la fasciathérapie. Qu'en pensez-vous ?

M. Ivan Krakowski. - La fasciathérapie fait partie des thérapies complémentaires. Dans le centre que vous évoquez, elle est généralement pratiquée par des kinésithérapeutes, donc par des professionnels de santé. Elle fait l'objet d'une évaluation. C'est un sujet de réflexion au sein de la communauté scientifique. Une approche évaluative pluridisciplinaire est nécessaire. Au sein de l'ensemble de nos établissements, de nombreux professionnels de santé reconnus, identifiés par leur numéro de Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), sont intéressés au développement de l'hypnothérapie, de l'hypnoanalgésie, de l'acupuncture, des thérapies fondées sur la nutrition ou l'activité physique. A mon sens, il faut laisser leur chance à ces techniques et en poursuivre l'évaluation.

M. Yannick Vaugrenard . - Notre démarche est de détecter les dérives sectaires pour mieux les prévenir. Vous avez parlé d'un Observatoire des attentes des patients : quels résultats donne-t-il ? En outre, l'aspect psychique, voire affectif, est déterminant dans la guérison. Le temps passé auprès du malade peut incontestablement améliorer les choses. Or, c'est aussi là que celui-ci peut être abordé par des mouvements sectaires. Est-il informé sur le risque de dérive sectaire ? La mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) y participe-t-elle ? Si vous n'avez pas eu de cas d'influence sectaire ayant poussé les patients à interrompre leurs traitements, d'autres témoignages nous ont montré que cela se produit surtout à l'égard de patients fragilisés par une maladie grave. Comment se prémunir concrètement contre de tels phénomènes ?

Mme Pascale Flamant. - Je tiens à votre disposition une documentation sur l'Observatoire des attentes des patients. Nous avons réalisé des sondages et des entretiens qualitatifs auprès du grand public ainsi que de nos patients : ces derniers sont globalement satisfaits et valorisent grandement la prise en charge globale des CLCC, ainsi que le regard pluridisciplinaire qui y est porté sur leur maladie. Ils sont nombreux à souhaiter ardemment que la prise en charge dont ils bénéficient puisse être étendue et profiter à d'autres malades.

J'ignore si tous les établissements procèdent de même, mais ils sont nombreux à diffuser abondamment les affichettes sur les risques de dérive sectaire qu'ont réalisées l'Institut national du cancer (INCa) et la Miviludes, notamment dans les espaces de rencontre et d'information, très prisés des patients. En outre, la plateforme numérique de l'INCa, cancer-info, fournit des informations fiables à toutes les personnes concernées. Le dispositif avait été porté auparavant par la FFCLCC, grâce à son programme d'information à destination des médecins et des patients, en lien avec la Ligue. Bref, cela fait partie de l'ADN des centres de donner une information fiable et complète, bien qu'en la matière il soit toujours possible de faire mieux.

M. Ivan Krakowski. - Je confirme que nous nous sommes abondamment servis des plaquettes réalisées par l'INCa. C'est en outre le rôle d'Unicancer que de structurer l'information disponible.

Un patient fragile est en effet plus vulnérable aux tentatives des mouvements sectaires, et un patient est fragile lorsque sa confiance à l'égard du personnel soignant se dégrade, par exemple lorsqu'il demande conseil à des collègues d'une autre équipe. Mais dès lors qu'il se sent écouté, il est quasiment à l'abri de ce danger. Nous peinons parfois à valoriser le temps consacré à l'écoute des patients. Le financement manque pour disposer de suffisamment d'assistantes sociales, de psychologues, dont le financement n'est pas assuré par la T2A, de soutien esthétique ou de balnéothérapie. Ces approches oubliées dans les grands pays occidentaux, qui favorisent le dialogue et la confiance, devraient être reconnues.

Mme Gisèle Printz . - Les visiteurs médicaux sont nombreux, dit-on, dans les hôpitaux, qui viennent prendre contact avec les personnes isolées. En avez-vous rencontré ? Comment détecte-t-on ceux qui auraient de mauvaises intentions, par exemple à l'égard des biens des personnes ? La plupart du temps, leur démarche part d'un bon sentiment, mais certains peuvent avoir des objectifs douteux.

