Audition de M. Raphaël LE MÉHAUTÉ, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) (mardi 12 mars 2013)

M. Alain Milon , président . - Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Raphaël Le Méhauté, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance.

Notre réunion d'aujourd'hui n'est pas ouverte au public ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.

Je précise à l'attention de M. Le Méhauté que notre commission d'enquête s'est constituée à l'initiative de M. Jacques Mézard, qui est notre rapporteur.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment.

Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Monsieur Le Méhauté, veuillez prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

M. Raphaël Le Méhauté, secrétaire général du CIPD . - je le jure.

M. Alain Milon , président . - Je vous invite à prononcer un court exposé introductif, puis mon collègue Jacques Mézard, et les sénateurs membres de la commission vous poseront quelques questions.

Monsieur le secrétaire général, vous avez la parole.

M. Raphaël Le Méhauté, secrétaire général du CIPD . - Le CIPD a été créé par un décret du 17 janvier 2006. Le Premier ministre le préside - par délégation, le ministre de l'Intérieur - et son secrétaire général est placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Il réunit le ministère de l'intérieur et ceux de la défense, de la cohésion sociale, de la santé, de l'éducation nationale, de la justice, des transports, de l'Outre-Mer, de la jeunesse, ainsi que le ministère chargé de la ville. Son rôle est de fixer les orientations de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance, de veiller à sa mise en oeuvre et à la coordination de l'action des différents ministères ainsi que de l'utilisation des moyens budgétaires. Le secrétaire général est entouré de chargés de missions représentant les principaux ministères concernés : affaires sociales, éducation nationale, intérieur, justice... Il gère le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui est doté de 55,6 millions d'euros pour 2013, dont 19,3 millions pour la vidéosurveillance et 37,2 millions pour les mesures sociales de prévention.

Le secrétaire général présente chaque année un rapport, qui est transmis au Parlement. Nous achevons le rapport pour 2012, qui est la dernière année d'exécution du Plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes conçu pour les années 2010 à 2012. J'ai été chargé par lettre de mission du ministre de l'intérieur de préparer la suite. Cela prendra la forme d'une stratégie nationale de prévention de la délinquance, sur laquelle des groupes de travail travaillent déjà d'arrache-pied, en vue de la préparation d'une réunion interministérielle de validation qui devrait se tenir au mois d'avril.

Le premier volet de notre action porte sur la prévention de la délinquance des jeunes, en particulier récidivistes, mais aussi sur le traitement de la prédélinquance, qui fait déjà l'objet de la circulaire d'utilisation du FIPD pour 2013 : je veux parler de ces jeunes qui sont au pied des tours dans les cités, en situation de décrochage scolaire, et à l'intention desquels nous allons conduire des actions de remobilisation pour les remettre sur le chemin de l'insertion professionnelle ou éducative, ou à tout le moins les faire revenir vers les missions locales qui les replaceront dans une orientation vertueuse. Le deuxième volet est l'aide aux victimes et la prévention des violences intrafamiliales et des violences faites aux femmes : il s'agit de répertorier et de rationaliser les nombreux dispositifs qui existent déjà et qui se sont sédimentés, et parfois superposés. Un troisième volet concerne la tranquillité publique : nous inviterons chaque maire à élaborer un schéma de tranquillité publique pour sa commune ou, dans le cas d'une grande agglomération, pour certains quartiers. Celui-ci devra partir d'un état des lieux et d'un diagnostic, prendre en compte les attentes des habitants ainsi que les résultats des marches exploratoires, pour faire des propositions concrètes comme la pose d'équipements de vidéo-protection, l'instauration de médiations, de correspondants de nuits aux abords des cités HLM, ou de médiateurs dans les lignes de transport en commun.

La prévention de la délinquance gagnerait à être prise plus largement en charge par les Conseils généraux, qui ont compétence en matière d'action sociale, ainsi que par la protection de l'enfance. Nous travaillons en ce sens avec l'Association des départements de France (ADF). Bien sûr, l'acteur principal reste le maire, mais il est proposé que l'Etat signe les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. A l'échelon infra-communal, une organisation opérationnelle plus restreinte sera proposée.

Les conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes (CDPD), font l'objet, au niveau national, d'un triple pilotage : par le secrétaire général du CIPD en ce qui concerne la prévention de la délinquance, par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), chacune en son domaine. Cette situation résulte d'un décret du 7 juin 2006 qui a simplifié les commissions départementales en les regroupant au sein des CDPD, sans unifier le pilotage national. Nous essayons de faire en sorte que ce pilotage à trois se fasse dans l'harmonie.

