Audition conjointe de MM. François-Régis BATAILLE,
directeur général, docteur Eric JADAUD, oncologue-radiothérapeute (Institut de cancérologie de l'Ouest) et de MM. Yann BUBIEN, directeur général, Pr Norbert IFRAH, président de la commission médicale d'établissement (Centre hospitalier universitaire d'Angers) (mardi 18 décembre 2012)

M. Alain Milon , président. - Mes chers collègues, nous procédons cet après-midi aux auditions conjointes des représentants du Centre hospitalo-universitaire (CHU) d'Angers et de l'Institut de cancérologie de l'Ouest (Ico).

Cette réunion s'inscrit dans les réflexions que nous avons déjà engagées depuis le début de nos travaux sur la place des thérapies dites non conventionnelles dans le cadre de l'hôpital public, s'agissant notamment de malades atteints du cancer. Dans le cas de l'Institut de cancérologie de l'Ouest, il s'agit plus particulièrement de la fasciathérapie, dont l'introduction au sein de cet établissement est à l'origine d'une véritable polémique.

Pour l'Institut de cancérologie de l'Ouest, nous recevons M. François-Régis Bataille, directeur général et le docteur Eric Jadaud, oncologue-radiothérapeute.

Pour le CHU d'Angers, nous recevons M. Yann Bubien, directeur général et le Pr Norbert Ifrah, président de la Commission médicale d'établissement.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.

J'attire l'attention du public ici présent qu'il est tenu d'assister à cette audition en silence. Toute personne qui troublerait les débats, par exemple en donnant des marques d'approbation ou d'improbation, sera exclue sur le champ.

Je rappelle à l'attention de chacun que notre commission d'enquête s'est constituée à l'initiative du groupe RDSE, dont M. Jacques Mézard, notre rapporteur, est président. M. Mézard a donc tout naturellement été désigné comme rapporteur de notre commission.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander aux intervenants de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Messieurs François-Régis Bataille, Eric Jadaud, Yann Bubien et Norbert Ifrah, veuillez successivement prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

Les quatre personnes se lèvent et prêtent serment.

M. Alain Milon , président. - Je vous propose de lancer les débats par de courts exposés introductifs, puis mon collègue Jacques Mézard, rapporteur, et les membres de la commission d'enquête, vous poseront quelques questions.

La parole est au CHU d'Angers...

M. Yann Bubien, directeur du CHU d'Angers. - Je vous remercie de nous recevoir et je voudrais en préambule vous exposer le cadre dans lequel le CHU d'Angers et, de manière probablement plus large, les établissements de santé publique, en France, abordent la problématique des dérives sectaires.

En ma qualité de responsable d'un CHU, ma première obligation est de veiller à la qualité de la prise en charge des patients dont mon établissement a la responsabilité.

Cette qualité passe par des soins personnalisés, sécurisés, validés et tracés. Pour beaucoup de patients, cela signifie que l'établissement se doit de leur proposer les soins de dernière génération ou considérés comme les plus innovants.

Pour autant, la qualité du service offert passe également et indéniablement par l'accompagnement humain des soins.

Les responsables hospitaliers, médecins, directeur, cadres, se doivent donc d'arbitrer entre l'injonction de dispenser une grande palette de soins, injonction qui émane autant des patients que de la société civile, et le nécessaire contrôle des dérives potentielles de ses soins dont les responsables hospitaliers ont parfaitement conscience.

L'une des dérives les plus insidieuses est probablement la dérive sectaire. Il est donc de notre responsabilité de mettre en place des remparts contre ces risques.

A mon sens, il existe trois portes d'entrée majeures aux risques sectaires : la formation de nos agents (médecins ou paramédicaux), le partenariat associatif et les protocoles de recherche.

Le risque réside dans l'application de pratiques jugées déviantes et dans le danger de voir nos institutions hospitalo-universitaires servir de caution scientifique à la propagation desdites pratiques.

Je ne saurais vous affirmer que nos organisations sont imperméables à ces dérives ; néanmoins, nous faisons tout pour enrayer toute propagation sectaire, tant dans nos pratiques que dans le cadre de nos partenariats avec d'autres institutions.

Ainsi donc, les sélections des formations pour nos personnels soignants et médicaux répondent à un protocole précis qui tient compte de critères de vigilance raisonnés.

Quant aux protocoles de recherche, ils font l'objet de réglementations fortes et sont placés sous la vigilance de nombreuses structures de validation.

Ceci est également vrai pour les protocoles de recherche infirmière. Ils existent depuis trois ans et connaissent un grand succès. On y retrouve de nombreuses pratiques complémentaires aux pratiques traditionnelles.

En effet, ces pratiques complémentaires aux soins médicaux sont pour certaines portées par le personnel paramédical afin de mettre en place le plus souvent des prises en charge ou des accompagnements bienveillants et des soins de supports.

Or précisément, ma responsabilité d'établissement public et universitaire est de devoir évaluer ces pratiques. C'est pourquoi nous engageons nos équipes à objectiver ces approches à travers des démarches de recherche paramédicale qui peuvent s'exprimer soit à travers les programmes hospitaliers de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP), soit des appels d'offres internes.

Enfin, je terminerai mon propos en disant qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre des pratiques complémentaires aux soins médicaux et des pratiques alternatives qui remplaceraient les soins classiques validés par les sciences et par l'université.

Il faut sans doute s'opposer à ces dernières, mais il ne faut pas pour autant rejeter les approches complémentaires qui peuvent se révéler très utiles pour les patients. En revanche, notre devoir est d'en contrôler l'application, d'en valider le périmètre et d'en déterminer l'application.

On peut sans doute concilier médecine de pointe et pratiques soignantes complémentaires, et ce dans le plus grand intérêt du patient. De nombreux exemples le montrent au quotidien.

Le danger serait de laisser libre ce champ des pratiques complémentaires au risque de le voir capté par des organisations parallèles ou des mouvances sectaires.

Un établissement doit sans arrêt répondre à une injonction paradoxale : d'un côté, on reproche à la médecine d'être trop technicisée, aux hôpitaux de faire souvent montre d'inhumanité, de trop recourir aux médicaments et à nombre de protocoles médicaux ; de l'autre, on nous accuse de ne pas mettre en oeuvre suffisamment de pratiques complémentaires. Certains journalistes me demandent souvent pourquoi et il y a également beaucoup de lobbies qui paraissent de bonne foi en la matière...

Il nous faut donc répondre à tous, dans l'intérêt du patient, qui lui aussi réclame des pratiques complémentaires. Quand on souffre, on a sûrement besoin de se raccrocher à autre chose qu'aux soins conventionnels.

Les hôpitaux doivent donc être très attentifs à ces dérives et veiller à valider des pratiques complémentaires conformes à l'art médical.

M. François-Régis Bataille, directeur général de l'Institut de cancérologie de l'Ouest. - Je dirige l'Institut de cancérologie de l'Ouest, l'un des dix-huit centres de lutte contre le cancer qui existent en France. La particularité des Centres de lutte contre le cancer (CLCC) - à laquelle nous tenons beaucoup - réside dans le fait qu'ils sont dirigés par des médecins comme Norbert Ifrah. Je suis quant à moi professeur de médecine et plus particulièrement d'hématologie.

Il s'agit de structures de droit privé à but non lucratif. Nous y tenons également beaucoup. Nos médecins sont salariés et non actionnaires ; ils n'ont pas droit aux dépassements d'honoraires, ni à une activité privée. C'est un choix d'exercice et de vie...