M. Bernard Leclercq. - J'ignore ce qu'il faudrait faire, mais je peux vous dire ce que nous faisons. Dans nos établissements, aucun visiteur n'entre à titre personnel. Dérivé de celle de la Ligue, notre convention n'autorise l'entrée que de personnes formées, identifiées, badgées, à des horaires bien déterminés, et ce pour une durée inférieure à deux ans afin de décourager la « professionnalisation des bénévoles » ; vingt-sept associations, répertoriées sur notre site, sont aujourd'hui accréditées dans mon CLCC ; je les réunirai en janvier, comme chaque année. Mais des initiatives telles que celles que vous évoquez, je n'ai jamais eu connaissance.

L'amélioration de l'organisation des soins contribue à décourager les tentatives de profiter de la vulnérabilité des patients. D'abord par l'évaluation des besoins des patients dès le début de la maladie. En la matière, les soins de support sont susceptibles d'apporter des réponses techniques. Bien que nous ne couvrions pas encore l'ensemble des besoins, des progrès sont en cours. Ensuite, par une meilleure organisation de la sortie qui est un élément absolument essentiel car la sortie représente pour de nombreux malades un saut dans le vide : après avoir été choyés par l'hôpital, les patients sont confrontés aux difficultés de la vie quotidienne, hors de l'attention des soignants. La vie à domicile n'étant pas toujours possible, ils se retrouvent en position vulnérable quand des aidants plus ou moins bien intentionnés apparaissent dans le paysage. Une étude de 2005 a montré que les retours non programmés à l'hôpital étaient relativement importants et que nous sous-estimions ce fait : sur trois mois, mon établissement en a enregistré 105 à 115. Ces retours ne résultent pas forcément de complications, mais souvent de situations d'urgence, sociale ou médicale. Or les personnels de soins ne sont pas toujours libres pour leur apporter des solutions. Nous avons mené un important travail en interne pour évaluer les besoins et limiter les situations de détresse : l'ensemble des patients fait l'objet d'une évaluation des possibilités de sortie, de manière à distinguer la sortie pure et simple, la sortie avec des soins à domicile, l'hospitalisation à domicile et le transfert dans une unité de soins de suite. Nous avons ainsi enregistré une baisse significative de la durée moyenne de séjour, et les retours non programmés ont été durablement divisés par dix. L'approche peut rester médicale et organisationnelle.

Dans d'autres cas, les systèmes hospitaliers répondent mal aux situations de détresse et doivent s'adapter. Ainsi, dans le groupement de coopération scientifique mis en place avec le CHRU de Lille, nous avons mutualisé les compétences dans trois domaines. D'abord entre les rhumatologues du CHRU et les oncologues du centre Oscar Lambret, nous avons créé une filière accélérée de prise en charge pluridisciplinaire des métastases et des douleurs osseuses. Cela a développé des techniques partagées de traitement de la maladie à l'attention de personnes qui laissaient auparavant les équipes médicales désarmées ; les patients n'éprouvent plus un sentiment d'abandon dû à l'absence de filière organisée. De même, en neuro-oncologie, les traitements modernes ont pour effet de chroniciser la maladie et de faire apparaître des complications neurologiques invisibles auparavant ; la filière, organisée selon le même principe, a dégagé des solutions de prise en charge à des malades qui en étaient auparavant privés. Même chose en oncogériatrie : une filière a été mise en place avec les gériatres du CHRU et l'on observe une réduction significative des situations qui, ressenties comme des échecs ou des limites de la médecine conventionnelle, pouvaient profiter aux sectes. Une veille a en outre été instaurée au sein de l'établissement, consistant pour les personnels à signaler tout événement indésirable.

Nous travaillons en réseau avec les espaces de rencontre et d'information, les AIRE-cancer (accueil, information, rencontre, écoute) et les espaces rencontre-cancer. Discuter régulièrement avec eux de nos protocoles de prise en charge nous conduit indirectement à vérifier à travers cet échange si ces espaces ne donnent pas cours à des dérives. Sans que l'on puisse considérer que nous étions face à une dérive sectaire, nous avons ainsi, une fois, retiré des protocoles de nutrition.

