Rapport d'information n° 627 (2012-2013) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 juin 2013

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N° 627

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire ,

Par MM. Albéric de MONTGOLFIER et Philippe DALLIER,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Mesdames, Messieurs,

Engagée en 2007, la réforme de la carte judiciaire est considérée comme achevée depuis le 1 er janvier 2011. Le temps était enfin venu de procéder au bilan de cette réorganisation d'ampleur des juridictions judiciaires. Aussi un groupe de travail de la commission des lois du Sénat, emmené par Nicole Borvo Cohen-Seat et Yves Détraigne, a-t-il livré ses conclusions dès le mois de juillet 2012, dans un rapport intitulé « La réforme de la carte judiciaire : une occasion manquée » 1 ( * ) . Plus récemment, à la demande de Christiane Taubira, ministre de la justice, une mission d'évaluation de la carte judiciaire, présidée par Serge Daël, a été mise en place ; cette dernière a rendu son rapport le 10 février 2013 2 ( * ) .

S'inscrivant également dans cette démarche, vos rapporteurs spéciaux se sont intéressés à un aspect de la réforme qui méritait, en tant que tel, un examen approfondi : le volet immobilier. En effet, celui-ci a constitué, de loin, le principal poste de dépenses de la réforme. Ainsi, en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ils ont choisi de mener une mission de contrôle portant sur le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire .

À ce titre, vos rapporteurs spéciaux se sont inscrits dans une double approche. Ils ont, en premier lieu, cherché à déterminer le coût réel du volet immobilier de la réforme ; en effet, ce dernier ayant été, au départ, substantiellement surévalué, des doutes ont longtemps subsisté quant à son coût final. En outre, les économies réalisées en matière immobilière ont également été mesurées, et ce de manière à disposer d'un bilan financier du volet immobilier de la réforme .

En second lieu, vos rapporteurs spéciaux ont examiné la réalisation du volet immobilier, soit la mise en oeuvre concrète des opérations liées aux regroupements de juridictions. De cette manière, ils ont pu procéder à une évaluation de la politique immobilière développée par le ministère de la justice dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire .

En effet, les implantations judiciaires sont restées hors du champ de la réorganisation de la politique immobilière de l'État au niveau déconcentré. Selon une définition communément admise, « l'évaluation d'une politique publique [...] a pour objet d'apprécier [...] l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre » 3 ( * ) . Dès lors, leur but a été de voir dans quelle mesure, dans le cadre de la réforme, la gestion du parc immobilier avait répondu aux objectifs de la politique immobilière de l'État.

L'évaluation a pour finalité fondamentale « d'améliorer les politiques » 4 ( * ) . La réforme de la carte judiciaire étant désormais terminée, vos rapporteurs spéciaux ont donc tâché, à partir de la mise en oeuvre de son volet immobilier, d'identifier les améliorations possibles des modalités de gestion du patrimoine immobilier des juridictions.

À cette fin, ils se sont attachés à approcher les parties prenantes de la politique immobilière du ministère de la justice au niveau déconcentré, recueillant les contributions des premiers présidents et procureurs généraux de vingt-deux cours d'appel concernées par la réforme de la carte judiciaire et interrogeant différents acteurs intervenus aux côtés des juridictions dans la conduite des opérations immobilières engagées. De même, les élus locaux ont été consultés s'agissant des palais de justice abandonnés et restitués aux collectivités territoriales. Le souci de vos rapporteurs spéciaux a été de mener cette évaluation au plus près du terrain.

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Dans le présent rapport, vos rapporteurs spéciaux ont tout d'abord souhaité établir un bilan financier du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire , et ce afin de déterminer le coût réel de ce dernier. Ils ont, ensuite, procédé à une évaluation de la politique immobilière développée par le ministère de la justice prenant pour fondement la mise en oeuvre de la réforme.

Le bilan financier du volet immobilier de la réforme

La réorganisation de la carte judiciaire aura entraîné, au total, 439 opérations immobilières dont 112 opérations provisoires . Celles-ci s'étalent sur la période allant de 2008 à 2017, année au cours de laquelle devraient être livrés les derniers travaux.

Entre 2008 et 2017, le coût total du volet immobilier de la réforme atteindrait 331,9 millions d'euros . Cette estimation intègre aussi bien les dépenses d'investissement, inhérentes aux opérations de construction ou de réaménagement, que celles de fonctionnement, correspondant aux charges découlant des « petits travaux » et des déménagements.

Dès lors, il apparaît que le plafond des dépenses arrêté par le Gouvernement s'agissant du volet immobilier lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme en 2008, soit 375 millions d'euros, a été respecté .

La majorité des locaux abandonnés par les juridictions dans le cadre de la réforme étaient détenus par les collectivités territoriales. Toutefois, la mise en place de la nouvelle carte judiciaire devrait permettre à l'État de procéder à la cession de 40 immeubles, dont le produit représenterait près de 11,9 millions d'euros . Par conséquent, le coût net du volet immobilier est estimé à 320 millions d'euros .

À compter de 2017, la réforme de la carte judiciaire permettra de dégager 4,3 millions d'euros d'économies par an liées à l'immobilier . Aussi les dépenses consacrées au volet immobilier seront-elles amorties au terme d'une période de 75 ans. Il faut, néanmoins, souligner que la réforme n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions. Le principal levier d'économies a résidé, en effet, dans la diminution des charges de personnel qui a été rendue possible par les regroupements de juridictions ; la réduction de la masse salariale atteint, ainsi, 23,4 millions d'euros par an. Par suite, si la réforme est prise dans son ensemble, son coût est amorti au bout de 13 années.

La durée d'amortissement du volet immobilier permet de mettre en évidence le poids des coûts liés aux locations pérennes , dont le montant annuel atteint 3,4 millions d'euros , susceptibles d'alourdir le bilan financier du volet immobilier à long terme ; par conséquent, vos rapporteurs spéciaux souscrivent à l'objectif du ministère de la justice de substituer des solutions patrimoniales, plus économes, aux locations , et ce dès que possible.

L'évaluation de la politique immobilière du ministère de la justice

Le ministère de la justice a conservé une politique immobilière autonome , qui est généralement justifiée par la spécificité du parc immobilier judiciaire.

Dans un premier temps, vos rapporteurs spéciaux se sont attachés à évaluer la mise en oeuvre du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire à l'aune des objectifs de la politique immobilière de l'État .

Il est apparu que la réalisation des opérations immobilières avait permis de respecter tout à la fois les délais imposés par le calendrier du déploiement de la nouvelle carte judiciaire et l'enveloppe budgétaire arrêtée lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme. À cette fin, l'établissement d'un pilotage du volet immobilier a permis une bonne coordination des différentes parties prenantes.

Toutefois, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater qu' aucun objectif chiffré n'avait été déterminé s'agissant de l'optimisation du parc immobilier des juridictions . Pourtant, la politique immobilière de l'État accorde une place centrale à l'indicateur de « rendement d'occupation des surfaces », dont la cible finale est fixée à 12 mètres carrés de surface utile nette (SUN) par poste de travail ; en effet, un indicateur de cette nature permet de mobiliser les acteurs et de rationaliser la démarche de densification des surfaces .

Les travaux de vos rapporteurs spéciaux ont porté une attention particulière aux acteurs en charge de la mise en oeuvre de la politique immobilière du ministère de la justice. Il a notamment été mis en évidence l'importance des services immobiliers des cours d'appel, qui constituent des leviers majeurs de rationalisation de la gestion du parc et donc d'économies. Cependant, il a pu être constaté que la professionnalisation de la fonction immobilière dans les juridictions restait perfectible .

Le déploiement du volet immobilier a également impliqué l'intervention des administrations spécialisées de l'État. À cet égard, il est apparu que le co-pilotage des opérations par les départements immobiliers du ministère de la justice et les directions départementales des territoires (DDT) pouvait constituer une source de difficultés , d'autant qu'une baisse sensible de l'assistance apportée par ces dernières , du fait de la réduction des moyens qui leur sont alloués, était observée. Dès lors, il semble nécessaire d'envisager une évolution des modalités de coopération entre les départements immobiliers et les directions départementales des territoires.

En tout état de cause, vos rapporteurs spéciaux remarquent que le volet immobilier de la réforme a, globalement, été mis en oeuvre conformément aux objectifs de la politique immobilière de l'État. Les opérations menées ont permis de densifier les surfaces occupées par les juridictions , réduisant celles-ci de 63 278 mètres carrés, d' améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil du public et même, dans certains cas, de favoriser l'offre de logements . La diminution du coût de la fonction immobilière est, quant à elle, moins évidente. Si les regroupements de juridictions devraient permettre des économies de loyers et de gestion à hauteur de 4,3 millions d'euros par an à compter de 2017, le volet immobilier a représenté un coût net de 320 millions d'euros. Mais, comme cela a été indiqué, la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions.

Aussi le principal enjeu est-il désormais de consolider l'acquis et de s'assurer de la mise en oeuvre d'une gestion efficiente des nouvelles implantations immobilières. À ce titre, le bon accomplissement du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire ne doit pas conduire à occulter les insuffisances constatées par vos rapporteurs spéciaux pour ce qui est de la politique immobilière menée au sein des juridictions.

En effet, la programmation des travaux d'entretien du parc immobilier présente d'importantes lacunes , provoquant des surcoûts conséquents et pouvant nuire au bon fonctionnement des juridictions. De même, les coûts d'entretien des constructions nouvelles sont insuffisamment anticipés , ce qui peut conduire à la réalisation de choix architecturaux audacieux mais onéreux sur le long terme.

En outre, vos rapporteurs spéciaux regrettent le manque de réflexion sur le recours à de nouveaux leviers d'économies en matière de gestion immobilière des juridictions, notamment en ce qui concerne la mutualisation des achats et l' externalisation de certaines prestations d'entretien des locaux .

Le patrimoine immobilier restitué aux collectivités territoriales

Enfin, le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire doit nécessairement aborder la question des locaux restitués aux collectivités territoriales .

Lors du déploiement de la nouvelle carte judiciaire, 223 immeubles ont été rétrocédés aux collectivités . Ces dernières ne semblent pas avoir bénéficié d'une assistance spécifique des services de l'État à la suite de la remise des implantations abandonnées, ce que certains élus locaux interrogés ont regretté.

À cet égard, il faut mentionner les difficultés qui peuvent être rencontrées lors de la reconversion, et notamment de la vente, de ces biens spécifiques que sont les locaux judiciaires (du fait de leur agencement, voire de leur éventuel classement ou inscription au titre des monuments historiques).

C'est la raison pour laquelle nombre d'anciennes implantations judiciaires ont été transformées en maisons de la justice et du droit. Cependant, certains palais de justice ont pu faire l'objet de reconversions plus originales et accueillent désormais des locaux commerciaux, des hôtels ou encore des espaces culturels.

RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Le pilotage de la politique immobilière du ministère de la justice

Recommandation n° 1 : établir un référentiel fixant, pour chaque catégorie de locaux judiciaires, des objectifs différenciés d'occupation des surfaces.

Recommandation n° 2 : instituer un indicateur mesurant la réalisation des objectifs arrêtés en matière d'occupation des surfaces accueillant des locaux judiciaires, intégré à la mesure de la performance du programme n° 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice ».

La professionnalisation de la gestion immobilière

Recommandation n° 3 : instituer un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine, notamment des magistrats délégués à l'équipement.

Recommandation n° 4 : renforcer la présence des personnels chargés de la gestion et de l'entretien du patrimoine immobilier dans les cours d'appel par le biais de mutualisations.

Recommandation n° 5 : engager une réflexion tendant au développement d'une « mémoire » des opérations immobilières au sein des cours d'appel.

Recommandation n° 6 : renforcer les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice et mieux encadrer les délégations de conduite d'opération confiées aux directions départementales des territoires.

La programmation des dépenses d'entretien des bâtiments

Recommandation n° 7 : définir, pour chaque cour d'appel, un plan pluriannuel des opérations d'entretien immobilier, permettant de programmer les dépenses d'entretien des bâtiments.

Recommandation n° 8 : établir, préalablement à la sélection de tout projet de construction nouvelle, une évaluation précise des dépenses prévisionnelles d'entretien.

Les modalités de gestion du parc immobilier

Recommandation n° 9 : renforcer la mutualisation des achats de biens et services participant à l'entretien courant et à la gestion du parc immobilier entre les juridictions et les services déconcentrés de l'État.

Recommandation n° 10 : engager une réflexion sur l'opportunité et les modalités de l'externalisation de certaines prestations d'entretien du parc immobilier judiciaire.

I. L'IMMOBILIER, PRINCIPAL ENJEU BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

A. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

Entre 1958 et 2007, la carte judiciaire n'avait que peu évolué, laissant apparaître de profonds décalages entre la localisation des implantations judiciaires et les nouvelles réalités démographiques, économiques et sociales . En effet, depuis la réforme de l'organisation judiciaire, menée à son terme par Michel Debré, seuls quelques ajustements ponctuels avaient pu être apportés à la carte judiciaire . Ainsi, à la suite d'une vaste consultation engagée en 1997, Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, avait procédé à la fermeture de 32 tribunaux de commerce.

Toutefois, l'obsolescence de la carte judiciaire se faisant plus évidente, de nombreuses réflexions concernant son évolution avaient été engagées au cours des années 1990. Dès 1994, un rapport de Jean-François Carrez 5 ( * ) relevait que « personne ne conteste sérieusement l'inadaptation de la carte judiciaire actuelle, ni en ce qui concerne les juridictions judiciaires de droit commun, ni en ce qui concerne les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes ».

En dépit du consensus apparu autour de la nécessité de réformer la carte judiciaire, la modification en profondeur de cette dernière n'a été engagée qu'en 2007, dans un contexte fortement marqué par la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La réforme de la carte judiciaire a officiellement débuté en juin 2007 lorsque Rachida Dati, alors ministre de la justice, a exposé les principes directeurs de la réforme dans un discours prononcé à l'occasion de la première réunion du Comité consultatif de la carte judiciaire 6 ( * ) . Il est alors clairement apparu que cette réforme était commandée par une volonté de rationaliser les implantations judiciaires , de manière à constituer des juridictions de « taille suffisante », et ce afin de « renforcer la qualité de la justice », « s'adapter aux évolutions du droit », et « garantir une meilleure compréhension de l'organisation judiciaire ». Enfin, il s'agissait également de « s'assurer une meilleure administration de la justice » ; aussi l'optimisation des « moyens budgétaires et humains » constituait-elle, dès l'origine, l'un des objectifs de la réforme.

Ainsi, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, 437 implantations judiciaires ont été supprimées (y compris les bureaux fonciers) et 14 juridictions ont été créées . Les suppressions ont été opérées sur la base d' un faisceau de critères principalement liés à l'activité judiciaire , l'objectif premier de la réforme étant, pour reprendre les termes de la garde des Sceaux, de mettre en place des juridictions présentant « une activité suffisante pour bien juger » 7 ( * ) .

Ces différentes restructurations se sont déroulées entre le mois de février 2008, qui a marqué le début de la phase opérationnelle de la réforme, et le 1 er janvier 2011. Plusieurs décrets, adoptés au cours de l'année 2008 8 ( * ) , ont fixé le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. Ces textes réglementaires prévoient la suppression de :

- 62 conseils de prud'hommes au 3 décembre 2008 ;

- 55 tribunaux de commerce au 1 er janvier 2009 ;

- 178 tribunaux d'instance, 85 greffes détachés de tribunaux d'instance et 35 bureaux fonciers 9 ( * ) au 1 er janvier 2010 ;

- 23 tribunaux de grande instance au 1 er janvier 2011.

Parallèlement, ces mêmes décrets créent un conseil de prud'hommes, sept tribunaux d'instance et six tribunaux de commerce.

Il faut cependant préciser que seuls 22 tribunaux de grande instance ont été effectivement supprimés , une décision du Conseil d'État du 19 février 2010 10 ( * ) ayant annulé la suppression du tribunal de grande instance de Moulins. Les conséquences financières de cette décision sont évaluées ultérieurement dans le présent rapport.

Le calendrier de la réforme de la carte judiciaire

La réforme de la carte judiciaire a débuté en juin 2007 . Une phase préparatoire, d'une durée de sept mois, a alors été engagée. Au niveau local, une concertation a été confiée aux chefs des cours d'appel et aux préfets. Les propositions et contributions des chefs de cour ont été remises à la fin du mois de septembre 2007 .

Des projets de schémas d'organisation judiciaire ont été établis par le ministère de la justice sur la base des résultats des concertations menées au niveau local par les chefs de cour. Ces projets ont été présentés au milieu du mois d' octobre 2007 .

Les décrets arrêtant le calendrier de la réorganisation de la carte judiciaire ont été publiés au cours de l' année 2008 (cf. supra ). La mise en place de la nouvelle carte judiciaire




s'est déroulée entre 2008 et 2011 . Le rapport d'information précité des sénateurs Nicole Borvo
Cohen-Seat et Yves Détraigne a établi le déroulement précis du déploiement de la nouvelle carte judicaire. Ainsi, celle-ci est effective depuis le :

- 17 février 2008 pour 31 greffes détachés de tribunaux d'instance (suppressions) ;

- 3 décembre 2008 pour les conseils de prud'hommes (62 suppressions et une création) ;

- 1 er janvier 2009 pour les tribunaux de commerce (55 suppressions, création de 5 tribunaux de commerce et d'un tribunal mixte de commerce) ;

- 1 er janvier 2009 en ce qui concerne sept greffes détachés (Voiron, Manosque, Villefranche-sur-Mer, La Ferté Bernard, Sallanches, Sabres et Vernon) et cinq tribunaux d'instance, outre les juridictions de proximité du même siège (Barbezieux-Saint-Hilaire, Aubusson, Neufchâteau, Pithiviers, Moissac) ;

- 1 er février 2009 en ce qui concerne les tribunaux d'instance et juridictions de proximité de Forcalquier et Saint-Sever, et la création du tribunal d'instance et de la juridiction de proximité de Manosque ;

- 1 er juillet 2009 en ce qui concerne trois tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Die, Bar sur Aube, Vouziers) et quatre greffes détachés (Crest, Argelès-sur-Mer, Pézenas, La Grande-Combe) ;

- 1 er septembre 2009 en ce qui concerne huit tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Mayenne, Vierzon, Falaise, Autun, Saint-Pons-de-Thomières, Remiremont, Paimboeuf, Murat) et un greffe détaché (Albert) ;

- 1 er octobre 2009 pour deux tribunaux de grande instance (Belley et Millau), neuf tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Lesparre-Médoc, Bourganeuf, Saint-Affrique, Villefranche-de-Rouergue, Cosne-Cours-sur-Loire, Château-Chinon, Langres, Espalion, Castelnaudary) et un greffe détaché (Champagnole) ;

- 31 décembre 2009 pour les 151 autres tribunaux d'instance et juridictions de proximité du même siège, ainsi que pour 41 greffes détachés ;

- 1 er juillet 2010 pour le tribunal de grande instance de Péronne ;

- 5 septembre 2010 pour le tribunal de grande instance de Bressuire ;

- 31 décembre 2010, pour les 17 tribunaux de grande instance (Abbeville, Avranches, Bernay, Dinan, Dole, Guingamp, Hazebrouck, Lure, Marmande, Montbrison, Morlaix, Riom, Rochefort, Saint-Dié-des-Vosges, Saint-Gaudens, Saumur et Tulle).

La réforme de la carte judiciaire était donc considérée comme achevée au 1 er janvier 2011 .

Toutefois, la fusion du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu avec celui de Vienne au sein d'une nouvelle juridiction implantée à Villefontaine, impliquant la construction d'un palais de justice, a été reportée au 1 er janvier 2014 11 ( * ) . Il faut néanmoins préciser que la création du tribunal de grande instance de Villefontaine est entourée d'importantes incertitudes à ce jour. En effet, les moyens nécessaires pour effectuer les travaux n'ont pas été prévus dans le cadre du dernier budget triennal . Par ailleurs, l'opération de Villefontaine ne figure plus parmi les opérations confiées à l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ).

B. L'ACCOMPAGNEMENT IMMOBILIER DE LA RÉFORME

Les modifications d'ampleur survenues dans la localisation des juridictions, qu'il s'agisse des regroupements induits par la suppression de certaines implantations judiciaires ou encore de la création de nouvelles juridictions, ont nécessité un important accompagnement immobilier. Aussi le volet immobilier a-t-il constitué un aspect majeur de la réforme de la carte judiciaire .

Lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme, le ministère de la justice avait évalué à 375 millions d'euros hors loyers les dépenses immobilières 12 ( * ) pour un coût total de 427 millions d'euros 13 ( * ) . Ainsi, près de 90 % de l'effort budgétaire prévu pour la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire étaient imputables au volet immobilier .

