Audition de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (mardi 5 février 2013)

Mme Muguette Dini , présidente. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur la question de la formation professionnelle avec les représentants de la

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) :

- Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle ;

- M. Stéphane Rémy, chef de la Mission organisation des contrôles (MOC) ;

- M. François-Xavier Garancher, chargé de mission à la MOC.

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.

Je ne reviens pas sur le fait que le public ici présent - constitué d'une seule personne - est tenu d'assister à cette audition en silence.

Je précise à l'attention de Mme Emmanuelle Wargon et de ses collaborateurs que notre commission d'enquête s'est constituée à l'initiative de M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, notre rapporteur.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, demander à Mme Wargon et MM. Rémy et Garancher de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Madame Emmanuelle Wargon, messieurs Stéphane Rémy et François-Xavier Garancher, veuillez successivement prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

Les trois personnes se lèvent et prêtent serment.

Mme Muguette Dini , présidente. - Vous nous avez adressé, à la suite des questions posées par notre commission d'enquête, un document fort intéressant et très complet. Nous vous en remercions.

Je vous propose de présenter rapidement votre action afin que nous puissions ensuite échanger...

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle. - Merci, Madame la présidente. La DGEFP est, depuis les années 2000, sensibilisée et motrice sur le sujet des dérives sectaires.

A la suite des rapports parlementaires de 1995 puis de 1999, nous avons en effet entamé un partenariat fructueux avec la Miviludes, dans le cadre d'une liaison assez étroite et qui fonctionne plutôt bien, afin de participer à une politique de prévention des dérives sectaires dans le champ de la formation professionnelle.

Nous avons, à ce titre, essayé de développer une politique de prévention et d'information qui, pour donner quelques exemples, est passée par les Assises de la qualité dans la formation professionnelle, pilotée par Mme Morano fin 2011, puis par un colloque dédié aux risques de dérives sectaires dans la formation professionnelle, début 2012. Le guide Savoir déceler les dérives sectaires dans la formation professionnelle a été réalisé avec la Miviludes à l'issue de ces travaux ; il sert à sensibiliser les différents acteurs du monde de la formation professionnelle aux risques de dérives sectaires.

Le champ de la formation professionnelle est très vaste - il représente environ 31 milliards d'euros - mais aussi relativement éclaté. Il se situe à la frontière entre le public et le privé ; il n'est pas aisé de savoir s'il s'agit de contributions fiscales, parafiscales ou obligatoires. C'est donc un univers quelque peu incertain.

Environ 13 milliards sont utilisés pour des actions de formation professionnelle par des entreprises ou par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Environ 6 milliards représentent la formation des agents publics des trois fonctions publiques territoriales, le reste se répartissant entre la formation des demandeurs d'emploi, des jeunes et des particuliers. Cette dernière rubrique augmente plus vite que les dépenses globales de formation et représente aujourd'hui un peu plus d'un milliard d'euros.

Face à ces enjeux, la DGEFP compte une équipe de contrôle de la formation professionnelle de dix personnes, dirigée par Stéphane Rémy, et environ 140 personnes dans les services régionaux de contrôle, services déconcentrés de l'Etat.

Nous exerçons un pouvoir de contrôle assez général. Les organismes de formation sont environ 60 000 et font l'objet d'un enregistrement. Il ne s'agit pas d'un agrément ni d'un avis porté par l'administration sur la qualité et la pertinence de l'organisme de formation. Nous recensons environ 10 000 demandes d'enregistrements supplémentaires chaque année. C'est un volume d'acteurs important. Nous réalisons environ 800 contrôles d'organismes de formation par an ; depuis 2000, cette politique ayant été renforcée avec la création des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), nous ciblons l'action des services de contrôle sur des zones considérées par nous comme « à risques », notamment en termes de dérives sectaires.

