D. DES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES RÉCENTES

Fabienne KELLER , rapporteure

Emmanuelle Barbara, vous êtes avocate et spécialiste du droit du travail. Comment ces femmes, ou encore les travailleurs intérimaires, sont-ils pris en compte dans le droit du travail ? Le texte récemment adopté à la suite de l'ANI de janvier 2013 change-t-il la donne ?

Emmanuelle BARBARA

Je souhaite d'abord rappeler une statistique importante dans notre contexte de crise. En 2012, sur les vingt millions de contrats de travail signés, 85 % sont des CDD, et 68 % des CDD d'environ un mois ou de moins d'un mois. Le taux de marge des entreprises n'a jamais été aussi bas que depuis les années 1930. Le vrai problème actuel est le carnet de commande des entreprises. Dans ce contexte, la variable d'ajustement est le travail précaire. La précarité prend la forme de CDD, mais aussi de travail à temps partiel, qui peut être effectué dans le cadre d'un CDI.

La notion de précarité doit être considérée à l'aune de la nouveauté législative saisissante votée le 14 mai dans la loi de sécurisation de l'emploi. Ce nouveau texte témoigne d'une recherche de sécurisation du parcours individuel professionnel.

La notion qui permet de faire converger les collèges, les lycées et les organisations professionnelles de différents secteurs économiques est la formation professionnelle. On pourrait d'ailleurs imaginer la fusion de divers ministères comme ceux de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, afin de travailler spécifiquement sur l'évolution de la vie professionnelle.

Tous les problèmes de l'école évoqués ce matin, comme le vivre-ensemble, l'identité, la liberté, se retrouvent en effet dans l'entreprise. Leur gestion pose des problèmes complexes aux DRH et aux juridictions du travail lorsqu'elles en sont saisies. L'entreprise est donc le reflet de ce qui se passe à l'école. L'évolution du monde du travail et l'employabilité se trouvent au centre de toutes les démarches des entreprises ou des écoles. La loi a d'ailleurs mis la question du parcours et de la trajectoire individuelle au centre de ses objectifs. En droit français, il s'agit d'une révolution. Jusqu'à ce jour, notre code du travail portait essentiellement sur les droits prévus dans les contrats de travail. Désormais, l'individu est appréhendé dans sa dynamique de vie. Il n'aura pas le même emploi pendant toute sa carrière. La fiction du CDI éternel n'existe plus. Le droit commence à s'adapter à cette évolution, en favorisant la sécurisation des parcours.

Pour le CDD, la loi prévoit la taxation des contrats courts. Je ne suis pas convaincue de l'efficacité de cette mesure. Quoi qu'il en soit, elle vise à montrer que le CDI demeure formellement le modèle à suivre. En termes de formation professionnelle, la loi crée le compte individuel de formation, qui suggère la notion de patrimoine professionnel tout au long de la vie.

Sur le terrain des contrats précaires, la loi comporte une avancée considérable, avec la création d'une durée minimale de temps de travail par semaine, fixée à vingt-quatre heures, sauf dérogation. L'idée est que l'on ne peut pas travailler décemment moins de vingt-quatre heures par semaine. Cette mesure ne doit pas empêcher le multiemploi. Même si ce dernier crée des sujétions, il donne en effet l'ambition de s'investir dans le travail.

Enfin, concernant la garde des enfants et les mutations de la société, certaines entreprises réfléchissent, dans le cadre du vivre-ensemble et de la gestion du stress, à la mise en place de facilités en termes de crèches, de logement, de transports. Ces thèmes sont devenus des champs d'investigation de l'entreprise.

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