Le coût réel des aspects immobiliers de la réforme fait, quant à lui, l'objet d'une estimation approfondie et détaillée par vos rapporteurs spéciaux plus tard dans le présent rapport.

En tout état de cause, la réorganisation de la carte judiciaire aura entraîné, au total, 439 opérations immobilières dont 112 opérations provisoires 14 ( * ) . Il s'agit des opérations achevées ou en cours, les dernières livraisons s'échelonnant jusqu'à 2017.

Dès lors, eu égard à l'enjeu budgétaire, la réorganisation des implantations ne pouvait se faire sans que soit engagée une réflexion concernant l'optimisation des moyens immobiliers .

À ce titre, il faut souligner que la dimension immobilière figurait bien parmi les préoccupations des concepteurs de la réforme. Lors de son discours inaugural du 27 juin 2007, Rachida Dati avait mentionné les « problèmes de maintenance immobilière », la « nécessité d'importants travaux d'aménagement » et de remise aux normes des locaux judiciaires et inscrivait les « enjeux immobiliers » parmi les éléments à prendre en compte dans le redéploiement de la carte judiciaire. À n'en pas douter, ces différents éléments présentaient un lien évident avec l'objectif déjà mentionné de la réorganisation consistant à « optimiser les moyens budgétaires » des juridictions.

Pourtant, comme l'a indiqué le ministère de la justice à vos rapporteurs spéciaux, « la rationalisation du parc immobilier n'a pas constitué un des critères retenus pour déterminer la [nouvelle] carte judiciaire ».

Il faut cependant préciser que, bien que la rationalisation des moyens immobiliers n'ait pas présidé à la définition de la nouvelle carte judiciaire, ce souci était malgré tout présent lors de son déploiement effectif . Ainsi, une circulaire adressée par le secrétariat général du ministère de la justice aux chefs de cours en avril 2008 15 ( * ) précisait les principes à respecter dans la conception des programmes immobiliers et prévoyait, notamment, la recherche de « la densification des bâtiments judiciaires », etc.

Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité établir un premier bilan financier du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire , mettant en regard d'un côté l'ensemble des dépenses et investissements immobiliers, de l'autre les économies résultant de la rationalisation du parc.

En outre, il leur a semblé que pour exploiter pleinement les opportunités d'optimisation des dépenses immobilières, il était essentiel de disposer des structures et de l'organisation nécessaires à la mise en oeuvre d'une stratégie immobilière efficace. Aussi a-t-il paru intéressant de procéder à une évaluation de la politique immobilière développée par le ministère de la justice dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire .

En effet, les implantations judiciaires sont restées hors du champ de la réorganisation de la politique immobilière au niveau déconcentré , qui a consisté à régionaliser la gestion des dépenses de l'État propriétaire sous l'autorité des préfets de région 16 ( * ) . Dès lors, l'objectif a été de déterminer si, dans le cadre de la réforme, la gestion du parc immobilier avait répondu aux finalités de la politique immobilière de l'État et, de manière plus prospective, d'identifier les améliorations possibles des modalités de cette gestion par les juridictions.

II. LE COÛT RÉEL DU VOLET IMMOBILER DE LA RÉFORME

Quel a été le coût réel du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire ? Telle a été la première interrogation de vos rapporteurs spéciaux dans le cadre de ce contrôle. En effet, les évaluations initiales concernant ce volet de la réforme avaient suscitées, jusqu'à la fin, des doutes quant à son coût effectif.

À l'automne 2007, des documents publiés par le ministère de la justice estimaient le montant des dépenses liées au volet immobilier à 900 millions d'euros. Cependant, lors de son audition par la commission des finances du Sénat le 14 novembre de la même année, Rachida Dati, alors garde des Sceaux, avait ramené ce montant à « 800 millions d'euros sur six ans » 17 ( * ) . Enfin, dès le 13 décembre 2007, la ministre de la justice déclarait devant la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale que « le coût immobilier lié à la réforme de la carte judiciaire [était] estimé à 500 millions d'euros sur six ans » 18 ( * ), 19 ( * ) .

En définitive, lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme, le ministère de la justice avait évalué à 375 millions d'euros le coût du volet immobilier. Il ne s'agissait, néanmoins, que des dépenses d'investissement et non des dépenses de fonctionnement pouvant être liées au déménagement des juridictions, aux travaux de faible ampleur, etc.

Vos rapporteurs spéciaux ont donc cherché à s'assurer si l'évaluation retenue au début de la phase opérationnelle de la réforme avait été respectée et, surtout, à déterminer le coût total du volet immobilier en prenant en compte l'ensemble des dépenses liées aux opérations immobilières intervenues dans ce cadre.

Souhaitant avant tout établir un bilan financier du volet immobilier de la réforme , ils se sont attachés à mettre ces dépenses en regard des économies et recettes résultant de ces mêmes opérations.

A. UNE APPROCHE CONSOLIDÉE DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES

Les coûts immobiliers ont, tout d'abord, résulté des acquisitions et des travaux d'aménagement (visant à la densification des locaux existants ou à l'adaptation des immeubles acquis), voire de construction , rendus nécessaires par le regroupement des juridictions. En outre, en plus de ces opérations pérennes, ont dû être trouvées des solutions provisoires , permettant le regroupement des juridictions entre la date de suppression et celle de livraison des locaux définitifs. Les dépenses d'investissement 20 ( * ) découlant de ces deux catégories d'opérations ont été finalement évaluées à 305,8 millions d'euros 21 ( * ) . Il est nécessaire de souligner que cette estimation exclut le coût de la construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine, soit 23,8 millions d'euros ; même si aucune décision définitive d'annulation de l'opération n'a été prise par le Gouvernement à ce jour, le financement de celle-ci n'a pas été prévu dans le cadre du budget triennal 2013-2015.

Les opérations tant pérennes que provisoires ont également nécessité l'engagement de dépenses de fonctionnement 22 ( * ) afin de financer les travaux légers de densification, les déménagements, etc. , qu'il convient d'inscrire dans le coût total du volet immobilier de la réforme.

À ces différentes dépenses, uniques dans le temps, viennent s'ajouter les prises à bail durables de nouveaux locaux de même que des coûts de gestion qui ont une incidence sur le bilan financier à long terme du volet immobilier de la réforme.

Enfin, la réforme de la carte judiciaire a eu des coûts immobiliers indirects , liés notamment aux « gâchis » résultant de l'abandon de locaux ayant fait l'objet de travaux de rénovation récents ou encore à l'annulation de certains projets de regroupement de juridictions par le juge administratif.

1. Le coût des opérations d'investissement pérennes

Au total, 327 opérations d'investissement pérennes auront été menées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire ; il est tenu compte tant des opérations achevées que de celles en cours. Leur coût s'élève à 293,1 millions d'euros 23 ( * ) et devrait concerner la période allant de 2008 à 2017, année au cours de laquelle doivent être livrés les derniers travaux.

a) Les acquisitions immobilières

Les opérations pérennes intègrent, en premier lieu, les acquisitions de nouveaux locaux . Ainsi, 17 immeubles ont été achetés entre 2008 et 2011, correspondant à une surface de 18 332 mètres carrés, pour un montant de 23,2 millions d'euros (cf. tableau ci-contre).

Les acquisitions immobilières ne représentent qu'une part mineure des dépenses liées aux opérations pérennes (soit un peu moins de 8 % de ces dernières). En effet, les dépenses d'investissement prévues dans le cadre du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire doivent résulter, à titre principal, des travaux d'aménagement de l'existant ou de construction de nouveaux locaux (cf. infra ) ; plus rares ont été les cas d'acquisitions d'immeubles pour y loger des juridictions.

Par ailleurs, même pour cette catégorie d'opérations, les charges ont majoritairement résulté des travaux visant à adapter l'agencement des lieux à leur nouvelle finalité, voire à assurer leur mise aux normes. À titre d'exemple, le regroupement des tribunaux d'instance de Châtillon-sur-Seine et de Semur-en-Auxois à Montbard, en Côte-d'Or, a nécessité l'achat d'un immeuble pour un montant de 500 000 euros et des dépenses d'adaptation et de mise en accessibilité des locaux à hauteur de 1,65 million d'euros, soit près de 77 % du coût total de l'opération.

Liste des acquisitions immobilières liées à la réforme de la carte judiciaire

Localité

Montant

(en euros)

Année

Superficie utile
(en m²)

Chambéry

1 600 000

2008

1 470

Digne

550 000

2008

1 556

Le Puy

1 805 960

2008

730

Perpignan

1 000 000

2008

547

TOTAL 2008

4 955 960

4 303

Amiens

840 000

2009

1 030

Brest

3 607 136

2009

1 508

Brive

550 000

2009

237

Clermont-Ferrand

2 000 000

2009

1 086

Évreux

1 000 000

2009

675

Montbard

500 000

2009

621

Montpellier

4 700 000

2009

1 594

Rouen

1 450 000

2009

1 665

Saint-Brieuc

1 496 164

2009

760

Thionville

1 000 000

2009

2 023

Troyes

660 000

2009

600

TOTAL 2009

17 803 300

11 799

Lorient

180 000

2010

1 100

TOTAL 2010

180 000

1 100

Haguenau

256 000

2011

1 130

TOTAL 2011

256 000

1 130

TOTAL GÉNÉRAL

23 195 260

18 332

Source : ministère de la justice

b) Le coût des travaux d'aménagement et de construction

Ainsi, comme cela a été indiqué, la majeure partie des dépenses d'investissement sont imputables aux travaux d'aménagement (visant à la densification des locaux existants ou à l'adaptation des immeubles acquis) et à la construction de nouvelles structures. Cependant, il faut souligner que ces dépenses ont également permis aux juridictions de procéder à la mise aux normes de leur parc immobilier, voire d'engager des opérations de réfection devenues, toutes choses égales par ailleurs, nécessaires.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, les dépenses d'investissement inhérentes aux travaux d'aménagement et de construction devraient atteindre 270 millions d'euros environ 24 ( * ) . Les principales opérations prévues sont les suivantes :

Ville de regroupement

Opérations

Coût
(en millions d'euros)

Bourg-en-Bresse
(Ain)

Construction d'un nouveau palais de justice

35,9

Béziers

(Hérault)

Construction d'un nouveau palais de justice

30,5

Limoges

(Haute-Vienne)

Construction d'une nouvelle cité judiciaire

29,1

Saint-Malo

(Ille-et-Vilaine)

Construction d'un nouveau palais de justice

19,3

Périgueux

(Dordogne)

Restructuration du palais de justice et de ses annexes

17,7

Lisieux

(Calvados)

Restructuration du tribunal de grande instance

13,0

Source : ministère de la justice

Le ministère de la justice a précisé à vos rapporteurs spéciaux que l'évaluation des dépenses d'investissement retenue ne tenait pas compte des travaux d'amélioration dont la réalisation s'était avérée nécessaire après l'installation des juridictions .

2. Les dépenses liées aux opérations d'investissement provisoires

Comme vos rapporteurs spéciaux l'ont déjà indiqué, les réimplantations de juridictions ont parfois impliqué des opérations provisoires ; ces dernières avaient pour finalité de permettre le regroupement entre la date de suppression et celle de livraison des locaux définitifs.

Ces opérations ont pris différentes formes. Il a pu, tout d'abord, s'agir de travaux visant à réaménager des locaux provisoirement pris à bail , comme cela a été le cas lors du transfert du tribunal d'instance de Rochechouart à Limoges, ou à densifier momentanément des surfaces disponibles , solution qui a été retenue s'agissant du palais de justice d'Auch. Dans d'autres cas, il a été décidé de procéder à l' externalisation transitoire de certains services , à l'exemple de la section civile du tribunal de grande instance de Valencienne, voire des archives.

Nombre d'opérations provisoires n'ont entraîné aucune dépense , notamment lorsqu'elles ont consisté à occuper des bâtiments gratuitement mis à disposition des juridictions, comme le montre l'exemple du tribunal d'instance d'Aubenas.

Toutefois, les solutions immobilières provisoires qui ont dû être trouvées lors du redéploiement des juridictions ont représenté un coût total de 12,7 millions d'euros environ (cf. tableau ci-dessous).

Dépenses d'investissement par cour d'appel

(en millions d'euros)

Cour d'appel

Solution pérenne

Solution provisoire

Agen

2,18

0,00

Aix-en-Provence

1,67

0,00

Amiens

14,84

1,04

Angers

4,63

0,71

Bastia

0,00

0,00

Besançon

15,50

0,00

Bordeaux

19,29

0,10

Bourges

0,26

0,00

Caen

15,98

0,12

Chambéry

3,47

0,00

Colmar

11,61

0,29

Dijon

4,17

0,00

Douai

12,44

2,32

Grenoble*

1,14

0,00

Limoges

31,04

0.20

Lyon

38,32

0,21

Metz

2,18

0,00

Montpellier

41,73

1,27

Nancy

1,75

0,00

Nîmes

0,25

0,00

Orléans

0,95

0,38

Paris

1,84

0,32

Pau

0,57

0,66

Poitiers

5,05

3,50

Reims

5,98

0,00

Rennes

35,31

0,93

Riom

6,63

0,00

Rouen

11,81

0,25

Toulouse

0,79

0,35

Versailles

1,69

0,00

TOTAL

293,07

12,68

* Les dépenses d'investissement enregistrées au titre de la cour d'appel de Grenoble excluent l'opération de construction d'un palais de justice à Villefontaine dont la réalisation demeure, à ce jour, incertaine (cf. supra ).

Sources : données du ministère de la justice

3. Le total des dépenses d'investissement

Comme cela a été indiqué précédemment, les dépenses totales d'investissement liées aux opérations immobilières menées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire ont été évaluées à 305,8 millions d'euros .

Dépenses d'investissement liées à la réalisation du volet immobilier
de la réforme de la carte judiciaire (2008-2017)

(en millions d'euros)

Année

Autorisations d'engagement

(AE)

Crédits de paiement

(CP)

2008

39,51

9,74

2009

76,59

29,31

2010

72,76

39,37

2011

13,79

18,10

2012

130,33

20,14

2013-2017*

9,82

189,24**

Total

342,80***

305,80**

* Prévisions

** Les crédits de paiement relatifs aux dépenses d'investissement pour la période 2013-2017 sont réduits de 37 millions d'euros afin de tenir compte de l'annulation de l'opération de Saint-Brieuc (13,2 millions d'euros) en mars 2013 et du fait que le financement de la construction d'un palais de justice à Villefontaine (23,8 millions d'euros) n'a pas été prévu dans le cadre du dernier budget triennal

*** Les autorisations d'engagement relatives aux dépenses d'investissement liées aux opérations de Saint-Brieuc et Villefontaine (soit 37 millions d'euros) seront, le cas échéant, annulées du fait de leur non utilisation. Ceci explique la différence constatée entre le total des autorisations d'engagement prévues pour la réalisation du volet immobilier et celui des crédits de paiement dans le présent tableau

Sources : données du ministère de la justice

Aussi l'exécution prévisionnelle fait-elle apparaître une différence de près de 70 millions d'euros avec le coût programmé du volet immobilier tel qu'il avait été arrêté lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme en 2008, soit 375 millions d'euros en dépenses d'investissement. Un tel décalage résulte de l' abandon d'importantes opérations , initialement confiées à l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ). Selon le secrétariat général du ministère de la justice, les opérations immobilières annulées étaient, de manière générale, celles qui présentaient les bilans financiers et fonctionnels les moins favorables.

Ainsi, en 2009 et 2010, le ministère de la justice a renoncé à procéder à l'extension du tribunal de grande instance d'Évreux et aux opérations de Coutances et de Dunkerque.

De même, en 2011, celle-ci a tiré les conséquences de l'annulation, par le Conseil d'État, du regroupement des juridictions de Moulins et de Cusset et a mis fin au projet de construction d'une cité judiciaire dans cette dernière ville (cf. infra ).

S'agissant de l'extension et de la restructuration du palais de justice de Saint-Brieuc, le jury de concours de maîtrise d'oeuvre mis en place en 2011 s'est prononcé en faveur d'un arrêt de la consultation ; le conseil d'administration de l'APIJ du 29 mars 2013 a pris acte de cet avis et décidé d'arrêter l'opération.

Enfin, il faut rappeler que l'évaluation retenue par vos rapporteurs spéciaux exclut le coût de la construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine. Il a, en effet, déjà été mentionné que le financement de cette opération n'avait pas été prévu dans le cadre du dernier budget triennal.

L'ensemble de ces opérations représentait environ 95 millions d'euros de dépenses d'investissement . Cependant, en lieu et place des opérations immobilières d'ampleur initialement programmées, des travaux plus limités ont été engagés afin de permettre les regroupements de juridictions ; il en a été ainsi, à titre d'exemple, à Évreux, Dunkerque ou encore Coutances.

Par ailleurs, les marges de manoeuvres dégagées du fait de l'annulation d'importantes opérations ont pu permettre d' abonder de légères surconsommations sur d'autres chantiers.

4. Les charges liées aux « petits » travaux et aux déménagements

Aux dépenses d'investissement liées aux opérations immobilières engagées dans le cadre de la réforme sont également venues s'ajouter des dépenses de fonctionnement, correspondant aux travaux de réaménagement de moins de 60 000 euros, à l'acquisition de mobiliers et matériels techniques, aux coûts de déménagement des juridictions et aux frais de nettoyage des locaux libérés .

Elles incluent, en outre, les loyers et charges des locations provisoires prises dans l'attente de la finalisation des opérations de réinstallation pérennes.

Sur la période 2008-2017, ces diverses dépenses auront représenté un montant de 26,1 millions d'euros en crédits de paiement (cf. tableau ci-contre).

Dépenses de fonctionnement liées à la réalisation du volet immobilier
de la réforme de la carte judiciaire (2008-2017)

(en millions d'euros)

Année

Autorisations d'engagement

(AE)

Crédits de paiement

(CP)

2008

3,08

2,06

2009

5,00

4,66

2010

5,69

3,18

2011

4,21

4,63

2012

2,35

2,35

2013-2017*

9,19

9,19

Total

29,52

26,07

* Prévisions

Sources : données du ministère de la justice

5. Les locations de locaux pérennes

Certaines opérations immobilières ont, en outre, induit des dépenses de locations pérennes . Lorsque le réaménagement et la densification des bâtiments existants ne permettaient pas l'accueil des juridictions regroupées, des surfaces supplémentaires ont été prises à bail.

Ainsi, les locations pérennes liées à la réforme portent, à ce jour, sur 20 691 mètres carrés et le montant annuel des loyers atteint 3,4 millions d'euros (cf. tableau ci-dessous).

Locations pérennes liées à la réforme de la carte judiciaire

Année

Montant des loyers
(en euros)

Surfaces

(m²)

2008

130 096

2 034

2009

1 543 400

18 679

2010

3 349 758

20 691

2011

3 431 534

20 691

2012

3 431 534

20 691

Sources : données du ministère de la justice

Il s'agit là de dépenses reconductibles qui ont donc un impact sur le bilan financier du volet immobilier de la réforme à long terme. Néanmoins, cette incidence est difficile à déterminer avec précision dans la mesure où la durée finale des 36 locations prises dans le cadre de la réforme (cf. tableau de la page suivante) n'est pas connue.

Liste des locations pérennes liées à la réforme de la carte judiciaire

Localité

Surfaces

(m²)

Année de fin de bail

Amiens

1 092

2015

Amiens

422

Beauvais

216

Bastia

364

Chaumont

626

Macon

528

Nîmes

140

Nouméa

248

Sens

280

Arras

546

2017

Dunkerque

650

Dunkerque

558

Grenoble

1 003

Saint-Étienne

142

Forbach

322

La Roche-sur-Yon

255

Agen

532

2018

Agen

1 411

Bordeaux

562

Nevers

863

Bourges

1 550

Habsheim

550

Saverne

479

Lens

659

Fort-de-France

560

St Etienne

420

Metz

590

Tours

1 106

Meaux

458

Bayonne

253

Reims

765

Albi

200

Angers

890

2019

La Flèche

120

Épinal

1 189

Pertuis

142

TOTAL

20 691

Sources : données du ministère de la justice

En effet, dans certains cas, des solutions alternatives à la location pourraient être trouvées par les juridictions à une échéance plus ou moins rapprochée , même si un tel processus peut s'avérer difficile.