Nous avons donc ciblé nos campagnes sur des formations de développement personnel et de bien-être. Nous nous intéressons maintenant aux pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT), qui sont à la frontière du développement personnel, du bien-être et d'une sphère portant sur des méthodes de santé dites non conventionnelles moins répertoriées que les méthodes habituelles. Un gros tiers de nos contrôles ciblent donc les organismes où les risques nous semblent plus forts.

Nous pouvons refuser de qualifier des dépenses éligibles à la formation professionnelle et aller jusqu'au retrait de l'enregistrement de l'organisme si nous considérons qu'il n'est pas dans le champ de la formation professionnelle.

Un tiers des contrôles mène soit à une annulation de l'enregistrement de la déclaration d'activité, (pour 20 % d'entre eux), soit à une redéfinition partielle de l'activité de formation (pour 10 %), ce qui démontre bien que le fait de cibler les contrôles est relativement positif.

Il peut exceptionnellement nous arriver de suspecter des difficultés d'ordre pénal - abus de faiblesse, escroquerie ou exercice illégal de la médecine. Nous utilisons alors l'article 40 du code de procédure pénale et transmettons au Parquet.

M. Bernard Saugey . - J'ai le sentiment que le cheval de Troyes des dérives sectaires est souvent le stage de développement personnel. Comment luttez-vous contre cette situation ?

Mme Emmanuelle Wargon. - C'est bien ces champs-là que nous ciblons -,n développement personnel ou bien-être et méthodes à visée thérapeutique. Souvent, tout cela est assez lié, l'offre de développement personnel passant souvent par des techniques allant de la relaxation à des techniques plus thérapeutiques. Nous ciblons donc nos contrôles vers ce champ-là.

M. Bernard Saugey . - Ces contrôles se font-ils sur place ?

M. Stéphane Rémy, chef de la Mission organisation des contrôles (MOC). - Il existe deux types de contrôles. Le premier est le contrôle des organismes de formation dès l'enregistrement. Il constitue une simple immatriculation et non un agrément. Un certain nombre de pièces obligatoires sont à fournir. Ce contrôle de premier niveau détermine si l'organisme, au vu de la première convention qu'il conclut avec une entreprise ou un individu, se situe ou non dans le champ de la formation professionnelle, s'il répond bien aux objectifs d'adaptation au poste de travail, de maintien dans l'emploi ou de développement des compétences.

Le contrôle a posteriori est mené sur l'ensemble des activités des organismes, deux, trois, quatre, cinq ans après - voire beaucoup plus. S'il s'avère que les activités ne correspondent pas aux finalités assignées à la formation ou s'en éloignent, la sanction est soit l'annulation de l'enregistrement de l'organisme, soit une requalification d'une partie de ses activités. On est là sur des contrôles sur place ou sur pièce, les deux étant possibles. D'une manière générale, ayant accès à des documents comptables, nous menons des contrôles sur place.

Mme Emmanuelle Wargon. - L'organisme ne peut donc plus se prévaloir du titre d'organisme de formation ; il ne peut plus faire de publicité en ce sens et ses dépenses ne sont plus éligibles à la formation. On le sort donc autoritairement du champ des organismes de formation.

M. Yannick Vaugrenard . - Vous avez rappelé qu'il existe 60 000 organismes de formation ; vous en recevez 10 000 de plus chaque année et vous réalisez 800 contrôles. On mesure bien le décalage par rapport aux moyens mis en oeuvre et à la réalité de ce que nous constatons !

Face à cela, l'ensemble des conseils régionaux - qui ont dans ce domaine un rôle très important - sont-ils sensibilisés à ces phénomènes éventuels de dérives sectaires dans le cadre des organismes de formation ? Les services décentralisés de l'Etat de chaque région le sont-ils, de manière à être les plus efficaces possible ? Peut-on imaginer de systématiser un avis de la Miviludes avant la mise en place de tout nouvel organisme de formation ? Est-ce possible financièrement ? Quels moyens pouvons-nous mettre efficacement en oeuvre pour éviter les dérives sectaires dans le domaine de la formation ?

Pôle emploi est également parfois sollicité pour organiser diverses formations. Etes-vous en liaison avec eux ainsi qu'avec les assemblées régionales ?