Tout comme les CHU, il est important que nous puissions offrir à nos patients les traitements les plus modernes. Les CLCC gèrent uniquement des patients atteints de cancer de gravité variable, mettant une fois sur deux en jeu le pronostic vital. Il s'agit d'une population agressée par la maladie, stressée, inquiète, ce qui constitue un point important.

Nous développons également des thérapies modernes dans le champ de la radiothérapie, de la chirurgie, de la chimiothérapie, avec des concepts importants de médecine dite « personnalisée ».

Nous avons tout à fait conscience de ce que représentent, à côté de la médecine conventionnelle allopathique, les médecines non conventionnelles. Il existe principalement deux types de médecine non conventionnelle. C'est un distinguo important dans la pratique et dans le vécu que peuvent en avoir les patients. Certaines médecines non conventionnelles, que nous qualifierons d'alternatives, ont pour ambition de se substituer à notre médecine allopathique. Je pense ici à l'homéopathie et, sous certains aspects, à la médecine chinoise.

Ces médecines alternatives, compte tenu de leurs ambitions, peuvent dramatiquement détourner certains de nos patients des médecines allopathiques que nous prescrivons. Certaines médecines sont moins holistes et n'ont pas l'ambition de se substituer à la médecine allopathique. Il s'agit plus de médecines jouant sur l'angoisse, le stress, le bien-être ; elles peuvent utiliser des plantes, des minéraux, des massages ou des phénomènes de posture, voire des pratiques mentales comme le yoga. Ce distinguo est important.

On mélange souvent les choses mais leur poids n'est pas le même. On retrouve très souvent cette médecine complémentaire dans un contexte de soins de support.

Le CLCC dispose de traitements très modernes qui guérissent de plus en plus de patients. Fait-il appel à la médecine non conventionnelle ? Nous y reviendrons à propos de la fasciathérapie, car je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit en introduction. Il y a là une subtilité qu'il faut corriger...

Dans la pratique, on retrouve davantage de médecines non conventionnelles en cancérologie que dans le cadre d'autres spécialités. Ceci n'est pas dû au fait que nous les pratiquions. Je lisais à ce sujet un rapport du Centre d'analyse stratégique... Toutes les études montrent que 50 % à 80 % des patients traités de façon conventionnelle reçoivent des thérapies non conventionnelles. Nous ne le savons parfois que si nous posons la question. Ces thérapies peuvent être alternatives - comme l'homéopathie - mais sont le plus souvent complémentaires.

On ne peut ignorer cette réalité, que nous vivons tous les jours. L'Ico a même mené des enquêtes sur les différents sites qu'il gère... Ceci est très ennuyeux car, qu'elles soient alternatives ou complémentaires, à ma connaissance, l'efficacité de ces médecines n'est pas prouvée et surtout peu ou pas testée. Nous reviendrons sur l'essai de fasciathérapie que nous avons mené, qui est un essai de recherche clinique et non une pratique courante au sein de l'Ico. La nuance est importante...

Il est donc extrêmement pénalisant pour les patients, chez qui elles peuvent avoir des effets secondaires, d'avoir recours à ce type de thérapeutique. En outre, certaines de ces médecines entretiennent incontestablement des liens sectaires.

Dans les CLCC mais aussi dans les CHU, les patients sont paradoxalement très demandeurs de ce type de thérapeutique, dont l'efficacité n'est pas démontrée. Il existe en effet très peu d'exemples où l'acupuncture et l'ostéopathie ont démontré leur efficacité.

Nous devons donc nous prémunir contre le fait que beaucoup de nos patients recourent sans que nous le sachions à ce type de médecine. Beaucoup d'efforts sont faits pour pallier ce comportement délétère. Nous informons en particulier régulièrement nos personnels et les malades sur ces médecines par le biais de réunions, en présentant une analyse critique extrêmement précise du sujet.

Nous ne les pratiquons toutefois pas globalement et des affiches de l'Institut national du cancer (INCa) et de la Miviludes évoquant ces thérapies miracles sont placardées dans l'institution.

Des espaces d'information figurent sur tous nos sites ; des « flyers » de la Miviludes y sont proposés afin d'informer au mieux les patients. Le but est d'éviter que ceux-ci se détournent de leur traitement allopathique même si, très souvent - j'insiste - ils combinent les deux.

Doit-on systématiquement les délaisser, en l'absence d' « evidence based medicine » ? Ces thérapies complémentaires, à titre individuel, semblent réduire les angoisses, calmer le stress et procurer un certain bien-être. Dans certains cas, il me paraît logique de pouvoir, dans les conditions rigoureuses, les expérimenter, comme dans le cas de la fasciathérapie.

Contrairement à ce qui a été dit en introduction, l'Ico ne pratique pas la fasciathérapie. Eric Jadaud va y revenir précisément... Nous avons réalisé une étude de faisabilité et un essai randomisé, comme pour toutes les études que réalise l'Ico. Les CHU et les CLCC ont une importante activité de recherche clinique. Chaque année, l'Ico étudie près de 1 500 malades dans ses essais thérapeutiques. Ces deux dernières années, nous avons réuni environ 2 500 à 3 000 malades à cette fin. Vingt-trois d'entre eux ont participé à l'essai concernant la fasciathérapie, soit 1 % de nos patients. Ce n'est donc pas l'essentiel de notre activité. Nous avons d'autres objectifs...

L'étude du Centre d'analyse stratégique fait état d'un certain « engouement » pour les médecines complémentaires. Je pense qu'une réflexion doit être menée à ce sujet car on ne peut les ignorer. Elles méritent, quand on en a le temps, l'argent ou l'opportunité, d'être expertisées plutôt que d'être considérées comme actives et être mises en oeuvre - ce qui n'est pas le cas dans notre structure. Pour nous, la fasciathérapie, qui a fait polémique, constitue un essai de recherche clinique qui nous semble avoir été pratiqué de façon rigoureuse, comme tous les autres essais. Auparavant, nous ne la pratiquions pas ; l'essai terminé, il n'y a pas plus de fasciathérapie qu'auparavant dans notre institution !

M. Eric Jadaud, oncologue-radiothérapeute (Institut de cancérologie de l'Ouest - Centre Paul Papin). - Je remercie la commission d'enquête de me permettre d'expliquer clairement devant elle les motivations et les modalités de ces deux études cliniques impliquant la fasciathérapie, qui ont été réalisées à l'Ico, sur le site Paul Papin.

Je suis médecin spécialiste au sein des CLCC, oncologue radiothérapeute et coordonnateur de ces deux études. Je ne suis pas fasciathérapeute et ne me forme pas à cette discipline. En revanche, je suis sensibilisé, depuis de nombreuses années, au développement des soins de support qui sont à mon sens essentiels pour accompagner les patients, notamment durant leurs soins oncologiques mais aussi durant les phases d'annonce et après leur traitement. Ces soins peuvent améliorer la tolérance du traitement, favoriser la compliance des patients à leur traitement et, potentiellement, augmenter l'efficacité de celui-ci. Si l'on adhère mieux à son traitement, on peut le réaliser en totalité dans de meilleures conditions et optimiser les résultats.

Pourquoi avoir réalisé ces études ? Nous avons été interpellés par des témoignages de patients rapportant des bénéfices de la fasciathérapie, notamment en matière de stress, de troubles du sommeil, de douleurs et de qualité de vie.

