II. VERS UN PILOTAGE PLUS FIN DES ENGAGEMENTS HORS BILAN

La Cour des comptes a identifié plusieurs pistes d'amélioration du suivi des engagements hors bilan, qui s'inscrivent, selon ses propres termes, « dans une logique de surveillance active » impliquant un rôle accru du Parlement :

- tout d'abord, une évolution de l'organisation administrative ;

- ensuite, une information et un contrôle accrus des commissions des finances du Parlement.

Le vote et le contrôle parlementaires dans le domaine des engagements hors bilan portent aujourd'hui essentiellement sur l' analyse ex post des opérations hors bilan lors de l'examen du projet de loi de règlement. Au sein des engagements hors bilan, seules les garanties nouvelles donnent lieu à une autorisation législative, par une disposition en loi de finances, conformément aux dispositions de l'article 34 de la LOLF.

L'enquête de la Cour des comptes signale par ailleurs que, à compter de l'exercice 2013 , le compte général de l'Etat apportera une information sectorielle sur ses engagements hors bilan, conformément à la norme comptable n° 16 du recueil des normes comptables de l'Etat

A. AMÉLIORER LES MODALITÉS DE RECENSEMENT ET DE PRÉSENTATION BUDGÉTAIRE DES ENGAGEMENTS HORS BILAN

Les réformes d'organisation administrative suggérées par la Cour des comptes suivent deux axes : la mise en place d'une revue annuelle des engagements hors bilan, et des modifications d'ordre comptable.

1. Instituer une revue annuelle des engagements hors bilan

La Cour des comptes a tout d'abord examiné les procédures de suivi et de recensement des différents engagements hors bilan.

Aujourd'hui, seuls les ministères financiers ont mis en place des procédures de recensement des engagements hors bilan, dans le cadre du « tableau d'inventaire des garanties recensées par l'Etat » (TIGRE), élaboré par la direction générale du Trésor en liaison avec le contrôleur budgétaire et comptable ministériel et la direction générale des finances publiques. Par ailleurs, si plusieurs instances interviennent au sein du ministère de l'économie et des finances pour assurer le pilotage et suivre l'évolution des risques portant sur les engagements hors bilan, il n'existe aucune procédure d'harmonisation budgétaire et comptable, en l'absence également de suivi dans les autres ministères. Une révision annuelle des engagements hors bilan permettrait ainsi de disposer d'outils harmonisés permettant de consolider les données disponibles.

La recommandation n° 1 de la Cour des comptes consiste à organiser , à l'initiative conjointe de la direction générale du Trésor et de la direction du budget, une revue annuelle des engagements hors bilan et en communiquer les conclusions au Parlement et aux différentes instances de suivi des risques. Si la Cour des comptes ne précise pas la procédure qui pourrait être mise en oeuvre, il pourrait être envisagé l'établissement d'une annexe informative (ou « jaune ») au projet de loi de finances initiale.

Alors que le recensement des engagements hors bilan de l'année n-1 ne figure aujourd'hui que dans le compte général de l'Etat (CGE) annexé au projet de loi de règlement déposé avant le 1 er juin de l'année n , ce nouveau « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances initiale (PLF) de l'année n+1 permettrait de disposer d'informations plus récentes sur les engagements hors bilan de l'année n , avant l'examen et le vote du projet de loi de finances initiale. Ces informations pourraient aussi être davantage détaillées que dans le CGE, en précisant les évolutions prévisibles de l'encours et des risques.

2. Mieux identifier les recettes liées à la rémunération des garanties

La recommandation n° 2 de la Cour des comptes porte sur l'inscription comptable de la rémunération des garanties et l'information du Parlement à leur sujet : elle vise d'abord à créer, au sein du plan comptable de l'Etat, un compte affecté à la rémunération des garanties . Elle a ensuite pour objet de compléter la documentation budgétaire du programme 114 « Appels en garantie de l'Etat ». Les recettes et les dépenses afférentes aux garanties pourraient ainsi être mises en regard, complétant utilement l'information et le contrôle du Parlement sur la valorisation de ces engagements hors bilan.

3. Prévoir une information initiale des commissions des finances sur le stock des encours de garantie

Dans sa recommandation n° 3, la Cour des comptes préconise d' accompagner ex ante les lois de finances initiales d'une description synthétique du stock des encours de garanties comprenant, lorsque c'est nécessaire, la mention des risques qui s'y attachent. Aujourd'hui les seules informations détaillées disponibles portent sur le flux des nouvelles garanties, dans l'évaluation préalable et l'exposé des motifs des articles des projets de loi de finances autorisant l'octroi de nouvelles garanties par l'Etat.

Cette recommandation complète la recommandation n° 1 de la Cour des comptes tendant à l'établissement d'une annexe informative (« jaune » budgétaire) au projet de loi de finances initiale.