Mme Emmanuelle Wargon. - Pour que le contrôle soit efficace, il faut sensibiliser tous les acteurs et les donneurs d'ordre de la formation.

Cela passe en effet par Pôle emploi, sur lequel nous exerçons la tutelle et avec lequel nous avons des discussions régulières pour essayer d'identifier les risques.

Cela passe aussi par les relations avec les régions. La Miviludes a réalisé un guide à l'adresse des collectivités territoriales pour les sensibiliser globalement aux risques de dérives sectaires. Mais la vigilance passe également par les grands acteurs de la formation que sont les OPCA, qui achètent des formations au titre des entreprises.

Certaines sont très sensibilisées, notamment le Fonds d'assurance formation de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif (Unifaf) qui, dans le champ sanitaire et médico-social, finance des formations qualifiantes et professionnalisantes. Disposant d'un comité d'éthique, l'Unifaf essaye de prendre garde à l'offre qu'il finance.

Plus chaque financeur, chaque acheteur, sera sensibilisé à la nécessité de regarder exactement avec qui il contractualise, plus le système sera sous contrôle et moins il y aura de risques.

Les contrôles des services de l'Etat sont déconcentrés. On compte dix personnes à Paris, les autres étant en région. Ce sont des services auprès des préfets de région, dans les Dirrecte. Toute la politique du Gouvernement consiste à rapprocher le préfet de région et le président du conseil régional, afin de mener une politique globale de formation, de développement économique et d'emploi sur le territoire de la région.

Cette politique ne sera efficace que si chaque acteur se pose la question de savoir à qui il achète des formations, dans quelles conditions, et s'il a les outils pour décrypter et identifier les dérives.

Une question qui tient à coeur au ministre de la formation professionnelle, M. Thierry Repentin : peut-on avancer vers une sorte de label de qualité des formations, non pas spécifiquement au titre des dérives, mais globalement ? La question se pose sous un certain nombre d'angles. Peut-on séparer, dans cette offre de formation - ou flécher - des offreurs plus sérieux, respectant des critères de qualité au sein des offreurs de formations ? Certaines OPCA, ou certains financeurs de la formation, ont eux-mêmes des organismes de contrôle qualité qui essayent de labelliser des offreurs de formations.

Ce sujet sera porté par le ministre dans la prochaine loi sur la formation professionnelle, dont le projet est annoncé pour l'été. Le projet de loi sera probablement présenté en conseil des ministres en juin ou juillet. La question de la qualité de l'offre de formation et d'une éventuelle labellisation s'ouvre aux discussions avec les régions et avec les partenaires sociaux.

M. Stéphane Rémy. - Une précision complémentaire : chaque année, 10 000 organismes de formation disparaissent, frappés par la caducité de leur activité, soit parce qu'ils n'ont pas renseigné de bilan pédagogique et financier, soit parce que leur activité est inexistante. Ces dernières années, on assiste à une relative stabilité du nombre d'organismes, qui demeure cependant important.

Mme Emmanuelle Wargon. - On en refuse 2 000 chaque année. Un tri est donc déjà effectué à l'entrée...

La Miviludes pourrait-elle être sollicitée à cet effet ? Cela dépend du contrôle que l'on souhaite exercer au niveau de l'enregistrement... Je pense que cela nécessiterait une évolution du contenu de l'enregistrement. Je ne sais quels moyens le système peut confier à la Miviludes pour étudier 10 000 dossiers par an et donner un avis sur la qualité des dossiers. Pourquoi pas, sous réserve que le texte évolue ? Je ne suis pas sûre que nous ayons la base pour faire quelque chose après un examen de la Miviludes, sous réserve des moyens dont elle pourrait disposer...

M. Yannick Vaugrenard . - L'enjeu financier est énorme : 31 milliards d'euros ! Le fait que 10 000 organismes disparaissent d'une année sur l'autre et que 10 000 autres se créent démontre qu'il existe un enjeu financier considérable. Cela pose la question de la crédibilité de ceux qui, d'une année sur l'autre, ne peuvent plus assurer la formation professionnelle.

