III. L'ACTION DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR) DANS LE DOMAINE DES COOPÉRATIONS DE RECHERCHE SUR LES MILIEUX MARINS

Maurice HERAL

Notre action se construit autour des trois notions de la co-construction, du cofinancement et de la durée. À la demande de l'Union pour la Méditerranée, nous avons lancé pendant deux ans des exercices de prospective sur les aspects terrestres du pourtour méditerranéen, sur le tourisme et sur la mer Méditerranée, afin d'aboutir à un programme Méditerranée, puis à ERA-MED ( European research areas in the Mediterranean countries ).

Un atelier de réflexion programmatique, Partenariats et Recherches en Méditerranée, a été coordonné par Bernard Hubert, d'Agropolis. Il a fait travailler 130 experts de 10 pays, ainsi que 60 organisations. Les structures internationales, qui y ont également participé, permettent d'identifier les grandes tendances pour orienter les programmes de recherche internationaux et les politiques publiques.

Les problèmes marins existent. Ils sont notamment liés à une densité démographique importante en Méditerranée (concentration des zones urbaines sur les zones côtières).

Les inégalités entre Nord et Sud génèrent par ailleurs des migrations. Les régimes alimentaires, qui sont en train de changer, posent des problèmes de santé, en particulier dans les pays du Maghreb. Des problèmes d'énergie durable se posent également. Nous menons donc actuellement une réflexion de cette nature sur la mer Méditerranée.

L'ANR a lancé cette année le programme TRANSMED. Sont financés des projets autour de la gestion de l'eau, de l'agriculture, de la démographie, de l'évolution des religions au Moyen-Orient et au Maghreb, et de l'impact sur la structuration des sociétés. Le programme a été stoppé par décision du directeur de la recherche dans le cadre d'une réduction budgétaire. Le Ministère a indiqué que nous devions plutôt travailler à l'échelle européenne.

Les États membres financent 90 % de la recherche, 10 % étant financés par l'Union européenne. Les États qui financent les salaires des chercheurs sont aussi ceux qui financent les infrastructures. L'Union européenne finance simplement quelques appels d'offres supplémentaires.

Des structures ont été mises en place par l'Union européenne. Les premières sont les ERA-NET, auxquels participent les ministères et les agences de financement. En co-construction, un ERA-NET transversal, ERA-MED, constitue une première ébauche de ce que pourra être l'article 185. Six ERA-NET travaillent avec des structures géographiques. L'un s'occupe de la mer Méditerranée en particulier. Pour cette dernière, les différents États devaient choisir leur priorité.

La majorité des États concernés ont considéré que le principal problème en Méditerranée était le changement climatique, ce qui renvoyait la pollution à une priorité de second plan. Malgré les pollutions marines au large de leurs côtes, les pays du Nord ont déjà du mal à faire naître cette priorité. Les appels d'offres que génèrent les États membres à travers cet ERA-NET portent plutôt sur les impacts du changement climatique ou sur les problèmes de biodiversité.

Quant aux programmes communs, ils se traduisent également par le partage d'infrastructures. La communauté scientifique a actuellement besoin d'une campagne régulière tous les deux ou trois ans. L'objectif de cet ERA-NET consiste à faire en sorte qu'un bateau français, allemand, turc, etc., puisse régulièrement, sur une échelle de 10 ans, partager ses infrastructures. Ce projet est soutenu par la Commission internationale pour l'exploration scientifique de la mer Méditerranée (CIESM).

Les ERA-NET, à l'origine outils de l'Union européenne, sont en train de s'ouvrir aux partenariats du Sud. Douze projets sont financés, dont le premier porte sur les améliorations de la production de pêche. Il est cofinancé par la France, Israël, l'Italie, le Maroc et l'Espagne.

Dans cet appel d'offres, les Marocains, les Tunisiens, les Algériens et les Égyptiens ont mobilisé plus de financements que les pays de l'Europe du Nord. Lorsque nous nous adressons à des priorités des pays du Sud, ceux-ci parviennent à mobiliser des financements. La co-construction peut donc s'effectuer parallèlement à des cofinancements.

Même les pays profondément perturbés parviennent à mobiliser leurs équipes. Cette année, nous avons répondu à un ERA-NET transversal, qui sera une préparation de l'article 185 du TFUE. Cet outil est en cours d'évaluation par la Commission européenne. Les partenaires sont très souvent les ministères de la recherche. Pour la France, le CNRS s'occupera de l'agenda stratégique de recherche.

Les priorités qui sont en cours de discussion informelle depuis la réunion de l'Union pour la Méditerranée à Barcelone en 2012 ont trait à l'énergie renouvelable, à la gestion de l'eau, à la nourriture saine et suffisante, à la santé (diabète et maladies cardiovasculaires), aux ressources marines et aux contaminants marins.

Les discussions avec les pays du Sud montrent que les ressources marines et les contaminants marins ne sont pas nécessairement les priorités des États du Sud. Le tourisme constitue un des volets les plus importants.