L'exemple du tribunal d'instance de Tours est, à cet égard, éclairant. Pour l'installation de ce dernier, après sa réunion avec ceux de Loches et Chinon, des locaux d'une superficie de 1 106 mètres carrés ont été loués pour un loyer annuel de 256 167 euros. Or la contribution de Martine Ceccaldi et Martine Comte, respectivement procureur général et première présidente de la cour d'appel d'Orléans, indique que des projets étaient à l'étude pour trouver des solutions d'hébergement plus économiques en remplacement des locaux pris à bail. Ainsi, ces dernières ont, à l'occasion de la mise en vente de locaux de l'ancienne Poste jouxtant le palais de justice de Tours, engagé des négociations avec le propriétaire pour l'acquisition des surfaces. Toutefois, il n'a pas été donné suite à l'offre de vente présentée en juin 2010, son montant ayant été estimé par les services de France Domaine comme supérieur au prix du marché. Des contacts ont donc été repris à partir de février 2012 avec le propriétaire des locaux sur la base d'un projet portant sur une surface plus faible.

En tout état de cause, le secrétariat général du ministère de la justice a insisté sur le fait que des baux n'avaient été pris que lorsqu'il n'existait pas d'alternatives satisfaisantes tant du point de vue financier que fonctionnel. Aussi a-il indiqué que la Chancellerie souhaitait qu'il soit substitué des solutions patrimoniales, plus économes, aux locations dès que cela serait possible.

Vos rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'encourager cette démarche . En effet, il s'agit d' éviter que le bilan financier du volet immobilier de la réforme ne soit trop alourdi par les dépenses, récurrentes, de location 25 ( * ) .

Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que les dépenses de locations pérennes sont susceptibles de provoquer des tensions s'agissant des budgets de fonctionnement des cours d'appel . Si les dotations attribuées à ces dernières permettaient, du fait de la réforme de la carte judicaire, d'assumer ces coûts jusqu'au 31 décembre 2012, tel ne semble plus être le cas à compter de 2013 26 ( * ) ; ainsi les locations pourraient-elles provoquer l'éviction d'autres dépenses de fonctionnement, et notamment de celles destinées à l'entretien du parc immobilier.

6. Les « gâchis » du volet immobilier
a) Les travaux réalisés sur les bâtiments abandonnés

Comme l'avait indiqué l'Union syndicale des magistrats (USM) lors de son audition par le groupe de travail de la commission des lois du Sénat sur la réforme de la carte judiciaire 27 ( * ) : « dans certaines juridictions, des travaux venaient de s'achever juste avant l'annonce de la réforme, en pure perte, puisque les locaux sont devenus inadaptés ».

Les exemples de ces « gâchis » sont nombreux. À titre d'exemple, avant sa fermeture, le tribunal d'instance de Clichy avait fait l'objet de travaux significatifs de mise en conformité et de restructuration en décembre 2005. En outre, des travaux d'amélioration de l'accessibilité ont dû être payés lors de la remise des locaux à la mairie, ces opérations ayant été votées en assemblée générale de copropriété. Au total, la cour d'appel de Versailles a évalué à plus de 1,2 million d'euros les travaux réalisés sur l'implantation judiciaire de Clichy au cours des années ayant précédé sa suppression . Par ailleurs, la même cour d'appel a eu à supporter le coût de petits travaux (de réfection des installations électriques, etc.) au titre de quatre autres tribunaux d'instance également supprimés, pour un montant de 20 000 euros.

L'ensemble de ces travaux devenus, au final, inutiles représente un coût conséquent . Aussi atteint-il 1,6 million d'euros pour la cour d'appel de Riom, 1,3 million d'euros pour celle de Rouen et près d'un million d'euros s'agissant de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. En outre, certaines cours d'appel, comme celles d'Orléans ou de Bourges, n'ont pas été en mesure d'évaluer les opérations qui avaient été réalisées sur les bâtiments abandonnés.

Evidemment, vos rapporteurs spéciaux n'ont pu recenser la totalité des travaux menés inutilement. Néanmoins, pour les treize cours d'appel pour lesquelles ils ont obtenu des données précises sur ce point, leur coût approche 5 millions d'euros 28 ( * ) . Si l'opération de regroupement des tribunaux de grande instance de Vienne et de Bourgoin-Jallieu dans un nouveau palais de justice à Villefontaine devait se réaliser, ce montant serait porté à environ 6 millions d'euros 29 ( * ) . Toutefois, il faut souligner que cette évaluation ne porte que sur un échantillon partiel de cours d'appel .

b) L'annulation du regroupement des juridictions de Cusset et Moulins

Dans une série de trois décisions en date du 19 février 2010 30 ( * ) , le Conseil d'État a annulé les dispositions réglementaires prévoyant le transfert du tribunal de grande instance, du tribunal pour enfants et du tribunal d'application des peines de Moulins à Cusset . La Haute juridiction a, notamment, considéré la « distance importante séparant Moulins de Cusset » et son incidence sur le bon fonctionnement du service public de la justice.

Ces décisions ont eu pour principale conséquence l'annulation de l'opération immobilière initialement prévue concernant le tribunal de grande instance de Cusset pour permettre l'accueil des agents issus des juridictions de Moulins supprimées. Cette dernière devait se dérouler en deux phases. Tout d'abord devait être engagée une phase provisoire, avec la location de surfaces supplémentaires et leur aménagement intérieur, la juridiction cussétoise étant appelée à fonctionner sur deux sites distincts. Celle-ci aurait été suivie d'une phase définitive visant à la construction d'une cité judiciaire. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux l'annulation de cette opération aurait coûté 600 000 euros.

Le palais de justice de Moulins étant situé dans un bâtiment inscrit à l'inventaire des monuments historiques, vétuste et exigu, le maintien des personnels dans les locaux a imposé l'engagement de travaux de rénovation et de mise en sécurité pour un montant de 650 000 euros. Il faut, par ailleurs, souligner que de tels travaux avaient d'ores et déjà été programmés avant la réforme de la carte judiciaire ; l'annulation de ces opérations du fait de la suppression annoncée de l'implantation de Moulins avait entraîné le versement de pénalités aux entreprises concernées d'un montant d'environ 82 000 euros.

En outre, certains travaux programmés dans le cadre de la fusion des juridictions devraient tout de même être menés s'agissant du palais de justice de Cusset, notamment afin d'améliorer son accessibilité ; de même, celui-ci devra faire l'objet d'une remise aux normes incendie et électrique.

B. LES GAINS RÉSULTANT DE LA RATIONALISATION DU PARC

Les gains provenant de la rationalisation du parc immobilier intervenue dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire sont de plusieurs ordres. Il s'agit, tout d'abord, du produit des cessions réalisées ou à venir des locaux abandonnés par les juridictions. Ils renvoient, ensuite, aux économies de loyers et de gestion résultant des regroupements d'implantations judiciaires.

1. Les produits de cessions des locaux abandonnés

Dès le départ, peu de recettes étaient attendues de la vente d'immeubles abritant des juridictions supprimées dans le cadre de la réforme, dans la mesure où l'État n'était que rarement propriétaire de ces bâtiments , la majorité d'entre eux étant détenue par les collectivités territoriales.

En 2010 et 2011, ont eu lieu 19 cessions portant sur un montant de 5,7 millions d'euros (cf. tableau ci-contre). Les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux prévoient la réalisation de 21 autres cessions sur la période comprise entre 2012 et 2017 ; le produit de ces dernières est estimé à 6,2 millions d'euros. Aussi, au total, la vente des locaux abandonnés appartenant à l'État devrait-elle rapporter près de 11,9 millions d'euros .

Cessions immobilières liées à la réforme de la carte judiciaire en 2010 et 2011

Localité

Montant

(en euros)

Année

Superficie utile
(en m²)

Belley

275 000

2010

287

Boulay

330 000

2010

705

Bouzonville

190 000

2010

624

Brumath

550 000

2010

843

Château-Salins

260 000

2010

857

Issoire

59 000

2010

380

Marckolsheim

170 000

2010

152

Rive-de-Gier

280 000

2010

465

Schirmeck

260 000

2010

687

Segre

356 000

2010

641

Vierzon

440 000

2010

1 320

Wissembourg

250 000

2010

756

TOTAL 2010

3 420 000

7 717

Huningue

719 400

2011

817

Menton

260 000

2011

82

Morhange

50 000

2011

220

Montereau-Fault-Yonne

720 000

2011

1 849

Rohrbach-lès-Bitche

130 000

2011

518

Saint-Omer

96 000

2011

147

Saint-Union

298 000

2011

816

TOTAL 2011

2 273 400

4 449

TOTAL GÉNÉRAL

5 693 400

12 166

Sources : données du ministère de la justice

Il faut toutefois souligner le fait que, dans bien des cas, la vente d'anciens bâtiments judiciaires est délicate . Comme l'ont souligné certains responsables des services locaux de France Domaine interrogés par vos rapporteurs spéciaux, il s'agit de « biens très atypiques », nécessitant d'importants travaux de reconversion, et souvent grevés de servitudes spécifiques du fait de leur inscription ou de leur classement au titre des monuments historiques. En outre, certaines implantations judiciaires sont situées dans des zones où le marché immobilier est relativement atone. C'est pourquoi le seuil de rentabilité des éventuels investissements portant sur ces locaux est plus élevé que pour d'autres types de biens, décourageant les investisseurs privés.

À ce titre, il est intéressant de relever que sur les 19 immeubles vendus par l'État en 2010 et 2011, 17 ont été acquis par des collectivités territoriales . Ainsi, par exemple, l'ancien tribunal d'instance de Bouzonville, en Moselle, est devenu le siège de la communauté de communes du Bouzonvillois.

Selon les éléments portés à la connaissance de vos rapporteurs spéciaux, les investisseurs privés se portant acquéreur d'anciens tribunaux transforment généralement ces locaux en bureaux ou en logements. Mais il a également pu arriver que ceux-ci soient acquis par des associations offrant des logements à loyer très social , comme cela a été le cas s'agissant de l'ancien tribunal d'instance de Cernay, dans le Haut-Rhin, cédé à la fin de l'année 2012.

2. Les économies de loyers et de gestion

Les regroupements de juridictions ont, par ailleurs, permis de réaliser des économies de loyers et de gestion. Les économies de loyers , qui ont résulté de l'abandon de locaux pris à bail par les juridictions, représentent cumulativement, sur la période 2008-2017, environ 1,6 million d'euros . Les économies de gestion correspondent, quant à elles, aux moindres dépenses de fonctionnement courant et de structure (fluides, nettoyage, gardiennage, maintenance, etc.) liées aux biens restitués aux collectivités territoriales ou cédés.

Ainsi, le redéploiement de la carte judiciaire a permis, de manière cumulée, la réalisation de près de 10 millions d'euros d'économies de loyers et de gestion (cf. tableau ci-dessous) ; il faut noter que ces économies sont acquises sur le long terme et qu'elles doivent donc être prises en compte dans l'amortissement des dépenses immobilières afférentes à la réforme.

Économies de loyers et de gestion liées aux regroupements de juridictions dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire (2008-2017)

(en millions d'euros)

Année

Économies de loyers

Économies de gestion

2008

0,33

0,38

2009

0,34

4,62

2010

0,09

3,42

2011

0,00

0,00

2012

0,00

0,00

2013-2017*

0,81

0,00

Total

1,57

8,42

* Prévisions

Sources : données du ministère de la justice

C. LE BILAN FINANCIER DU VOLET IMMOBILIER DE LA RÉFORME

1. Un coût total estimé à 331,9 millions d'euros...

Comme l'ont déjà indiqué vos rapporteurs spéciaux, leur objectif premier était, dans le cadre du présent rapport, de déterminer le coût réel du volet immobilier. Aussi sont-ils parvenus à établir que le total des dépenses liées au volet immobilier de la réforme atteignait 331,9 millions d'euros sur la période 2008-2017 .

Cette estimation intègre aussi bien les dépenses d'investissement, inhérentes aux opérations de construction ou de réaménagement, que celles de fonctionnement, correspondant aux charges découlant des « petits » travaux et des déménagements ; toutefois, il n'a pas été tenu compte des « gâchis » identifiés par vos rapporteurs spéciaux, ces derniers ne disposant pas de suffisamment d'éléments pour les évaluer précisément.

Il faut, en outre, préciser que cette estimation exclut le coût de la construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine , soit 23,8 millions d'euros. En effet, comme cela a été indiqué précédemment, le dernier budget triennal ne prévoit pas le financement nécessaire à la réalisation de cette opération ; aussi, eu égard aux incertitudes qui entourent celle-ci, a-t-il été décidé de ne pas la prendre en compte dans l'évaluation financière du volet immobilier de la réforme.

Dépenses engagées pour la réalisation du volet immobilier
de la réforme de la carte judiciaire (2008-2017)

(en millions d'euros)

Dépenses d'investissement

Dépenses de fonctionnement

Total

Année

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2008

39,51

9,74

3,08

2,06

42,59

11,8

2009

76,59

29,31

5,00

4,66

81,59

33,97

2010

72,76

39,37

5,69

3,18

78,45

42,55

2011

13,79

18,10

4,21

4,63

18,00

22,73

2012

130,33

20,14

2,35

2,35

132,68

22,49

2013-2017*

9,82

189,24**

9,19

9,19

19,01

198,43**

Total

342,80***

305,80**

29,51

26,07

372,31***

331,87**

* Prévisions

** Les crédits de paiement relatifs aux dépenses d'investissement pour la période 2013-2017 sont réduits de 37 millions d'euros afin de tenir compte de l'annulation de l'opération de Saint-Brieuc (13,2 millions d'euros) en mars 2013 et du fait que le financement de la construction d'un palais de justice à Villefontaine (23,8 millions d'euros) n'a pas été prévu dans le cadre du dernier budget triennal

*** Les autorisations d'engagement relatives aux dépenses d'investissement liées aux opérations de Saint-Brieuc et Villefontaine (soit 37 millions d'euros) seront, le cas échéant, annulées du fait de leur non utilisation. Ceci explique la différence constatée entre le total des autorisations d'engagement prévues pour la réalisation du volet immobilier et celui des crédits de paiement dans le présent tableau

Source : commission des finances (données du ministère de la justice)

Dès lors, il apparaît que le plafond de dépenses arrêté initialement par le Gouvernement s'agissant du volet immobilier de la réforme, soit 375 millions d'euros, a été largement respecté . Il faut, à cet égard, souligner que ce plafond concernait exclusivement les dépenses d'investissement. Les craintes initiales relatives au coût final du volet immobilier se sont donc révélées non fondées , même s'il est nécessaire de reconnaître que la relative faiblesse de l'exécution, au regard de la programmation originelle, est liée à l'annulation d'importantes opérations.

2. ... pour un coût net de 320 millions d'euros

Les cessions d'immeubles judiciaires appartenant à l'État ont permis de dégager des recettes à hauteur de 11,9 millions d'euros. Par conséquent, le coût du volet immobilier, net des produits de cessions, s'élève à 320 millions d'euros .

Comme vos rapporteurs spéciaux l'ont déjà indiqué, peu de recettes étaient attendues de la vente d'immeubles abritant des juridictions supprimées dans le cadre de la réforme ; en effet, l'État n'était que rarement propriétaire de ces derniers, qui étaient essentiellement détenus par les collectivités territoriales.

3. Un amortissement du volet immobilier étalé sur 75 ans ?

Le coût « réel » du volet immobilier de la réforme, soit les dépenses nettes effectivement supportées par l'État, atteint donc 320 millions d'euros pour la période 2008-2017.

Or la différence entre, d'une part, les économies de loyers et de gestion résultant de la mise en oeuvre du volet immobilier et, d'autre part, les dépenses de loyers et les frais de gestion supplémentaires liés aux regroupements de juridictions, fait apparaître un écart de balance total de 4,3 millions d'euros (cf. tableau ci-dessous). Cela signifie qu' à compter de 2017, la réforme de la carte judiciaire permettra de dégager 4,3 millions d'euros d'économies par an liées à l'immobilier .

Éléments financiers 2008-2017 du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire

(en millions d'euros)

Année

Investissements et dépenses
(CP)

Produit des cessions

Dépenses de loyers financiers

Économies de loyers financiers

Frais de gestion

Économies de gestion

Écart de balance

Nombre de sites cédés

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)**

2008

11,8

0,00

0,13

0,33

0,37

0,38

0,21

0

2009

33,97

0,00

1,41

0,34

1,67

4,62

1,88

0

2010

42,55

3,42

1,80

0,09

0,18

3,42

1,53

12

2011

22,73

2,27

0,09

0,00

0,07

0,00

-0,07

7

2012

22,49

1,63

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

5

2013-2017*

198,43

4,54

0,00

0,81

0,00

0,00

0,81

16

TOTAL

331,87

11,86

3,43

1,57

2,29

8,42

4,27

40

* Prévisions

** Écart de balance : (e)=[(b)-(a)]+[(d)-(c)]

Source : commission des finances (données du ministère de la justice)

Aussi les dépenses réalisées dans le cadre du volet immobilier de la réforme seront-elles amorties au terme d'une période de 75 ans .

Toutefois, cette donnée doit être relativisée. En effet, la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour finalité première de réduire les dépenses immobilières des juridictions ; en outre, un volet immobilier financièrement neutre ne pouvait être envisagé, dès lors que la majorité des locaux abandonnés appartenaient aux collectivités territoriales.

Selon le secrétariat général du ministère de la justice, le principal levier d'économies résidait, dans le cadre de la réforme, dans la diminution des dépenses de personnel .

Le rapport de la commission des lois du Sénat sur la réforme de la carte judiciaire précité 31 ( * ) a établi que la réforme de la carte judiciaire avait abouti à la suppression, entre 2008 et 2012, de 80 postes de magistrats et de 428 postes de fonctionnaires en métropole. La Chancellerie a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que ces suppressions représentaient une économie de dépenses de personnel de 23,4 millions d'euros par an 32 ( * ) ; il leur a été précisé que la réduction du nombre d'emplois dans les juridictions avait été rendue possible par le regroupement des juridictions.

Pris dans son ensemble, le bilan financier de la réforme paraît moins défavorable . S'il est tenu compte des autres postes de dépenses, à savoir les mesures sociales adoptées en faveur des personnels et les indemnisations destinées aux avocats 33 ( * ) , le coût total de la réforme approche 358 millions d'euros ; ainsi, celle-ci devrait être amortie au bout de 13 ans .

En tout état de cause, ces durées d'amortissement des coûts de la réforme - aussi théoriques puissent-elles paraître - permettent de mettre en évidence le poids des charges liées aux prises à bail de locaux pérennes, susceptibles d'alourdir le bilan financier du volet immobilier à long terme .

Si ces locations avaient vocation à perdurer, le bénéfice de la moindre exécution du volet immobilier serait perdu en une dizaine d'années , puisqu'à cette échéance, les loyers acquittés conduiraient à un dépassement du plafond de 375 millions d'euros 34 ( * ) .

III. LA MISE EN oeUVRE DU VOLET IMMOBILIER

S'agissant du ministère de la justice, il a été fait le choix de maintenir une gestion du parc immobilier autonome , celle-ci étant restée en dehors du champ de la réforme de la politique immobilière de l'État au niveau déconcentré. Cette réforme a consisté à régionaliser la gestion des dépenses de l'État propriétaire sous l'autorité des préfets de région ; celle-ci a été définie dans deux circulaires du Premier ministre adressées aux ministres et aux préfets en date du 16 janvier 2009 35 ( * ) .

Ainsi, au niveau territorial, les préfets de région sont devenus les représentants de l'État propriétaire. À ce titre, ils sont tenus d'élaborer une stratégie régionale au regard des objectifs de la politique immobilière de l'État en tenant compte des particularités locales. Aussi sont-ils chargés de valider les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) élaborés par les différents préfets de département. Par ailleurs, ils opèrent une mutualisation des crédits relatifs à l'entretien relevant du propriétaire, mais également au financement des opérations immobilières réalisées dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) 36 ( * ) . Outre le ministère de la justice 37 ( * ) , sont toutefois restés hors du périmètre de cette réforme les services du ministère de la défense, les universités, ainsi que la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

La réforme de la politique immobilière de l'État a donc permis d'unifier la gestion des dépenses immobilières relevant du propriétaire, mais surtout de regrouper les expertises pour ce qui est de l'administration du parc immobilier . N'étant pas concernées par ces mutualisations, les juridictions doivent disposer de structures et d'une organisation propres pour assurer le pilotage et la mise en oeuvre de la politique immobilière. Par conséquent, à partir de l'exemple du déploiement du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire, vos rapporteurs spéciaux ont souhaité procéder à l'évaluation de la politique immobilière autonome menée par le ministère de la justice . Dans la mesure où la réforme est désormais terminée, cette évaluation a principalement pour vocation d'identifier les améliorations qui pourraient être apportées à la gestion du parc immobilier par le ministère de la justice et ses services et de livrer une analyse approfondie portant sur un exemple de politique immobilière autonome.

