B. LA SITUATION AU PROCHE ORIENT

Constatant l'absence de progrès depuis 2010 dans le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, la commission des questions politiques et de la démocratie a souhaité rappeler son soutien à la position « Deux États pour deux peuples ». Elle relève dans le même temps qu'un certain nombre d'évènements régionaux ont eu un impact direct sur ces négociations, qu'il s'agisse du « Printemps arabe », du programme nucléaire iranien ou de la guerre civile en Syrie.

Ce dernier point a été mis en avant par M. Bernard Fournier (Loire - UMP) :

« Permettez-moi tout d'abord de saluer l'excellent rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie qui pose judicieusement comme préalable à une coexistence pacifique durable entre Israël et la Palestine l'affirmation des valeurs démocratiques au sein des deux États. J'irai plus loin : je pense que l'ensemble de la région doit elle-même donner leur place aux valeurs que nous défendons. Le Printemps arabe n'a pas eu, à ce titre, les effets escomptés. Si de timides réformes ont vu le jour en Jordanie, si l'Égypte appréhende difficilement la démocratie, nous connaissons tous les difficultés extrêmes que rencontre la Syrie et les incertitudes qui rongent encore le Liban. Ne nous leurrons pas : si la stabilité politique et l'État de droit ne progressent pas dans ces quatre États, les tentatives de normalisation des relations entre Israël et la Palestine seront vaines, quand bien même ces deux pays respecteraient pleinement la démocratie et le pluralisme.

Les succès de l'armée de Bachar Al-Assad début juin sont assez symboliques. La Syrie est de nouveau aux frontières d'Israël, ce qui n'est pas sans contribuer à renforcer les tensions déjà existantes entre les deux pays depuis les bombardements de début mai. Or, nous le savons, toute escalade militaire dans la région n'est jamais positive pour la reprise du processus de paix. Elle ne contribue pas non plus à faciliter cette forme de décrispation en Israël qu'appelle de ses voeux M. Marcenaro dans son rapport, lorsqu'il insiste sur la nécessité de mettre fin aux arrestations arbitraires. Un État en guerre est toujours moins regardant sur les libertés fondamentales, surtout lorsque se développe l'idée que l'ennemi extérieur possède des complicités à l'intérieur.

La tentative américaine de relancer les négociations entre l'État hébreu et l'Autorité palestinienne se heurtera très rapidement à cette instabilité régionale. L'heure est malheureusement pour l'instant à la montée en force du radicalisme religieux, que ce soit dans un pays en guerre - je pense bien évidemment à la Syrie -, ou dans un État en paix comme l'Égypte. Le Printemps arabe a été, comme certains experts le craignaient, un facteur de déstabilisation pour Israël, contraint d'être encore plus vigilant.

Le Conseil de l'Europe a un rôle indéniable à jouer en vue de tempérer les craintes des Israéliens. Il s'agit pour nous d'accompagner la mutation démocratique des pays dont les populations ont fait le choix en janvier et février 2011 de renverser leurs satrapes ou d'ébranler des régimes conservateurs. Notre Organisation doit également être un forum pour les participants européens de la Conférence de Genève 2, en vue de dégager un modus vivendi permettant de trouver une solution politique à la guerre effroyable qui ravage la Syrie et déstabilise indirectement la région. Sans ce double mouvement, je crains que le conflit israélo-palestinien ne demeure dans une impasse. »

La relance par les États-Unis du processus de paix apparaît néanmoins comme un signal positif, comme l'a souligné Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste :

« On ne peut pas ne pas évoquer le problème de la Syrie, où la situation s'est aggravée. Nous sommes contraints de nous poser un certain nombre de questions : comment éviter une fin dramatique ? Comment sortir de ce face-à-face entre la Russie et l'Occident, entre l'Iran et les pays du Golfe ? Comment faire en sorte que l'Iran, qui n'a pas changé de régime, mais qui a changé d'homme et peut-être d'époque, puisse s'ouvrir au dialogue afin de sortir de la situation actuelle ?

Le conflit israélo-palestinien dure depuis 60 ans. Une fois que l'on a posé un principe intangible, à savoir l'existence et la sécurité d'Israël, cela autorise-t-il ce pays à transgresser tous les droits et à poursuivre sa politique d'occupation et de colonisation de la terre palestinienne ? La réponse est non.

Nous sommes donc dans une impasse. Or le statu quo est aussi une stratégie. Rien ne bouge alors qu'il y a des éléments nouveaux : un nouveau gouvernement en Israël, un nouveau Premier ministre en Palestine, un nouveau président aux États-Unis, sans oublier les révolutions arabes, le conflit en Syrie et des changements en Iran. Un diplomate a eu la formule suivante : « Israël veut des négociations sans paix et les Palestiniens veulent la paix sans négociations. » Je ne voudrais pas que cela se révèle exact.