J'ai été rapporteur du budget de la région des pays de la Loire durant six ans. La formation professionnelle constituait un domaine extrêmement important de l'action de la région. Je puis vous assurer que nous n'étions absolument pas sensibilisés à la question des dérives sectaires ! Je le suis maintenant parce que j'ai la chance de participer à cette commission d'enquête. Le travail pour parvenir à informer les régions et les préfectures est considérable !

Je ne suis pas persuadé que toutes les régions disposent du document de la Miviludes que vous avez évoqué. Le minimum serait que l'ensemble des élus participant à la formation professionnelle de chaque région en aient connaissance ou en soient destinataires. La Miviludes ne pourra pas étudier le cas de tous les organismes de formation professionnelle, mais si chaque région a, en cas de doute, le réflexe d'alerter la Miviludes pour obtenir son avis, on réduira considérablement le nombre de demandes !

Votre réponse concernant le label de qualité me satisfait, car il jouera en faveur de la lutte contre le chômage. Certains organismes sont mus par l'appât du gain ; l'efficacité des formations, elle, reste à démontrer. Si une attention particulière est portée, dans ce cadre, aux risques de dérives sectaires, nous aurons donc fait du bon travail !

Mme Emmanuelle Wargon. - La mobilisation des services de l'Etat intervient dans certains cas à l'échelon départemental ; des cellules départementales placées auprès des préfets assurent parfois une vigilance transversale en matière de risques de dérives sectaires. Une certaine articulation reste à mettre en oeuvre entre les niveaux régional et départemental, notamment en matière de formation professionnelle. Les interlocuteurs départementaux ne sont pas toujours en synergie avec les interlocuteurs régionaux. C'est à l'Etat d'y travailler. Je pense qu'il y a là un point d'amélioration possible, la formation professionnelle relevant de la compétence régionale ainsi que la santé.

Quant au nombre d'organismes de formation, il existe un socle important. Nous estimons qu'un quart de ces organismes couvre environ 60 % du marché. Ces organismes sont bien implantés, ont beaucoup de salariés et sont connus. Le reste des acteurs de la formation est extrêmement volatil. Il s'agit parfois de petits organismes, qui réalisent un volume de formation peu élevé et dont le créateur, au bout d'un certain temps, change d'activité ou part à la retraite sans être remplacé. Ce marché est assez dual et se partage entre organismes solides, reconnus, volumineux et structures plus petites. On compte dans cette dernière catégorie des organismes de qualité. C'est dans ce domaine qu'il est plus difficile d'exercer un partage...

M. Bernard Saugey . - Les plus petites ne sont pas les moins dangereuses !

Mme Emmanuelle Wargon. - Absolument !

Mme Muguette Dini , présidente. - On évoque souvent l'entrisme de la Scientologie dans des organismes reconnus et sérieux. Comment êtes-vous alertés à ce sujet ? Avez-vous des doutes ? Il n'est pas toujours évident de le détecter...

M. Stéphane Rémy. - Vous posez là une question de méthodologie. Les rapports parlementaires de 1995 et de 1999 ont cité un certain nombre de mouvements à connotation sectaire - ce qui a valu un certain nombre de difficultés et de procès.

La méthodologie adoptée avec la Miviludes consiste à ne pas travailler sur la base de mouvements identifiés. En outre, l'appartenance à un mouvement sectaire est, en soi, non répréhensible si l'activité conduite est conforme aux activités de formation professionnelle. Il est donc possible que l'Eglise de Scientologie dispose d'un certain nombre d'organismes de formation qui lui soient reliés mais qui mènent des activités conformes au droit de la formation professionnelle.

Aujourd'hui toutefois, il n'existe pas de travail particulier sur tel ou tel mouvement. Ce n'est pas ainsi que nous procédons. Nous appliquons en effet le droit commun sur des zones à risques. Ceci ne nous permet pas de diagnostiquer si l'Eglise de Scientologie est présente ou non sur le marché de la formation professionnelle.