Nous avons adressé aux préfets, le 28 décembre dernier, un questionnaire reprenant les quatre interrogations, numérotées de 10 à 13, que vous aviez transmises au ministère de l'intérieur. Nous avons reçu les réponses de quatre-vingt-huit d'entre eux et nous les avons compilées dans un document écrit que je vous ai apporté.

La question n° 10 portait sur le fonctionnement des CDPD, sur leur composition et sur la fréquence de leurs réunions. Ces conseils sont tous composés à peu près de la même manière, avec quatre collèges représentant respectivement l'Etat, les collectivités territoriales, le ministère de la justice et les associations. Ils rassemblent entre cinquante et quatre-vingts personnes environ, ce qui en fait des organes voués à confier à des groupes de travail tout ce qui ne relève pas du pilotage. Les différences observables dans leur composition tiennent surtout à la représentation des associations, dont le nombre et l'importance sont variables d'un département à l'autre. Leur fréquence de réunion est, pour la majorité d'entre eux, annuelle : sur les quatre-vingt-huit réponses, cinquante-cinq font état d'une réunion annuelle, seize d'une réunion tous les deux ou trois ans, et deux (les Landes et le Tarn-et-Garonne) mentionnent deux réunions par an.

La question n° 10 porte aussi sur la présence d'objectifs en matière de lutte contre les dérives sectaires dans les plans départementaux de prévention de la délinquance. Onze départements, sur les quatre-vingt-huit qui ont répondu, ont indiqué avoir fixé de tels objectifs. La Charente-Maritime, par exemple, a inscrit la lutte contre les dérives sectaires parmi ses priorités d'action pour 2012 et 2013 : elles y sont particulièrement suivies sous l'angle de la santé, avec la lutte contre les pseudo-thérapeutes, la surveillance des mouvements apocalyptiques et le suivi des manifestations publiques. L'Ille-et-Vilaine évoque une action de mobilisation des services pour appréhender ces problématiques en bénéficiant de l'appui de la Miviludes. La Vendée cite également des objectifs de ce type. Trente-trois départements affirment exercer une vigilance quotidienne, quoique cet axe ne figure pas dans le plan départemental de prévention de la délinquance. L'Eure-et-Loir indique ainsi avoir identifié quatre associations ayant eu des pratiques déviantes. Le Pas-de-Calais a intégré cette thématique dans les actions de formation des chefs d'établissements scolaires ainsi que dans les actions de sensibilisation des élèves et du grand public. Huit départements affirment traiter cette thématique au sein d'un groupe spécifique. Dix-neuf départements indiquent que cette problématique est insuffisamment prégnante pour être retenue comme prioritaire dans le plan départemental. Dans le département du Rhône, le dossier est suivi directement par le directeur de cabinet du préfet - c'est souvent le cas - et un groupe de travail spécifique a été mis en place en juillet 2011, avec une journée de sensibilisation en préfecture à l'intention des jeunes. Les Vosges ont également mis en place un tel groupe de travail. Dix-sept départements, enfin, n'ont pas répondu à la question n° 10.

L'objet de la question n° 11 était d'estimer dans quelle mesure les associations d'aide aux victimes de dérives sectaires sont associées aux CDPD. Les réponses sont un peu plus floues. L'Association de défense des familles et individus victimes de sectes et le Centre contre les manipulations mentales sont clairement identifiés par un certain nombre de départements, mais il est rare que des associations spécifiques soient intégrées au CDPD. Vingt-neuf départements indiquent qu'ils font participer les associations spécialisées aux travaux du CDPD. D'autres, comme la Dordogne, envisagent de le faire. Dix départements précisent qu'ils font participer les associations d'aide aux victimes généralistes, faute d'associations plus spécialisées - il faut parfois, comme les Hautes-Alpes ou la Charente, orienter vers les associations d'un département voisin. Le Lot n'associe pas du tout d'association spécialisée à ces réunions car il n'en comporte pas. Sept départements expliquent associer plus volontiers les associations aux groupes de travail spécifiques. Quatorze départements n'ont pas répondu à cette question.

