B. UN ENGAGEMENT À COMBLER LES PRINCIPALES LACUNES DANS LE CADRE DE LA CONTRACTUALISATION AVEC L'ÉTAT

1. L'émergence d'une réelle dimension de service aux assurés

La mission d'audit de l'IGAS et du CGEDD préalable à l'élaboration de la convention d'objectifs et de gestion (COG) a identifié d'importantes carences dans la gestion du régime par l'ENIM et surtout dans le service rendu par l'établissement aux assurés. Avant même la signature de la COG, le 20 décembre 2012, l'établissement a entrepris de répondre aux critiques qui lui ont été adressées en modernisant son offre de services.

a) La mise en place d'une garantie « qualité ENIM »

L'audit de l'IGAS et du CGEDD réalisé au cours de l'année 2012 a mis en évidence une situation paradoxale : l'ENIM bénéficie d'une image globalement positive auprès de ses assurés et leur attachement au régime est fort, toutefois la qualité du service rendu est moindre par rapport aux autres organismes de protection sociale . Le rapport d'audit faisait notamment état d'un accueil téléphonique défaillant et de l'absence d'accès à un compte assuré en ligne pour les assurés au titre du risque vieillesse. En outre, la qualité des prestations - en particulier les délais de traitement - n'était pas correctement suivie.

La première enquête de satisfaction auprès des usagers de l'ENIM a été réalisée en septembre 2011 14 ( * ) . Les usagers interrogés considèrent que la gestion des prestations par l'ENIM est globalement satisfaisante mais font part de leurs attentes en termes d'accessibilité à un interlocuteur chargé de l'ENIM. Les armateurs soulignent les faiblesses relatives à la gestion des arrêts de travail et des prestations de retraite, ainsi que la grande difficulté à joindre un interlocuteur.

Dans le cadre de la COG, l'ENIM s'est engagée à mettre en place une garantie « qualité ENIM » afin d'améliorer l'offre de service globale en termes de délais, de fiabilité et de gestion du risque. Des indicateurs spécifiques ont été mis en place pour suivre l'évolution de la qualité de service, avec des objectifs cibles jusqu'en 2015. Parmi eux figure notamment la réduction des délais moyens de paiement des prestations maladie ou l'augmentation de la part d'appels téléphoniques aboutis, de 34 % en 2012 à 90 % en 2015.

b) Le développement de l'accueil téléphonique et des services Internet

Au cours de l'année 2012, le chantier prioritaire de l'ENIM en matière de service aux assurés a été la mise en place d'une plateforme de services téléphoniques dédiée à l'assurance maladie . Avec ce projet, l'ENIM entend répondre à l'une des principales critiques de la mission d'audit de l'IGAS et du CGEDD.

La plateforme, implantée dans le centre de liquidation des prestations maladie de Saint-Malo, a été mise en place en huit mois, avec l'appui des services de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ( CNAMTS ) et de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine. Elle prend en charge l'ensemble des appels entrants concernant la branche maladie du régime et fonctionne selon un système de réponse à double niveau. Les télé-conseillers sont en charge des réponses au premier niveau. Les questions plus complexes sont quant à elles transmises aux services compétents de l'ENIM, qui s'engagent à rappeler l'assuré dans les quarante-huit heures.

Activité de la plateforme de services téléphonique de la branche maladie de l'ENIM durant ses six premiers mois d'existence

Nombre d'appels

Nombre d'appels servis

Taux de réponse

Taux de réponses < 1 minute

Durée moyenne de la conversation

Moyenne appels / jour

Moyenne ETP / jour

Octobre 2012

4 641

4 202

90,54 %

78,96 %

05 : 01

323

7,1

Novembre 2012

7 553

7 142

94,56 %

76,81 %

04 : 19

340

5,9

Décembre 2012

6 281

5 992

95,40 %

77,32 %

04 : 03

315

5,6

Janvier 2013

10 322

8 982

87,02%

57,76 %

03 : 39

450

5,5

Février 2013

8 146

7 039

86,41 %

61,23 %

03 : 33

352

4,2

Mars 2013

8 042

7 429

92,38 %

69,77 %

03 : 35

383

5,1

Source : ENIM

Si la plateforme concerne pour le moment uniquement la branche maladie, les télé-conseillers répondent également aux questions les plus simples relatives aux pensions. Par ailleurs, il existe un accueil téléphonique spécifique pour les pensions au centre de liquidation des pensions de Paimpol.