Fondamentalement, la démarche de vos rapporteurs spéciaux a consisté à déterminer si, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, les objectifs de la politique immobilière de l'État avaient été suivis 38 ( * ) :

- diminuer le coût de la fonction immobilière de l'État en allouant aux services des surfaces rationalisées et en cédant les surfaces excédentaires ;

- valoriser le patrimoine immobilier afin de céder les immeubles inadaptés ou devenus inutiles ;

- offrir aux agents et aux usagers des locaux adaptés aux besoins du service public, prenant en compte l'ensemble des normes applicables ;

- favoriser l'offre de logements grâce à la mobilisation du foncier public à l'occasion des cessions foncières induites par les évolutions des besoins des acteurs publics 39 ( * ) .

A. LES RAISONS DU MAINTIEN D'UNE POLITIQUE IMMOBILIÈRE AUTONOME PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE

1. Un parc immobilier judiciaire aux spécificités marquées

Interrogé par vos rapporteurs spéciaux sur les raisons du maintien d'une politique immobilière autonome, le ministère de la justice a indiqué que le parc immobilier judiciaire se caractérisait par « une typologie spécifique à l'activité qu'il héberge sans équivalent dans le parc domanial de l'État » et par le fait qu'il était, en grande partie, mis à disposition par les collectivités territoriales.

Eu égard à ces caractéristiques, le ministère de la justice estime qu'il est nécessaire de « disposer pour [la gestion du parc immobilier judiciaire] d'une connaissance fine à la fois des spécificités physiques de ce patrimoine mais également de l'organisation judiciaire et de ses contraintes en constante évolution », tout cela justifiant l'existence d'une « approche spécifique de la politique immobilière ».

2. Un objectif affiché de rationalisation du parc immobilier

Néanmoins, les éléments de réponse transmis par le ministère de la justice précisent que cette spécificité du parc immobilier judiciaire ne conduit pas à « méconnaître les objectifs de rationalisation de la politique immobilière de l'État ».

À cet égard, s'agissant de la réforme de la carte judiciaire, il a même été indiqué à vos rapporteurs spéciaux que la majorité des opérations immobilières avaient consisté « prioritairement à adapter et rationaliser l'occupation du parc existant ». Ces derniers ont, dès lors, cherché à déterminer dans quelle mesure ce principe avait été observé.

B. LE PILOTAGE DU VOLET IMMOBILIER DE LA RÉFORME

1. Les services en charge du pilotage du volet immobilier

Dans un contexte marqué par la multiplicité des acteurs, le volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire a impliqué la mise en place d'une organisation et d'outils ad hoc pour, d'une part, définir rapidement les différents scenarii immobiliers et assurer le suivi et des opérations et, d'autre part, identifier clairement les missions de chacun des services concernés, à savoir :

- la sous-direction de l'immobilier du secrétariat général, avec son réseau de neufs départements immobiliers (anciennement dénommés antennes régionales de l'équipement) ;

- la sous-direction de l'organisation et du fonctionnement judiciaire , relevant de la direction des services judiciaires, avec son bureau de suivi de l'implantation territoriale et de la sûreté des juridictions ;

- les cours d'appel , les magistrats délégués à l'équipement et les services administratifs régionaux.

La sous-direction de l'immobilier, au-delà du rôle important tenu par les départements immobiliers qui en dépendent, s'est vu confier la responsabilité de la mise en oeuvre du volet immobilier . En ce qui concerne le suivi des opérations, la sous-direction, par le biais du bureau de la programmation et de l'investissement immobilier, a défini un tableau de bord , permettant de suivre l'état d'avancement des opérations et de mesurer le coût global de la réforme. Ce tableau est alimenté pour chaque opération immobilière par une fiche détaillée comprenant les éléments physico-financiers relatifs à celle-ci (calendrier opérationnel, prévision et exécution budgétaires, évolution des coûts, etc.) et renseignée par les départements immobiliers .

La direction des services judiciaires a, quant à elle, organisé et encadré l'ensemble des actions connexes aux opérations immobilières, produisant notamment trois circulaires sur la gestion des archives. Ainsi a-t-elle assuré l'organisation et le financement des déménagements et de l'équipement des juridictions reconfigurées .

Enfin, les cours d'appel ont supporté la mise en oeuvre opérationnelle du volet de la carte judiciaire sous la supervision des chefs de cour et des magistrats délégués à l'équipement assistés, selon les cas, par des équipes spécialisées 40 ( * ) . Il faut toutefois souligner que les opérations immobilières les plus importantes ont été confiées à l' agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) 41 ( * ),42 ( * ) .

Réforme de la carte judicaire

Organigramme immobilier

Source : ministère de la justice

2. La coordination des acteurs du volet immobilier

La conduite du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire a entraîné un travail commun de différents acteurs qu'il était nécessaire de coordonner ; aussi des comités de pilotage ont-ils été institués aux niveaux national et local à cet effet.

À partir de 2010, un comité de pilotage animé, dans un premier temps, par le secrétaire général du ministère de la justice, puis par la direction des services judiciaires s'est réuni mensuellement et a coordonné l'action de l'ensemble des services déconcentrés . En parallèle, et selon une fréquence adaptée aux besoins, des comités de pilotage locaux ont réuni les chefs de cour et leurs représentants avec les différents services du secrétariat général en charge du suivi des projets immobiliers et ceux de la direction des services judiciaires.

Les besoins immobiliers ont été définis au sein des comités de pilotage locaux précités. Les départements immobiliers ont apporté leur expertise immobilière aux chefs de cours qui ont pu proposer, pour leurs juridictions, des schémas d'implantation qui ont ensuite fait l'objet d'une validation par la Chancellerie. En tant que de besoin, la définition des scenarii a fait l'objet d'échanges techniques avec les correspondants de l'administration centrale , à savoir le bureau des études et des opérations immobilières de la sous-direction de l'immobilier. La direction des services judiciaires a également apporté son appui pour la définition des besoins en matière immobilière, s'agissant notamment des normes théoriques d'effectifs et de surfaces.

Il faut enfin souligner que la coordination a reposé sur une centaine de déplacements des services centraux (concernant notamment la sous-direction de l'immobilier et la direction des services judiciaires) dans le ressort des cours d'appel et l'organisation d'une cinquantaine de visioconférences . Ces exercices ont permis d'actualiser les données servant au pilotage, de repérer les difficultés survenant dans le cadre de la mise en oeuvre des opérations immobilières, voire parfois de les anticiper.

3. Un pilotage par la performance ? La question des objectifs et indicateurs
a) Une mesure de la performance focalisée sur la mise en oeuvre des opérations immobilières

Selon le ministère de la justice, la performance du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire a été évaluée au regard de deux objectifs : le respect des délais , permettant l'entrée en vigueur de la réforme aux dates fixées 43 ( * ) , et le respect de la programmation budgétaire .

Le suivi des objectifs a été réalisé à l'aide du tableau de bord mentionné précédemment, qui permet de suivre l'état d'avancement de chaque opération immobilière et de mesurer le coût total de ces dernières.

L'appréciation du critère relatif au respect des délais a été réalisée sous l'angle d' une évaluation des risques traduite par trois couleurs : vert (sans problème), orange (opération réalisable mais comportant des risques de dérapage), rouge (pas de solution immobilière compatible avec les délais, au jour de la mesure). Ce mécanisme simple a permis au comité de pilotage de repérer immédiatement les opérations immobilières sur lesquelles une attention toute particulière était requise. Il a également permis de visualiser au fil du temps l'évolution de la performance globale du programme immobilier.

La mesure de la performance économique (soit le respect de la programmation budgétaire) a reposé sur l'analyse mensuelle de l'évolution à la hausse ou à la baisse des coûts finaux estimés (CFE), au fur et à mesure de l'avancement des études.

Les opérations conduites par l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) font, quant à elles, l'objet d'un suivi spécifique dans le cadre du contrat de performance sur la période 2011-2013 de cet opérateur. Les objectifs fixés portent principalement sur la maîtrise des coûts de construction et de maintenance, des délais de construction et de la qualité des constructions 44 ( * ) . À ces différents objectifs sont associés des indicateurs de performance .

b) L'absence d'indicateur précis relatif au rendement d'occupation des surfaces

L'ensemble des objectifs précités visent à s'assurer du bon déroulement des opérations immobilières (appréhendé en termes de respect des délais et du coût prévisionnel). Toutefois, il ne ressort pas des informations qui ont été communiquées à vos rapporteurs spéciaux que des objectifs chiffrés aient été arrêtés s'agissant de l'optimisation du parc immobilier .

Dans le cadre de la politique immobilière de l'État, le principal indicateur en la matière consiste à mesurer le « rendement d'occupation des surfaces », exprimé en nombre de mètres carrés de surface utile nette (SUN) par poste de travail 45 ( * ) . La cible finale est fixée à 12 mètres carrés par poste de travail 46 ( * ) .

En avril 2008, une circulaire adressée aux chefs de cour d'appel par le secrétariat général du ministère de la justice a précisé les principes à respecter dans les propositions immobilières présentées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire 47 ( * ) . Il s'agissait, en premier lieu, de rechercher la « densification des bâtiments judiciaires », sans pour autant que l'objectif à atteindre ne soit exprimé sous la forme d'une cible chiffrée.

À défaut d'une telle référence pour guider les choix réalisés par les juridictions en matière immobilière, la densification des locaux a difficilement pu s'imposer comme une priorité dans le cadre des opérations liées à la réforme . C'est en tout cas ce que semblent révéler les réponses adressées par les chefs de cour d'appel à vos rapporteurs spéciaux. En effet, du fait du caractère souvent dégradé des bâtiments judiciaires, les principales préoccupations concernaient le « maintien du parc immobilier du ressort [...] en bon état », la nécessité d'« assurer des conditions de fonctionnement normales » aux juridictions, voire d'assurer la sûreté et la sécurité des bâtiments ; de même, certaines contributions mentionnent l'adaptation des locaux pour faire face à l'accroissement du contentieux. Ainsi, lorsqu'elle est citée, la densification du parc immobilier apparaît généralement comme secondaire .

Pourtant, l'objectif de densification ne semble pas entrer en contradiction avec celui de remise aux normes et d'amélioration des locaux. Aussi la fixation d'indicateurs chiffrés s'agissant de l'occupation des surfaces aurait-elle pu fournir un guide utile lors de la conception et de la réalisation des opérations immobilières menées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, permettant de rationaliser la démarche de densification des bâtiments. En tout état de cause, la mise en place de tels indicateurs pourrait s'avérer utile pour structurer la politique immobilière des juridictions, à condition qu'ils soient adaptés aux contraintes spécifiques qui s'imposent à ces dernières.

Car, en effet, les locaux judiciaires ne sont pas soumis à des objectifs et indicateurs de performance (sauf lorsqu'il s'agit de bureaux externalisés). Nombreuses ont été les cours d'appel invoquant la spécificité des activités judiciaires pour justifier ce traitement particulier. Tout d'abord, une part importante des surfaces occupées par les juridictions est dédiée aux salles d'audience, qu'il est peu pertinent de prendre en compte dans le calcul des ratios d'occupation. Ensuite, les bureaux de magistrats peuvent être utilisés pour la tenue d'audiences, ce qui explique qu'ils ne puissent entrer dans la norme de 12 mètres carrés de surface utile nette (SUN) par poste de travail. À titre d'exemple, un juge aux affaires familiales doit disposer des surfaces nécessaires pour accueillir, en même temps, les parties et leurs avocats respectifs. Par ailleurs, en ce qui concerne les activités pénales des juges et substituts menant des audiences de cabinet, vient s'ajouter la nécessité de bénéficier d'une distance minimale entre le bureau et l'emplacement de la personne comparaissant, pour des impératifs de sécurité.

Dès lors, l'objectif de rationalisation de l'occupation des locaux judiciaires peine à se matérialiser . À cet égard, il est intéressant de noter que plusieurs chefs de cour d'appel interrogés sur ce point ont simplement indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'« il n'exist[ait] pas d'indicateur spécifique » pour mesurer la performance de la gestion immobilière de leur ressort ; d'autres ont fait mention d'objectifs et d'indicateurs ne présentant aucun rapport avec la densification des bâtiments.

Évidemment, la pratique fait apparaître une attention réelle à la rationalisation de l'utilisation des locaux . Comme l'ont souligné Philippe Ingall-Montagnier et Alain Nuée, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Versailles, « l'optimisation des surfaces dédiées au fonctionnement des juridictions et leurs coûts d'entretien sont [...] intégrés dans la politique immobilière du ressort, compte tenu de l'insuffisance des crédits au regard des besoins ». Pour autant, les politiques retenues ne sont pas uniformes selon les cours d'appel ; alors que certaines considèrent comme impossible l'application de la cible de 12 mètres carrés par poste de travail aux bureaux judiciaires, d'autres, comme la cour d'appel d'Orléans, indiquent retenir cet objectif s'agissant des locaux à usage de bureaux.

Par conséquent, en substitut à la cible de 12 mètres carrés de surface utile nette (SUN) par poste de travail applicable aux locaux à usage de bureaux de l'État, le ministère de la justice pourrait établir un référentiel fixant, pour chaque catégorie de locaux judiciaires (bureaux simples, bureaux utilisés pour la tenue d'audiences, etc.), des objectifs différenciés d'occupation des surfaces . De cette manière, il serait possible de concilier les contraintes inhérentes à l'activité judiciaire et la nécessité de disposer de cibles chiffrées s'agissant de la rationalisation du parc immobilier ; ces dernières présentent, en effet, un caractère mobilisateur et permettent de structurer la politique immobilière des juridictions.

En outre, un indicateur pourrait être institué pour mesurer la réalisation de ces objectifs différenciés et intégré à la mesure de la performance du programme n° 166 « Justice judicaire » de la mission « Justice » (qui ne comporte, à ce jour, ni objectifs ni indicateurs de performance rattachés à la gestion du parc immobilier).

Si une politique immobilière autonome peut se justifier eu égard aux spécificités des locaux ou des activités concernés, celle-ci ne doit pas sortir de la démarche de performance qui a sous-tendu la mise en place d'une politique immobilière de l'État unifiée. Aussi vos rapporteurs spéciaux estiment-ils que, concernant le parc immobilier judiciaire, les objectifs et indicateurs de performance ne doivent pas être écartés mais adaptés aux contraintes de la justice . Une telle logique pourrait d'ailleurs trouver à s'appliquer à l'ensemble des ministères et administrations ayant conservé une gestion propre de leur patrimoine immobilier.

Recommandation n° 1 : établir un référentiel fixant, pour chaque catégorie de locaux judiciaires, des objectifs différenciés d'occupation des surfaces.

Recommandation n° 2 : instituer un indicateur mesurant la réalisation des objectifs arrêtés en matière d'occupation des surfaces accueillant des locaux judiciaires, intégré à la mesure de la performance du programme n° 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice ».

C. LA RÉALISATION DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

1. La gestion opérationnelle des opérations immobilières
a) Les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice

Les cours d'appel ont assuré la mise en oeuvre opérationnelle du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Aussi les chefs de cour ont-ils bénéficié, par le biais des départements immobiliers 48 ( * ) , de services de proximité composés de professionnels de la construction (ingénieurs, architectes, techniciens, etc.), dont la taille « permet d'allier souplesse et réactivité », pour reprendre les termes utilisés par le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Versailles. Leur rôle est, principalement, d'accompagner les cours d'appel dans le pilotage des travaux d'envergure.

Les contributions des cours d'appel adressées à vos rapporteurs spéciaux montrent que les chefs de cour portent un regard positif sur l'action des départements immobiliers développée dans le cadre de la réforme, mais aussi de manière plus générale. Ainsi, Jean-Yves McKee, premier président de la cour d'appel de Chambéry, et Olivier Rothé, procureur général près la même cour, estiment que « le bilan est globalement positif dans la mesure où le chargé d'opération [du département immobilier] connaît parfaitement la cour d'appel [...] de par ses fréquents déplacements sur site » et ils ajoutent que celui-ci « répond, en outre, toujours dans des délais très satisfaisants aux sollicitations et demandes d'avis divers qui lui sont régulièrement adressées ».

Cependant, il a été indiqué à vos rapporteurs spéciaux, et ce à plusieurs reprises, que les moyens des départements immobiliers étaient insuffisants pour accompagner efficacement les cours d'appel . À cet égard, Jean-François Lorans et Alain Mombel, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Limoges, jugent que « le département immobilier [...] dispose d'un effectif insuffisant compte tenu de son ressort très vaste (cours d'appel de Bordeaux, Poitiers et Limoges), de l'importance et de l'ancienneté du parc immobilier judiciaire, du nombre d'opérations menées simultanément ». Aussi pourrait-il être nécessaire, à terme, de renforcer ces structures afin de compenser la baisse progressive de l'assistance des directions départementales des territoires (DDT) aux juridictions en matière de conduite de travaux 49 ( * ) .

b) Les services immobiliers des cours d'appel

(1) Les magistrats délégués à l'équipement

La gestion quotidienne du parc immobilier des juridictions relève, quant à elle, des services chargés des questions immobilières dans les cours d'appel. Ces derniers ont donc assuré, en collaboration avec les départements immobiliers, la préparation et la mise en oeuvre concrète de 430 opérations immobilières 50 ( * ) (portant sur 138 millions d'euros de dépenses d'investissement), pérennes ou provisoires, dans le cadre de la réforme. Ces derniers sont placés sous la supervision, dans chaque cour d'appel, d'un magistrat délégué à l'équipement . Celui-ci assure la fonction d'interface entre les juridictions et les départements immobiliers pour exercer les éventuels arbitrages sur les besoins exprimés, ainsi que le suivi des études et l'organisation des travaux. Le magistrat délégué à l'équipement constitue, en quelque sorte, le trait d'union entre l'institution judiciaire et la fonction immobilière 51 ( * ) ; il incarne l'« utilisateur » des bâtiments et s'assure que ces derniers répondent aux besoins de l'activité judiciaire. Aussi Philippe Ingall-Montagnier et Alain Nuée, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Versailles, considèrent-ils comme indispensable « l'expertise du magistrat délégué à l'équipement, en charge du suivi budgétaire et des marchés publics ».

Cependant, comme le soulignent, à juste titre, le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Chambéry, le magistrat délégué à l'équipement n'est « pas un homme de l'art et [exerce] ses attributions en la matière en sus de ses autres tâches » 52 ( * ) . Au regard du rôle joué par ce dernier en matière immobilière, il est donc nécessaire qu'il dispose d'une réelle expertise immobilière et qu'il soit assisté de spécialistes en la matière.

Or, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que le catalogue de la formation continue de l'École nationale de la magistrature (ENM) pour l'année 2013 ne faisait apparaître aucune formation concernant les problématiques immobilières à destination des magistrats, alors que de nombreux enseignements portent sur l'« administration de la justice » et touchent, entre autres, au contrôle et au pilotage du fonctionnement des juridictions 53 ( * ) . Il serait, par conséquent, utile de mettre en place un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine et, en particulier, des magistrats délégués à l'équipement, si besoin en collaboration avec d'autres administrations. Une connaissance plus fine des problématiques immobilières par les magistrats pourrait, en effet, permettre une meilleure appréhension des besoins et faciliter la coordination avec les agents en charge de l'immobilier au sein des juridictions ou des directions immobilières.

Recommandation n° 3 : instituer un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine, notamment des magistrats délégués à l'équipement.

(2) Les techniciens immobiliers

Les services administratifs régionaux (SAR) des cours d'appel comportent, généralement, des équipes spécialisées dans la gestion et l'entretien du parc immobilier. La composition de ces équipes est variable. Le plus souvent, elles ne comportent qu'un technicien immobilier , qui peut d'ailleurs avoir une formation d'architecte.

Il est apparu à vos rapporteurs spéciaux que les techniciens immobiliers constituaient des éléments essentiels de la bonne mise en oeuvre de la politique immobilière des juridictions . Leur action apparaît, à bien des égards, comme un levier de rationalisation de la gestion du parc immobilier et d'économies.

Tout d'abord, leur expertise leur permet de dialoguer avec les maîtres d'oeuvre et les entreprises du bâtiment intervenant dans les implantations judiciaires. Le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Versailles estiment que cette intervention du technicien immobilier permet la réalisation d'« économies substantielles et [l']amélioration qualitative des opérations programmées » ; ils considèrent que « cette plus-value serait certainement moindre si une telle fonction devait être exercée dans le cadre d'une plateforme interrégionale ». Aussi l'efficacité des techniciens immobiliers semble-t-elle résulter tant de leur compétence que de leur proximité du terrain .

Ensuite, les techniciens immobiliers sont les plus à même d'instituer une gestion prévisionnelle des opérations d'entretien , qui permet de réduire substantiellement les dépenses immobilières. À ce titre, il faut souligner que la majorité des gestionnaires de parcs du secteur privé ont adopté la méthode des ratios APOGEE 54 ( * ) pour conduire leur stratégie de maintenance patrimoniale. Cette méthode est utile à l'établissement d'une programmation annuelle des crédits dédiés à l'entretien, dont le volume est déterminé selon l'âge du bâtiment (cf. tableau ci-contre).