La question n° 12 traite spécifiquement des groupes de travail et interroge sur leur constitution, leur composition, la fréquence de leurs réunions et la portée de leur action. Il a été demandé dès 2008 aux préfets de mettre en place un groupe de travail dédié aux dérives sectaires, qui s'inspirerait du fonctionnement des groupements d'intervention régionaux. La circulaire du 10 février 2010 du ministère de l'intérieur indique que l'activation pleine et entière de cette cellule constitue une priorité absolue et qu'elle doit réunir les seuls services de l'Etat concernés par cette matière afin d'en affirmer le caractère pleinement opérationnel. Une nouvelle circulaire du 2 avril 2011 demande aux préfets de réunir au moins une fois par an le groupe de travail spécifique, sans supprimer pour autant les nécessaires relations avec les associations d'aide aux victimes, et tous les acteurs de la société civile concernés. La déclinaison locale de ces groupes de travail bénéficie donc d'un cadrage national assez précis. Cinquante-sept départements déclarent avoir constitué ces groupes de travail spécifiques. Leur format est assez large : il s'agit parfois de cellules de veille, de cellules départementales, de formations restreintes du Conseil. Ces groupes associent parfois les conseils généraux : c'est le cas dans quatre départements. La direction départementale de la cohésion sociale est assez régulièrement associée à ces groupes, de même que l'éducation nationale, les douanes, la protection judiciaire de la jeunesse et la Miviludes. Huit départements déclarent n'avoir pas constitué de groupe, deux renvoient au CDPD, six aux Etats-majors de sécurité ou aux services départementaux d'information générale. Quinze départements n'ont pas répondu à la question.

Certains départements se démarquent par une participation plus soutenue. La Charente-Maritime déclare réunir ce groupe une fois par trimestre. L'Aude indique que le sujet est évoqué chaque semaine en réunion de police. L'Isère tient deux réunions par an sur le sujet. La Marne annonce une réunion avec la Miviludes au premier trimestre 2013. La Nièvre, les Landes, disent avoir tenu deux réunions en 2012, les Pyrénées-Atlantiques, trois, en raison de la présence du groupe Thabita's Place . L'Ille-et-Vilaine, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Saône et l'Yonne s'approchent d'un rythme annuel. Enfin, trente-trois départements indiquent avoir tenu jusqu'à trois réunions au cours des six dernières années. Vingt-sept départements n'ont pas répondu à cette question. Onze départements indiquent que la Miviludes est présente au sein du groupe de travail. Le bilan de ces groupes est variable : le Calvados indique avoir fait un panorama complet des dérives sectaires, la Haute-Corse a pu mettre en place des actions de sensibilisation dans toutes les administrations de l'Etat, le Rhône se félicite d'échanges efficaces aboutissant à une meilleure connaissance des acteurs. Le Vaucluse comme l'Yonne disent cependant être peu concernés par les phénomènes sectaires. La Charente-Maritime, la Côte d'Or, l'Isère, le Loir-et-Cher, les Pyrénées-Atlantiques, le Rhône, la Seine-Maritime et la Vendée apportent en revanche la preuve de l'efficacité de ces instances.

La question n° 13 vise à déterminer si le sujet est traité au sein des Etats-majors de sécurité des préfectures : vingt-six départements répondent par l'affirmative, vingt-sept indiquent y avoir déjà évoqué cette thématique, vingt et un départements se réservent le droit de le faire, et trente et un départements expliquent qu'ils n'y traitent pas de cette problématique. Dix départements n'ont pas répondu.

Pour conclure, l'analyse des réponses met en exergue un traitement différencié : en fonction de l'actualité des sujets, la réactivité est plus ou moins grande, mais le sujet des dérives sectaires n'est négligé nulle part. Le ministère de l'intérieur produit une circulaire chaque année, la dernière datant du 26 décembre 2012. Un groupe de travail spécifique a été mis en place par cinquante-sept départements.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Monsieur le Préfet, vous nous indiquez que cinquante-sept départements ont respecté leurs obligations. J'en conclus que le restant ne les a aucunement respectées. Je n'ai pas l'impression que l'Etat ait fait beaucoup d'efforts pour qu'elles le soient. Comment l'expliquez-vous ? Dès le 27 mai 2005, une circulaire du Premier ministre prévoyait la mise en place au sein de chaque CDPD d'un groupe de travail.

M. Raphaël Le Méhauté . - Quatre-vingt-huit départements ont répondu au questionnaire et indiquent que le sujet est traité au moins dans le cadre du CDPD, même s'il ne l'est pas prioritairement dans le cadre de groupes de travail spécifiques. En tant que secrétaire général du CIPD je ne me sens pas véritablement chargé d'animer cette thématique, puisque c'est le rôle de la Miviludes. Non que je veuille botter en touche, bien sûr...