Le sujet a également retenu l'attention d'un public pluridisciplinaire, médical et paramédical, lors des réunions régionales du groupe de réflexion sur l'accompagnement et les soins palliatifs en hématologie et oncologie (Graspho), devenu l'Association francophone pour les soins oncologiques de support (Afsos) en 2008 qui, en France, fait référence dans ce domaine.

Comment avons-nous mené ces évaluations ? En 2006, une étude pilote de faisabilité a concerné huit patients hospitalisés. Cette étude a été financée par les dons de trois laboratoires pharmaceutiques et a duré de février à mai 2008. Les résultats ont été analysés. Les critères d'évaluation portaient notamment sur le stress, la douleur, le sommeil, etc. Les résultats ont été publiés et primés au Congrès national de l'Afsos, fin 2010.

Forts de ces résultats, nous avons débuté une étude de cohorte monocentrique de recherches biomédicales sans produit de santé. Il s'agit d'une phase II avec randomisation, c'est-à-dire un tirage au sort de quarante-six patientes traitées pour un cancer du sein par une chimiothérapie postopératoire, mais en ambulatoire, contrairement à la première étude.

Comme le premier, ce projet d'étude a été présenté en réunion de recherche d'établissement, accepté puis, suivant la procédure normale, a reçu l'accord du Comité de protection des personnes et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

Cette étude a également été référencée par l'INCa et s'est déroulée sur une période de dix-huit mois, de septembre 2010 à février 2012. L'étude est donc terminée depuis plusieurs mois. Il n'existe plus aucune intervention de fasciathérapie dans l'établissement depuis cette date.

Son financement viendra pour l'essentiel d'un prix délivré par une association reconnue pour son investissement dans la lutte contre le cancer du sein, après sélection par un jury scientifique réuni pour récompenser les recherches sur la qualité de vie des patientes. Les résultats sont en cours d'analyse...

Les deux kinésithérapeutes diplômés d'Etat qui sont intervenus pour ce faire dans l'institution terminaient leur formation de fasciathérapie. Je souligne que la fasciathérapie n'a jamais infiltré notre établissement, comme cela a pu être évoqué. Elle a simplement été impliquée, à deux reprises, dans un cadre de recherche, avec évaluation médicale.

Les patients concernés n'ont jamais été détournés de leur programme de soins oncologiques, proposé en concertation pluridisciplinaire et validé par leur médecin référent. Au bout du compte, nos démarches nous semblent en phase avec les propositions de la récente note d'analyse publiée en octobre dernier par le Centre d'analyse stratégique sur le thème : « Quelle réponse des pouvoirs publics à l'engouement pour les médecines non conventionnelles ? ».

M. Alain Milon , président. - La parole est au rapporteur.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vous avez parlé de soins de support, de médecines complémentaires. Je crois que l'on peut dire qu'il existe des pratiques conventionnelles et des pratiques non conventionnelles. Pourquoi avez-vous choisi la fasciathérapie ? Pouvez-vous nous expliquer par ailleurs ce dont il s'agit ?

Vous avez indiqué que la deuxième étude a été réalisée par deux kinésithérapeutes qui terminaient une formation de fasciathérapie. Qui réalise cette formation ? Pourquoi avez-vous choisi précisément cette pratique non conventionnelle parmi d'autres ? Quel est par ailleurs le résultat de la première étude ?

Vous avez obtenu le prix « Ruban rose - Qualité de la vie ». Selon le comité scientifique de cette manifestation (je cite), « la fasciathérapie est une approche manuelle réalisée par un kinésithérapeute, qui a une action au niveau des fascias et qui, par son effet somatopsychique, pourrait permettre une meilleure tolérance de la chimiothérapie. Une approche originale, simple, peu coûteuse qui, si son efficacité est prouvée, ouvrira de nouvelles perspectives cliniques et thérapeutiques ».

Vous avez par ailleurs reconnu devant nous qu'on n'avait pas encore démontré scientifiquement que ces pratiques non conventionnelles apportaient un résultat. Pourquoi avez-vous donc lancé ces études ?

M. Eric Jadaud. - Pourquoi la fasciathérapie ? Lors de nos consultations, nous recevons des informations de nos patients. Une enquête que nous avons réalisée en 2009 révélait qu'il existait une dizaine de pratiques différentes en marge des soins oncologiques conventionnels, parmi lesquelles figurait la fasciathérapie.

Lorsqu'on m'a rapporté les bénéfices que l'on pouvait en tirer en matière de stress, j'ai cherché de mon propre chef à en savoir un peu plus sur le sujet. Je me suis informé, comme d'autres, à travers des lectures et sur des sites Internet. J'ai surtout rencontré des kinésithérapeutes qui m'ont expliqué ce qu'était la fasciathérapie. Je ne suis, encore une fois, ni kinésithérapeute, ni fasciathérapeute.

Que sont les fascias ? Les praticiens les définissent comme des membranes enveloppant l'ensemble des organes. Il semblerait que ces membranes puissent apporter une réponse, sous forme de contracture par exemple, à un stress physique ou psychique. C'est assez classique : lorsqu'on éprouve une angoisse, on a la gorge serrée ou d'autres symptômes classiques. De ce point de vue, la fasciathérapie est utilisée pour soulager les symptômes d'ordre végétatif.

Ce qui a retenu notre attention concerne la prise en charge globale. Il ne s'agit pas que d'un « massage » mais aussi d'un temps d'écoute et d'échanges, le patient, après 45 minutes de soins, pouvant exprimer son ressenti vis-à-vis de la séance.

Les fascias recouvrent tous les organes du corps, des pieds à la tête, jusqu'aux parties neurologiques - encéphale, etc.

Cet état de bien-être me posant question, j'ai cherché à comprendre comment cette technique fonctionnait et j'ai pensé qu'elle mériterait peut-être d'être évaluée.

Il n'existe en France, à ma connaissance, qu'une seule école de formation continue ; elle s'adresse à des kinésithérapeutes diplômés d'Etat, voire à d'autres professions et se situe à Ivry-sur-Seine. Nous l'avons donc contactée afin d'informer le public médical et paramédical. C'est ainsi que le contact s'est établi. Le directeur de cette école est venu présenter la fasciathérapie lors d'une réunion du Graspho, en 2005. Le public pouvait poser des questions. Un intérêt s'est manifestement dégagé à propos de cette approche.

Il ne s'agit donc pas d'une perception individuelle mais d'une impression collective et partagée. Nous nous sommes ensuite demandé si l'on pouvait évaluer cette méthode et dans quel cadre. Une kinésithérapeute angevine qui terminait sa formation a accepté de participer à l'étude que nous avons décidé de mener, qui comportait des critères d'inclusion et d'exclusion.

Nous avons proposé ce soin aux patients hospitalisés en unité de soins dont la douleur, l'état de stress et le sommeil n'étaient pas contrôlés par les thérapies médicamenteuses.

Trois médecins s'intéressant aux soins de support ont été chargés d'informer les patients par lettre ; le patient, s'il était intéressé, pouvait donner son consentement éclairé. Ce n'est qu'après coup que le praticien intervenait auprès du patient susceptible de recevoir le soin, en accord avec celui-ci. Ce dernier était au courant de l'étude et des critères d'évaluation.

