N° 696

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois (1) sur l'application des dispositions de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie relatives à la création de l' auto-entrepreneur ,

Par M. Philippe KALTENBACH et Mme Muguette DINI,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. David Assouline, Président ; M. Philippe Bas, Mmes Claire-Lise Campion, Isabelle Debré, M. Claude Dilain, Mme Muguette Dini, MM. Ambroise Dupont, Stéphane Mazars, Louis Nègre, Mme Isabelle Pasquet, Vice-Présidents ; Mme Corinne Bouchoux, MM. Luc Carvounas et Yann Gaillard, secrétaires ; M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Cécile Cukierman, M. Philippe Darniche, Mme Catherine Deroche, M. Félix Desplan, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Frédérique Espagnac, MM. Pierre Frogier, Patrice Gélard, Mme Dominique Gillot, MM. Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Claude Jeannerot, Philippe Kaltenbach, Marc Laménie, Jacques Legendre, Jean-Claude Lenoir, Jacques-Bernard Magner, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Peyronnet, Gérard Roche, Yves Rome, Mme Laurence Rossignol et M. René Vandierendonck.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET PRÉCONISATIONS DU RAPPORT

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS

1) Concernant les conditions d'application du régime de l'auto-entrepreneur :

- pour s'en tenir à une première appréciation technique des conditions de mise en oeuvre du régime de l'auto-entrepreneur, il apparaît que cette application « à marche forcée », au 1 er janvier 2009, soit moins de six mois après la promulgation de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), n'a pas été sans poser des problèmes pratiques de gestion et, à la lumière de ceux-ci, il est permis de s'interroger sur le fait que la priorité accordée au principe de simplification des formalités se soit exercée au détriment de la cohérence de la chaîne de gestion administrative, juridique et statistique ;

- cette précipitation est certainement à l'origine des multiples ajustements réglementaires et législatifs intervenus depuis 2009 , le dernier en date étant intervenu dans le cadre de la loi de finances pour 2013, laquelle a relevé les taux de cotisations sociales des auto-entrepreneurs afin de supprimer la différence constatée en leur faveur par rapport au régime de droit commun du travailleur indépendant ;

- au total, malgré un nombre important de modifications (sept décrets et onze modifications législatives en quatre ans), et malgré la réduction des avantages sociaux accordés aux auto-entrepreneurs intervenue en loi de finances pour 2013, le dispositif ne semble toujours pas avoir atteint son point d'équilibre . Le besoin d'ajustements plus ou moins substantiels est exprimé tant par les professionnels que par le Gouvernement qui a annoncé le 12 juin dernier, en Conseil des ministres, le lancement d'une réforme tendant à clarifier et améliorer le régime en mettant en oeuvre « un véritable contrat de développement de l'entrepreneuriat ».

2) Concernant le bilan quantitatif et économique :

- parmi les quelques 900 000 auto-entrepreneurs administrativement inscrits 1 ( * ) , seulement 49 % sont économiquement actifs. Cette proportion est stable depuis plus d'un an. Ainsi, 410 000 auto-entrepreneurs déclarent un chiffre d'affaires positif, c'est-à-dire non nul ;

- sur le plan macro économique, le poids réel de l'activité des auto-entrepreneurs doit être relativisé car le chiffre d'affaires cumulé sur l'année 2012 s'est établi à 5,6 milliards d'euros, soit 0,23 % du PIB ;

- sur le plan micro-économique, même si environ 51 000 auto-entrepreneurs (6,1 %) ont déclaré un chiffre d'affaires annuel supérieur à 30 000 euros, celui-ci reste globalement peu élevé. Parmi les actifs ayant effectivement déclaré un chiffre d'affaires non nul sur ce quatrième trimestre, 41 % d'entre eux ont généré moins de 6 000 euros de chiffre d'affaires annuel, soit 500 euros mensuels ;

- les auto-entrepreneurs qui changent de régime pour un statut de travailleur indépendant classique en raison du développement de leur entreprise sont très peu nombreux. En 2011, l'Acoss a estimé de l'ordre de 10 000 auto-entrepreneurs le nombre de ceux ayant quitté le régime « par le haut ». Ce nombre représente seulement 4,6 % du nombre total de radiations annuelles du régime de l'auto-entrepreneur (290 000 en 2011), mais près de 40 % du nombre des cotisants appartenant à la tranche haute de la distribution dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 40 000 euros.