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Monsieur le Préfet, je ne peux pas vous suivre dans cette argumentation. Il existe des CDPD, des conseils communaux ou intercommunaux, qui sont d'ailleurs parfois difficile à faire fonctionner. C'est bien le rôle de l'Etat, et donc celui du CIPD, de faire appliquer ses directives par les conseils locaux. J'ai écrit au préfet dans mon département pour lui demander de créer un groupe de travail spécifique. Il semble l'avoir fait pour cette seule raison ! L'Etat ne manifeste pas une volonté suffisante de prendre ce problème à coeur. Ce n'est pas la compétence de la Miviludes que de se substituer au préfet pour créer ces groupes de travail !

M. Raphaël Le Méhauté . - J'entends parfaitement. Pour ma part, je vous apporte des éléments factuels, des statistiques. L'animation du réseau de lutte contre les dérives sectaires ne me semble pas relever de mes attributions. La Miviludes a des correspondants locaux, au moins un par région : ils sont les interlocuteurs du préfet sur ce dossier.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Monsieur le Préfet, considérez-vous normal que ce soit à un organisme comme la Miviludes de dire au préfet qu'il doit appliquer les textes ?

M. Raphaël Le Méhauté . - Je ne dis pas cela.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - Nous pouvons tout de même souhaiter que ce groupe de travail soit mis en place dans chaque département, et que les CDPD, qui rassemblent beaucoup de monde et où l'on passe un temps important à écouter toutes sortes de rapports, parlent aussi des dangers que représentent pour la santé de nos concitoyens les dérives sectaires. J'ai l'impression que le recensement que vous nous présentez n'aurait pas été fait sans notre commission d'enquête.

M. Raphaël Le Méhauté . - En effet. Quand j'ai reçu votre questionnaire, je ne me suis pas senti concerné au premier chef. Mais si le CIPD décidait qu'il me revient de prendre en charge l'animation du réseau de lutte contre les dérives sectaires, vous pouvez me croire, je ferais avancer les choses. Au fond, tout est une question de tête de réseau. Si personne n'anime le réseau, cela ne fonctionne pas.

M. Jacques Mézard , rapporteur . - C'est bien là une vision centralisatrice et jacobine !

M. Alain Milon , président . - C'est le président d'un groupe politique qui parle, plus vraiment notre rapporteur !

M. Raphaël Le Méhauté . - Je connais bien les quartiers Nord de Marseille : en matière de santé des pratiques d'évitement de la médecine classique, pour diverses raisons, me semblent poser un problème sans doute aussi important que celui des dérives sectaires.

M. Yannick Vaugrenard . - Vous n'êtes pas responsable de tout, bien sûr. L'objectif est d'abord de faire un état des lieux. En ce qui concerne le rôle de l'Etat dans les départements, le bilan est catastrophique : l'Etat ne prend pas suffisamment en considération les dérives sectaires, en particulier dans le domaine de la santé. Votre conclusion m'a paru surprenante : vous avez donné l'impression que le bilan était, pour reprendre une formule tristement célèbre, globalement positif. Je trouve qu'il est globalement négatif. Les groupes de travail ne se réunissent pas dans la majorité des départements. Quand ils le font, la fréquence de ces réunions est insuffisante, alors que trois circulaires au moins, émanant de gouvernements différents, ont demandé aux représentants de l'Etat de renforcer leur vigilance. Cela pose un problème. Faut-il qu'une personne prenne la tête du réseau ? S'il faut le faire à chaque fois qu'il est nécessaire d'appliquer une circulaire ministérielle pour que les préfets respectent les textes... Nous sommes perplexes. Vous avez mentionné certains départements qui semblent se distinguer, la Charente-Maritime par exemple. Dès que sont associés les services de l'Etat, la Miviludes, les associations et les assemblées départementales, l'efficacité est accrue. Ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire d'associer aussi l'ensemble des collectivités territoriales ?

M. Raphaël Le Méhauté . - Je n'ai pas dit que le bilan était globalement positif, mais que le sujet était, dans l'ensemble, pris en compte par l'ensemble des départements qui ont répondu. Il est vrai que seule une dizaine de départements prend vraiment le sujet à coeur. La mobilisation serait-elle plus grande si nous associions les collectivités territoriales ? Le département me semble la collectivité la plus compétente, de par son engagement dans l'action sociale, la protection de l'enfance, la prévention spécialisée : les travailleurs sociaux des conseils généraux connaissent toutes les familles en difficulté puisqu'ils instruisent le RSA, ou par la protection de l'enfance. Associer les collectivités territoriales accroîtrait donc certainement l'efficacité, oui. Les services sociaux des grandes agglomérations ont souvent une grande connaissance des milieux de la santé, leur participation apporterait une véritable plus-value.