Outre le renforcement de l'accueil téléphonique, la COG 2013-2015 comporte un engagement relatif au développement des services sur Internet. L'ENIM dispose d'un site Internet 15 ( * ) proposant des informations à caractère généraliste. L'établissement entend élargir son offre de télé-services avec notamment, outre le compte d'assuré « Ameli » existant déjà, un compte retraite consultable en ligne, un simulateur de retraite et un outil de gestion des carrières. Un projet de télé-déclaration et de télé-paiement des contributions sociales des armateurs, baptisé « LISE », a été lancé par l'ENIM en 2012. Son déploiement est indispensable pour simplifier les démarches des professionnels en leur évitant de déposer une déclaration papier auprès des services des DML, mais aussi alléger la charge de travail de ces derniers.

Votre rapporteur spécial souligne l'importance du développement rapide de l'offre de télé-services, compte tenu de l'éloignement des assurés, de la spécificité des professions maritimes et des difficultés actuelles des DML.

Recommandation n° 2 : poursuivre le développement des télé-services dans le but de garantir un meilleur niveau de service et de responsabiliser les salariés et les employeurs .

2. L'amorce d'une politique de gestion du risque
a) La maîtrise des risques financiers

A l'occasion de la réorganisation interne du siège de l'ENIM en juin 2012, une mission dédiée au contrôle interne a été créée. Celle-ci est directement rattachée au directeur. Jusqu'à cette date, l'établissement ne disposait pas de plan de contrôle interne opérationnel, malgré une tentative en 2006.

La faiblesse du contrôle interne a été soulignée par la Cour des comptes dès 2006 16 ( * ) . Elle observait en particulier le caractère « insuffisamment rigoureux » et « peu méthodique » des contrôles des activités principales de l'ENIM. Un audit de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et du contrôle général économique et financier (CGEFI) 17 ( * ) a quant à lui constaté en 2011 « un retard certain dans la mise en oeuvre des outils stratégiques de contrôle interne » et recommandait à l'établissement de se doter d'une cartographie des risques sur l'ensemble de son activité et d'un plan d'action, conformément à la circulaire relative à la mise en oeuvre de la démarche de contrôle interne comptable et financier par les opérateurs 18 ( * ) .

Malgré le renforcement du dispositif de contrôle, l'élaboration d'un programme de contrôle pluriannuel et d'indicateurs de suivi, le commissaire au compte chargé de certifier les comptes de l'ENIM 19 ( * ) a renouvelé sa réserve sur l'efficacité du contrôle interne relatif aux prestations maladies en nature 20 ( * ) , pour lesquelles les opérations de traitement informatique sont adossées à la CNAMTS.

b) La lutte contre la fraude

Une deuxième lacune importante identifiée lors des différents audits préalables à la COG est l'absence de politique efficace de lutte contre la fraude aux prestations et aux cotisations.

Les règles relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude applicables au régime général, et étendues à la plupart des autres régimes, ne s'appliquent pas à l'ENIM. En 2008, l'établissement a établi une circulaire fixant des orientations générales en matière de gestion du risque, y compris de lutte contre la fraude 21 ( * ) . Toutefois, la mission d'audit de l'IGAS et du CGEDD a relevé son absence de mise en oeuvre effective et le très faible nombre de cas de fraudes détectés par l'ENIM. Seules dix-sept affaires, jugées ou en attente de jugement avaient été recensées à l'automne 2011.

L'IGAS et le CGEDD ont pourtant identifié plusieurs spécificités des secteurs maritimes ou du régime comme étant « porteuses de risques » de fraude :

- « la couverture sociale du marin à temps plein par le régime de l'ENIM, pour un coût inférieur à celui d'autres régimes, génère un effet d'aubaine » ;

- « l'absence de cotisation spécifique versée par les armateurs pour les accidents du travail (...) entraînerait une sur-déclaration des accidents du travail par rapport aux maladies » 22 ( * ) .

La création, en juin 2012, d'une mission spécifique de lutte contre la fraude, rattachée à la direction de l'établissement , constitue un net progrès. Composée de trois personnes, cette mission devrait être prochainement renforcée grâce au recrutement d'une statisticienne. Outre le travail de détection des fraudes, d'investigation et de mise en oeuvre des sanctions, la mission est en charge de nouer des partenariats avec d'autres organismes de protection sociale en matière de lutte contre la fraude. Depuis la mise en place de la mission, l'ENIM participe désormais aux comités opérationnels départementaux anti-fraude ( ODAF ).

