III. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l'organisation d'un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n'est pas inscrit à l'ordre du jour.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste, a profité de ce débat pour aborder les conséquences des élections présidentielles iraniennes :

« Je sortirai des frontières de l'Europe pour évoquer l'élection du nouveau président iranien, M. Hassan Rohani. Cette élection traduit trois succès. D'abord, le succès des sanctions de la communauté internationale qui a ajouté au mécontentement de la population. Ensuite, le succès d'un régime qui, tirant l'enseignement des élections truquées de 2009, a laissé le peuple iranien s'exprimer sur un certain nombre de candidats, en tire aussi une certaine légitimité. Succès, enfin, pour le peuple iranien, cette jeunesse qui a manifesté son irrépressible aspiration à la démocratie, à la modernité et à la normalisation des relations de l'Iran avec la communauté internationale.

Ce message, il nous faut l'entendre !

Concernant la Syrie, je ne pense pas que ce président ait une grande marge de manoeuvre. Cette affaire, on le sait, est celle des Pasdaran.

En revanche, le nucléaire iranien est un domaine qu'il connaît bien, puisque - et je ne sais si tout le monde le sait - M. Rohani a été le pilote des négociations entre 2003 et 2005. Il était notamment celui qui avait voulu l'arrêt du programme nucléaire militaire clandestin des Pasdaran. Par conséquent, dans ce domaine, il avance en ayant une bonne connaissance du sujet. Considérons qu'il y a là une opportunité.

La communauté internationale doit prendre la mesure de la nouvelle situation et accompagner ce mouvement populaire. Nous devons donc accompagner l'évolution de ce régime, évolution certainement relative mais possible, donner de la crédibilité à ce nouveau président, probablement en levant les sanctions, et aider à la sortie de crise.

Il y a une opportunité à saisir, tant sur la Syrie que sur le nucléaire. Le mot « dialogue » n'est pas interdit. Jusqu'à présent, nous ne parlions pas avec cet adversaire infréquentable. Peut-être est-il devenu aujourd'hui un interlocuteur possible . »

M. François Rochebloine (Loire - UDI) s'est, quant à lui, inquiété de la situation en Syrie :

« Le drame des populations syriennes en proie à la guerre et à l'exode bouleverse la conscience de tout homme de bonne volonté. Nous sommes chaque jour confrontés à de nouvelles informations derrière lesquelles, nous le savons bien, se trouvent de lourdes détresses. Nous voudrions, dans la mesure de nos moyens, qui sont limités, contribuer à la promotion de la paix. Mais si l'objectif est clair, s'il s'impose à la raison et au coeur, les moyens qui permettent d'y parvenir n'apparaissent pas toujours nettement.

Pour donner à l'action internationale, et à l'action en particulier, des pays européens, une certaine efficacité, il faudrait tout d'abord évaluer avec certitude les forces en présence et ceux qui les soutiennent. Or c'est une tâche très difficile. Les critiques sont concentrées sur le régime de Bachar El Assad. Ce n'est certainement pas un régime aimable, et son action n'est manifestement pas caractérisée par le respect, même partiel, des droits de l'homme les plus élémentaires. On a raison, mille fois raison, de condamner les violations de tels droits dont ce régime est responsable, ses mensonges, son obstination. Seulement il ne faudrait pas adopter dans cette condamnation tout à fait nécessaire le registre trop commode du bien et du mal.

Tout d'abord, il serait sans doute réaliste d'évaluer précisément les appuis dont peut encore bénéficier l'actuel président syrien : est-il vraiment l'homme seul qui paraît parfois dans certaines descriptions de la crise syrienne, ou bénéficie-t-il, au-delà de l'appareil militaire, du soutien de fractions importantes de la population ? Il serait également réaliste de s'interroger sur ce qu'il est convenu d'appeler, par une globalisation probablement trompeuse, l'opposition. Que représentent les mouvements qui la composent ? Quelle est la place réelle, dans cette opposition, des forces plus ou moins tentées par l'aventure terroriste ? Les précédents récents incitent à la plus grande prudence dans l'appréciation de ces forces.

Nous pressentons aisément le nombre et la violence des mouvements plus ou moins identifiés qui tiennent aujourd'hui le haut du pavé dans la rébellion. Nous connaissons moins les forces qui les soutiennent ou les animent, et qui, parfois, suscitent des assassinats, comme on l'a vu à la frontière avec la Turquie, il y a quelques semaines. Il me semble qu'avant d'articuler une analyse définitive, il faut faire l'inventaire de ces forces. En outre, pour espérer atteindre une solution qui ne soit pas précaire dans le conflit syrien, il faut réunir des représentants de toutes les familles politiques du pays, indépendamment de leur position pour ou contre le régime actuel. Nous ne devons être les hommes d'aucune faction syrienne, mais dire haut et fort que nous travaillons pour le retour à la paix de toute la population.

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer le sort des deux évêques syriens, Mgr Paul Yazigi et Mgr Yohanna Ibrahim, dont on est sans nouvelles sûres depuis maintenant deux mois. Personne ne peut dire officiellement qui est l'auteur véritable de ces enlèvements. Leur sort est emblématique du drame de la Syrie : il faut libérer le peuple syrien du fléau de la guerre, mais on ne sait malheureusement pas trop sur quoi faire porter le premier effort. »

Mme Marie-Louise Fort (Yonne - UMP) a centré son intervention sur l'évolution de la condition féminine dans les pays concernés par le « Printemps arabe » :

« Deux ans après l'éclosion du « Printemps arabe », la situation des femmes dans les pays en transition est de plus en plus alarmante. La plupart du temps, les constituants ont fait le choix de ne pas incorporer dans la constitution les traités internationaux des droits humains ; ils ont aussi choisi de faire allusion, voire référence, à la Charia. Tout cela fragilise les droits qui peuvent par ailleurs être inscrits dans les textes constitutionnels. Ainsi, la nouvelle Constitution égyptienne affirme dans son article 2 les principes de la Charia et elle conditionne tous les droits à « l'obligation de ne pas porter atteinte à l'éthique, la morale et l'ordre public ». Mais surtout l'État est chargé de « garantir un équilibre entre les obligations des femmes envers leur famille et leur travail public ». Comme le souligne fort justement le rapport 2013 de Human Rights Watch , c'est « une possible invitation à de futures restrictions aux libertés des femmes » !