M. Alain Néri . - Les risques de dérives sectaires sont-ils un des critères qui vous amène à contrôler tel organisme plutôt que tel autre ?

Mme Emmanuelle Wargon. - Nous disposons depuis quelques années de plans de contrôles nationaux qui nous fixent de grandes lignes et ciblent certaines thématiques de contrôle, à l'intérieur de zones de formation.

A partir de cette matrice générale de contrôle, chaque région dresse son échantillon. J'imagine que le choix est à la fois aléatoire, pour être sûr de ne rien oublier, et pondéré par les critères ou les alertes dont on dispose...

M. Stéphane Rémy. - L'offre est de plus en plus abondante dans le domaine du développement personnel, du bien-être et de la santé, parfois avec une certaine confusion dans les objectifs assignés aux actions, d'autant plus lorsque cela s'adresse à un public indifférencié.

Nous avons donc souhaité cibler les organismes qui, par leur code de formation, correspondent à ces activités et travaillent de surcroît principalement avec des personnes qui achètent la formation à titre individuel, sans vérification ni garantie de qualité. Beaucoup de publicités circulent dans ces domaines. Près de 20 % de ces organismes se sont révélés ne pas exercer d'activité dans le champ de la formation.

Nous avons constaté par ailleurs un risque en matière de dérives sectaires et de santé, un certain nombre de prestations heurtant à l'évidence le champ d'exercice de professions réglementées. Même si les programmes de formation étaient parfois présentés de manière relativement habile, en sollicitant les expertises de l'Ordre des médecins ou de celui des kinésithérapeutes, nous avons pu établir assez facilement qu'il existait bien un risque, pour les participants n'ayant aucun prérequis en matière médicale ou paramédicale, de réaliser potentiellement des diagnostics ou des traitements, apanage des médecins ou des kinésithérapeutes.

On est là dans le champ potentiel de la dérive thérapeutique, ainsi que cela a été illustré dans un guide récent de la Miviludes, intitulé Santé et dérives sectaires . On y retrouve des organismes de formation qui en sont les vecteurs...

M. Alain Néri . - L'argent est rare et l'on doit être de plus en plus vigilant pour s'assurer de la qualité et de l'utilité des organismes qui réalisent de la formation continue, sous peine de voir l'argent public financer des organismes sur lesquels on peut s'interroger.

Dans les collectivités locales, outre les formations destinées à mettre à jour les connaissances professionnelles des agents, il existe également des formations personnelles, demandées à titre individuel, par exemple en matière de bien-être. Envoyer des agents se former dans des organismes qui sont en fait des officines de manipulation mentale pourrait poser de graves problèmes aux collectivités, qui pourraient même être poursuivies en justice pour complicité !

Il est donc important de déjouer ces risques. Le bien-être, c'est très bien ; le mieux-être, c'est encore mieux, mais améliorer la situation professionnelle et sociale des agents pour qu'ils rendent service à la population dans le cadre de leur activité professionnelle doit rester une priorité !

Mme Emmanuelle Wargon. - Ceci pose la question du rôle des acheteurs de formations. Trois types de dépenses entrent dans le champ de la formation professionnelle : l'adaptation au poste de travail, le maintien dans l'emploi et le développement des compétences.

On peut certainement intégrer le développement personnel dans le développement des compétences, au motif que celui-ci y concourt, mais tout dépend des acheteurs. Nous sommes particulièrement vigilants vis-à-vis des organismes en prise directe avec le particulier lui-même acheteur. Il peut s'agir de personnes en reconversion, en fin d'arrêt professionnel ou en difficulté. L'individu qui paie est, par essence, soumis à la publicité. Un contrôle est donc nécessaire.