3. L'approfondissement de la coopération avec les autres régimes de protection sociale
a) La coopération avec le régime général

Le « développement de partenariats avec d'autres acteurs du secteur social » constitue l'un des trois axes de la nouvelle COG.

L'ENIM s'est engagé dans une coopération avec la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Il a en effet été décidé en 2003 d' adosser la branche maladie de l'ENIM au système de gestion informatique de la CNAMTS . Le déploiement des applicatifs du régime général a été lancé en 2008 pour les prestations en nature. Toutefois, l'ENIM considère ne pas avoir été suffisamment accompagné dans ce projet : « Il [l'adossement] s'est avéré un traumatisme pour les agents du fait de son caractère insuffisamment préparé techniquement par les deux parties (formation des agents, maîtrise des outils) et a conduit à une forte dégradation de la qualité de service pendant deux ans » 23 ( * ) . De plus, de nombreuses erreurs de versement ont eu lieu au début du processus d'adossement, dont la régularisation est intervenue tardivement.

Enfin, l'adossement technique des prestations maladie n'est toujours pas achevé, les fonctionnalités pour les prestations en espèces 24 ( * ) n'ayant toujours pas été ouvertes par la CNAMTS à l'ENIM. Comme l'a souligné l'audit de l'IGAS et du CGEDD, cette situation entraîne un renchérissement des coûts de gestion, puisque l'ENIM est obligé de maintenir son ancien système de gestion pour les prestations maladie en espèce, parallèlement au système de la CNAMTS pour les prestations en nature. Cette situation devrait être résolue d'ici la fin de l'année 2013 puisqu'une solution technique semble avoir été trouvée pour intégrer les prestations en espèces dans le système de liquidation général.

La coopération avec la CNAMTS concernant la plateforme d'accueil téléphonique - notamment pour les contrats d'abonnement - s'est avérée quant à elle fructueuse.

Par ailleurs, il convient de noter le souhait de l'ENIM de se rapprocher de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale ( ACOSS ) afin d'utiliser un outil de gestion du recouvrement des cotisations et des contributions utilisé dans les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'assurance familiale (URSSAF) et plusieurs régimes spéciaux. L'établissement considère, à juste titre, que le renouvellement de ses applicatifs « sur la base d'une solution spécifique à l'ENIM n'est pas pertinent économiquement au regard de l'effectif de cotisants de l'ENIM » 25 ( * ) .

b) La recherche de mutualisations avec les autres régimes spéciaux

En tant que membre de l'union nationale des régimes spéciaux (UNRS) - au titre de l'assurance maladie - et du club des régimes spéciaux - au titre du risque vieillesse - l'ENIM participe à différents projets collaboratifs, tels que :

- la création d'un portail de consultation en ligne du relevé individuel de situation ( RIS ). Ce document, que les futurs pensionnés peuvent demander à partir de l'âge de quarante ans, récapitule les droits acquis auprès de l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaire dont l'assuré a relevé au cours de sa carrière. Sa mise en oeuvre a été rendue possible grâce à un partenariat avec les caisses de retraite des personnels de la SNCF et de l'Opéra de Paris ;

- des éventuelles mutualisations en matière de « plan de continuité d'activité » (PCA) 26 ( * ) .

L'ENIM participe également au projet de répertoire de gestion des carrières unique ( RGCU ). Piloté conjointement par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et les autres régimes de retraite, cet instrument, créé par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, doit permettre aux assurés de consulter l'ensemble de leurs droits à la retraite et aux gestionnaires de faciliter la liquidation des pensions.

La nouvelle politique de l'établissement en matière de collaboration avec les autres régimes sociaux est volontariste. Toutefois, il a été signalé à votre rapporteur que tous les régimes ne sont pas très allants sur cette question. Des gains de productivité importants seraient pourtant possibles en mutualisant certains outils pertinents pour tous les régimes. Selon une étude 27 ( * ) de l'entreprise de conseil Accenture, il serait possible de réaliser des économies d'échelle importantes en mutualisant certaines fonctions - en particulier les relations avec les usagers, les achats ou le recouvrement des cotisations - sans changer les réglementations, ni les spécificités de chaque régime.

