C. LES RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES : UNE TRAJECTOIRE PERTINENTE DE RATIONALISATION DES AIDES À MOYEN TERME

Au-delà de la réforme présentée par le Gouvernement, la Cour des comptes estime qu'il « n'en demeure pas moins opportun de conduire une réflexion de plus long terme sur les fondements et l'économie générale de la politique publique, dans le but de simplifier et de rendre plus efficaces les dispositifs d'aide, mais aussi de garantir un niveau de dépenses compatible avec la trajectoire générale des finances publiques ».

Elle propose donc une série de recommandations à court terme, et d'orientations, dans une perspective de trois à cinq ans . Votre rapporteur spécial souligne que cette enquête et les recommandations qui en résultent constituent le prolongement et l'approfondissement de l'insertion du rapport public annuel de la Cour des comptes de février 2013, relative au plan d'aide en faveur de la presse écrite mené à l'issue des états généraux de la presse écrite, de 2009 à 2011 , et dont les principales observations et recommandations sont rappelées dans l'encadré ci-dessous.

Les principales observations et recommandations de la Cour des comptes dans son insertion au rapport public annuel 2013 : « Le plan d'aide à la presse écrite 2009-2011 : une occasion de réforme manquée »

Le plan d'aide à la presse écrite 2009-2011 a obtenu des résultats limités , qui se situent en deçà des objectifs de départ et ne sont pas en rapport avec les moyens budgétaires supplémentaires engagés par l'Etat, plus de 450 millions d'euros sur trois ans , ni a fortiori avec le coût total cumulé des soutiens publics qui peut être estimé à 5 milliards d'euros sur cette même période .

L'aggravation de la crise du secteur de la presse écrite concomitante à la tenue des états généraux de la presse écrite a conduit les pouvoirs publics à adopter un ensemble de mesures sans avoir pu procéder à une évaluation préalable des dispositifs existants , ni orienter une partie des moyens financiers vers des mesures d'urgence. Les rares mesures de nature structurelle ne sont pas parvenues à modifier durablement les modes de distribution, ni à adapter le secteur de la presse écrite aux mutations en cours.

Une réforme profonde de la politique d'aide à la presse reste plus que jamais une nécessité compte tenu de son coût et de sa faible efficacité . Elle passe d'abord par la poursuite des actions conduites depuis 2012 par le ministère pour améliorer l'efficacité de la gouvernance et du pilotage de cette politique . Si les orientations définies vont dans la bonne direction, les mesures conduites en matière de contractualisation, de transparence et de renforcement des moyens de contrôle et d'évaluation doivent encore trouver une traduction effective.

Le retour au niveau des dépenses antérieur au plan 2009-2011 s'impose également dans un contexte marqué par les contraintes de maîtrise des dépenses publiques . L'évolution budgétaire suivie depuis 2012, et prévue jusqu'en 2015, témoigne à la fois d'une volonté de réduire le niveau des dépenses et de faire disparaître les rigidités qui empêchent de revenir au niveau de dépenses constaté avant la mise en oeuvre du plan triennal.

Plus regrettable encore, la baisse des crédits prévue par la programmation budgétaire triennale 2013-2015 ne repose pas sur une approche plus sélective de la politique d'aide , qui permettrait de dégager des marges de manoeuvre nouvelles, sans remettre en cause les priorités de l'Etat. Il importe de refonder la stratégie d'intervention de l'Etat pour chacun de ses objectifs prioritaires :

- pour le développement de la diffusion, une mise en cohérence des nombreuses aides existantes s'impose d'ici 2015, date à laquelle les accords relatifs à l'aide au transport postal viendront à échéance ;

- pour la préservation du pluralisme, une réflexion sur le périmètre d'application des tarifs postaux préférentiels et du taux de TVA « super réduit » à 2,1 % paraît nécessaire afin de mieux prendre en compte la situation particulière de chaque famille de presse au regard de l'objectif de préservation du pluralisme et des contraintes pesant sur le niveau de rentabilité économique de leur activité ;

- pour la modernisation du secteur de la presse écrite, le fonds stratégique nouvellement créé doit avoir pour objectif de mieux orienter les interventions de l'Etat sur les projets innovants .

Si, en raison de ses montants, l'aide de l'Etat constitue un levier important de modernisation de la presse écrite, elle n'atteindra ses objectifs qu'à la condition que ce secteur professionnel poursuive lui-même sa mutation avec célérité, en tenant compte des évolutions en cours du secteur des médias, notamment avec le développement des réseaux sociaux .