Quant aux formations payées par des acheteurs, soit ce sont les entreprises elles-mêmes qui les achètent, soit ce sont les OPCA, d'où l'intérêt d'un partenariat renforcé avec ces organismes. En tant que contrôleurs, nous ne sommes pas légitimes, en l'état des textes et des forces en présence, à juger de la pertinence de la formation...

M. Alain Néri . - Encore que...

Mme Emmanuelle Wargon. - En tout cas, les textes ne nous donnent pas cette possibilité ! Les OPCA, qui sont des professionnels de l'achat de formations, devraient être en capacité de se structurer ; à la DGEFP d'essayer d'accompagner ce mouvement. C'est également vrai pour les entreprises qui ont un plan de formation dans lequel elles achètent par elles-mêmes. C'est vrai aussi des collectivités territoriales, lorsqu'elles sont acheteuses. Soit elles passent par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui joue le rôle d'un OPCA, soit c'est la collectivité elle-même qui achète. Comment sensibiliser son service de formation ? Si la collectivité accepte de financer des formations d'agent sur projets, on peut lui suggérer un comité d'analyse qui croiserait un certain nombre de regards, évitant ainsi les dérives.

De même, dans le cas du Fonds pour la gestion du congé individuel de formation (Fongecif), il existe un comité d'évaluation. Le Fongecif ne finance donc pas de formation sans avoir étudié de façon pluridisciplinaire et partenariale le contenu du projet, sa crédibilité et son intérêt.

La DGEFP est impliquée dans ces sujets à travers son pouvoir de contrôle, mais c'est aussi à travers une sensibilisation des acheteurs, avec lesquels nous sommes en contact par ailleurs, que nous avancerons. Le contrôle n'est pas le seul garant de la qualité de la formation.

M. Stéphane Rémy. - Le contrat individuel de formation, qui prévoit un certain nombre de conditions à peine de nullité, est un support juridique relativement protecteur pour les personnes achetant leur formation à titre individuel.

Dans le cadre de l'hôpital, certains personnels soignants n'achètent cependant pas leur formation par le biais du plan de formation de l'établissement. Une aide-soignante peut acheter une prestation de reiki ou de fasciathérapie à titre individuel, sans qu'il puisse y avoir le moindre contrôle de la direction des ressources humaines. La technique peut ensuite être éventuellement introduite dans la sphère hospitalière, comme l'ont récemment démontré un certain nombre d'articles !

Il existe de plus en plus de propositions de reconversion professionnelle : on crée un nouveau métier et on forme des promoteurs de ladite technique, de ladite méthode ou dudit concept. On l'enrobe généralement de dominantes personnelles, ou en rapport avec la santé, le bien-être thérapeutique. On laisse croire à la possibilité d'exercer cette activité en tant que professionnel libéral, avec une certaine indépendance. Certains ont même créé un Ordre professionnel, cherchant ainsi à établir une confusion avec des instances existant réellement. C'est un des soucis auxquels on est confronté quand on prescrit ce type de prestation à des demandeurs d'emploi ou à des individus...

M. Bernard Saugey . - A quel Ordre professionnel faites-vous allusion ?

M. Stéphane Rémy. - Il s'agit de celui des biomagnétiseurs. C'est un des exemples qui a été cité dans le rapport 2006 de la Miviludes. Les services de contrôle sont intervenus et l'enregistrement dudit organisme a été annulé. Le juge administratif, en première instance, a validé la décision du préfet mais l'organisme a interjeté appel...

Mme Muguette Dini , présidente. - Ils se sont tout récemment transformés en « Syndicat des ondobiologues » !

M. François-Xavier Garancher, chargé de mission à la MOC. - Je l'ignorais. Lors de la seconde campagne visant les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, nous avions, dans l'annexe, demandé aux services de contrôle de se baser sur la fiche du Répertoire opérationnel des répertoires et des métiers (Rome) de Pôle emploi, « Bien-être et développement personnel », qui cite un certain nombre de pratiques. Nous avions en effet trouvé intéressant de cibler particulièrement cette fiche, où nous avions relevé un grand nombre d'annulations lors de la campagne précédente.

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