Même si l'on ne peut en tirer d'enseignements significatifs étant donné le trop petit nombre de volontaires - huit patients - les résultats ont tous été positifs, sauf pour ce qui est du paramètre de la douleur, très perturbé par les changements réguliers des traitements antalgiques, qui ont rendu les choses plus compliquées.

Nous avons présenté ces résultats lors d'un congrès de l'Afsos et nous sommes ensuite demandés comment les utiliser. L'idée était de proposer ce soin à un public plus important, selon une autre modalité. C'est pourquoi nous avons choisi une population très homogène, celle des patientes pour qui on avait la quasi-certitude que la qualité de vie était altérée par les traitements oncologiques traditionnels, des patientes recevant une chimiothérapie postopératoire - ou chimiothérapie adjuvante - pour un cancer du sein.

L'étude avait deux objectifs. Premièrement de vérifier que cette qualité de vie se dégradait avec les soins oncologiques. Les résultats nous fourniront cette information ; il existe en effet relativement peu de données dans la littérature par rapport au dernier protocole de référence établissant ce fait. Ensuite, la fasciathérapie a été introduite par tirage au sort, ainsi qu'on le pratique dans les études cliniques de phase II, une population recevant le traitement alors qu'une autre sert de témoin, sur la base des mêmes critères d'évaluation.

Les patientes répondant aux critères d'inclusion se voyaient présenter l'étude afin de pouvoir donner un consentement éclairé. Le tirage au sort déterminait alors qui recevrait ou non le soin réalisé, dans le cadre de l'étude, après la cure de chimiothérapie. Il comportait systématiquement une évaluation sur les critères, validés au plan européen, que sont les échelles de qualité de vie reconnue par l'European Organization for Research and Training in Cancer (EORTC).

Grâce à cet ensemble de données, nous saurons si ce soin se traduit réellement par un bénéfice quantifiable - même si on ne peut le définir qualitativement - et si l'on peut envisager une information complémentaire. En aucun cas, nous ne pourrons démontrer si ce soin peut devenir ou non un standard thérapeutique. Cette étude a en permanence été menée dans un cadre académique de recherche, sur la base de règles strictes.

M. Alain Milon , président. - Les patients dont vous parlez ont reçu des soins de chirurgie et de chimiothérapie agressifs. Ne leur avez-vous proposé que la fasciathérapie ou ont-ils bénéficié parallèlement de kinésithérapie et de psychothérapie ?

Jusqu'à présent, on nous a dit que les patients qui ont eu recours aux soins parallèles n'avaient pas retrouvé chez le médecin un soutien psychologique suffisant.

Avez-vous établi une comparaison entre les patients bénéficiant de soins allopathiques et d'une kinésithérapie et ceux recevant en outre une psychothérapie ? Quel est l'avantage des uns par rapport aux autres ?

M. Eric Jadaud. - Je ne peux vous en décrire les avantages mais je puis vous dire que nous avons répertorié l'ensemble des pratiques parallèles, dont la kinésithérapie conventionnelle, un certain nombre de patientes ayant subi un curage axillaire, c'est-à-dire un prélèvement ganglionnaire pouvant avoir un retentissement sur la mobilité du bras, avec des douleurs axillobrachiales, etc.

Il faudra établir une comparaison des demandes de soins de support entre chaque groupe. Cette donnée sera intéressante. La question se pose de savoir s'il y a un retentissement sur les autres soins supports. Elle fera partie de l'analyse...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vous avez évoqué une formation dans une école d'Ivry...

M. Eric Jadaud. - C'est la seule que je connaisse...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Avez-vous pris des renseignements à propos de cette école, sur les diplômes qu'elle peut délivrer et la personne qui la dirige ?

M. Eric Jadaud. - Les renseignements dont je dispose - qui sont probablement accessibles sur Internet...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vous avez quand même fait autre chose que prendre des renseignements sur Internet !

M. Eric Jadaud. - Je n'ai pas fait que me renseigner sur Internet ! J'ai assisté, fin 2006, à deux journées de communication sur la fasciathérapie sur le thème d'une recherche qualitative en kinésithérapie. C'est une approche qu'on n'a pas l'habitude de percevoir dans la kinésithérapie conventionnelle s'agissant de rééducation fonctionnelle.

Je n'ai pas tout compris car ce n'est pas mon métier, mais je n'ai perçu aucun élément pouvant porter un préjudice potentiel aux patients...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Vous êtes oncologue et radiothérapeute. Vous avez une idée scientifique sur ce que vous appelez les « fascias ».

Selon votre première étude, cela a-t-il eu un impact positif sur le cancer dont étaient atteintes ces huit patientes ?

M. Eric Jadaud. - L'évolution des courbes de la qualité de vie et de sommeil du patient ou son stress ne peuvent qu'interpeller...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Je le suis !

M. Eric Jadaud. - Je ne suis pas en mesure de dire comment répondent les fascias. Je ne suis pas praticien. Que perçoivent les fasciathérapeutes par le toucher ? Comment cela fonctionne-t-il biologiquement ? C'est au-delà de mes compétences ! Le concept en lui-même ne me semble pas incohérent. Seul un thérapeute pourrait vous répondre. Les grandes lignes de cette technique ont été présentées à la réunion du Graspho, afin que le public puisse comprendre et donner son avis.

Jamais ces projets n'auraient débouché sans cette sensibilisation, cette adéquation et cette cohérence qu'a perçues le public pluridisciplinaire.

M. François-Régis Bataille. - Nous n'avons jamais formé nos kinésithérapeutes à cette thérapie.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Les deux kinésithérapeutes dont vous avez parlé terminaient une formation de fasciathérapie à l'extérieur de votre établissement, dans cette école d'Ivry...

M. François-Régis Bataille. - Ces médecines complémentaires n'ont pas pour but, contrairement à ce que vous dites, de modifier l'évolution de la maladie cancéreuse, ni l'ambition des médecines alternatives. La difficulté est de trouver les personnes pouvant revendiquer une expertise de fasciathérapeutes. Nos kinésithérapeutes n'ont et n'auront jamais cette formation. Ce n'était pas le but de l'opération...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous avons bien compris. Il n'y a, de notre part, aucune confusion !

Les quarante-six patientes sont-elles sorties de votre centre avec des coordonnées de praticiens libéraux pratiquant la fasciathérapie ?

M. Eric Jadaud. - Je ne puis vous répondre. Je sais par qui elles ont été prises en charge au sein du centre. Nous n'avions qu'un seul praticien dont nous détenions les coordonnées. Je ne sais si ces patientes ont ensuite souhaité continuer à recevoir des soins, ni avec qui. Cela ne faisait pas partie de nos critères de recherche...

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Ne craigniez-vous pas que certaines personnes puissent poursuivre ce type d'expérience en abandonnant la médecine traditionnelle ?

M. Eric Jadaud. - Il s'agirait là d'une dérive écartant le patient de ses soins oncologiques conventionnels. Notre organisation constituait une sécurité face à ce risque, du fait de la présence du cadre médical.

Il me semble important de pouvoir porter un regard sur ces techniques plutôt que d'apprendre par un tiers que telle personne recourt à tel soin. Un grand nombre de patients font appel à des pratiques non conventionnelles, dont certaines peuvent présenter des risques d'interactions dangereuses avec nos propres soins. Pour éclairer ces pratiques, il nous faut donc les connaître et peut-être les avoir évaluées.