Or, le contrôle réalisé par la Cour a montré que des évolutions considérées comme le corollaire de l'aide massive de l'Etat , notamment en matière de mutualisation des moyens consacrés au portage, de réduction des coûts de la chaîne de distribution de la presse quotidienne nationale ou d'adaptation au numérique, ont été très modestes pendant la période 2009-2011 .

Au regard de ces constats, la Cour formule les recommandations suivantes :

Concernant la gouvernance et le pilotage des aides :

- mettre en oeuvre de façon effective la contractualisation avec les entreprises bénéficiant de subventions :

- publier le montant annuel des aides accordées à chaque titre de presse ;

- systématiser les procédures d'évaluation et de contrôle et améliorer la cohérence du dispositif.

Concernant la stratégie d'intervention de l'Etat :

- accompagner la baisse programmée des aides publiques d'une réflexion globale visant à :

- mettre en cohérence les différentes aides à la diffusion d'ici 2015 ;

- accentuer leur ciblage en faveur des familles de presse présentant des enjeux en termes de pluralisme ;

- recentrer les aides à la modernisation sur les projets innovants.

Source : rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2013 ; Tome I : les observations, volume I-1 : les finances publiques, les politiques publiques ; chapitre IV : deux plans d'aide sectoriels.

Les recommandations à court terme de la Cour des comptes sont précises et portent sur :

- l'estimation du coût et l'évaluation de l'efficacité des aides indirectes ;

- la refonte des aides à la diffusion avec, comme priorité, la transition du postage vers le portage, la sortie des accords tripartites sur le transport postal et la réforme de l'aide au portage ;

- la gouvernance des aides, à travers le renforcement de la transparence par la publication du montant annuel des aides accordées à chaque titre et la généralisation de la contractualisation ;

- les relations financières entre l'Etat et l'Agence France Presse (AFP) à travers l'évaluation des missions d'intérêt général qui devraient être compensées par une subvention pour charges de service publi c, et le passage en revue de l'ensemble des abonnements de l'Etat à l'AFP.

De façon générale, votre rapporteur spécial approuve ces recommandations , dont la mise en oeuvre devrait permettre d'introduire davantage de cohérence, d'efficacité et de transparence dans la mise en oeuvre de cette politique publique. Il prend donc acte des premières mesures prévues en ce sens, notamment la baisse de l'aide au transport postal, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

Les orientations s'inscrivent quant à elles dans une perspective de trois à cinq ans, dans la ligne des décisions prises par le Gouvernement. Dans ce cadre, la Cour des comptes élabore un schéma-cible autour de deux grands principes :

- la simplification des aides directes , en ciblant leur impact sur la presse d'information politique et générale et la transition technologique de la filière , à travers le recentrage de l'action du Fonds stratégique pour le développement de la presse sur le soutien aux projets de mutualisation des coûts et aux projets innovants. Par ailleurs, la Cour des comptes préconise la création d'un fonds de soutien du pluralisme dédié à la presse d'information politique et générale ;

- la suppression des aides fiscales dont la pertinence n'est pas avérée , parallèlement au maintien de la mesure d'exonération de contribution économique territoriale et d'un taux de TVA préférentiel à 2,1 % pour l'ensemble de la presse (papier et en ligne).

Votre rapporteur spécial approuve pleinement la trajectoire de réforme proposée par la Cour des comptes . La simplification des aides proposée a l'avantage d'offrir de la visibilité aux acteurs économiques, de cibler davantage les aides sur la nécessaire transition numérique et sur la presse d'information politique et générale, seule garante du pluralisme. Elle devrait donc favoriser le rééquilibrage des aides en faveur des aides au pluralisme et à la modernisation. Néanmoins, contrairement à la Cour des comptes, votre rapporteur spécial estime indispensable d'harmoniser dès maintenant les taux de TVA applicables à la presse écrite et à la presse en ligne, sans attendre l'ouverture des négociations communautaires sur ce sujet qui requiert l'unanimité.

S'agissant de la suppression des aides fiscales non pertinentes, votre rapporteur spécial estime que des évaluations complémentaires sont inutiles : le rapport du comité Guillaume sur les dépenses fiscales et les niches sociales, publié en septembre 2011, a évalué les deux dépenses fiscales en faveur de l'investissement dans les entreprises de presse, et leur a attribué la note de 0.

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