En matière de droits des femmes, la Tunisie a toujours été à l'avant-garde du monde musulman. A l'approche du vote de la nouvelle constitution, on peut se poser des questions. Certes Ennahda a renoncé à définir la femme comme le complément de l'homme, mais le projet de Constitution n'en fait pas pour autant l'égale de l'homme ! Les mots ont un sens et la bataille sur les mots n'est pas un exercice sémantique ! C'est un combat politique avec pour enjeu la garantie des droits ou l'effacement des droits. Sur le terrain, la dégradation des droits des femmes est déjà visible. Les violences sexuelles se sont multipliées, y compris contre les petites filles ; ces violences impliquent parfois ceux qui sont censés protéger les citoyens ! La liberté vestimentaire est remise en question et le harcèlement comme les provocations à l'égard des jeunes femmes qui ne se soumettent pas au « nouveau code » sont quotidiennes dans les universités. Ces derniers mois, des femmes artistes, journalistes, avocates, ont été victimes de pressions et parfois d'arrestation et de condamnation à des peines démesurées. Cela n'est pas admissible ! Les actions accomplies par la jeune Amina, en Tunisie, s'éloignent peut-être de ce que font habituellement les féministes et les ONG, mais cela ne peut pas justifier la violence de la répression qui nous a été donnée à voir.

Je n'accepte pas qu'une moitié de l'humanité puisse être considérée comme inférieure à l'autre. Alors, affirmons-le avec force : les gouvernements islamistes de la région seront jugés en grande partie au sort qu'ils feront aux droits des femmes. Comment ne pas penser à la Syrie où des témoignages de viols utilisés comme arme de guerre se multiplient ! Pourtant là encore, les femmes sont partie à la révolution et jouent un rôle essentiel pour acheminer l'aide humanitaire indispensable à ce peuple martyr ! Et sur la place Taksim, ces dernières semaines, les jeunes et les femmes qui manifestaient voulaient aussi protester contre une radicalisation du pouvoir qui menace leurs droits individuels. La Turquie moderne a su lier islam et modernité, en donnant des droits et une vraie place aux femmes. M. Erdogan doit entendre ces appels à la tolérance et à la liberté. Il en va de la crédibilité de la Turquie comme pays démocratique.

Chers collègues, un message posté sur le réseau Facebook créé par des femmes participant au Printemps arabe m'a touchée : une jeune femme yéménite, dont la bouche était couverte de sparadrap, brandissait une pancarte où était écrit « Je suis avec le soulèvement des femmes dans le monde arabe, pour que mes droits ne soient plus jamais tus. »

Il est de notre devoir de soutenir leurs combats pour que le Printemps arabe ne devienne pas l'hiver des femmes ! »

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle - SRC) a souhaité attirer l'attention de l'Assemblée parlementaire sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone :

« Mon intervention concerne un point clef de l'avenir technologique de l'Europe en lien avec le défi climatique. Par sa résolution 1632 de 2009, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a affiché l'ambition d'une réduction des émissions de CO 2 de 80 % d'ici 2050 dans les pays développés. L'effort à accomplir en ce sens concerne prioritairement le secteur du bâtiment, qui concentre 40 % à 45 % de la consommation d'énergie primaire de la plupart des pays, la proportion des émissions de CO 2 étant du même ordre de grandeur (36 % en moyenne au sein de l'Union européenne). Dans ce contexte, une action réglementaire est déjà en cours, aujourd'hui sur la base de la directive du 19 mai 2010 dans l'Union européenne, qui fixe l'objectif d'une consommation quasi nulle grâce aux énergies renouvelables à l'horizon 2020 pour les bâtiments neufs. Mais mon propos concerne le contexte technologique de cette mobilisation en faveur des économies d'énergie. Curieusement, il existe des blocages à la diffusion des solutions innovantes du fait des procédures de qualification des produits. Cette préoccupation s'inscrit au coeur de l'actualité car le règlement communautaire du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction va entrer pleinement en vigueur dans quelques jours, au 1 er juillet 2013. Or, que prévoit-il ? Que le marquage « CE » obtenu dans un pays au terme d'une procédure complexe de deux ou trois années soit vérifié pour être valable dans un autre pays membre. Il faut donc compter deux ou trois années de délai supplémentaire pour chaque extension du marché à un nouveau pays. C'est une charge totalement insupportable pour une PME.

On laisse donc se maintenir des barrières aux frontières dans ce secteur, alors qu'en matière d'OGM le droit européen permet une application directe d'une autorisation de mise sur le marché sur la base d'une procédure engagée dans un seul pays membre : même en cas de demande de conciliation de la part des autres pays, c'est la Commission ou le Conseil des ministres à la majorité qualifiée qui tranche in fine pour une autorisation valable dans tout l'espace communautaire. J'attire donc l'attention sur les freins à l'innovation qu'induisent les barrières frontalières de facto pour les technologies d'isolation et d'équipement des bâtiments, au détriment des PME. Le Parlement français s'est saisi de cette question en demandant à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'étudier, et en me confiant cette étude. Je pense qu'il serait utile que le Conseil de l'Europe s'empare aussi de ce sujet à son niveau. »

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