Soixante patientes, au cours de notre enquête, ont demandé à être clairement informées, voir à connaître le résultat de l'évaluation. Nous n'avons jamais cru qu'il s'agissait d'une stratégie pour échapper aux soins conventionnels et nous ne l'avons fort heureusement pas constaté non plus durant les traitements.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Le fait que des tenants de la fasciathérapie se prévalent de l'expérience d'Angers pour diffuser ces pratiques ne vous pose-t-il pas de problèmes ?

M. François-Régis Bataille. - De quoi peuvent-ils se prévaloir ? Cette étude est terminée sur le plan clinique mais les résultats n'en sont pas encore analysés, ni publiés. Aucune étude n'a, à ma connaissance, porté sur la fasciathérapie, en dehors de celle que nous avons entreprise. Je vois donc mal sur quoi peuvent se baser les tenants de la fasciathérapie, si l'on reste sur le concept rigoureux d' « evidence based medicine » .

Il en va de même des autres médecines non complémentaires, peu ou pas expertisées. Je ne vois pas sur quoi les gens peuvent s'appuyer... Les cas d'efficacité reconnue sont très rares lorsque l'expertise a été faite par des allopathes, suivant des critères scientifiques.

Cela reste malgré tout discutable lorsqu'on réalise des méta-analyses. Le rapport indique que, dans certains contextes douloureux, l'acupuncture semble être bénéfique, mais les experts ne sont pas tous d'accord. Il en va de même du traitement des lombalgies et de la partie technique des manipulations.

Comment peut-on revendiquer les résultats d'une étude alors qu'on ne les connaît pas encore ? Le CHU, l'Ico ou la plupart des CLCC expertisent beaucoup de molécules qui ont potentiellement une action anticancéreuse. Ce n'est pas pour cela qu'on peut les revendiquer comme telles ! Beaucoup de celles que nous expertisons n'ont d'ailleurs aucune efficacité et ne sont pas retenues.

Autrefois, on conseillait aux patients recevant une chimiothérapie et qui se plaignaient de la fatigue de se reposer. Aujourd'hui, on sait qu'il s'agit d'une aberration scientifique ! Enormément d'études remarquables démontrent que l'exercice physique, qui peut être considéré comme un traitement préventif, a un effet spectaculaire, dans le cancer du sein, sur le délai d'apparition de la récidive, sur l'apparition d'un second cancer, voire des cancers en général. Qui l'aurait cru il y a vingt ans ? Pas moi, puisque nous affirmions exactement l'inverse !

Dès l'annonce d'un cancer du sein à une patiente - et ce sera très clair dans le prochain Plan cancer - il est aujourd'hui recommandé aux patientes de pratiquer un exercice physique. Pendant longtemps, on conseillait aux femmes de se reposer alors que l'activité physique est extrêmement importante pour maintenir sa masse osseuse. Il s'agit là de données contre-intuitives - mais c'est le propre de la science. A ma connaissance, le bon sens n'a jamais conduit à une découverte scientifique ! Il ne faut pas être borné mais savoir cependant rester dans un cadre d'expertise très précis.

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Quel est l'avis du Pr Ifrah, président de la Commission médicale d'établissement ?

M. Norbert Ifrah. - Il se trouve que je suis également président de la Fédération hospitalière de France (FHF) cancer, et de la quarante-septième section du Conseil national des universités, relative à l'hématologie, la cancérologie, l'immunologie et la génétique. Ce sont donc des sujets sur lesquels j'ai été amené à travailler.

Le terme de « fascias » est le mot latin pour désigner les aponévroses : tout le monde le sait, nos muscles et nos viscères sont entourés de feuillets qui ont pour rôle de les protéger des frottements. Personne - malades compris - ne se trouve mal de recevoir des massages !

En second lieu, beaucoup de ces petits soins de support ont un intérêt réel, sans forcément véhiculer une idéologie bien dangereuse...

Autrefois, avant de disposer des médicaments modernes que sont les très puissants anti vomitifs, les chimiothérapies s'accompagnaient de drames à côté desquels la perte des cheveux n'était rien. Il s'agissait de l'intolérance absolue à l'idée même de manger.

On utilisait alors de petits moyens, dont l'un va vous faire sourire mais ne fonctionnait pas mal. Il consistait, en même temps que le premier cycle de chimiothérapie, à demander au malade ce qu'il aimait le moins et à le lui servir, de manière à ce qu'il focalise son dégoût sur ce qu'il n'aimait pas et qu'il puisse continuer à s'alimenter. On est loin d'une grande idéologie !

De la même manière, nous avions appris à interroger les malades sur leurs préférences musicales et à leur faire entendre la musique qu'ils aimaient au moment le plus difficile des soins ou lors des complications de traitement.

Je pense qu'il faut savoir replacer les choses là où elles sont. C'est l'opinion générale du CHU dans lequel je travaille, des autres CHU mais aussi de la totalité des CLCC, qui sont, je le rappelle, des établissements différents des CHU, mais qui partagent avec eux certains moyens et qui travaillent beaucoup ensemble.

Par ailleurs, nos établissements ont un besoin et un devoir de recherche ; il faudrait être bien fat pour nous satisfaire de nos résultats ! Nous avons transformé des lieux de mort en lieux de vie mais, parfois, ces lieux sont des lieux de survie. La qualité de survie est questionnable. Elle mérite que nous y réfléchissions. Il me semble que les CHU comme les CLCC sont armés pour soumettre à la question de la raison ces théories parfois incroyablement fumeuses qu'on nous propose.

Nous faisons extrêmement attention - mais nul n'est parfait et ne peut prétendre se tromper jamais. Il est cependant de notre rôle de soumettre ces assertions à la question de la raison. Comme vous le savez, l'homéopathie a été remboursée par la sécurité sociale bien avant les essais comparatifs. Lorsque ces essais ont eu lieu - et vous en connaissez les résultats - cela n'a pas empêché que l'on continue à rembourser l'homéopathie, ni ses tenants d'observer qu'il était normal que l'expérience n'ait pas été positive, puisqu'ils n'avaient pas eux-mêmes désigné les homéopathes de référence.

On voit donc combien les choses sont difficiles et combien nous avons besoin, ensemble, en restant vigilants, de soumettre toutes ces questions à la rigueur et à la raison.

Je voudrais, pour semer le doute, rappeler l'aventure de la médecine chinoise, au milieu des années 1980, dans la leucémie aiguë à promyélocyte. Celle-ci représente 10 % des leucémies aiguës, avec une mortalité de 40 % dans les six premières heures, dans les meilleurs services, du fait d'un syndrome d'anomalie de la coagulation incontrôlable.

Au milieu des années 1980, des Chinois ont annoncé qu'un champignon réglait le problème des saignements incoercibles de cette maladie. Inutile de vous dire la polémique et les débats que cela a soulevés, ni toutes les accusations qui ont déferlé sur cette philosophie chinoise qui venait perturber la médecine rationnelle.

Laurent Degos, de l'hôpital Saint-Louis, a testé ce médicament. Cela a été une révolution thérapeutique ! Les malades ont arrêté de mourir et, aujourd'hui, dans cette maladie qui représente 10 % des leucémies aiguës, 90 % des malades guérissent. On a non seulement démontré, dans un premier temps, en avançant prudemment, que ce champignon chinois, d'où est tiré l'acide tout-trans-rétinoïque, apportait quelque chose de plus aux traitements de chimiothérapie. Nous venons en plus de démontrer, lors du Congrès international d'hématologie d'Atlanta, la semaine passée, que l'association de ce champignon et de petites doses d'arsenic faisait mieux que la chimiothérapie associée à ce champignon chinois !