Montant annuel à consacrer aux grosses réparations

Âge du bâtiment

Montant estimatif des grosses réparations

1 à 5 ans

0,16 % du coût de la construction

6 à 10 ans

0,32 % du coût de la construction

11 à 15 ans

0,64 % du coût de la construction

16 à 20 ans

1,28 % du coût de la construction

Source : document de politique transversale sur la « Politique immobilière de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2013

Elle permet de ne dépenser sur 20 ans que 12 % du coût de la construction de l'immeuble pour en maintenir la capacité, alors que l'absence de grosses réparations sur la période aboutit à dépenser, au bout de 20 ans, une somme correspond au tiers du coût initial du bâtiment .

Les administrations publiques recourent désormais à la méthode des ratios APOGEE 55 ( * ) . Néanmoins, son application implique de disposer d'une connaissance fine du parc immobilier et d'être en mesure de programmer et mettre en oeuvre les opérations d'entretien des bâtiments .

Dans les cours d'appel, seuls les techniciens immobiliers sont susceptibles de réunir l'expertise et les connaissances nécessaires à la mise en oeuvre d'une gestion prévisionnelle du patrimoine immobilier efficace. À titre d'exemple, la cour d'appel de Versailles s'est engagée, depuis plus de deux ans, dans la conception d'un « carnet de santé » pour chacun de ses bâtiments ; ce document synthétise l'ensemble des données pertinentes relatives à l'immeuble concerné : dimensions, surfaces, récapitulatif des travaux effectués depuis plusieurs années et inventaire de ceux à réaliser d'urgence.

Si cette approche mériterait d'être généralisée dans l'ensemble des cours d'appel, son développement se heurte à une présence très inégale des responsables de la gestion immobilière selon les ressorts . Ainsi, dans nombre de cas, les cours d'appel ne disposent pas de techniciens immobiliers comme, par exemple, celles de Bourges, Caen, Riom, Aix-en-Provence ou encore d'Agen. Cette situation laisse penser que des marges de progression existent en ce qui concerne la rationalisation des dépenses immobilières des juridictions . Jean-François Thony, procureur général près la cour d'appel de Colmar a, à cet égard, souligné que « pour réaliser une politique immobilière efficace et efficiente dans le ressort, il conviendrait de disposer d'une cellule à la cour d'appel qui traiterait de tous les aspects immobiliers des juridictions ».

C'est pourquoi, vos rapporteurs spéciaux considèrent comme souhaitable un renforcement de la présence des équipes chargées de la gestion et de l'entretien du parc immobilier dans les cours d'appel ou, à tout le moins, que chaque cour puisse bénéficier de l'expertise d'un technicien immobilier.

Cependant, conscients des contraintes budgétaires actuelles, vos rapporteurs spéciaux souhaitent insister sur le fait qu'il existe des alternatives aux créations de postes pures et simples . Ainsi, l'expérience des cours d'appel de Metz et Nancy, qui bénéficient, à temps partagé, des services d'un même technicien immobilier, a montré qu'il était possible de mutualiser efficacement les personnels chargés de la gestion immobilière . Cette démarche de mutualisation pourrait permettre, par ailleurs, d'étoffer les équipes et donc les compétences dont bénéficient les cours d'appel.

Recommandation n° 4 : renforcer la présence des personnels chargés de la gestion et de l'entretien du patrimoine immobilier dans les cours d'appel par le biais de mutualisations.

Enfin, les techniciens immobiliers pourraient se voir attribuer une fonction dont le développement apparaît nécessaire : la centralisation de la « mémoire » des opérations immobilières .

En effet, à ce jour, trop peu de documents relatifs à ces opérations, qu'il s'agisse de constructions nouvelles ou de travaux de rénovation, font l'objet d'une collecte systématique ; or, cette situation induit de nombreux coûts inutiles (notamment du fait de la rotation des personnels en charge des questions immobilières dans les cours d'appel).

C'est pourquoi, il semblerait opportun qu' une réflexion soit engagée afin d'identifier la nature des documents dont la conservation est essentielle et de définir la procédure selon laquelle ces derniers sont recueillis au sein des cours d'appel . Celle-ci pourrait, en outre, porter sur le développement de logiciels permettant le suivi des opérations de maintenance ; en effet, certaines cours d'appel se sont engagées de manière autonome sur cette voie, alors que le développement de tels outils au niveau national serait moins coûteux et permettrait leur diffusion à l'ensemble des ressorts.

Recommandation n° 5 : engager une réflexion tendant au développement d'une « mémoire » des opérations immobilières au sein des cours d'appel.

c) L'agence pour l'immobilier de la justice

L'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) a vocation à prendre en charge les opérations les plus complexes. Aussi l'opérateur s'est-il vu confier 9 opérations 56 ( * ) en maîtrise d'oeuvre directe au titre de la réforme de la carte judiciaire , pour un montant estimé à 167,8 millions d'euros, portant sur :

- quatre nouvelles constructions (à Bourg-en-Bresse, Limoges, Saint-Malo et Béziers) ;

- quatre restructurations ou extensions (à Lons-le-Saunier, Périgueux, Quimper et Lisieux) ;

- une acquisition-restructuration (à Haguenau).

L'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ)

Créé sous le nom d' agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ), cet établissement public administratif est rapidement monté en charge, à partir du 1 er janvier 2002, pour permettre la mise en oeuvre de la loi de programmation pour la justice (LOPJ) couvrant la période 2002-2007. Ses missions ont été élargies en 2004 au montage de contrats et projets en partenariat public-privé 57 ( * ) et à la possibilité d'assurer la maîtrise d'ouvrage de plein exercice. Les statuts de l'opérateur ont été modifiés afin de prendre acte de l'élargissement de ses compétences 58 ( * ) .

L'établissement public a été autorisé à réaliser les projets immobiliers qui lui sont confiés sous toutes les formes de la commande publique (maîtrise d'ouvrage, conception-réalisation et contrats de partenariat). Ses missions ont également été étendues à l'expertise, à l'assistance et au conseil techniques du ministère de la justice.

L'agence a changé de nom en 2010 pour devenir l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) 59 ( * ) .

Elle met, par ailleurs, une partie de ses personnels et matériels au service des missions de l'établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP).

En 2011, les effectifs de l'APIJ atteignaient 109,9 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en moyenne annuelle, se répartissant entre agents contractuels (50 %) et fonctionnaires (50 %) ; son budget exécuté a alors atteint 10,75 millions d'euros, dont 7,73 millions d'euros pour les charges de personnel.

La même année, l'agence gérait un portefeuille d'opérations d'environ 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), comprenant 26 opérations judiciaires (dont deux en contrat de partenariat) et 32 opérations pénitentiaires (dont neuf en contrats de partenariat).

Sources : contrat de performance de l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) sur la période 2011-2013, compte de résultats 2011 de l'agence et rapport d'activité de l'agence pour l'année 2011

Toutefois, il est trop tôt pour que vos rapporteurs spéciaux puissent livrer une évaluation approfondie de l'action menée par l'APIJ dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. En effet, selon les indications de le ministère de la justice, ce n'est qu'en 2012 que sont passées « en phase opérationnelle [les] opérations confiées à l'APIJ » , même si près de 67 millions d'euros avaient été d'ores et déjà engagés au cours de la période 2008-2011 (cf. le tableau ci-dessous).

C'est pour cette raison, sans doute, que vos rapporteurs spéciaux ne se sont vus transmettre aucun élément d'appréciation précis portant sur les opérations gérées par l'agence.

Coût des opérations confiées à l'APIJ dans le cadre
de la réforme de la carte judiciaire sur la période 2008-2011

(en millions d'euros)

Année

Autorisations d'engagement

2008

7,4

2009

9,3

2010

44,4

2011

5,9

TOTAL (2008-2011)

67,0

Note : vos rapporteurs spéciaux ne disposent pas de données précises sur la période postérieure à 2011 ; toutefois, eu égard à la programmation retenue, 100,8 millions d'euros restent à engager.

Source : ministère de la justice

2. La fonction de soutien des services de l'État
a) Les directions départementales des territoires

Les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice se sont appuyés sur les services de construction publique des directions départementales des territoires (DDT) dans le cadre du protocole d'accord entre le ministère de la justice et le ministère chargé de l'équipement .

Héritières des directions départementales de l'équipement (DDE), les DDT apparaissent, à bien des égards, comme « les constructeurs légitimes de l'État », pour reprendre les termes de Dominique Lottin et Olivier de Baynast de Septfontaine, première présidente et procureur général de la cour d'appel de Douai. C'est pourquoi, les DDT assurent une assistance aux départements immobiliers pour la conduite des opérations immobilières programmées dans les implantations judiciaires, voire conduisent directement les travaux . En outre, ces directions disposent d'une connaissance particulièrement fine des bâtiments et terrains détenus par les collectivités publiques dans les départements, apportant une aide aux cours d'appel dans la recherche de biens immobiliers, etc.

Vos rapporteurs spéciaux ont, toutefois, relevé que l'engagement des directions départementales des territoires auprès des directions immobilières et des cours d'appel était très variable selon les ressorts. Nombre de chefs de cour mentionnent une baisse sensible de l'assistance des DDT, qu'ils attribuent à la réduction des moyens alloués à ces directions . Plus radicalement, Catherine Husson-Trochain et Jean-Marie Huet, première présidente et procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ont déclaré que les directions départementales des territoires « se sont, à ce jour, totalement désengagées ».

En tout état de cause, il semblerait que le co-pilotage des opérations immobilières par les DDT et les départements immobiliers soit source de difficultés . En effet, ce dédoublement des responsabilités provoque un allongement des circuits d'élaboration des marchés publics et d'enregistrement des factures dans le progiciel de gestion intégré Chorus 60 ( * ) . Ainsi un magistrat délégué à l'équipement interrogé a-t-il accusé la « perte de temps », la « dilution des responsabilités » et les « erreurs de conception » résultant de la direction partagée des opérations entre les départements immobiliers et les DDT. Face à ce constat, Philippe Ingall-Montagnier et Alain Nuée, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Versailles, ont indiqué que « le degré de coordination mériterait d'être renforcé, afin d'éviter, dans le cadre d'opérations importantes, des retards et dysfonctionnements préjudiciables ».

Enfin, certains responsables des affaires immobilières de cours d'appel ont insisté sur la nécessité de disposer d'un « interlocuteur unique », identifié comme tel par les entreprises, afin d'exercer un contrôle constant sur la qualité de réalisation des travaux et inscrivant son action dans la durée. Or, l'intervention conjointe des DDT et des départements immobiliers freine l'émergence d'un tel interlocuteur.

Au regard de ces différents éléments, il paraît dorénavant nécessaire d'envisager une évolution des modalités de coopération entre les départements immobiliers et les directions départementales des territoires .

En effet, les compétences jusqu'à présent détenues par les DDT sont indispensables à la gestion efficace du parc immobilier des juridictions. Dans certains cas, les tâches de conduite d'opération ont pu être confiées à des prestataires privés . Toutefois, comme l'ont indiqué certains responsables de services immobiliers du ministère de la justice à vos rapporteurs spéciaux, le recours à des prestataires privés ne peut qu'être ponctuel et concerner des opérations de faible ampleur ; en outre, de telles délégations impliquent la mise en place de fonctions de pilotage et de contrôle qui peuvent se révéler coûteuses en matière de travaux. Aussi l'externalisation totale des fonctions assurées par les DDT ne semble-t-elle pas constituer la meilleure solution . D'autant que les départements immobiliers disposent d'ores et déjà des compétences nécessaires à la maîtrise d'ouvrage et à la conduite d'opération. Par conséquent, le retrait progressif des DDT semble plutôt appeler à un renforcement, probablement limité, des départements immobiliers .

Recommandation n° 6 : renforcer les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice et mieux encadrer les délégations de conduite d'opération confiées aux directions départementales des territoires.

b) Le service France Domaine

Eu égard à l'importance du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire, le ministère de la justice et le ministère en charge du budget ont souhaité mettre en place une action commune visant permettre un examen approfondi des projets immobiliers proposés dans le cadre de la réforme. Les modalités de cette procédure ont été précisées dans une circulaire conjointe du 14 octobre 2009. Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux par le ministère de la justice, les deux finalités de cette action commune étaient de réduire le coût des opérations au regard des « objectifs de performance immobilière et d'utilisation rationnelle du patrimoine de l'État et d'en garantir la date de livraison ».

Ainsi, ce processus visait à s'assurer que les projets menés par les départements immobiliers prenaient en compte les objectifs de rationalisation du parc immobilier fixés dans le cadre de la politique immobilière de l'État. Les services locaux de France Domaine ont donc été saisis par les services déconcentrés du ministère de la justice pour un examen commun des projets envisagés , et ce au regard de quatre critères :

- l'optimisation des locaux occupés par les juridictions concernées ;

- la recherche du patrimoine domanial disponible ;

- l'opportunité d'une prise à bail ;

- la recherche d'une solution pérenne en acquisition de terrain à construire ou d'immeuble.

Dans la pratique, l'établissement de cette procédure concertée a permis la délivrance de l'avis domanial par France Domaine dans des délais rapprochés dans le cadre des opérations engagées.

La présence des services de France Domaine auprès des cours d'appel va bien au-delà des seules conception et mise en oeuvre du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Les évaluateurs de France Domaine peuvent, en effet, apporter à ces dernières une aide quant aux choix de biens immobiliers , bâtiments ou terrains.

Seulement, en dépit de l'importance de leurs missions, il n'est pas certain que les services de France Domaine soient pleinement en mesure de les accomplir. Comme l'ont souligné le premier président et le procureur général de la cour d'appel de Versailles, « malgré la bonne volonté et le savoir faire des agents de ces services, leurs capacités de conseil sont néanmoins limitées au quotidien, du fait du caractère restreint des effectifs et de l'ampleur des missions domaniales prises en charge ».

Enfin, les cours d'appel, s'agissant de la gestion de leur parc, peuvent également bénéficier de l'assistance des responsables du patrimoine immobilier de l'État (RPIE), rattachés au préfet de chaque département. À titre d'exemple, dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les RPIE interviennent « ponctuellement [...] pour les audits énergétiques et propose[nt] de faire bénéficier le ressort de leurs marchés [...] pour l'entretien immobilier ».

D. LE VOLET IMMOBILIER DE LA RÉFORME À L'AUNE DES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

1. La réduction des surfaces occupées par les juridictions

La réforme de la carte judiciaire a entraîné la restitution de 80 000 mètres carrés de locaux aux collectivités territoriales. En outre, 15 000 mètres carrés de bâtiments appartenant à l'État ont été cédés et 7 300 mètres carrés sont encore en cours de cession. Au total, du fait de la réforme, les juridictions ont donc abandonné près de 102 300 mètres carrés de locaux .

Dans le même temps, des surfaces de 18 331 mètres carrés ont été acquises 61 ( * ) et 20 691 mètres carrés ont été prises à bail de manière pérenne.

Ainsi, la réforme de la carte judiciaire a permis de réduire de 63 278 mètres carrés les surfaces occupées par les juridictions .

En dépit de l'absence d'objectifs et d'indicateurs de performance liés à la densification des locaux, comme vos rapporteurs spéciaux l'ont mis en évidence précédemment, la réforme paraît donc être la cause principale de la diminution des surfaces utilisées par l'ensemble des juridictions au cours des dernières années ; entre 2008 et 2011, ces dernières ont été réduites de 76 525 mètres carrés (cf. tableau de la page suivante).

Évolution des surfaces occupées par les juridictions (2008-2011)*

Année

Surfaces occupées (en m²)

Variation annuelle

2008

2 550 248

-

2009

2 525 040

-0,99 %

2010

2 459 136

-2,61 %

2011

2 473 683

+0,59 %

Variation 2008/2011

- 76 525

-3,00 %

* Ce tableau concerne l'évolution des surfaces de toutes les juridictions, y compris celles non concernées par la réforme de la carte judiciaire

Sources : données du ministère de la justice

2. Une amélioration de la qualité du parc immobilier

De manière générale, les chefs de cour consultés ont indiqué que les travaux engagés dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire avaient permis d' améliorer la qualité du parc immobilier des juridictions .

Ainsi, comme l'indiquent Jean-Yves McKee et Olivier Rothé, respectivement premier président et procureur général de la cour d'appel de Chambéry, les opérations réalisées ont permis aux personnels de bénéficier de « meilleures conditions de travail » , les locaux étant notamment « mieux adaptés à leur volume d'activité ». Néanmoins, dans certains cas, il semblerait que les conditions de travail des personnes appartenant aux juridictions « accueillantes » aient pu être légèrement dégradées du fait de la densification des espaces de travail.

De même, de réels efforts ont été accomplis en faveur de l'accueil du public . Aussi, à titre d'exemple, des guichets uniques de greffe (GUG) ont-ils pu être mis en place dans les palais de justice de Chambéry et d'Angers. En outre, les travaux effectués ont permis d' améliorer l'accessibilité des locaux , notamment pour les personnes à mobilité réduite ; ainsi, à cet effet, un ascenseur a été installé dans le tribunal d'instance de Montargis.

Enfin, les opérations entreprises ont autorisé la mise aux normes des bâtiments judiciaires , et ce tant au regard de la sécurité incendie que de la sûreté, etc.

3. Les conclusions de l'évaluation

Vos rapporteurs spéciaux ont déjà rappelé les objectifs de la politique immobilière de l'État 62 ( * ) :

- diminuer le coût de la fonction immobilière de l'État en allouant aux services des surfaces rationalisées et en cédant les surfaces excédentaires ;

- valoriser le patrimoine immobilier afin de céder les immeubles inadaptés ou devenus inutiles ;

- offrir aux agents et aux usagers des locaux adaptés aux besoins du service public, prenant en compte l'ensemble des normes applicables ;

- favoriser l'offre de logements grâce à la mobilisation du foncier public à l'occasion des cessions foncières induites par les évolutions des besoins des acteurs publics.

S'agissant de la réforme de la carte judiciaire, force est de constater que la mise en oeuvre de son volet immobilier s'est effectuée de manière relativement conforme à ces objectifs. En effet, celle-ci a permis de densifier les surfaces occupées par les juridictions , réduisant ces dernières de 63 278 mètres carrés.

De même, la réforme a été l'occasion d' améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil du public , et ce notamment grâce à une remise aux normes des locaux concernés.

Vos rapporteurs spéciaux ont également constaté que, bien que cet objectif ne puisse être effectivement retenu en ce qui concerne les juridictions, l'abandon d'implantations judiciaires avait pu, dans certains cas, favoriser l'offre de logements , comme l'a montré l'exemple du tribunal d'instance de Cernay, acquis par une association offrant des logements à loyer très social.

Le bilan financier du volet immobilier de la réforme est, quant à lui, ambivalent. En effet, les économies de gestion et de loyers permises par les regroupements de juridictions permettront, à compter de 2017, de dégager 4,3 millions d'euros d'économies par an 63 ( * ) . Cependant, les opérations menées, loin d'être neutres, ont représenté un coût net de 320 millions d'euros 64 ( * ) , ce qui induit une durée d'amortissement particulièrement longue. Mais il faut rappeler que la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions , le principal levier d'économies résidant, dans le cadre de cette réforme, dans la diminution des dépenses de personnels ; aussi, comme l'a indiqué le secrétariat général du ministère de la justice à vos rapporteurs spéciaux, l'État a-t-il « investi dans l'immobilier des juridictions ».

En tout état de cause, le principal enjeu est de consolider l'acquis . Le déploiement du volet immobilier de la réforme étant en grande partie achevé, il convient désormais de s'assurer de la mise en oeuvre d'une gestion efficiente des nouvelles implantations immobilières des juridictions . Néanmoins, la réalisation de cet objectif pourrait se heurter, dans les faits, à une gestion du parc immobilier du ministère de la justice qui présente d'importantes insuffisances.

E. UNE GESTION DE L'ENTRETIEN DES BÂTIMENTS JUDICIAIRES À CONSOLIDER

1. Le prix d'une gestion immobilière « court-termiste »

Le bon accomplissement du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire ne doit pas conduire à occulter les lacunes constatées par vos rapporteurs spéciaux dans le cadre de leurs travaux s'agissant de la gestion immobilière des implantations judiciaires. Les principales insuffisances relevées concernent la programmation et la réalisation des opérations d'entretien des locaux . En effet, ces dernières semblent affectées d'un biais « court-termiste » qui se traduit par des surcroîts de dépenses.

a) Une programmation insuffisante des travaux d'entretien

Vos rapporteurs spéciaux ont précédemment montré que la programmation des opérations d'entretien des bâtiments constituait un levier majeur d'économies 65 ( * ) . Toutefois, la pratique semble révéler d'importantes déficiences s'agissant de la programmation de telles opérations .