M. Alain Néri . - Des sommes considérables circulent dans les milieux sectaires. Il semble qu'on n'ait pas toujours les moyens d'en identifier la provenance. Pourrait-on demander à Tracfin d'enquêter sur la composante internationale de ces financements ? Au niveau national, serait-il possible de croiser les fichiers dont on dispose ? On demande aux parlementaires des déclarations de patrimoine : comment se fait-il que d'aucuns puissent vivre en France sans qu'on leur demande de compte sur l'origine évidemment suspecte de leur train de vie ?

M. Raphaël Le Méhauté . - Je ne suis pas législateur. La Commission nationale informatique et liberté (Cnil) veille au grain : la simple tenue d'un fichier simple suppose une déclaration préalable, le croisement de fichiers est encore plus contrôlé. Mais il ne faut pas avoir peur de ces formalités, la Cnil vérifie simplement que l'usage des fichiers n'est pas contraire à la loi, notamment à celle de 1978.

Ces connections existent d'ores et déjà, comme les spécialistes de la police judiciaire, de la gendarmerie et de la direction générale de la police nationale (DGPN) ont pu vous le préciser. Au plan régional, les groupements d'intervention régionaux (GIR) constituent aussi un élément de réponse. Toutefois, leur plan de charge est lourd. J'observe en tous cas que les opérations coups de poing menées en collaboration entre différents services permettent d'obtenir de meilleurs résultats que les actions isolées.

Mme Muguette Dini . - Dans l'esprit des préfets, les dérives sectaires ne se limitent-elles pas aux grandes sectes telles que la Scientologie ou les Témoins de Jéhovah ? Pourtant, vous avez bien évoqué des faits concernant la santé qui se déroulent dans les garages de Marseille. Notre commission d'enquête a pu constater que beaucoup d'argent circulait du fait de l'exploitation de la crédulité de nos concitoyens, non pas tant par des sectes mais du fait de comportements sectaires de quelques individus, regroupés ou non. Dans les départements, est-on sensible à ce genre de dérives ? Sénatrice du Rhône, je participais au mois de janvier au groupe de travail réuni à la préfecture. J'ai été très frappée que, dans un département comme le nôtre, les représentants des procureurs généraux de Lyon et de Villefranche nous indiquent n'avoir reçu aucun signalement au cours de l'année. Au-delà des sectes - si elles existent - a-t-on la volonté de s'interroger sur les petits groupes sectaires ou sur certaines façons d'agir, non seulement illégales mais surtout dangereuses pour la santé de nos concitoyens ?

M. Raphaël Le Méhauté . - A titre personnel, je partage votre observation. Nous sommes un peu aveuglés par les grandes sectes, alors que les plus néfastes sont de petits groupes constitués derrière un gourou, voire des groupes religieux extrémistes ou intégristes. Ces derniers exercent une emprise, en particulier sur les femmes, dans les quartiers, pour les empêcher de se rendre chez un médecin libéral.

Je ne ferai pas de commentaire sur l'absence de signalement reçu par les procureurs généraux mais c'est parce qu'effectivement personne ne s'émeut de la situation.

Mme Muguette Dini . - Elle a pourtant des conséquences sur la santé !

M. Raphaël Le Méhauté . - Tout à fait.

Mme Muguette Dini . - Peut-être faudrait-il que les responsables de l'Etat y soient davantage sensibilisés. Peut-être que la notion de dérive sectaire permettrait d'agir contre certains comportements bien plus sectaires que religieux ...

M. Raphaël Le Méhauté . - Oui, ils sont sectaires.

Mme Muguette Dini . - Toutes les religions ont leur sectarisme.

Mme Gisèle Printz . - Votre rapport annuel au Parlement fait-il état de dérives sectaires ?

M. Raphaël Le Méhauté . - Non, madame la sénatrice, car cela n'entre pas dans le champ des attributions du SGCIPD tel que le décret le définit. Traiter de ces questions supposerait peut-être une fusion avec la Miviludes. Nous sommes chargés d'une mission interministérielle, tandis que la Miviludes agit dans un domaine spécifique et dispose, qui plus est, de correspondants régionaux.

M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.

M. Raphaël Le Méhauté . - Je vous remercie également. Je me suis prêté à l'exercice dans la limite de mes compétences.

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