C'est grâce à cet assemblage de prises en charge médicale, de mesures de veille et d'évaluation des techniques non conventionnelles qui paraissent intéressantes, que nous offrons les meilleures garanties aux malades accueillis dans un établissement.

Qu'en est-il ensuite lorsque les malades sortent ? Il faut renforcer les liens et la communication entre les équipes dans les établissements et le monde extérieur en prenant en particulier en compte la façon dont les malades s'informent sur internet - 50 % des foyers de ma région en sont équipés, il y a là une très forte curiosité des patients. Ils nous posent parfois des questions désarmantes en consultation. Ils viennent parfois avec des propositions de traitements en attendant presque qu'on les leur prescrive alors qu'elles ne sont pas du tout adaptées à leur situation.

Tout en étant frappé par la rareté de signes de dérives sectaires sur les forums de patients de mon établissement, j'y mesure la détresse des malades à l'extérieur. Tant que nous n'y aurons pas apporté des réponses - ce qui dépasse largement le cadre de l'hôpital -, nous ne pourrons dire qu'il n'y a aucun risque.

M. Ivan Krakowski. - Pour compléter ces propos concernant l'information des patients sur le net, selon le Pr Franck Chauvin, de l'Université de Saint-Etienne, si les patients consultent souvent internet, nombre d'entre eux considèrent que l'information n'y est pas aussi fiable que celle que leur donnent des médecins. Pour limiter la circulation d'informations inadaptées, le Pr Chauvin propose de rendre les référentiels et les recommandations accessibles aux patients, sur des sites animés par des professionnels.

Ainsi en est-il du référentiel diffusé sur les sites des réseaux régionaux de cancérologie et des sociétés savantes impliquées dans les soins support. Dans un souci de clarté, il ne traite pas de toutes les thérapies complémentaires. En revanche, il précise la définition des thérapies complémentaires et des thérapies alternatives, et évoque la notion de médecine intégrative, qui associe médecine conventionnelle, médecine complémentaire et soins de support. Il indique aussi quelles sont les techniques complémentaires les plus utilisées et pourquoi : elles atténuent les effets indésirables des traitements et améliorent la qualité de vie et le bien-être global. Ce référentiel donne une classification des thérapies complémentaires et il informe les patients sur le risque d'utiliser une technique non conventionnelle sans en avertir l'équipe médicale - certaines plantes diminuent l'effet des hormonothérapies. Il est très important que le malade soit rassuré : l'équipe médicale ne le jugera pas quand il lui indiquera tous les traitements auxquels il recourt.

Qui doit en parler ? Quand en parler ? Comment en parler ? A qui en parler ? Il serait souhaitable que les espaces de rencontre et d'information recommandent l'utilisation de référentiels de thérapies complémentaires et que les professionnels soient formés afin d'orienter leurs patients. Il convient encore de combattre des idées fausses : non, naturel ne veut pas dire sans risque ; non, une thérapie complémentaire ne s'utilise pas dans l'urgence, mais oui, des thérapies sur lesquelles nous manquons d'évaluation peuvent être indiquées dans certains cas. Il s'agit également d'indiquer aux patients quels professionnels pratiquent les thérapies complémentaires. Le but de ces démarches d'information et formation est d'éviter que les patients aillent chercher ailleurs ce que des professionnels de santé bien formés peuvent leur offrir dans nos centres avec sérieux et ouverture.

M. Alain Milon , président. - Il faut donc bien distinguer la médecine conventionnelle, la médecine complémentaire, la médecine parallèle, et les soins de support. En matière de cancer, vous êtes arrivés à prendre en compte le patient dans sa globalité, ce qui n'est pas encore le cas dans toutes les spécialités. L'une des propositions du rapport sur la psychiatrie que je présentais ce matin devant la commission des affaires sociales est justement la création d'un Institut national pour la psychiatrie, sur le modèle de l'Institut national du cancer. Je vous remercie.

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