Il est donc de notre devoir commun de ne jamais nous satisfaire de l'existant - et nous l'avons souvent fait dans les maladies cancéreuses mortelles, notamment avec François-Régis Bataille. Cette posture nécessite une grande vigilance....

C'est pourquoi nous sommes attentifs. Nous mettons toute une série de barrières et de garde-fous, mais nul ne prétend être infaillible. Quoi qu'il en soit, la réflexion que mène votre commission d'enquête constitue pour nous une raison de plus pour vérifier que toutes les mesures de sécurité que nous avons mises en place sont bien opérationnelles.

Il y a trois semaines, j'ai reçu un long courrier d'une jeune femme qui venait me demander un stage de shiatsu dans le service. Je lui ai répondu que je ne connaissais personne capable de l'encadrer.

Sommes-nous sollicités ? Bien plus encore que nous ne l'imaginons ! Cela passe par les directeurs, les chefs de service... Voire par d'autres voies !

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Le rapport entre ce champignon chinois dont je ne doute pas des qualités et la fasciathérapie me paraît un raccourci un peu rapide de l'expertise scientifique - mais c'est un autre débat !

M. François-Régis Bataille. - Toutes ces études réclament du temps et de l'argent. Nous ne pouvons tout faire et notre rôle est essentiellement de traiter par les rayons, la chirurgie et la chimiothérapie.

Beaucoup de traitements demeurent empiriques mais, dans l'absolu, tout peut être expertisé scientifiquement. La plupart des livres scientifiques rapportent toutes sortes d'expertises très rigoureuses, dont certaines, réalisées aux Etats-Unis, portent sur l'efficacité de la prière. Ceci est d'ailleurs rapporté dans le rapport du Centre d'analyse stratégique.

Tout s'expertise. L'important est que les choses soient faites sérieusement, et que cela réponde à un objectif bien précis. Souvent, la demande vient des patients eux-mêmes. Les malades atteints de pathologies dégénératives ou de cancers graves s'accrochent à beaucoup de choses et sont sensibles à toute opportunité thérapeutique. L'important est de ne pas faire confiance aux charlatans, car il en existe beaucoup, mais je pense que nous sommes formés pour expertiser un certain nombre d'éléments.

Nous n'avons cependant pas que cela à faire. Les vingt-trois patients qui ont participé à l'essai de fasciathérapie représentent 1 % de notre activité de recherche clinique. Ce n'est pas non plus exorbitant !

M. Jacques Mézard , rapporteur. - Nous avons tous conscience - et les auditions nous le rappellent chaque semaine - qu'il existe un problème d'accueil et d'écoute à l'égard des patients atteints d'un cancer ou d'une autre maladie grave. Il est évident que certaines pratiques peuvent apporter du confort à quelques-uns, comme la prière.

Il nous paraît dangereux que l'on puisse utiliser certaines pratiques en dehors d'un cadre strict et d'une surveillance renforcée, pour aboutir aux dérives que l'on connaît. Le fait que ceci se déroule au sein même du service public nous inquiète quelque peu.

M. Gérard Roche . - Je ne veux être choquant ni vexant pour personne. Nous ne sommes pas un tribunal, ni même un jury médical - bien qu'un certain nombre de médecins soient présents. Nous sommes des parlementaires et le Sénat a voté la création d'une commission sur l'influence des mouvements sectaires dans le domaine de la santé.

Ce qui nous interroge, c'est la fasciathérapie qui entre dans le cadre des soins d'accompagnement. Pour nous, dès lors que ce sont des soins d'accompagnement et non des thérapeutiques substitutives qui entraînent l'arrêt des traitements allopathiques habituels, nous n'avons rien contre et nous vous avons entendu.

On dit souvent que les gens sont très mal accueillis à l'hôpital pour des thérapeutiques graves : j'ai beaucoup d'exemples de gens parfaitement satisfaits des soins qu'ils reçoivent dans les CHU ou dans les hôpitaux de première catégorie. Tous les médecins ne sont pas des tortionnaires et certains font peut-être preuve de bien plus d'humanité qu'on ne le leur prête !

Nous n'avons rien contre les thérapeutiques d'accompagnement des personnes qui ont besoins d'être aidées. Vous avez parlé d'activité physique, de prière : nous n'y trouvons rien à redire et ce n'est pas pour cela que nous sommes réunis aujourd'hui. Nous sommes ici parce que la fasciathérapie - qui est sûrement très efficace - va être labélisée, voire institutionnalisée...

M. Eric Jadaud. - Il ne s'agit en aucun cas d'un label !

M. Gérard Roche . - Le fait qu'elle soit utilisée dans des établissements comme les vôtres lui confère quand même un certain caractère de sérieux !

Or, la fasciathérapie est tirée d'une philosophie extrême-orientale et est utilisée par une secte dénommée Omalpha, dénoncée par la Miviludes en 2009. Ceux qui en ont entendu parler se demandent si cette secte n'est pas en train d'infiltrer l'hôpital et si les patients ne vont pas être tentés d'adhérer à cette secte. C'est là notre interrogation...

Il faut donc à présent en venir au fait et débattre de la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui : comment situez-vous la fasciathérapie par rapport à son origine ?

M. Norbert Ifrah. - Je suis sûr qu'il n'y a jamais eu de fasciathérapie au CHU d'Angers, sauf à l'Ico, dans le cadre d'un essai clinique ! Or, le CHU et l'Ico sont des établissements voisins, qui partagent un certain nombre de moyens et d'outils, mais des établissements autonomes !

M. Gérard Roche . - Je m'adressais à vous globalement...

M. Alain Milon , président. - L'étude qui a été menée peut permettre aux tenants de la fasciathérapie d'exploiter l'image du CHU d'Angers et de l'Ico.

M. Bataille a évoqué à plusieurs reprises le rapport du Centre d'analyse stratégique, sur lequel il s'est appuyé pour expliquer la présence de la fasciathérapie à l'Ico. Nous ne sommes pas contre cette analyse, loin de là - nous sommes du métier et l'acceptons volontiers - mais les études du Centre d'analyse stratégique et de l'Ico seront exploitées par ceux qui recourent à de telles méthodes. Ce qui nous inquiète n'est pas que vous fassiez une analyse médicale, scientifique, précise sur l'utilité ou la non-utilité de la fasciathérapie mais le fait que ceux qui l'exploitent de manière malhonnête ou illégale pourront arguer du fait qu'ils ont reçu l'autorisation du Premier ministre et utiliser l'image de l'Ico et du CHU d'Angers - même si, au bout du compte, ce dernier n'a jamais été responsable de quoi que ce soit !

Mme Catherine Deroche . - Vous avez dit que la fasciathérapie pouvait être pratiquée par d'autres personnes que des kinésithérapeutes...

M. Eric Jadaud. - J'ai cru comprendre que le champ de formation pouvait être ouvert à des médecins.

Mme Catherine Deroche . - S'agit-il de non médicaux ?

M. Eric Jadaud. - Je ne le crois pas...

Mme Catherine Deroche . - Je connais, dans le Lot, un Anglais qui s'est intitulé « fasciathérapeute »...

M. Eric Jadaud. - Pour nous, les choses sont très claires : nous avons intégré ce soin dans le cadre d'une évaluation - élément essentiel - mais toujours à titre de soin d'accompagnement.