À cet égard, un magistrat délégué à l'équipement interrogé a jugé que la politique d'entretien de l'immobilier judiciaire relevait de la « gestion de crise et d'urgence, sans les outils adaptés ». En effet, la majeure partie des travaux d'entretien sont réalisés parce qu'ils sont devenus absolument nécessaires ; les opérations engagées à titre préventif demeurent l'exception, alors même qu'elles permettraient de réduire les coûts. Ainsi, les fenêtres de la cour d'appel de Versailles ont dû être récemment remplacées pour un montant total de 1,4 million d'euros ; pourtant, de tels travaux auraient pu être évités s'il avait été procédé à un entretien régulier de celles-ci.

En outre, il faut souligner que les budgets de fonctionnement des juridictions sont insuffisants pour faire face à des travaux d'un montant élevé qui n'auraient pas été programmés 66 ( * ) . Aussi ces dernières sont-elles tributaires, dans de tels cas, de l'octroi de crédits supplémentaires ; cela peut conduire à ce que les locaux concernés soient rendus inutilisables tout au long du délai d'attribution de ces dotations.

La politique d'entretien de l'immobilier judiciaire, telle qu'elle est menée à ce jour, n'est donc pas satisfaisante. L'insuffisante programmation des travaux aboutit à des surcoûts et est susceptible de nuire au bon fonctionnement des juridictions .

Dans ces conditions, vos rapporteurs spéciaux estiment nécessaire la définition, par les juridictions et en collaboration avec les départements immobiliers, de plans pluriannuels des opérations d'entretien immobilier ; à cet effet, des diagnostics devraient être régulièrement réalisés de manière à identifier les travaux d'entretien devant être exécutés dans les années à venir. Dès lors, les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien des juridictions seraient déterminés sur une base pluriannuelle à partir de ces plans . De cette manière, une programmation effective des opérations d'entretien des bâtiments pourrait être instituée.

Toutefois, comme cela a déjà été indiqué, la mise en place d'une telle programmation implique nécessairement de renforcer la présence des personnels chargés de la gestion et de l'entretien du patrimoine immobilier dans les cours d'appel 67 ( * ) .

Recommandation n° 7 : définir, pour chaque cour d'appel, un plan pluriannuel des opérations d'entretien immobilier, permettant de programmer les dépenses d'entretien des bâtiments.

b) L'évaluation des coûts d'entretien des constructions nouvelles

Les dépenses d'entretien immobilier constituent une part substantielle des budgets de fonctionnement des juridictions. Or, il est apparu à vos rapporteurs spéciaux que les choix architecturaux retenus s'agissant des locaux judiciaires pouvaient avoir une incidence majeure sur les coûts d'entretien de ces derniers . En effet, certaines caractéristiques monumentales induisent des dépenses supplémentaires qui sont, souvent, mal anticipées et finissent par peser sur l'enveloppe budgétaire des juridictions.

Il en va ainsi des ensembles immobiliers intégrant des structures en verre . Dans le cas du tribunal de grande instance de Nanterre, relevant du ressort de la cour d'appel de Versailles, le seul entretien de ces structures représente un coût annuel 70 000 euros. Outre le fait que les constructions en verre requièrent des opérations de maintenance particulièrement complexes et coûteuses, ne serait-ce que pour assurer leur nettoyage, ces dernières font l'objet de dégradations récurrentes qui impliquent l'exécution répétée de réparations.

Aussi, dans la mesure où les constructions de nouveaux palais de justice semblent favoriser les structures en verre, conçues comme des symboles de transparence et d'ouverture, il paraît nécessaire que les dépenses d'entretien inhérentes à ces nouveaux ensembles immobiliers soient pleinement anticipées . Ce principe pourrait trouver à s'appliquer au futur palais de justice de Paris dont la livraison est prévue pour 2017. En effet, le projet retenu, conçu par Renzo Piano, consiste en une tour étagée de 156 mètres de hauteur, abritant une surface de 61 500 mètres carrés environ, dotée d'une façade en verre. À cet égard, le choix d'une structure en verre participe, sans aucun doute, au montant élevé des loyers qui devront être versés par l'État à la société qui s'est vue confier le contrat de partenariat relatif au financement, à la construction et à l'exploitation-maintenance du futur palais de justice (cf. infra ).

Le futur palais de justice de Paris 68 ( * )

Le 29 avril 2009, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait annoncé la décision d'implanter le futur palais de justice de Paris sur le site de la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles.

À la suite d'une phase de préparation et de consultation, l'établissement public du palais de justice de Paris a signé, le 15 février 2012, avec la société de projet Arélia un contrat de partenariat ; ce dernier prévoit l'attribution au groupement, dont Bouygues Bâtiment Île-de-France est mandataire, d'une mission globale comprenant le financement, la conception, la construction, l'entretien et la maintenance du palais de justice pendant 27 ans, ainsi que des services associés à la vie du futur ouvrage, tels que la sécurité incendie et l'accueil.

Selon Christiane Taubira, ministre de la justice, le contrat de partenariat conclu prévoit un investissement de 671 millions d'euros et un loyer annuel moyen de 90 millions d'euros - celui-ci devrait être de 84 millions d'euros la première année et atteindrait 114 millions d'euros par la suite. Ainsi, au terme de la durée du contrat, soit 27 ans, le coût total pour l'État de l'opération devrait être de 2,7 milliards d'euros 69 ( * ) . Toutefois, au cours du mois de janvier 2013, la ministre de la justice a annoncé vouloir procéder à une renégociation des termes du contrat de partenariat afin d'en réduire le coût final.

Le début des travaux est prévu pour le second semestre 2013 et la mise en service du nouveau palais de justice pour 2017.

Dès lors que les coûts d'entretien des bâtiments, du fait de leur importance, présentent une incidence substantielle sur le bilan financier des constructions immobilières, il paraît essentiel de disposer d'une évaluation précise des dépenses prévisionnelles d'entretien, et ce préalablement à la procédure de sélection du projet afin d'en tirer toutes les conséquences utiles . De cette manière, la programmation des budgets de fonctionnement serait également améliorée. Cette évaluation des coûts d'entretien pourrait se faire sur la base des constructions existantes présentant des caractéristiques similaires aux projets envisagés.

Recommandation n° 8 : établir, préalablement à la sélection de tout projet de construction nouvelle, une évaluation précise des dépenses prévisionnelles d'entretien.

2. La mutualisation et l'externalisation : des leviers d'économies en matière d'entretien et de gestion du parc immobilier ?

Le maintien d'une politique immobilière autonome par le ministère de la justice semble s'être traduit par le développement d' une gestion isolée des bâtiments et de leur entretien courant par les juridictions .

En effet, le recours à la mutualisation paraît, en la matière, relever de l'exception . Ainsi, au sein de la cour d'appel de Versailles, les achats de biens et services participant à la gestion et à l'entretien courant du parc immobilier sont gérés au niveau du ressort ou des juridictions, mais ne font l'objet d'aucune mutualisation, notamment avec les autres services de l'État. De même, il a été indiqué à vos rapporteurs spéciaux que l'intervention du Service des achats de l'État (SAE) n'était requise que pour l'acquisition de matériels spécifiques.

Cette situation est d'autant plus regrettable que, depuis plusieurs années, la mutualisation des achats a été identifiée comme une source majeure d'économies . Engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme de l'organisation des achats de l'État a pour principale finalité de réduire le coût des achats de fonctionnement. La mise en oeuvre de la mutualisation des achats est assurée par les Missions Régionales Achats placées auprès des préfets de région ; celle-ci peut porter sur les contrats de maintenance, les petits travaux, les prestations connexes aux travaux, mais également sur les achats de produits énergétiques, de fluides, etc .

La réforme semble donc n'avoir que peu concerné les juridictions, alors même qu'elles entrent pleinement dans le périmètre de cette dernière. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs spéciaux considèrent comme souhaitable une plus grande mutualisation des achats de biens et services participant à l'entretien courant et à la gestion des bâtiments entre les juridictions et les services déconcentrés de l'État ; à titre d'exemple, celle-ci pourrait prendre la forme de regroupements pour la conclusion d'accords-cadres ou encore de marchés à bons de commande. Il faut souligner qu'une telle mutualisation appellerait un rapprochement des services administratifs régionaux (SAR) des cours d'appel avec les structures en charge de la mutualisation des achats placées auprès des préfets de région.

Enfin, une meilleure mutualisation s'agissant de la gestion du parc immobilier favoriserait une rationalisation des coûts de fonctionnement par la mise en place d'indicateurs communs de la dépense immobilière à l'ensemble des services déconcentrés et par l'échange d'informations relatives aux charges d'exploitation et de maintenance. Aussi les comparaisons entre administrations seraient-elles de nature à encourager les échanges de bonnes pratiques et, par conséquent, une réduction des dépenses.

Recommandation n° 9 : renforcer la mutualisation des achats de biens et services participant à l'entretien courant et à la gestion du parc immobilier entre les juridictions et les services déconcentrés de l'État.

En matière de gestion du patrimoine immobilier public, le recours à l'externalisation tend à se développer . Dans sa forme la plus aboutie, l'externalisation consiste à confier à un prestataire une mission globale intégrant la construction et la gestion d'immeubles publics sur le fondement de procédures telles que les baux emphytéotiques administratifs (BEA), les délégations de service public (DSP), ou encore les contrats de partenariat (CP). Certaines structures se sont spécialisées dans la gestion externalisée du patrimoine public, à l'instar la Société Nationale Immobilière (SNI) qui est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). À titre d'exemple, celle-ci s'est vue attribuer la construction de nouvelles casernes de gendarmerie, la gestion de résidences universitaires ou encore des parcs départementaux des centres de secours et de la gendarmerie nationale ; aussi 21 conseils généraux ont-ils confié à la SNI leur parc de gendarmerie, soit 5 000 logements.

Cependant, l'externalisation peut concerner un champ plus restreint de services . Ainsi, elle peut ne porter que sur certaines prestations comme la maintenance, le petit entretien, ou encore les contrôles réglementaires et prendre la forme de contrats de gestion intégrée . À ce jour, cette formule demeure relativement peu répandue pour ce qui de la gestion du patrimoine public. Malgré tout, cette solution a été retenue pour la gestion des immeubles de Noisel et Malakoff accueillant des services des ministères économiques et financiers ; dans un récent rapport, le Conseil de l'immobilier de l'État a évalué à 7 % la baisse des coûts d'entretien 70 ( * ) imputable à l'externalisation d'une partie des prestations d'entretien de l'ensemble immobilier de Noisel 71 ( * ) .

À cet égard, le recours à des contrats de gestion intégrée pourrait constituer une opportunité pour la gestion de l'entretien des bâtiments judiciaires . Néanmoins, un tel recours implique de définir précisément le périmètre des prestations pouvant être externalisées, d'évaluer les économies qui peuvent en résulter et requiert la mise en place d'un pilotage efficace afin de contrôler le respect de ses obligations par le prestataire.

Par conséquent, vos rapporteurs spéciaux jugent qu'il serait opportun d' engager une réflexion sur l'opportunité et les modalités de l'externalisation de certaines prestations d'entretien de l'immobilier judiciaire .

Recommandation n° 10 : engager une réflexion sur l'opportunité et les modalités de l'externalisation de certaines prestations d'entretien du parc immobilier judiciaire.

F. LE PATRIMOINE IMMOBILIER RENDU AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Pour conclure ce rapport, vos rapporteurs spéciaux ont estimé que le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire devait nécessairement aborder la question des locaux restitués aux collectivités territoriales . En effet, lors du déploiement de la nouvelle carte, la plupart des immeubles occupés étaient la propriété des collectivités qui en ont repris possession lorsqu'ils ont été, le cas échéant, abandonnés par les juridictions regroupées.

Ainsi, dans le cadre de la réforme, 223 immeubles ont été rétrocédés aux collectivités territoriales ; étaient principalement concernés les communes (pour 137 unités) et les départements (pour 58 unités) comme le montre le tableau ci-dessous.

Rétrocessions de locaux judiciaires aux collectivités propriétaires

2008

2009

2010

2011

2012

En cours*

TOTAL

Statut du propriétaire

Communauté urbaine

3

3

Commune

3

27

103

4

137

Département

3

7

40

5

1

2

58

Établissement public local

2

2

Non précisé

18

4

1

23

TOTAL

26

38

147

9

1

2

223

* en octobre 2012

Sources : données du ministère de la justice

1. L'absence d'accompagnement des collectivités territoriales

Une fois quittés, les locaux autrefois mis à disposition par les collectivités territoriales aux juridictions ont cessé de constituer une préoccupation pour les services de l'État . Les bâtiments abandonnés n'ont pas fait l'objet de travaux spécifiques préalablement à leur remise aux collectivités, à l'exception de la cour d'appel de Montpellier à qui la direction des services judiciaires a octroyée une dotation « fléchée » de 45 000 euros destinée à la réfection des huisseries et de la chaufferie du tribunal d'instance de Prades.

En outre, aucune assistance spécifique à la reconversion des implantations n'a été prévue de la part des services de l'État, « hormis les relations habituelles [existant] avec France Domaine dans le cadre des estimations domaniales et de conseil sur les procédures de mise en vente des biens », comme l'a indiqué notre collègue Christophe Béchu, président du conseil général de Maine-et-Loire.

Il faut souligner qu'une large part des cours d'appel interrogées ont indiqué à vos rapporteurs spéciaux que, lors de la signature des procès-verbaux de restitution, les collectivités n'avaient pas demandé de travaux de remise en état ou d'aide à la reconversion. Toutefois, certains élus locaux semblent regretter qu'une telle aide n'ait pas été apportée par les autres services de l'État, comme ceux de France Domaine. En particulier, notre collègue René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne, a estimé que « si la rationalisation des implantations des juridictions peut se comprendre et méritait en effet d'être examinée, il importe cependant que l'État, qui a bénéficié depuis trente ans de mise à disposition gratuite de bâtiments dans lesquels il a fait peu de travaux, s'implique de manière plus active et plus responsable dans la gestion du patrimoine immobilier » ; aussi a-t-il considéré qu'une « aide à la reconversion des locaux [était] souhaitable ».

2. La reconversion des locaux remis aux collectivités

Il faut dire que les collectivités territoriales sont confrontées, et ce de manière plus massive, aux mêmes difficultés que l'État s'agissant de la reconversion ou de la cession des anciens tribunaux . Comme l'ont déjà relevé précédemment vos rapporteurs spéciaux, il s'agit de biens spécifiques (du fait de leur agencement, voire de leur éventuel classement ou inscription au titre des monuments historiques) dont la vente est parfois difficile.

C'est la raison pour laquelle nombre d'anciennes implantations judiciaires ont été transformées en maisons de la justice et du droit . Tel a été le cas des anciens locaux du palais de justice de Romorantin, cette opération ayant été cofinancée par le conseil général du Loir-et-Cher et la cour d'appel d'Orléans, mais aussi pour ce qui des bâtiments judiciaires d'Aix-les-Bains ou encore de Saint-Jean-de-Maurienne.

Cependant, certains palais de justice ont pu faire l'objet de reconversions plus originales . Ainsi, le tribunal d'instance d'Avallon a été racheté en 2011 par des brocanteurs qui ont transformé le bâtiment en lieu d'exposition et en habitation 72 ( * ) . Plus récemment, au cours de l'été 2012, les façades du monument ont accueilli une sculpture conçue par un artiste contemporain 73 ( * ) .

Bien qu'elle ne s'inscrive pas dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, la reconversion de l'ancien palais de justice de Nantes a constitué un cas intéressant. Ainsi, le conseil général de Loire-Atlantique, qui a conservé la propriété des bâtiments, a consenti en 2010 un bail de longue durée à une société privée afin d'y installer un hôtel quatre étoiles de 136 chambres et intégrant un espace culturel (cf. images du projet sur la page suivante). Selon les services du conseil général, ce projet permettait de répondre à un déficit de l'offre hôtelière dans l'agglomération nantaise tout en respectant le caractère patrimonial du monument ; par ailleurs, il devrait être à l'origine d'environ une centaine de créations d'emplois. Engagés au second semestre 2010, les travaux de reconversion se sont achevés à la fin de l'année 2012.

Le projet nantais semble avoir constitué une source d'inspiration s'agissant de la reconversion des implantations judiciaires abandonnées dans le cadre de la réforme. Après plusieurs années de vaines tentatives de vente de l'ancien palais de justice de Loches, le conseil général de l'Indre-et-Loire a annoncé, au cours du mois de mars 2013, son projet consistant à reconvertir l'immeuble en hôtel trois étoiles.

Enfin, il a été porté à la connaissance de vos rapporteurs spéciaux que certaines collectivités territoriales envisageaient de transformer les locaux judiciaires abandonnés en lieux à vocation touristique ou culturelle (salles d'exposition, salles de ventes, restaurants, etc.).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 juin 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de MM. Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, sur le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire .

M. Philippe Marini , président . - Nous allons entendre une communication de Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », relative à leur contrôle budgétaire portant sur le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Je rappelle que nos collègues Nicole Borvo Cohen-Seat et Yves Détraigne avaient fait un rapport, au nom de la commission des lois, sur la réforme de la carte judiciaire. A la suite de cette communication, nous poursuivrons cette séquence relative à l'immobilier de l'Etat avec une audition sur la politique de cession immobilière du ministère des affaires étrangères.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Les résultats de ce contrôle budgétaire auraient dû vous avoir été présentés depuis plusieurs mois déjà ; toutefois, nous avons éprouvé des difficultés à nous faire communiquer les éléments demandés aux différentes administrations concernées. Engagée en 2007, la réforme de la carte judiciaire est considérée comme achevée depuis le 1 er janvier 2011. Le temps était enfin venu de procéder au bilan de cette réorganisation d'ampleur des juridictions judiciaires. Aussi, un groupe de travail de la commission des lois du Sénat, emmené par Nicole Borvo Cohen-Seat et Yves Détraigne, a livré ses conclusions dès le mois de juillet 2012, dans un rapport à l'intitulé peu flatteur : « La réforme de la carte judiciaire : une occasion manquée ». Plus récemment, à la demande de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, une mission d'évaluation de la carte judiciaire, présidée par Serge Daël, a été mise en place ; celle-ci a rendu son rapport le 10 février dernier.

Nous inscrivant également dans cette démarche, nous nous sommes intéressés à un aspect de la réforme qui méritait un examen approfondi : le volet immobilier. Celui-ci a, en effet, constitué le principal poste de dépenses de la réforme. Ainsi, nous avons mené une mission de contrôle budgétaire portant sur le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire.

A ce titre, nous nous sommes inscrits dans une double approche. Tout d'abord, nous avons cherché à déterminer le coût réel du volet immobilier de la réforme. Ce dernier ayant été, au départ, fortement surévalué - une estimation de 900 millions d'euros avait même été avancée ! -, des doutes ont longtemps subsisté quant à son coût final. En outre, nous avons mesuré les économies réalisées en matière immobilière, de manière à disposer d'un bilan financier du volet immobilier de la réforme.

Ensuite, nous avons examiné la réalisation du volet immobilier, soit la mise en oeuvre concrète des opérations liées aux regroupements de juridictions. De cette manière, nous avons pu procéder à une évaluation de la politique immobilière développée par le ministère de la justice dans le cadre de la réforme. Cet exercice nous paraissait essentiel dans la mesure où les implantations judiciaires sont restées hors du champ de la réorganisation de la politique immobilière de l'Etat au niveau déconcentré.

Dès lors, notre but a été de voir dans quelle mesure la gestion du parc immobilier, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, avait répondu aux objectifs de la politique immobilière de l'Etat. A partir des constats réalisés, nous avons tâché d'identifier les améliorations possibles des modalités de gestion du patrimoine immobilier des juridictions.

A cette fin, nous nous sommes attachés à approcher les parties prenantes de la politique immobilière du ministère de la justice. Nous avons donc recueilli les contributions des premiers présidents et procureurs généraux de vingt-deux cours d'appel ; nous avons, par ailleurs, réalisé une visite à la cour d'appel de Versailles, située dans un immeuble à caractère historique mais très peu fonctionnel. Nous avons également interrogé différents acteurs intervenus aux côtés des juridictions dans la conduite des opérations immobilières engagées et consulté des élus locaux s'agissant des palais de justice abandonnés et restitués aux collectivités territoriales.

Je commencerai par vous présenter les principales observations formulées s'agissant du bilan financier du volet immobilier de la réforme. La réorganisation de la carte judiciaire aura entraîné, au total, 439 opérations immobilières dont 112 opérations provisoires. Celles-ci s'étalent sur la période allant de 2008 à 2017, année au cours de laquelle devraient être livrés les derniers travaux - nous verrons si ce délai sera tenu.