Y a-t-il un avenir ? Oui : deux États démocratiques et pluralistes, selon la formule de notre rapporteur. Nous soutenons par conséquent la relance des négociations directes. Les socialistes soutiennent les efforts en cours de John Kerry. Nous saluons la retenue momentanée et éminemment responsable des deux parties - un gel relatif de la colonisation, du côté d'Israël, et, de l'autre, pas d'initiative palestinienne devant les instances internationales, en particulier les Nations unies. Nous voulons croire à la paix pour tous ; nous voulons la paix pour Israël avec tous les pays arabes. »

Dans l'attente d'un accord permanent, la commission insiste sur le fait que des accords intérimaires pourraient être conclus, incluant une coopération pratique sur le terrain mais aussi des mesures d'apaisement : libération des membres du Conseil national législatif palestinien actuellement en détention, délivrance accrue de permis de travail en Israël, gel de la colonisation et levée du blocus de Gaza.

La résolution adoptée par l'Assemblée reprend ces remarques et insiste sur la promotion des droits de l'Homme et de la démocratie sur les territoires sous contrôle israélien ou palestinien. C'est sous cet angle que le Conseil de l'Europe peut contribuer au processus de paix, comme l'a indiqué M. François Rochebloine (Loire - UDI) :

« Nous voici conduits à nouveau à examiner l'état des rapports entre l'État d'Israël et l'Autorité palestinienne. Cela est tout à fait normal, tant l'évolution de ce douloureux conflit conditionne la sécurité et la paix au Proche-Orient, tant, aussi, les informations dont nous disposons nous rendent sensibles à toutes sortes de violences qui ont des conséquences funestes sur la vie des populations impliquées dans les affrontements. En même temps, nous sommes bien obligés de constater que, sur le terrain, la situation n'évolue guère, et pas dans le bon sens. Les constructions de colonies israéliennes dans de nouveaux territoires occupés se poursuivent. Le mur marque d'un trait terrible la séparation des terres et des personnes et reste plus inébranlable que jamais. En dépit des pressions des États-Unis, et de la communauté internationale en général, les négociations ne progressent pas de manière significative.

Alors comment notre Assemblée parlementaire peut-elle contribuer, dans le domaine de ses compétences, à l'effort de paix ? Notre rapporteur, pour décrire l'action possible, use d'une tournure qui a retenu mon attention. L'Assemblée, écrit-il, doit se concentrer sur la mission principale du Conseil de l'Europe, l'évaluation et la promotion des principes de la démocratie, « au lieu de se limiter aux aspects politiques du processus de paix ». On pourrait penser que, tant que ces « aspects politiques » n'auront pas été traités, les tâches d'évaluation auxquelles M. Marcenaro fait allusion risquent de rester fort académiques. Il reste possible, sans attendre une échéance incertaine, de maintenir les conditions d'un dialogue et d'une compréhension mutuelle plus grande entre les deux parties.

C'est en ce sens que je salue l'admission de l'Autorité nationale palestinienne dans différentes organisations internationales et tout particulièrement sa reconnaissance comme État observateur à l'ONU. Pour construire un dialogue, encore faut-il, en effet, donner à chacune des parties à ce dialogue un statut qui le permette vraiment. À cette condition, ensuite, peuvent venir interrogations, recommandations, voire contestations, comme celles que le rapport mentionne en relevant certains comportements fort contestables du Hamas à Gaza. C'est en ce sens que je souhaite que soient préservées, dans l'organisation interne de notre Assemblée parlementaire, les instances qui offrent à ceux qui veulent s'en saisir les moyens de la discussion et de l'échange : je rejoins, sur ce point, l'analyse de notre rapporteur. Entretenir une possibilité de dialogue entre partenaires auxquels est reconnue une égale dignité, et que nous devons assurer d'une égale considération, voilà un objectif qui me paraît fidèle aux principes fondateurs du Conseil de l'Europe. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC) a rappelé dans son intervention que la coexistence pacifique entre les deux peuples ne pouvait être assurée que par deux États respectant pleinement la démocratie et les droits de l'Homme.

« Permettez-moi tout d'abord de saluer l'excellent rapport de notre collègue Pietro Marcenaro sur ce territoire complexe où on dit qu'il y a « deux peuples, donc deux États ». Il est évident que seule la démocratie et le pluralisme permettront, une fois l'étape de la reconnaissance de l'État palestinien définitivement franchie, de garantir la coexistence durablement entre les deux entités. N'oublions jamais que c'est la consolidation de nos démocraties qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, a permis à la paix de s'installer définitivement sur notre continent.