Recommandation n° 3 : rendre la coopération, voire la mutualisation de certains outils, entre régimes spéciaux obligatoire, afin de minimiser les charges de gestion .

c) Les partenariats en matière d'action sanitaire et sociale

En matière d'action sanitaire et sociale, l'ENIM est au coeur d' un vaste réseau de partenaires . L'établissement subventionne notamment un certain nombre d'associations et organismes menant une action spécifique auprès des professionnels des secteurs maritimes. En 2012, 33 % des dépenses d'action sanitaire et sociale de l'ENIM correspondaient à des subventions à des services sociaux et organismes. Les principaux partenaires subventionnés par l'ENIM sont :

- le service social maritime ( SSM ), association de loi 1901, créée en 2007 à la suite du regroupement de deux services sociaux 28 ( * ) , qui emploie et anime un réseau de soixante assistants sociaux spécialisés, présents dans les trente-huit plus grands ports maritimes. Il est financé majoritairement par une cotisation versée par les armateurs et les marins et à 29 % par une subvention de l'ENIM (1,5 million d'euros en 2012) ;

- l'association de gestion des institutions sociales des gens de mer ( AGISM ), créée en 1945, qui est une association à vocation hôtelière et sociale répondant aux obligations internationales de la France relatives aux bien-être des marins 29 ( * ) . Elle reçoit de l'ENIM une compensation du tarif hôtelier accordé aux marins (environ 388 000 euros en 2010), une subvention pour l'aide aux accueils (environ 300 000 euros en 2010) ainsi qu'une somme correspondant aux travaux effectués dans les hôtels des gens de mer dont l'ENIM est encore propriétaire.

La révision des conventions liant l'ENIM à l'AGISM et au service social maritime à la fin de l'année 2012 a permis de mieux formaliser les attentes de l'ENIM à l'égard de ces deux associations et de les rendre cohérentes avec les grands principes de la COG.

En outre, l'ENIM s'est engagé à développer une « coopération privilégiée » avec la caisse maritime d'allocations familiales ( CMAF ) 30 ( * ) . Cette caisse verse également certaines aides sociales aux marins (aides aux vacances, au logement, prêts d'honneurs et secours). De plus, depuis le déménagement de l'ENIM à La Rochelle, l'ENIM et la CMAF jouissent d'une proximité géographique. Selon la COG, il est prévu que leur coopération porte notamment sur les dispositifs d'action sanitaire et sociale.

Enfin, la création d'un pôle « solidarité et prévention » au sein du centre de liquidation des prestations maladie de l'ENIM à Lorient devrait permettre de renforcer la cohérence de l'action sanitaire et sociale de l'ENIM. Alors que la gestion des différents dispositifs était auparavant éclatée, ce service est désormais en charge de l'ensemble des aides individuelles et des interventions collectives.


* 14 « Valeurs et opinions » et CSA, « Etude d'image et de satisfaction de l'ENIM : regards croisés bénéficiaires et armateurs », décembre 2011.

* 15 www.enim.eu

* 16 Cour des comptes, observations définitives de la 6 ème chambre, exercices 1995 à 2006.

* 17 Direction générale des finances publiques et contrôle général économique et financier, comité national d'audit, rapport d'audit de l''ENIM, 2011.

* 18 Circulaire n° 2011/03/6791 du 1 er juin 2011 relative à la mise en oeuvre de la démarche de contrôle interne comptable et financier par les opérateurs.

* 19 Les comptes de l'ENIM sont certifiés depuis l'exercice 2008.

* 20 Rapport du commissaire aux comptes sur les comptes sur les comptes annuels, exercice clos le 31 décembre 2012.

* 21 ENIM, circulaire n° 7 du 17 novembre 2008 relative aux orientations générales de l'ENIM en matière de gestion du risque, y compris de lutte contre la fraude.

* 22 Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), « Rapport d'évaluation préalable à la première convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et l'ENIM », juin 2012.

* 23 ENIM, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 24 Les prestations en espèces sont destinées à compenser la perte de salaire suite à un arrêt de travail, tandis que les prestations en nature sont destinées au remboursement, total ou partiel, des dépenses médicales liées à la maladie.

* 25 ENIM, convention d'objectifs et de gestion 2013-2015.

* 26 Le plan de continuité d'activité est une procédure qui doit permettre à une organisation de fonctionner même en cas de catastrophe.

* 27 Accenture, « Les retraites en France : pour une réforme durable », mai 2013.

* 28 L'union sociale maritime, qui était compétente pour les salariés de la marine marchande, et le service social de la pêche maritime, compétent pour les salariés de la pêche et de la conchyliculture.

* 29 Recommandation n° 48 adoptée le 24 octobre 1936 par la conférence générale de l'Organisation internationale du travail (OIT), dont les obligations ont été reprises par d'autres accords internationaux.

* 30 Cf. supra .

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