Entre 2008 et 2017, le coût total du volet immobilier de la réforme atteindrait 331,9 millions d'euros. Cette estimation intègre aussi bien les dépenses d'investissement, liées aux opérations de construction ou de réaménagement des bâtiments, que celles de fonctionnement, correspondant aux charges découlant des « petits travaux » et des déménagements.

Dès lors, il apparaît que le plafond de dépenses arrêté initialement par le Gouvernement concernant le volet immobilier de la réforme, soit 375 millions d'euros, a été largement respecté. Il faut, à cet égard, souligner que ce plafond portait exclusivement sur les dépenses d'investissement. Les craintes initiales relatives au coût final du volet immobilier se sont donc révélées, à ce jour, non fondées. Mais il est nécessaire de reconnaître que la relative faiblesse de l'exécution, au regard de la programmation originelle, est liée à l'annulation d'importantes opérations immobilières ; il s'agit notamment de l'extension du tribunal de grande instance d'Evreux ou encore des opérations de Coutances et de Dunkerque.

La majorité des locaux abandonnés par les juridictions dans le cadre de la réforme étaient détenus par les collectivités territoriales. Toutefois, la mise en place de la nouvelle carte judiciaire devrait permettre à l'Etat de procéder à la cession de quarante immeubles, dont le produit représenterait près de 11,9 millions d'euros. Par conséquent, le coût net du volet immobilier est estimé à 320 millions d'euros.

La réforme de la carte judiciaire a permis de réduire les coûts de loyers et de gestion de près de 10 millions d'euros par an ; dans le même temps, elle a entraîné de nouvelles charges découlant, notamment, des locations de locaux pérennes. A compter de 2017, les regroupements de juridictions permettront donc de générer 4,3 millions d'euros d'économies par an liées à l'immobilier.

Par conséquent, les dépenses réalisées dans le cadre du volet immobilier seront amorties au terme d'une période de 75 ans. Néanmoins, la réforme n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions. Le principal levier d'économies a résidé, en effet, dans la diminution des charges de personnel qui a été rendu possible par les regroupements de juridictions. La réduction de la masse salariale atteint, ainsi, 23,4 millions d'euros par an. Par suite, si la réforme est prise dans son ensemble, son coût est amorti au bout de treize années, ce qui nous paraît constituer une durée acceptable.

En tout état de cause, ces durées d'amortissement de la réforme - aussi théoriques puissent-elles paraître - permettent de mettre en évidence le poids des charges résultant des prises à bail de locaux pérennes, susceptibles d'alourdir le bilan financier du volet immobilier à long terme. Si ces locations avaient vocation à perdurer, le bénéfice de la moindre exécution du volet immobilier serait perdu en une dizaine d'années, puisqu'à cette échéance, les loyers acquittés conduiraient à un dépassement du plafond de 375 millions d'euros. En effet, si ce plafond ne concernait que les dépenses d'investissement destinées aux opérations immobilières, ce montant demeure une référence puisqu'il avait été initialement présenté au Parlement.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que souscrire à l'objectif du ministère de la justice de substituer des solutions patrimoniales, plus économes, aux locations, et ce dès que possible.

Je vais, maintenant, vous faire part des conclusions de notre travail d'évaluation de la politique immobilière du ministère de la justice. Le ministère de la justice a conservé une politique immobilière autonome. Celle-ci est, en effet, restée en dehors du champ de la réforme de la politique immobilière au niveau déconcentré ; ce choix est généralement justifié par la spécificité du parc immobilier judiciaire. Bien évidemment, un ensemble de bureaux d'une administration centrale n'a rien de comparable avec un palais de justice.

Dans un premier temps, nous nous sommes attachés à évaluer la mise en oeuvre du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire à l'aune des objectifs de la politique immobilière de l'Etat. A titre de rappel, ces objectifs avaient été définis par le ministre chargé du budget en 2006. Il s'agit de : diminuer le coût de la fonction immobilière de l'Etat en allouant aux services des surfaces rationalisées et en cédant les surfaces excédentaires ; valoriser le patrimoine immobilier afin de céder les immeubles inadaptés ou devenus inutiles ; offrir aux agents et aux usagers des locaux adaptés aux besoins du service public, prenant en compte l'ensemble des normes applicables ; favoriser l'offre de logements grâce à la mobilisation du foncier public à l'occasion des cessions foncières induites par les évolutions des besoins des acteurs publics.

Il est apparu que la réalisation des opérations immobilières avait permis de respecter tout à la fois les délais imposés par le calendrier du déploiement de la nouvelle carte judiciaire et l'enveloppe budgétaire arrêtée lors de l'engagement de la phase opérationnelle de la réforme. Ainsi, le pilotage du volet immobilier mis en place a permis une bonne coordination des différentes parties prenantes.

Toutefois, nous avons pu constater qu'aucun objectif chiffré n'avait été déterminé s'agissant de l'optimisation du parc immobilier des juridictions. Pourtant, la politique immobilière de l'Etat accorde une place centrale à l'indicateur de « rendement d'occupation des surfaces », dont la cible finale est fixée à 12 mètres carrés de surface utile nette (SUN) par poste de travail. En effet, un indicateur de cette nature permet de mobiliser les acteurs et de rationaliser la démarche de densification des surfaces.

Pour ces raisons, nous avons recommandé l'établissement d'un référentiel fixant, pour chaque catégorie de locaux judiciaires, des objectifs différenciés d'occupation des surfaces. Il s'agit de concilier la mise en place d'un indicateur de « rendement d'occupation des surfaces » avec les spécificités de l'immobilier judiciaire ; en effet, un bureau simple ne peut pas être considéré de la même manière qu'un bureau utilisé pour la tenue d'audience, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. En outre, nous avons proposé d'instituer un indicateur mesurant la réalisation des objectifs arrêtés en matière d'occupation des surfaces accueillant des locaux judiciaires, intégré à la mesure de la performance de la mission « Justice ».

Je laisse maintenant Albéric de Montgolfier vous emmener sur le terrain...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial . - En effet, de manière plus large, nous avons souhaité examiner la mise en oeuvre de la politique immobilière du ministère de la justice. Aussi nos travaux ont-ils porté une attention particulière à l'ensemble des acteurs en charge de la mise en oeuvre de la politique immobilière du ministère de la justice. Nous avons alors pu constater l'importance des services immobiliers des cours d'appel, qui constituent des leviers majeurs de rationalisation de la gestion du parc et donc d'économies. Néanmoins, nous avons observé que la professionnalisation de la fonction immobilière dans les juridictions était encore perfectible ; toutefois, ce constat n'est pas propre au ministère de la justice mais peut être généralisé à l'ensemble de l'Etat.

A titre d'exemple, il n'existe pas de formation relative à la gestion du patrimoine immobilier à destination des magistrats délégués à l'équipement et toutes les cours d'appel ne bénéficient pas des services des techniciens immobiliers, pourtant responsables de la gestion quotidienne des locaux. Nous avons donc formulé plusieurs recommandations tendant à renforcer la professionnalisation de la gestion immobilière dans les juridictions.

Le déploiement du volet immobilier a également impliqué l'intervention des administrations spécialisées de l'Etat. A cet égard, nous avons notamment pu constater que le co-pilotage des opérations par les départements immobiliers du ministère de la justice et les directions départementales des territoires pouvait constituer une source de difficultés. A cela est venue s'ajouter une baisse sensible de l'assistance apportée par ces dernières, du fait de la réduction des moyens qui leurs sont alloués.

Il nous est donc apparu qu'il était nécessaire d'envisager une évolution des modalités de coopération entre les départements immobiliers et les directions départementales des territoires.

Malgré cela, nous avons pu observer que le volet immobilier de la réforme avait été, dans l'ensemble, mis en oeuvre conformément aux objectifs de la politique immobilière de l'Etat. En effet, les opérations menées ont permis, d'une part, de densifier les surfaces occupées par les juridictions, réduisant celles-ci de 63 278 mètres carrés et, d'autre part, d'améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil du public. Par ailleurs, elles ont pu, dans certains cas, favoriser l'offre de logement. A titre d'exemple, l'ancien tribunal d'instance de Cernay, dans le Haut-Rhin, a été cédé à une association offrant des logements à loyer très social.

La diminution du coût de la fonction immobilière est, quant à elle, moins évidente. Si les regroupements de juridictions devraient permettre des économies de loyers et de gestion à hauteur de 4,3 millions par an à compter de 2017, le volet immobilier a représenté un coût net de 320 millions d'euros. Mais, comme cela a été indiqué, la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions.

Quoi qu'il en soit, le principal enjeu est de consolider l'acquis. Le déploiement du volet immobilier de la réforme étant en grande partie achevé, il convient désormais de s'assurer de la mise en oeuvre d'une gestion efficiente des nouvelles implantations immobilières des juridictions. Néanmoins, la réalisation de cet objectif pourrait se heurter à une gestion du parc immobilier du ministère de la justice qui présente, dans les faits, d'importantes insuffisances.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons pu constater que la programmation des travaux d'entretien du parc immobilier présentait des lacunes. Comme nous l'a indiqué un magistrat délégué à l'équipement, la politique d'entretien de l'immobilier judiciaire relève de la « gestion de crise et d'urgence, sans les outils adaptés ». La majeure partie des travaux d'entretien sont réalisés parce qu'ils sont devenus absolument nécessaires. Les opérations engagées à titre préventif demeurent l'exception, alors qu'elles permettraient de réduire les coûts. Ainsi, le remplacement de chaudières à faible rendement, qui serait rapidement amorti du fait des économies dégagées, n'est que rarement réalisé du fait de l'absence de crédits prévus à cet effet.

Par conséquent, nous avons recommandé de définir, pour chaque cour d'appel, un plan pluriannuel des opérations d'entretien d'immobilier, afin de permettre une programmation des dépenses d'entretien des bâtiments.

Comme cela a été indiqué, nous nous sommes rendus dans les locaux de la cour d'appel de Versailles, qui sont situés dans les anciennes écuries de la Reine ; nous avons pu constater la forte dégradation des façades sur lesquelles des filets ont été installés afin d'éviter les chutes de pierres. Les fenêtres de la cour d'appel de Versailles ont dû être récemment remplacées pour un montant total de 1,4 million d'euros. Pourtant, de tels travaux auraient pu être évités si les fenêtres avaient fait l'objet d'un entretien régulier.

Il faut souligner que ces défauts de programmation participent, de manière plus large, de l'indécision qui entoure souvent la politique immobilière du ministère de la justice. Or, cette indécision est coûteuse et peut nuire au bon fonctionnement des juridictions. La gestion du projet « Richaud » constitue un exemple intéressant. A la fin des années 1990, le ministère de la justice a décidé de localiser la cour d'appel, le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Versailles dans les locaux de l'ancien hôpital Richaud. Le terrain a été acquis en 1998 pour 4,5 millions d'euros. 9,2 millions d'euros ont été dépensés au titre des études menées dans le cadre de l'opération. A cela sont venues s'ajouter les charges de gardiennage, dont le montant atteignait 400 000 euros par an. Seulement, le projet « Richaud » n'a jamais pu aboutir et le site a été revendu en 2009 pour 8 millions d'euros, donc à perte. Cet exemple illustre bien les errements de la politique immobilière du ministère de la justice.

Par ailleurs, l'incapacité du ministère de la justice à trouver des locaux d'archivage pour le tribunal d'instance de Chartres nuit au bon fonctionnement de la juridiction. Les archives sont aujourd'hui disséminées sur plusieurs sites - y compris dans des locaux mis à disposition par le conseil général d'Eure-et-Loir -, certains d'entre eux sont inaccessibles pour des raisons de sécurité et les bureaux de magistrats et de greffiers tendent à devenir des lieux d'archivage de substitution.

En outre, nous avons pu observer que les coûts d'entretien des constructions nouvelles étaient insuffisamment anticipés, ce qui peut conduire à la réalisation de choix irrationnels, certes audacieux d'un point de vue architectural mais onéreux à long terme. Nous en voulons pour preuve les ensembles immobiliers intégrant des structures en verre. Dans le cas du tribunal de grande instance de Nanterre, le seul entretien de ces structures représente un coût annuel de 70 000 euros. Ces constructions en verre requièrent des opérations de maintenance particulièrement complexes, ne serait-ce que pour assurer leur nettoyage. Par ailleurs, elles font l'objet de dégradations récurrentes qui impliquent l'exécution répétée de réparations.

L'exemple du tribunal de grande instance de Nanterre nous apporte un éclairage nouveau sur le futur palais de justice de Paris, dont la livraison est prévue pour 2017. En effet, le projet retenu consiste en une tour étagée de 156 mètres de hauteur, abritant une surface de 61 500 mètres carrés, dotée d'une façade en verre. Aussi, le choix d'une structure en verre ne doit pas être sans lien avec le coût de l'opération. A cet égard, nous souhaitons rappeler que le projet d'installation du tribunal de grande instance de Paris dans la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles avait fait l'objet d'un examen approfondi par notre collègue Roland du Luart dans un rapport d'information fait au nom de notre commission en 2009.

Au regard de ces exemples, nous avons recommandé d'établir, préalablement à la sélection de tout projet de construction nouvelle, une évaluation précise des dépenses prévisionnelles d'entretien.

Enfin, s'agissant des modalités de gestion du parc immobilier du ministère de la justice, nous avons regretté le manque de réflexion sur le recours à de nouveaux leviers d'économies, notamment en ce qui concerne la mutualisation des achats et l'externalisation de certaines prestations d'entretien des locaux. L'expérience nous a montré qu'il était possible d'externaliser efficacement la gestion de biens immobiliers ; à titre d'exemple, vingt-et-un conseils généraux ont confié à la Société nationale immobilière (SNI) la gestion des parcs immobiliers accueillant la gendarmerie nationale.

Pour terminer, nous avons estimé que le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire devait nécessairement aborder la question des locaux restitués aux collectivités territoriales.

Lors du déploiement de la nouvelle carte judiciaire, 223 immeubles ont été rétrocédés aux collectivités. Ces dernières ne semblent pas avoir bénéficié d'une assistance spécifique des services de l'Etat à la suite de la remise des implantations abandonnées, ce que certains élus locaux interrogés ont regretté.

A cet égard, il faut souligner les difficultés qui peuvent être rencontrées lors de la reconversion, et notamment de la vente, de ces biens spécifiques que sont les locaux judiciaires. Ces difficultés sont liées à l'agencement des immeubles, voire à leur éventuel classement ou inscription au titre des monuments historiques.

C'est la raison pour laquelle nombre d'anciennes implantations judiciaires ont été transformées en maisons de la justice et du droit. Cependant, certains palais de justice ont pu faire l'objet de reconversions plus originales. Ainsi, le tribunal d'instance d'Avallon, dans l'Yonne, a été racheté en 2011 par des brocanteurs qui ont transformé le bâtiment en lieu d'exposition et en habitation.

Bien qu'elle ne s'inscrive pas dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, la reconversion de l'ancien palais de justice de Nantes a constitué un cas intéressant. En effet, le conseil général de Loire-Atlantique a consenti un bail de longue durée à une société privée afin d'y installer un hôtel quatre étoiles de 136 chambres et intégrant un espace culturel. Le projet nantais paraît avoir constitué une source d'inspiration puisque le conseil général d'Indre-et-Loire semble vouloir également reconvertir l'ancien tribunal d'instance de Loches en hôtel trois étoiles.

Certaines collectivités territoriales nous ont aussi indiqué envisager de transformer les locaux judiciaires abandonnés en lieux à vocation touristique ou culturelle, comme des salles d'exposition, ou encore des salles de ventes.

Pour conclure, nos travaux ont permis de montrer que la réforme de la carte judiciaire présentait un bilan immobilier globalement positif, mais aussi que la politique immobilière du ministère de la justice et, de manière plus générale, de l'Etat restait encore à bâtir. Les travaux auxquels j'ai pu participer au titre tant du Conseil immobilier de l'Etat, auquel j'appartiens, que de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » m'ont conduit à constater que l'Etat peinait à connaître son parc domanial, à l'entretenir et à anticiper les dépenses y afférent. Des leviers d'économies existent encore et devront être actionnés au plus vite, alors que la gestion économe des deniers est aujourd'hui, plus que jamais, essentielle.

M. Edmond Hervé . - Je souhaiterais savoir si les rapporteurs spéciaux ont pu échanger avec les usagers des juridictions, à savoir les magistrats, les avocats, etc. La sous-budgétisation chronique du ministère de la justice rend plus urgente la redéfinition des modalités de gestion du parc immobilier. En effet, force est de constater l'éclatement des autorités en charge des questions immobilières, et ce tant au niveau national que régional. Ceci semble appeler une centralisation accrue de la gestion du patrimoine immobilier, sous l'égide du secrétariat général du ministère de la justice. Aussi la fonction de ce dernier devrait-elle être redéfinie. Il faut également noter que le manque de professionnalisation de la fonction immobilière n'est pas propre au ministère de la justice, elle se retrouve dans les autres administrations de l'Etat, comme les universités. Ce n'est pas parce que l'on est un grand magistrat ou encore un brillant professeur des universités que l'on est un bon gestionnaire... Enfin, j'observe avec satisfaction que les constats formulés par les rapporteurs spéciaux permettent de relativiser les critiques formulées à l'égard de la gestion des collectivités territoriales.

M. Philippe Marini , président . - A titre d'anecdote, je vous indique qu'à Compiègne, une juridiction commerciale « élargie » - issue de la fusion des tribunaux de commerce de Compiègne et de Senlis - et le conseil de prud'hommes ont pu être installés dans les anciens locaux de la Banque de France, et ce notamment grâce à l'intervention de la communauté d'agglomération.

M. Yannick Botrel . - Les rapporteurs spéciaux ont indiqué que le volet immobilier serait amorti à l'issue d'une période de 75 ans. Ce délai paraît d'autant plus long que de nouveaux travaux devront certainement être entrepris sur les bâtiments avant que celui-ci ne prenne fin. Si les réductions de la masse salariale sont prises en compte, la période d'amortissement est ramenée à treize années ; ceci révèle peut-être le souci particulier du gouvernement de l'époque de réduire les dépenses de personnel.

Je pense que d'autres éléments auraient pu être pris en compte dans le cadre du contrôle budgétaire. En effet, prenant l'exemple du département des Côtes d'Armor, j'ai pu constater que des travaux avaient pu être réalisés à perte - du fait, notamment, de l'annulation d'opérations immobilières, etc. -, ce qui a indubitablement représenté un coût pour le contribuable. En outre, la réforme de la carte judiciaire pose la question de l'accessibilité de l'institution judiciaire par les justiciables, à laquelle l'éloignement des juridictions peut nuire.

M. Gérard Miquel . - Les observations formulées par les rapporteurs spéciaux montrent qu'il reste beaucoup de travail pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Les magistrats ne sont pas formés à la gestion immobilière ; dès lors, pourquoi ne pas faire appel aux services déconcentrés de l'Etat compétents en la matière ? Par exemple, s'agissant de la rénovation des locaux de la juridiction de Cahors, le contrôle des opérations était réalisé par des équipes venant régulièrement de Paris. Pourtant, la direction départementale des territoires aurait pu assurer la conduite des travaux. Aussi les cloisonnements entre ministères et une centralisation excessive me semblent-ils préjudiciables. Si le patrimoine immobilier des collectivités territoriales était géré de la sorte, les critiques ne se feraient pas attendre.

M. Pierre Jarlier . - Je pense également que la gestion immobilière du ministère de la justice, centralisée et sectorisée, n'est pas efficace. Quel que soit le ministère concerné, les problématiques immobilières se ressemblent. Dans ces conditions, une gestion transversale des opérations immobilières, par des services spécialisés, serait préférable ; au niveau déconcentré, les directions départementales des territoires pourraient prendre en charge la conduite des opérations.

Enfin, je considère qu'il est indispensable de développer une approche de coût global s'agissant du choix des opérations immobilières, tenant compte tout à la fois des investissements et des coûts futurs de fonctionnement. Une telle approche constituerait un levier d'économies.

