3. Responsabiliser les chercheurs dans la mise en application de la PPST pour concilier impératifs de sécurité et recherche partenariale
Il importe de regagner la confiance du monde de la recherche, inquiet des nouvelles règles de protection du potentiel scientifique et technique de la nation, sans quoi le nouveau dispositif sera inappliqué ou contourné et perdra sa crédibilité.
Un premier élément de confiance tient à la rapidité de la réponse du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) aux demandes d'avis qui lui sont adressées. Certes, tout avis sur une demande d'autorisation d'accès aux zones à régime restrictif (ZRR), qui est contraignant, sera rendu sous deux mois, l'avis étant réputé favorable passé ce délai. Mais ce délai est bien long : selon M. Gasnot, fonctionnaire de sécurité de défense du CNRS, ce délai n'est que d'un mois en Allemagne. Il risque d'entraver le recrutement par la France des meilleurs scientifiques en provenance du monde entier, alors même que le bassin de recrutement de chercheurs français s'amenuise. De même, le délai de trois mois prévu pour rendre un avis sur tout projet de coopération scientifique internationale risque d'entamer la compétitivité de nos équipes scientifiques lors des appels à projets. Un effort important doit donc être consenti pour raccourcir ces délais et ne pas pénaliser la recherche française en partenariat .
Une deuxième voie de progrès consisterait à prévoir la mise en place d'une instance d'appel que les laboratoires pourraient saisir quand un refus (non motivé) leur est opposé.
Un troisième impératif est de progresser vers une harmonisation européenne des règles en matière de protection du potentiel scientifique et technique : il est incompréhensible que des chercheurs étrangers que le HFDS refuse d'accueillir dans des laboratoires français soient reçus sans difficultés par nos voisins européens.
Il est certain que toute coopération scientifique entraîne des risques de fuite d'informations. Les chercheurs n'ignorent pas ces risques; surtout, ils estiment que la prise de risques mesurés est plus profitable à terme qu'une application trop stricte de la PPST qui entraverait excessivement les partenariats de recherche et priverait finalement la recherche française du bénéfice qu'elle tire de ses collaborations avec l'étranger. M. Claude Kirchner, Délégué général à la recherche et au transfert pour l'innovation d'INRIA, a ainsi fait observer à votre rapporteure que plus de la moitié des étudiants effectuant leur thèse à l'INRIA sont étrangers et que se couper de leurs compétences serait très préjudiciable à l'établissement et incohérent avec sa politique scientifique. Il a souligné l'importance des relations qui se nouaient lors de l'accueil d'étudiants étrangers, évoquant l'exemple du Chili avec lequel l'INRIA a développé une forte collaboration (du big data jusqu'à l'astronomie), facilitée par la tradition de formation en France des scientifiques chiliens.
Pour parvenir à trouver le bon réglage, votre mission préconise enfin de miser sur le dialogue au sein de chaque unité de recherche, entre le fonctionnaire responsable de défense et de sécurité, la hiérarchie du laboratoire et les chercheurs qui travaillent dans l'unité. Pour concilier impératifs de sécurité et recherche partenariale, il convient d'adopter une approche pragmatique pour ne pas nuire à l'attractivité de notre pays et au dynamisme de nos partenariats de recherche . À cet égard, votre mission soutient la demande qu'ont adressée les présidents d'INRIA, du CNRS, de l'INRA, de l'INSERM et du CEA à la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Fioraso: mettre en place un groupe de travail réunissant le HFDS et les personnes en charge de ces questions dans ces établissements de recherche . En effet, ce n'est que dans un climat de confiance que les chercheurs pourront se responsabiliser et internaliser progressivement la PPST au stade même du montage de projets.
Au-delà de ce réaménagement interne de l'ensemble de notre action publique, et une fois confortée la mission des opérateurs de recherche pour le développement, votre mission considère nécessaire de trouver les moyens d'améliorer nos partenariats de recherche avec le Sud, pour les rendre plus équilibrés et plus efficaces.