Vous avez évoqué un label. Je comprends votre inquiétude mais je pense qu'en aucun cas la fasciathérapie ne pourra tirer un label de cette étude, compte tenu de son importance même.

M. François-Régis Bataille. - Nous n'avons pas analysé les résultats mais ils pourraient au contraire constituer un contrepoids considérable. Statistiquement, lorsque les études de médecine complémentaire ou non conventionnelle, au sens large du terme, ont été pratiquées de façon rigoureuse par des CLCC ou des CHU, les résultats ont été généralement négatifs.

Le Centre Léon Bérard, à Lyon, qui est un grand CLCC, a ainsi réalisé une étude sans complexe sur l'homéopathie. La question était en soi scientifiquement importante et intéressante. Cette étude s'est révélée négative, comme la plupart des autres. Ce n'est pas parce qu'on lance une étude sur un sujet qu'elle va conduire à des résultats positifs qui pourront être utilisés comme levier par ceux qui souhaitent le faire !

M. Eric Jadaud. - C'est pourquoi le terme de « label » m'a quelque peu perturbé...

M. François-Régis Bataille. - Le risque est que les médecines non conventionnelles, qui sont utilisées par beaucoup de personnes, ne soient jamais expertisées. C'est une situation qui, en médecine conventionnelle, n'existe pas !

M. Alain Milon , président. - A Evry, les cours de fasciathérapie sont faits à partir de la faculté Fernando Pessoa de Porto. Cette faculté privée loue des locaux à l'hôpital de Toulon pour mettre en place des médecins formés par la faculté de Porto ! C'est inquiétant...

M. François-Régis Bataille. - C'est une université qui fait en effet l'actualité. En Europe, la plupart des médecines conventionnelles sont enseignées par des structures privées. Je ne suis pas expert en matière de sectes...

M. Alain Milon , président. - Nous ne le sommes pas encore non plus : c'est bien là la difficulté !

Mme Catherine Deroche . - A quel moment est intervenue la fasciathérapie ?

M. Eric Jadaud. - La dernière séance de fasciathérapie a été réalisée après la sixième cure de chimiothérapie.

Mme Catherine Deroche . - Le protocole était-il identique pour les deux fasciathérapeutes ?

M. Eric Jadaud. - Il n'y avait qu'un praticien par étude. La kinésithérapeute qui a participé à la première étude ne pouvait adhérer au protocole, du fait de son emploi du temps. Il a donc fallu trouver quelqu'un d'autre...

Mme Catherine Deroche . - J'entends bien vos réactions à propos des termes de « labellisation » ou de « cautionnement ». Néanmoins, à la suite de l'article paru dans Sciences et Vie , avez-vous envisagé, au même titre que l'université d'Angers, de répondre aux accusations qui pourraient rejaillir sur l'image de votre institut ?

M. François-Régis Bataille. - Il fallait qu'on en vienne là, le sujet n'aurait pas été complet sans cela ! Cette affaire est désolante pour Angers, qui est victime collatérale dans une affaire où ni le CHU ni nous-mêmes ne sommes impliqués !

J'estime l'article de Sciences et Avenir ambigu, malhonnête intellectuellement partisan. On le voit fort bien avec la publication d'autres articles, dans les jours qui ont suivi. Nous portons donc plainte, comme l'a fait l'université d'Angers...

Cet article est ambigu, car j'ai réalisé qu'il avait donné l'impression à un certain nombre de mes collègues que j'avais été interviewé par Olivier Hertel, que je ne connais pas et que je n'ai jamais rencontré ! Je n'ai pas été interviewé par Olivier Hertel, alors que d'autres l'ont été. Ce qui est dit dans l'article ne relève donc pas d'un contact avec ce journaliste.

Cet article est malhonnête sur le plan intellectuel, car il laisse croire que l'Ico pratique des médecines non conventionnelles, ce qui est entièrement faux. Nous restons dans un cadre strict d'étude de recherche clinique. Olivier Hertel s'étonne en particulier du fait que l'Ico ait réalisé un essai sur la fasciathérapie : oui, nous venons d'en parler !

Il confond par ailleurs une information critique sur des médecines non conventionnelles que nous assurons - nous sommes là dans notre rôle, en accord avec la Miviludes - avec du prosélytisme en faveur de ces mêmes médecines. J'estime cette confusion extrêmement grave. Il s'agit d'une malhonnêteté intellectuelle, à la limite de la diffamation, ceci laissant entendre que nous abandonnerions nos malades à ce type de médecine, alors que nous sommes parmi les centres qui innovent le plus, chiffres à l'appui !

Enfin, c'est un article partisan. Ce n'est pas moi qui le dis mais Libération ; le 7 novembre, Libération a publié, à propos de l'article de Sciences et Avenir , un article ayant pour titre : « L'affaire Gascan rebondit ». Chacun a le droit d'être partisan, mais je pense qu'Olivier Hertel a écrit cet article pour des raisons autres que celles qu'il met en avant.

Tout ceci est extrêmement décevant et violent. Une corrélation n'est pas un lien de causalité, mais je note, lorsqu'on considère cette affaire dans laquelle nous ne sommes pas impliqués, qu'il existe une certaine corrélation entre l'émergence d'articles comme celui de Sciences et Avenir et l'évolution du processus judiciaire, proche de la cassation. Ce n'est qu'un constat mais il est important et on ne peut s'abstenir de l'évoquer.

Mme Muguette Dini . - Vous nous avez indiqué que la formation de fasciathérapeute dispensée par le centre dans lequel vous vous êtes rendu s'adresse à des professionnels de santé, kinésithérapeutes ou médecins. Avez-vous une idée de sa durée et de la façon dont elle se déroule ?

M. Eric Jadaud. - J'ai assisté à des journées scientifiques, non à la formation elle-même...

Mme Muguette Dini . - Combien de temps dure-t-elle ?

M. Eric Jadaud. - Ces informations sont accessibles sur Internet et définissent le nombre d'heures de formation et même le coût. Je crois que cette formation dure plusieurs années. Je n'ai pas de renseignements concrets sur sa qualité et son contenu. Le programme donne le sentiment qu'il s'agit de kinésithérapie. Je ne puis toutefois me prononcer sur ce qu'il pourrait y avoir au-delà...

M. Stéphane Mazars . - Il existe toujours un risque que ces médecines complémentaires deviennent alternatives. Vous essayez d'ailleurs de les faire entrer dans le domaine du soin support, c'est-à-dire des médecines complémentaires.

Mesurez-vous ce risque de basculement ? S'agit-il d'une vue de notre esprit ? Si ce risque existe, que faites-vous pour essayer de l'éloigner ?

M. Norbert Ifrah. - C'est un souci permanent et c'est par le dialogue, en ne refusant aucune discussion, que nous arrivons à garder le lien avec le malade, même dans les moments les plus difficiles que sont l'annonce, la rechute ou les complications graves.

Toutes nos chimiothérapies et beaucoup de radiothérapies abaissent terriblement les défenses immunitaires des malades. De nombreux malades présentent un zona, maladie connue pour être très douloureuse, bien plus nécrotique et grave chez les immunodéprimés. Cela fait vingt-huit ans que je pratique cette activité : je n'ai jamais rencontré un malade qui n'ait pas reçu un soin dispensé par un magnétiseur ou son équivalent, parallèlement à ce que nous lui proposions, qui est extrêmement efficace, la cible étant connue et sensible à ce traitement ! Je n'ai jamais vu un malade qui n'allait pas voir un rebouteux en plus. Il faut que vous le sachiez.