C'est à la lumière de notre propre expérience que nous devons accompagner le processus actuellement en cours dans la région, sous l'égide notamment des États-Unis. N'en doutons pas, notre position est largement complémentaire de celle du secrétaire d'État américain John Kerry. Il est indispensable que le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, au point mort depuis septembre 2010, puisse reprendre. Ce nouveau départ passe logiquement par l'arrêt de toute provocation de part et d'autre. Je pense notamment à l'annonce de la reprise de la colonisation en Cisjordanie.

De notre côté, nous devons nous rapprocher des deux gouvernements pour envisager avec eux une véritable coopération en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme. Nous disposons déjà des instruments à cet effet, je pense notamment au partenariat pour la démocratie. Puisque nous l'avons ouvert au Conseil national palestinien, pourquoi ne pas l'étendre à la Knesset qui dispose déjà d'un rôle d'observateur au sein de notre Assemblée ?

Il convient de proposer aux deux États une véritable feuille de route en matière de démocratie, de droits de l'Homme et d'État de droit. Il faut permettre un véritable enracinement de la culture démocratique au sein du jeune État qu'est la Palestine, mais aussi il faut mettre un terme aux arrestations arbitraires et consolider les droits de la minorité arabe en Israël. Les liens que nous tissons depuis le Printemps arabe avec un certain nombre d'États de la région doivent favoriser ce travail. Comme l'a souligné le rapporteur, l'intérêt de la Jordanie pour nos structures constitue une opportunité indéniable. Il convient également d'accompagner dans cette voie l'Égypte dont le rôle pour la stabilité de la région n'est plus à démontrer. Là encore, sans démocratie pleine et entière en Égypte, il est à craindre qu'une perspective de paix durable dans la région soit fragile.

Pour terminer, je souhaiterais également rappeler l'urgence d'une réponse politique à la guerre civile en Syrie. Au sein d'un pays de tradition laïque, il faut conforter les aspirations à la liberté du peuple syrien. Et cela favorisera la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. »

L'ensemble des forces palestiniennes sont invitées à dépasser leurs divisions et à organiser des élections présidentielles et législatives. Le texte s'alarme des violations des droits de l'Homme constatées dans la bande de Gaza, le Hamas étant particulièrement visé. Le mouvement est incité à reconnaître le droit à l'État d'Israël d'exister, à assurer les conditions de procès justes et équitables et à mettre en place un moratoire sur la peine de mort.

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes - UDI) s'est, quant à lui, montré réservé sur l'ensemble du rapport, qu'il juge déséquilibré :

« Le Proche-Orient est un sujet qui revient régulièrement devant nous, comme il occupe souvent une place importante dans la presse. Néanmoins, il faudrait parfois replacer le problème des relations israélo-palestiniennes dans le contexte régional.

En effet, je m'étonne que la commission des affaires politiques soit moins active sur des problèmes autrement plus préoccupants au Proche et Moyen-Orient. Les violations incessantes des droits de l'Homme en Syrie et la mort de plus de 100 000 personnes mobilisent beaucoup moins la commission politique que le sujet qui nous est présenté aujourd'hui. Et que dire de l'Iran dont la nucléarisation est une réelle menace tant pour Israël que pour le reste du monde et qui suscite un intérêt nettement moins accru que les relations israélo-palestiniennes ?

En outre, je regrette que les travaux de notre Assemblée pour parvenir à un tel rapport n'aient pas laissé le temps suffisant pour permettre aux deux parties concernées de répondre de façon exhaustive. Ce rapport ne reflète donc pas exactement la réalité telle qu'elle est vécue sur le terrain.

Enfin, je suis interrogatif sur les raisons qui poussent notre Assemblée à mettre sans cesse en parallèle l'État d'Israël et les responsables palestiniens. Dois-je rappeler ici qu'Israël est la seule démocratie existant dans cette région du monde, le seul État de droit, le seul État respectant les droits de l'Homme ? On peut certes reprocher que les droits de l'Homme ne soient pas entendus dans la même acception que celle qui prévaut en Europe, mais comment peut-on comparer notre situation avec celle d'un État menacé par la guerre et ayant eu à subir de si nombreuses vagues d'attentats terroristes ?

C'est pourquoi je partage les efforts préconisés pour favoriser le dialogue et la construction d'un avenir de paix au Proche-Orient, mais je demande que notre Assemblée tienne les deux plateaux de la balance plus équilibrés qu'elle ne le fait. »

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