Pour faire apparaître les contaminants comme une priorité, nous disposons des ERA-NET, du JPI ( Joint project initiative ) et de l'article 185. Il faut que la France s'exprime. Il est vrai par ailleurs que la mer ne constitue pas une priorité, ni pour le ministère de la Recherche ni pour l'ANR. Pour que la mer soit reconnue prioritaire au sein de l'article 185, un effort particulier doit être fourni.

La Commission internationale pour l'exploration scientifique de la mer Méditerranée (CIESM) organise son congrès à Marseille du 28 octobre au 1 er novembre 2013. Nous organisons une semaine avec l'ensemble des pays de la Méditerranée. Plusieurs sessions porteront sur les contaminants.

Roland COURTEAU

Avez-vous des réactions ?

Christophe DOUKHI DE BOISSOUDY

J'ai effectivement une réaction, qui provient d'une expérience que j'ai vécue l'an dernier au Maroc. J'avais été invité à l'occasion d'une journée sur le tourisme et l'écologie.

Le problème des contaminants y était pris comme un élément qui rebute les touristes. Il m'est apparu très surprenant qu'il soit question des contaminants et des déchets, mais très peu du traitement et de la gestion de ces derniers.

Il existe ainsi dans ce pays des décharges à ciel ouvert, où les plastiques volent. La logique développée consiste à faire en sorte de conserver des zones suffisamment belles, afin qu'il n'y ait pas trop de contaminants visibles, plutôt que de s'occuper du réel problème du traitement des déchets.

Roland COURTEAU

Je vous remercie.

Hugues RAVENEL

Il faut s'occuper du traitement, mais également de l'amont. Je vais me montrer quelque peu provoquant. Le Plan Bleu ne se préoccupe pas uniquement de la mer, mais également de l'eau douce et des forêts.

Pourtant, il m'arrive d'assister à divers événements au cours desquels des thématiques différentes sont abordées. Je suis à chaque fois frappé par l'insuffisance des fonds affectés à l'eau et la forêt. J'entends que la mer ne figure pas à l'agenda, y compris pour l'apport de l'eau.

La Mer Méditerranée nous relie à des voisins avec lesquels nous avons une histoire en commun. Je comprends le morcellement des sciences appliquées à la mer, lié au fait que les points d'entrée des appels d'offres portent sur la diversité ou sur les contaminants. Nous entendons cette requête en d'autres occasions. Il faut trouver une solution pour mettre en lumière les interrelations. Souvent, ces domaines de recherche se sentent non reconnus, car les spécialistes ont du mal à laisser la place à de nouveaux acteurs.

Pour inscrire la mer à l'agenda, peut-être faut-il s'appuyer sur des personnes qui n'évoluent pas dans le périmètre que nous pensons être celui des acteurs de la recherche en mer.

Le premier Plan Bleu, qui n'est pas uniquement axé sur la mer, pourrait tout à fait y contribuer.

Un intervenant

Je suis d'accord avec l'affirmation que les déchets constituent une priorité et qu'il faut passer par leur traitement. Les problèmes qui se posent ne sont pas technologiques, mais sociaux et financiers.

Ainsi, de nombreux pays ne fonctionnent pas selon le système d'impôts locaux. Comment agir sans structure de financement locale ?

Maurice HERAL

Nous n'avons pas affirmé que l'argent était insuffisant pour la recherche marine, mais qu'il se pose des questions de visibilité et de priorité. Nous sommes conscients de ne pas être relayés sur le plan social. Il est parfois plus difficile, dans le domaine de la mer, de mettre en lumière les apports de la valeur économique des écosystèmes marins en bonne santé. Nous sommes bien conscients qu'il existe d'autres voies d'entrée pour supporter l'ensemble de ces activités. C'est pour cela que j'avais cité les conventions internationales.

François DULAC

Je coordonne la partie du programme qui s'intitule « ChArMEx » dans « Mistrals ». Je souhaite vous faire part de la difficulté à faire financer des programmes de mesures et d'étude des retombées atmosphériques. Dans le milieu marin en Méditerranée, y compris dans le domaine côtier, les dépôts atmosphériques apparaissent non négligeables par rapport aux apports. Il est aujourd'hui très difficile de faire reconnaître cette problématique dans le domaine des sciences marines.

Nous avons par ailleurs essayé de développer des coopérations avec les pays du Sud, en particulier avec l'Algérie. Ces pays présentent des structures protectionnistes : il est très difficile de les faire s'équiper au niveau scientifique. En effet, d'une part les procédures prennent des années, d'autre part les prix des instruments sont multipliés par trois ou quatre. Je pense qu'il faut que des actions politiques soient menées à ce niveau.

Roland COURTEAU

Les pays du Sud présentent des réalités très différentes. Je suis satisfait du fait que la situation bouge, aussi bien sur la rive nord que sur la rive sud. La pollution marine doit devenir le pivot de la recherche.

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