Pour éviter une tâche trop lourde de recensement et d'analyse au regard de l'objectif poursuivi, seules les garanties d'un montant particulièrement significatif, suivant des seuils à établir, auraient vocation à faire l'objet d'un examen détaillé.

Par ailleurs, la Cour des comptes a examiné l'hypothèse que la loi de finances fixe un plafond d'engagements hors bilan , à l'instar des plafonds de dépenses budgétaires, d'emplois et de dette financière fixés à l'article d'équilibre. Cette solution n'a pas été retenue au regard des lourdeurs d'une telle procédure, qu'a fait valoir l'administration, « alors même que les engagements hors bilan, et notamment l'octroi de garanties, constituent un instrument permettant aux pouvoirs publics de réagir avec une grande réactivité à d'éventuels chocs financiers, par exemple en matière de soutien au secteur bancaire » 22 ( * ) .

La Cour des comptes a donc formulé une recommandation (n° 4) portant sur un suivi en exécution des écarts avec les hypothèses formulées lors du dépôt du projet de loi de finances initiale.

4. Alerter les commissions des finances en cas d'augmentation de l'encours d'un engagement hors bilan ou d'un plus fort risque de réalisation

En exécution, la Cour des comptes propose (recommandation n° 4) d' alerter le Parlement - en pratique, les commissions des finances - dès lors qu'en cours d'exercice, un engagement hors bilan significatif connaît une croissance rapide de son encours ou une hausse de sa probabilité de réalisation .

Aujourd'hui, les variations les plus significatives d'engagements hors bilan sont de nature à conduire le Gouvernement à informer les présidents et des rapporteurs généraux des commissions des finances. Dans certains cas, les ministres sont également amenés à s'exprimer publiquement devant les commissions des finances du Parlement - dans le cas par exemple de l'affaire dite des frégates de Taïwan et du Crédit immobilier de France.

La recommandation n° 4 nécessiterait de définir des critères de croissance de l'encours ou de risque accru de réalisation au regard des informations nouvelles sur les garanties qui figureraient dans une annexe informative au projet de loi de finances (cf. supra , recommandation n° 3). Cette proposition permettrait aux membres des commissions des finances d'être systématiquement informés , avant la réalisation du risque ou la constatation ex post d'une hausse de l'encours d'un engagement hors bilan - alors qu'aujourd'hui le Gouvernement décide, ou non, d'informer le Parlement selon des modalités qu'il définit lui-même.

En termes de procédure, il pourrait être envisagé une information des commissions des finances dans des conditions analogues à celles prévues par l'article 10 de la LOLF. Aux termes de cet article, si les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs dépassent les crédits ouverts en loi de finances initiales, « le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année ». En pratique, le ministre chargé des finances envoie des courriers aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Lors de son audition par la commission des finances, le 12 juin 2013, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, a indiqué, en réponse à votre rapporteur spécial, qu'il serait procédé à une information des commissions des finances du Parlement :

« Un travail est mené avec la Cour des comptes s'agissant des engagements hors bilan. Nous faisons nôtre la recommandation n° 4, qui vise à mettre en place une information des commissions lorsqu'il y a des risques d'encours. Cette recommandation est de nature à permettre une bonne information du Parlement ».

5. Faut-il plafonner les prélèvements sur les réserves de trésorerie de tiers bénéficiant de la garantie de l'Etat ?

La Cour des comptes suggère également, dans sa recommandation n° 5, d'adopter un principe général de plafonnement du montant des prélèvements opérés par l'Etat sur les réserves de trésorerie confiées à un tiers à qui il octroie sa garantie , sur le modèle de la rémunération de la garantie de protection des épargnants. L'objectif, dans une logique prudentielle inspirée de celle applicable aux banques, est de s'assurer que les organismes bénéficiant de la garantie de l'Etat disposent des ressources permettant de faire face aux risques qu'ils prennent.

Pour autant, les prélèvements opérés par l'Etat n'ont pas à ce jour entraîné de difficultés dans la gestion des organismes bénéficiant de sa garantie. Un mécanisme de plafonnement pourrait en outre limiter la possibilité pour l'Etat de mobiliser des recettes nécessaires à l'équilibre de son budget.

Aussi, pour éclairer l'arbitrage ayant conduit à privilégier les exigences budgétaires, il serait utile, lorsque les recettes non fiscales inscrites dans un projet de loi de finances prennent en compte un prélèvement sur un organisme bénéficiant de la garantie de l'Etat, que ce projet présente de manière étayée les conséquences du prélèvement sur la capacité de l'organisme prélevé à faire face à la sinistralité telle qu'elle résulte d'hypothèses raisonnables.


* 22 Enquête réalisée par la Cour des comptes. Citation p. 89.

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