Tout notre travail consiste à conseiller aux malades de continuer à suivre leur traitement et de les informer qu'il existe sans cela un véritable risque de dissémination de la maladie et de complications mortelles. Nous sommes dans ces cas-là dans la transaction.

J'ai évidemment eu affaire à des malades qui se détournaient de leur traitement. Certains sont les victimes absolues de charlatans ou de sectes. J'ai connu des malades qui se rendaient en Suisse pour acheter, à des prix exorbitants, les fameux « physiatrons » de Solomidès, qui ne sont que des alkylants non purifiés mais vendus à prix d'or ! Des infirmières m'ont informé que la femme de tel ou tel malade voulait qu'elles injectent de l'air en sous-cutané à leur mari en fin de vie ! Nous sommes quotidiennement confrontés à ces éléments et c'est dans un débat entre êtres humains, avec toute l'humilité réciproque nécessaire, que nous arrivons à conserver un lien, car nous sommes alors dans une situation d'échec humain même si, par chance, le médicament fonctionne.

Oui, le danger est permanent ; oui, il est partout ! On ne dit pas assez qu'il se situe avant que le malade n'arrive à l'hôpital. Je demeure très marqué par le souvenir d'une étudiante, en fin d'études de pharmacie, qui m'avait demandé de rencontrer son oncle, un homme de trente-neuf ans, architecte, suivi par un mage pour une maladie mortelle ou peu s'en faut au moment où il l'a rencontré et qui l'était devenue lorsque je l'ai rencontré. Le mal avait alors essaimé et la chimiothérapie ne pouvait plus opérer. Ce malade était suivi par des méthodes strictement alternatives, prônant le refus de ce que nous pouvions lui proposer. Ces événements se passent très en amont des établissements publics !

L'établissement dans lequel je travaille a été très largement médiatisé, il y a sept ans, pour avoir essayé de s'opposer à ce qui nous semblait constituer une dérive sectaire dans la prise en charge d'un enfant atteint d'une maladie grave et victime des errements de sa famille et de conseillers extérieurs en matière de prise en charge. Par chance, il avait suivi une chimiothérapie qui l'avait placé en rémission complète, ce qui n'était pas garanti. Dans l'état de la science de l'époque - c'est encore le cas aujourd'hui - seule une autogreffe avait une chance de le guérir.

Un premier avis, à Nantes, a confirmé ce diagnostic, puis un second, à Paris et un troisième à Angers. Le juge a demandé que l'enfant soit pris en charge en pédiatrie dans notre établissement. Une tempête médiatique a alors été orchestrée contre « ces rigides d'hospitaliers ». Les choses sont allées jusqu'à un procès, dans lequel on nous a sommés de rendre l'enfant à sa famille. Il a été suivi dans une autre région, par une équipe médicale en conflit ouvert - et connu - avec l'ensemble de la communauté des hématologues et des cancérologues pédiatres.

Pour nous, cela a été la fin de l'histoire car, comme vous l'imaginez, nous n'avons jamais su ce que cet enfant était devenu ! Pour être honnête, je crains de le savoir...

De la même manière, après la loi de 2002, par ailleurs très utile aux malades, nos couloirs ont été hantés pendant deux ou trois ans par les comités de liaison des Témoins de Jéhovah, qui ont fini par se rendre compte que nous n'étions pas un terrain véritablement favorable à leurs réflexions. Je pense que François-Régis Bataille a la même expérience que la mienne...

M. François-Régis Bataille. - Il faut faire preuve d'optimisme. Certes, on assiste à un engouement pour les médecines non conventionnelles, mais les médecines conventionnelles sont de plus en plus efficaces. Si l'on démontre que certaines thérapies relèvent du charlatanisme, que l'on dispose de thérapies modernes et personnalisées et que les connaissances sur le cancer progressent énormément, le problème se règle instantanément. Il faut malgré tout un contexte idéologique très fort pour que les patients restent dans un cadre non conventionnel alternatif. Je doute que les médecines complémentaires, si tant est qu'elles soient efficaces, deviennent alternatives. La meilleure réponse, pour nous, médecins, est de disposer de traitements capables de guérir de plus en plus de cancers, comme c'est le cas actuellement.

Par ailleurs, un important effort d'information et de discussion est réalisé en direction de nos patients dès les premiers instants de prise en charge. Nous discutons et rediscutons avec eux de véritables programmes de soins personnalisés. C'est un atout considérable, qui doit permettre d'éviter les dérives. Je suis donc optimiste...

Les personnes qui dérivent sont celles qui sont soumises à une pression idéologique très forte ou qui considèrent que nous n'avons rien à leur proposer. Or, ces situations se réduisent de plus en plus, Dieu merci ! Sans parler d'acharnement thérapeutique, il existe des traitements efficaces, et ce durant longtemps, et l'on guérit actuellement une majorité de cancers. Les malades croient donc en ce que nous leur disons, si je puis employer le terme de « croyance ».

Certes, les malades peuvent naviguer sur des sites toxiques mais beaucoup sont également capables d'en consulter d'autres, plus intéressants - ne serait-ce que les nôtres - pour avoir accès à la connaissance au sujet des nouveaux traitements. Ils se montrent d'ailleurs fins connaisseurs lorsqu'ils viennent nous consulter.

M. Gérard Roche . - Cela ne simplifie pas la tâche !

M. François-Régis Bataille. - Ainsi va la vie ! Chacun est sur la toile, tout se discute. C'est à nous de nous montrer éducatifs et convaincants.

M. Alain Milon , président. - Cette audition est l'une des plus intéressantes parmi toutes celles que nous avons eues. Monsieur Bubien, vous qui avez une expérience de cabinets ministériels importante, avez-vous le sentiment que les ministres de la santé sont bien informés sur ces médecines alternatives ?

M. Yann Bubien. - Pour tout dire, nous en parlions relativement rarement. En revanche, nous étions souvent sollicités par les journalistes et les parlementaires à propos de ces sujets. Pourquoi la santé est-elle si restrictive ? Pourquoi est-elle si mécanique, si technique ? Pourquoi ne s'ouvre-t-elle pas à d'autres médecines complémentaires ? Ce sont des questions que j'ai entendues au cours de presque toutes les rencontres que nous organisions entre les journalistes et les ministres successifs pour lesquels j'ai travaillé.

Dans l'affaire dont parlait à l'instant le Pr Ifrah, j'ai reçu nombre de courriers de personnalités, de parlementaires, de journalistes pour soutenir ces activités. Nous avions très peu d'informations sur ce qui se passait vraiment. Or, il est utile de savoir et de connaître les dérives.

Ce matin encore, j'ai reçu une proposition de formation sous forme d'une plaquette fort bien réalisée, se référant à certaines personnalités importantes ou à des médecins. Il n'y a pas de raison de ne pas y répondre favorablement. On sait maintenant ce dont il s'agit. Le CHU y prend garde car nous savons d'où cela provient. Il s'agit souvent de propositions de formations qui s'adressent aux personnels paramédicaux. Si nous avons les moyens en personnel pour en examiner le contenu, ce n'est pas toujours le cas des établissements plus petits, dotés d'un moins grand nombre d'agents.

Il y a sans doute là quelque chose à faire. Nous sommes et serons vigilants et - je l'espère - de plus en plus.

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