M. Claude Belot . - Je tiens à rappeler que les palais de justice sont, dans leur majeure partie, détenus par les collectivités territoriales, et plus particulièrement par les départements. Toutefois, depuis les années 1980, la gestion des implantations immobilières des juridictions appartenant aux collectivités est assurée par le ministère de la justice lui-même, ce qui peut conduire à d'importants dysfonctionnements. Je souhaite prendre l'exemple du tribunal d'instance de Jonzac. L'immeuble affecté à ce dernier est désormais surdimensionné au regard de son activité ; cela conduit à de nombreux gaspillages : la salle d'audience est chauffée à l'aide de radiateurs électriques, etc. Il a donc été décidé de procéder au réaménagement de ces locaux. Toutefois, l'extrême centralisation du processus décisionnel et la faiblesse des moyens alloués aux services déconcentrés du ministère de la justice en charge de l'immobilier freinent considérablement l'avancée du projet. Par ailleurs, alors que cette opération était estimée à 450 000 euros par les services municipaux et départementaux, l'évaluation retenue par le ministère de la justice dépasse un million d'euros ! J'ai été frappé par le manque d'efficacité des services de la Chancellerie s'agissant de l'entretien des bâtiments judiciaires.

M. Albéric de Montgolfier . - Nous avons, en effet, souhaité entrer en contact avec les usagers des locaux judiciaires. A cet effet, nous avons envoyé un questionnaire aux premiers présidents et aux procureurs généraux des cours d'appel. Nous n'avons toutefois pas rencontré de représentants des avocats. Mais nous avons tous l'occasion de rencontrer régulièrement des usagers du service public de la justice dans nos départements.

S'agissant de la gestion du parc immobilier judiciaire, je pense qu'il faut avant tout favoriser les mutualisations, et ce d'autant plus que les moyens des cours d'appel en la matière sont très variables.

M. Philippe Dallier . - La durée d'amortissement du coût du volet immobilier, soit 75 ans, est particulièrement impressionnante. Mais il ne faut pas s'arrêter à cela ; la finalité première de la réforme de la carte judiciaire n'était nullement de réduire les dépenses immobilières des juridictions. S'il est tenu compte de la réduction des charges de personnel, cette durée est ramenée à treize années, ce qui est acceptable.

S'agissant des gâchis relevés lors des opérations immobilières menées dans les Côtes d'Armor, elles révèlent avant tout un manque de planification à long terme. En tout état de cause, ces gâchis sont analysés dans le cadre du rapport d'information qui sera publié.

Nous n'avons pas traité de la question de l'accessibilité de l'institution judiciaire par les justiciables dans la mesure où nos travaux s'inscrivaient dans le cadre d'un rapport budgétaire.

M. Albéric de Montgolfier . - L'intervention de magistrats dans la gestion du parc immobilier judiciaire semble justifiée par les spécificités des locaux des juridictions.

Les directions départementales des territoires paraissent constituer le bon échelon pour mutualiser les compétences en matière immobilière ; cependant, nous avons pu constater un net recul de l'assistance apportée par ces dernières aux juridictions. Par ailleurs, nous avons relevé des difficultés de coordination entre les directions départementales des territoires et les services du ministère de la justice.

M. Philippe Dallier . - Nous avons insisté sur la nécessité de renforcer les mutualisations s'agissant de la gestion du patrimoine immobilier du ministère de la justice. Une meilleure programmation de l'entretien du parc immobilier permettrait de dégager d'importantes économies. Encore faudrait-il que des moyens soient prévus pour procéder aux travaux d'entretien...

M. Pierre Jarlier . - Ce sont des fausses économies !

M. Albéric de Montgolfier . - De manière générale, la politique immobilière de l'Etat reste à bâtir. Une meilleure programmation des dépenses d'entretien est, en effet, indispensable.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de leur communication à MM. Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE I - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES OU CONSULTÉES

Ministère de la justice

- M. Mathieu Hérondart , directeur, secrétaire général adjoint ;

- Mme Marie-Hélène Hurtaud , sous-directrice de l'immobilier au secrétariat général ;

- Mme Valérie Ferrand , chef du département immobilier de la plateforme interrégionale de l'Île-de-France ;

Cour d'appel de Versailles

- M. Philippe Ingall-Montagnier , procureur général ;

- M. Alain Nuée , premier président ;

- M. Vincent Lesclous , procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles ;

- M Patrick Henry-Bonniot , président du tribunal de grande instance de Versailles ;

- M. François Nivet , vice-président du tribunal de grande instance de Versailles placé auprès du premier président de la cour d'appel, magistrat délégué à l'équipement ;

- M. Thierry Miloua , greffier en chef, directeur délégué à l'administration régionale judiciaire ;

- Mme Juliette Bastin , architecte, responsable des affaires immobilières ;

Conseils généraux

- M. Christophe Béchu , sénateur de Maine-et-Loire, président du conseil général de Maine-et-Loire ;

- M. Benoît Huré , sénateur des Ardennes, président du conseil général des Ardennes ;

- M. René-Paul Savary , sénateur de la Marne, président du conseil général de la Marne ;

- M. Franck Périnet , secrétaire général des services du conseil général de Loire-Atlantique.

ANNEXE II - LISTE DES COURS D'APPEL AYANT CONTRIBUÉ AU CONTRÔLE

Cours d'appel

Contributeurs 74 ( * )

Agen

Jacques Louvel, procureur général

Laurence Flise, premier président

Aix-en-Provence

Jean-Marie Huet, procureur général

Catherine Husson-Trochain, première présidente

Amiens

Philippe Lemaire, procureur général

Angers

Catherine Pignon, procureur général

Pierre Delmas-Goyon, premier président

Besançon

Jérôme Deharveng, procureur général

Michel Mallard, premier président

Bourges

Éric de Montgolfier, procureur général

Dominique Decomble, premier président

Caen

Éric Enquebecq, procureur général

Jean-Paul Roughol, premier président

Chambéry

Olivier Rothé, procureur général

Jean-Yves McKee, premier président

Colmar

Jean-François Thony, procureur général

Jacques Marion, premier président

Dijon

Jean-Marie Beney, procureur général

Dominique Gaschard, premier président

Douai

Olivier de Baynast de Septfontaine, procureur général

Dominique Lottin, première présidente

Grenoble

Paul Michel, procureur général

Gérard Meignie, premier président

Limoges

Jean-François Lorans, procureur général

Alain Mombel, premier président

Metz

Jacques Pin, procureur général

Henri-Charles Egret, premier président

Montpellier

Bernard Legras, procureur général

Didier Marshall, premier président

Nancy

Christian Hassenfratz, procureur général

Danièle Entiope, premier président

Nîmes

Michel Desplan, procureur général

Bernard Bangratz, premier président

Orléans

Martine Ceccaldi, procureur général

Martine Comte, première présidente

Riom

Marc Robert, procureur général

Marie-Colette Brenot, première présidente

Rouen

Dominique Le Bras, procureur général

Nicole Maestracci, première présidente

Toulouse

Patrice Davost, procureur général

Dominique Vonau, premier président

Versailles

Philippe Ingall-Montagnier, procureur général

Alain Nuée, premier président

ANNEXE III
EXTRAIT DE LA CIRCULAIRE DU 3 AVRIL 2008 DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE RELATIVE À LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

Extrait de la circulaire SG/n° 08-004/MJC/01.04.08
du 3 avril 2008 de la ministre de la justice aux chefs de cour d'appel sur la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire

ANNEXE IV
CIRCULAIRE DU 27 MAI 1968 DU MINISTRE
DE LA JUSTICE RELATIVE À L'ACTION DES MAGISTRATS DÉLÉGUÉS À L'ÉQUIPEMENT

Circulaire DAGE 68-1816 du 27 mai 1968 du ministre de la justice
aux chefs de cour d'appel sur l'action des magistrats délégués à l'équipement

ANNEXE V - CARTES DES IMPLANTATIONS JUDICIAIRES AVANT ET APRÈS LA RÉFORME

Source : ministère de la justice


* 1 Rapport d'information n° 662 (2011-2012) sur la réforme de la carte judicaire fait au nom de la commission des lois du Sénat par Nicole Borvo Cohen-Seat et Yves Détraigne.

* 2 Rapport à la ministre de la justice de la mission d'évaluation de la carte judiciaire, composée de Serge Daël, président de la mission, Michael Janas et Marie-Reine Bakry, 10 février 2013.

* 3 Cf. article 1 er (abrogé) du décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques.

* 4 Cf. guide méthodologique de l'évaluation des politiques publiques partenariales, élaboré par l'inspection générale de l'administration (IGA), l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), décembre 2012.

* 5 Rapport de Jean-François Carrez pour le comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, 1994.

* 6 Discours de Rachida Dati, ministre de la justice, prononcé le 27 juin 2007 devant le Comité consultatif de la carte judiciaire.

* 7 Ibid.

* 8 Il s'agit du décret n° 2008-146 du 15 février 2008 pour les tribunaux de commerce, du décret n° 2008-514 du 29 mai 2008 pour les conseils de prud'hommes et du décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 pour les autres juridictions.

* 9 Les bureaux fonciers sont des services des tribunaux d'instance en charge de la gestion du livre foncier, institution civile existant dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Les registres du livre foncier assurent la publicité foncière dans les départements précités.

* 10 Cf. décision du Conseil d'État du 19 février 2010 « M. Pierre Moline et autres » (n° 322407).

* 11 Cf. décret n° 2010-1077 du 13 septembre 2010 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de grande instance de Bourgoin-Jallieu et Vienne et fixant le siège et le ressort du tribunal de grande instance de Villefontaine.

* 12 Il s'agit, en réalité, des dépenses d'investissement (dites de titre 5 en application de la nomenclature budgétaire de l'État) liées aux regroupements d'implantations judiciaires, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement (dites de titre 3) résultant des travaux légers d'aménagement, etc.

* 13 Le ministère de la justice avait évalué le coût total de la réforme de la carte judiciaire sur la période 2009-2011 à près de 427 millions d'euros (hors loyers), dont 375 millions d'euros pour le volet immobilier, 20 millions d'euros pour les mesures sociales en faveur des personnels et près de 15 millions d'euros à destination des avocats. Ces montants avaient été arrêtés par la lettre-plafond du Premier ministre en date du 17 juillet 2008.

* 14 Les opérations provisoires ont pour vocation de permettre le regroupement de juridictions entre la date de suppression et celle de la livraison des locaux définitifs lorsqu'elle dépend d'opérations lourdes.

* 15 Cf. annexe III au présent rapport, « Extrait de la circulaire du 3 avril 2008 de la ministre de la justice relative à la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire ».

* 16 Les principes de la réforme de la politique immobilière de l'État au niveau déconcentré sont exposés infra , dans la partie III, relative à « La mise en oeuvre du volet immobilier ».

* 17 Cf. audition de Rachida Dati, ministre de la justice, par la commission des finances du Sénat le 14 novembre 2007, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008.

* 18 Cf. audition de Rachida Dati, ministre de la justice, par la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale le 13 décembre 2007, sur la réforme de la carte judiciaire.

* 19 Interrogé sur ce point, le secrétariat général du ministère de la justice a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que les évaluations initiales reposaient sur l'application de ratios uniformes aux opérations immobilières projetées et non sur une programmation fine de ces dernières.

* 20 Les dépenses d'investissement correspondent aux crédits de titre 5 dans le cadre de la nomenclature budgétaire de l'Etat.

* 21 Il s'agit des données arrêtées en avril 2013.

* 22 Les dépenses de fonctionnement, quant à elles, sont enregistrées dans le titre 3 de la nomenclature précitée.

* 23 Cette évaluation exclut l'opération de construction d'un palais de justice à Villefontaine (cf. supra ).

* 24 La ventilation des dépenses d'investissement par cour d'appel est indiquée dans le tableau ci-contre.

* 25 Cf. infra , sous-partie C, portant sur « Le bilan financier du volet immobilier de la réforme », de la présente partie.

* 26 Cf. rapport d'information n° 662 (2011-2012), op. cit .

* 27 Id.

* 28 Cette estimation a été réalisée à partir des données relatives aux travaux réalisés sur les implantations abandonnées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire depuis 2002.

* 29 En effet, les palais de justice de Vienne et de Bourgoin-Jallieu ont fait l'objet, au cours de la période récente, de travaux pour un montant de 740 000 euros.

* 30 Cf. les décisions du Conseil d'État du 19 février 2010 « M. Pierre Moline et autres » (n° 322407), « Ordre des avocats au barreau de Montluçon et autres » (n° 315700) et « Ordre des avocats au barreau de Moulins » (n° 315813).

* 31 Cf. rapport d'information n° 662 (2011-2012), op. cit .

* 32 Cette évaluation intègre également les économies réalisées au titre de la contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Cette contribution mise à part, la réduction des dépenses de personnel imputable à la réforme s'élève à 15,3 millions d'euros par an.

* 33 Le rapport d'information de la commission des lois du Sénat a estimé à 18 millions d'euros le coût des mesures sociales en faveur des personnels concernés par la réorganisation de la carte judiciaire et à 20 millions d'euros les indemnisations accordées aux avocats.

* 34 Il faut rappeler que le plafond de 375 millions d'euros, arrêté au début de la phase opérationnelle de la réforme de la carte judiciaire, ne concernait que les dépenses d'investissement liées aux opérations immobilières ; malgré tout, ce montant demeure une référence puisqu'il avait été initialement présenté au Parlement.

* 35 Cf. circulaires du Premier ministre du 16 janvier 2009 relatives à la politique immobilière de l'État.

* 36 La réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) a constitué un volet essentiel du processus de modernisation administrative. Elle a été menée entre 2010 et 2011 et a consisté en une réorganisation des services déconcentrés de l'État à des fins de simplification et de réunion des expertises techniques. Cette réforme s'est accompagnée d'une démarche de regroupement immobilier et de rassemblement des crédits de fonctionnement courant dans un programme unique placé sous l'autorité du Premier ministre (il s'agit du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).

* 37 À l'exception des services relevant de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse qui entrent, quant à eux, dans le champ de la réforme de la politique immobilière de l'État au niveau déconcentré.

* 38 Il s'agit des quatre objectifs de la politique immobilière de l'État définis par le ministre en charge du budget en 2006 (cf. Rapport d'activité 2006-2011 du Conseil de l'immobilier de l'État, « CIE : cinq années de progrès dans la politique immobilière de l'État »).

* 39 Ce dernier objectif, toutefois, ne saurait être retenu s'agissant des juridictions dès lors que la majorité des locaux abandonnés dans le cadre de la réforme appartenaient à des collectivités territoriales.

* 40 Les personnels en charge des questions immobilières appartiennent aux services administratifs régionaux (SAR). Créés par une circulaire du 8 juillet 1996, ces services, placés sous l'autorité directe des chefs de cour d'appel, sont chargés de l'administration des moyens, de la gestion des personnels, mais également du parc informatique et de l'immobilier.

* 41 Selon le contrat de performance de l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) sur la période 2011-2013, l'opérateur a vocation à prendre en charge les opérations dont le coût est supérieur à 3 millions d'euros.

* 42 Les différents aspects relatifs à la mise en oeuvre opérationnelle de la politique immobilière des juridictions sont analysés en détail infra dans la sous-partie C de la présente partie, « La réalisation des opérations immobilières ».

* 43 À savoir au 1 er janvier 2009 pour les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce, au 1 er janvier 2010 pour les tribunaux d'instance et au 1 er janvier 2011 pour les tribunaux de grande instance.

* 44 Cf. contrat de performance de l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) sur la période 2011-2013.

* 45 Il s'agit de l'indicateur 1.2 « Rendement d'occupation des surfaces : nombre de m² de SUN par poste de travail » rattaché au programme n° 723 « Contribution aux dépenses immobilières » de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

* 46 Sur l'ensemble du parc immobilier de l'État, le rendement d'occupation des surfaces devait atteindre 16 mètres carrés SUN par poste de travail en 2012 ; en 2009, ce ratio était de 17,8 mètres carrés SUN par poste de travail (cf. projet annuel de performances de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2013).

* 47 Cf. annexe III au présent rapport, « Extrait de la circulaire du 3 avril 2008 de la ministre de la justice relative à la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire ».

* 48 Les départements immobiliers (ou départements de l'immobilier) des plateformes interrégionales du ministère de la justice relèvent du secrétariat général de ce ministère ; ils ont remplacé les antennes régionales de l'équipement (ARE) dont elles ont repris les attributions. Les plateformes interrégionales sont au nombre de neuf ; elles ont été instituées par un arrêté du 22 mars 2012 pour mutualiser l'organisation et le fonctionnement des services déconcentrés de la direction des services judiciaires (DSJ), de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). Au-delà des problématiques immobilières, leur champ de compétence s'étend à la gestion des ressources humaines et de l'action sociale, à l'informatique et aux télécommunications, à l'exécution budgétaire et comptable, etc.

* 49 Cf. recommandation n° 6.

* 50 Sur un total de 439 opérations immobilières prévues, 9 ont été confiées à l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) (cf. infra ).

* 51 À ce titre, il est surprenant que la fonction de magistrat délégué à l'équipement ne soit que peu précisée par les textes. Celle-ci a été créée par une circulaire du 27 mai 1968 du ministre de la justice (cf. annexe IV au présent rapport) ; elle n'apparaît qu'incidemment dans certains actes réglementaires, comme dans un arrêté du 3 mars 2010 prévoyant l'attribution d'une prime complémentaire aux magistrats concernés qui, par ailleurs, a été supprimée depuis.

* 52 Les magistrats délégués à l'équipement exercent leur fonction en plus d'autres responsabilités (parfois de nature judiciaire). Aussi leur capacité à se consacrer aux problématiques relatives à l'équipement et à l'immobilier est-elle très variable ; celles-ci mobilisent près de la moitié du temps de travail des magistrats délégués à l'équipement dans les cours d'appel de grande taille, mais représentent seulement une part marginale de l'activité de ces derniers dans les ressorts de moindre importance.

* 53 Le secrétariat général du ministère de la justice a, toutefois, indiqué à vos rapporteurs spéciaux avoir récemment organisé un séminaire portant sur les questions immobilières à destination des magistrats délégués à l'équipement.

* 54 Ces ratios ont été établis par l'association APOGEE qui rassemble plus de 200 organismes développeurs, propriétaires et gestionnaires de patrimoine immobilier qui ont pour objectif de « perfectionner leur management immobilier ».

* 55 Cf. document de politique transversale sur la « Politique immobilière de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2013.

* 56 Sans qu'il soit tenu compte de l'opération de construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine (cf. supra ).

* 57 Cf. article 205 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 58 Cf. décret n° 2006-208 du 22 février 2006 modifié relatif au statut de l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice.

* 59 Cf. décret n° 2010-43 du 12 janvier 2010 relatif à l'établissement public du palais de justice de Paris.

* 60 Cet allongement du processus d'enregistrement des factures a pu, notamment, avoir des conséquences sur le paiement des prestataires et, par conséquent, perturber le bon déroulement des travaux engagés.

* 61 Ces données ne comprennent pas le foncier acquis dans le cadre des opérations de constructions neuves.

* 62 Il s'agit des quatre objectifs de la politique immobilière de l'État définis par le ministre en charge du budget en 2006 (cf. supra ).

* 63 Il s'agit des économies de loyers et de gestion nettes des dépenses de loyers et des frais de gestion supplémentaires liés aux regroupements de juridictions (cf. supra ).

* 64 Il s'agit du coût total des opérations immobilières (331,9 millions d'euros), net des produits de cessions (11,9 millions d'euros) (cf. supra ).

* 65 Cf. supra , la sous-partie C, portant sur « La réalisation des opérations immobilières », de la présente partie.

* 66 À titre d'exemple, le budget de fonctionnement de la cour d'appel de Versailles approche un million d'euros ; si ce montant est élevé relativement à la moyenne des autres cours d'appel, seuls 45 000 euros peuvent être mobilisés pour financer des opérations imprévues, la majeure partie des dépenses de fonctionnement étant contraintes.

* 67 Cf. recommandation n° 4.

* 68 À titre de rappel, le projet d'installation du tribunal de grande instance de Paris dans la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles avait fait l'objet d'un examen approfondi par notre collègue Roland du Luart dans le rapport d'information n° 38 (2009-2010) sur l'implantation du tribunal de grande instance de Paris fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 69 Cf. audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 30 octobre 2012, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

* 70 Dans le cadre de contrats de gestion intégrée, la baisse des coûts d'entretien peut résulter de la mutualisation des achats et des services ou encore de la diminution des charges administratives.

* 71 Cf. Rapport du Conseil de l'immobilier de l'État, « Moderniser la politique immobilière de l'État. Cinquante propositions du Conseil de l'immobilier de l'État », 30 janvier 2013.

* 72 Cf. article paru dans Le Monde du 2 août 2011, « Tribunaux à vendre, pas cher » de Mme Pascale Robert-Diard.

* 73 Cf. article paru dans Le Monde du 30 août 2012, « Le rhinocéros qui fait jaser Avallon » de M. Philippe Dagen.

* 74 Il s'agit des chefs de cour ayant répondu, au cours du second semestre de l'année 2012, aux questionnaires envoyés par vos rapporteurs spéciaux ; certains d'entre eux avaient changé d'affectation à la date de la publication du présent rapport.

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