LES PRINCIPALES PRÉCONISATIONS

1) Adapter et clarifier le régime sur le plan réglementaire et législatif :

- donner une base juridique à la dénomination d'auto-entrepreneur au moyen d'une mention expresse de celle-ci dans les textes réglementaires d'application de la LME. Il s'agit ainsi de conforter le statut social des personnes qui créent leur propre activité mais aussi d'améliorer la lisibilité pour le consommateur du cadre juridique dans lequel les prestations sont effectuées ;

- clarifier les conditions d'information des employeurs privés et publics de l'activité d'auto-entrepreneur menée par leur salarié, l'objectif de cette mesure étant d'assurer la transparence du dispositif et de mieux lutter contre le travail dissimulé.

2) Sécuriser les conditions d'entrée dans le régime et son contrôle :

- renforcer la procédure d'inscription en rendant obligatoire la déclaration du caractère principal ou accessoire de l'activité ;

- instaurer la déclaration des qualifications professionnelles nécessaires à l'exercice d'une profession artisanale et/ou réglementée dès le stade de l'inscription ;

- rendre obligatoire l'attestation de la souscription d'une assurance en responsabilité civile professionnelle ainsi que des assurances professionnelles requises pour l'exercice de certaines professions ;

- s'assurer dans la procédure d'inscription d'un contrôle automatisé de la concordance des éléments déclaratifs précités avec les conditions d'accès à l'activité déclarée avant la validation de l'inscription et l'attribution par l'Insee du numéro d'immatriculation ;

- instaurer une déclaration sur l'honneur de la véracité des informations fournies en vue de l'obtention de l'inscription .

L'objectif recherché est de maintenir la simplicité du système déclaratif tout en responsabilisant les bénéficiaires du régime par un encadrement plus strict et une information plus explicite des obligations à remplir en particulier dans la procédure automatisée d'inscription.

3) Renforcer le suivi statistique de l'activité d'auto-entrepreneur :

- reconnaître l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) comme chef de file de la coordination du chaînage statistique entre l'Insee et les organismes gestionnaires du régime (administration fiscale et caisses d'assurance vieillesse).

4) Assurer le développement et l'accompagnement des auto-entrepreneurs vers le droit commun :

- mettre en place un suivi des auto-entrepreneurs susceptibles d'accéder au statut de droit commun de l'entreprise individuelle à compter d'un seuil de 50 % du plafond de chiffre d'affaires autorisé en fonction de l'activité d'auto-entrepreneur 2 ( * ) , soit une population estimée entre 50 000 à 70 000 auto-entrepreneurs ;

- assurez le financement de ce dispositif en mobilisant les fonds de la formation professionnelle , évalués à 10 millions d'euros, ainsi que l'agence pour la création d'entreprises (APCE) en lien avec les acteurs consulaires et le réseau des experts comptables ;

- différencier l'accompagnement et les conditions de sortie du régime vers le droit commun selon que les activités concernées relèvent de l'artisanat, en particulier dans le secteur du bâtiment , qui sont les plus impactées par la concurrence des auto-entrepreneurs, ou des professions libérales et du commerce car celles-ci ne font pas l'objet des mêmes critiques. Si vos rapporteurs soulignent la nécessité d'assurer un contrôle et un accompagnement renforcé en matière d'activités artisanales et si la question d'une limitation dans le temps peut être une solution pour les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal , ils ne souhaitent pas l'instauration d'une limitation générale de durée d'activité ;

- désigner l'APCE comme tête de réseau de l'accompagnement des auto-entrepreneurs afin de simplifier les conditions de transition vers les régimes de droit commun .

L'objectif de ces mesures est la mise en place d'une chaîne vertueuse de développement de l'activité par :

- une meilleure préparation des auto-entrepreneurs présentant un potentiel d'entrée dans le cadre général de la création d'entreprise ;

- un lissage des effets de seuils induisant des ressauts d'imposition et de contributions sociales ;

- et une simplification d'ensemble des formalités de création d'entreprise dans le droit commun.


* 1 894 681 auto-entrepreneurs sont enregistrés selon les dernières données provisoires fournies par l'Acoss pour le mois de février 2013.

* 2 Ces seuils annuels sont fixés pour 2013 à 81 500 euros pour une activité de commerce et à 32 600 euros pour les prestations de services et professions libérales.

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