ANNEXES - ANNEXE 1 - PROPOSITION DE RÉSOLUTION CRÉANT LA COMMISSION

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La situation tendue qu'ont connu les marchés financiers en 2007-2008, l'aggravation du contexte social et économique qui en a résulté, marquée par une hausse du chômage, vingt millions en Europe, ont profondément changé notre perception des réalités économiques, conduisant les opinions publiques et les Gouvernements à s'interroger sur les conséquences de la libre circulation des capitaux, la « mondialisation » et le comportement des acteurs de l'économie comme des marchés financiers.

La crise économique, dans ce nouveau tournant, a pris un nouveau visage, une nouvelle apparence et connu de nouvelles manifestations.

D'un seul coup, les produits de l'ingénierie financière, comme les produits dérivés, les opérations de titrisation, les outils de spéculation à terme, qui avaient dominé les dernières années du vingtième siècle et les premières années du nouveau millénaire, présentées par certains comme garanties de la solidité des marchés financiers, et, c'est le comble, pare-feu contre les crises bancaires du passé, ont fait la démonstration de leur nocivité, transformant l'actif net florissant, et sans cesse gonflé, des banques, compagnies et sociétés financières en montagne de papier invendable et dépourvu de la moindre liquidité, conduisant ici à une faillite, là à l'inscription d'une perte pour créances d'un montant inégalé.

Les États sont puissamment intervenus, entre 2008 et 2010, pour restaurer « la confiance des marchés », en injectant des sommes sans cesse plus importantes dans les rouages fortement grippés de marchés financiers où la méfiance du voisin grandissait à la vitesse du soupçon concernant la « qualité » des actifs financiers qu'il pouvait présenter en contrepartie de son engagement. C'est la collectivité publique qui a volé au secours des marchés au nom d'un risque d'effondrement de l'économie.

Les États se sont plus lourdement endettés qu'ils ne l'étaient déjà, conduisant la plupart des pays de l'Union européenne à la récession économique (quand l'argent public vient au secours de la finance, il n'est pas mobilisé ailleurs), amenant certains d'entre eux à devoir supporter des plans d'austérité où l'ineptie des orientations le dispute à l'impopularité des mesures prises.

Parce qu'il a fallu sauver le secteur financier espagnol ou grec, les peuples espagnol et grec font aujourd'hui l'apprentissage de plans d'austérité à rallonge, dont les effets attendus (assainissement économique notamment) tardent pour le moins et présentent un caractère aussi hypothétique que celle qui pèse sur le devenir de ces deux pays...

Pour le reste, l'impression qu'on pourrait avoir, s'agissant du secteur financier, c'est qu'il serait sorti, notamment en France, de ses difficultés et que tout serait redevenu normal ou presque.

D'ailleurs, les aides publiques ont été remboursées par avance et la rentabilité d'une banque comme BNP Paribas semble avoir retrouvé des niveaux tout à fait estimables.

Seulement voilà, les mauvaises habitudes héritées de la dérégulation demeurent et les errements peuvent encore se produire.

Ainsi, le Crédit Agricole, qui est l'un des quatre principaux établissements français les plus significatifs, serait exposé à une perte sèche de 5 milliards d'euros sur des actifs notamment positionnés en Grèce.

De même, alors que la Section générale de la Caisse est en situation positive, la Caisse des Dépôts et consignations, considérée de par le monde comme le plus sûr établissement financier français (et le sixième au monde de ce point de vue), présentera en 2012 un résultat net négatif de plusieurs centaines de millions d'euros.

Alors même que les banques ont mission de distribuer des financements à l'économie de manière équilibrée et pertinente, force est de constater qu'elles n'ont pas encore abandonné leur ligne de conduite récente, celle de la restriction du crédit à l'économie de production de biens et de services, privilégiant les opérations spéculatives tous azimuts. Il est grand temps de permettre de diriger vers l'économie réelle, vers la production et non plus vers la spéculation internationale.

Bien qu'il ne reste qu'un nombre restreint de banques publiques, et que la gestion des établissements de crédit en France procède largement des pouvoirs des organes dirigeants de chacun d'entre eux, l'État continue de jouer un rôle déterminant dans le fonctionnement des marchés.

Le secteur bancaire bénéficie de la complexité objective de la BCE.

Cette dernière permet aux banques de se refinancer à bon compte et de bénéficier d'un coût de collecte particulièrement réduit quant à leurs ressources.

Les établissements de crédits bénéficient ainsi de prêt à 0,75 % d'intérêt, alors qu'ils prêtent à 3 ou 4 % !

Toutes les banques, publiques comme privées, d'origine française comme filiales de banques étrangères implantées en France, tirent parti de ce coût réduit de la ressource, créant un bénéfice implicite qui dépasse de loin les 50 milliards d'euros pour l'ensemble du secteur.

Compte tenu du rôle des banques dans le fonctionnement général de l'économie, de la situation de ressources qui leur est faite, la représentation nationale est en droit de demander quelques comptes au secteur financier.

Elle est en droit de demander, par exemple, pourquoi le Crédit Lyonnais, aujourd'hui filiale du Crédit Agricole, place en Irlande certaines activités d'assurance associée à la distribution de prêts ou pourquoi telle ou telle banque continue de disposer d'une représentation dans tel ou tel paradis fiscal.

Elle est en droit de se demander si le cadre législatif actuel dans lequel se développent les activités bancaires est parfaitement adapté à la situation, comme de savoir si nos établissements de crédit savent faire oeuvre de discernement en matière de choix d'investissement.

Depuis l'été 2007, nous avons doté notre législation d'outils de mesure des comportements des banques et des sociétés financières, notamment par le renforcement, au moins théorique, des outils de lutte contre l'évasion fiscale, comme par la négociation de nouveaux accords de coopération administrative avec des pays considérés comme des paradis fiscaux.

De même, nous disposons, en interne comme en Europe, d'outils d'appréciation de la situation réelle et des comportements des plus importants agents économiques.

Il est grand temps de mesurer l'efficacité de ces outils de lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscales, quitte à en critiquer la mise en oeuvre et de procéder, au besoin, aux ajustements nécessaires.

Au moment où l'on demande aux Françaises et aux Français, comme à nombre de peuples des autres pays de la zone euro, de faire des efforts significatifs en vue de réduire les déficits et la dette publics, il n'est pas logique que certains puissent apparaître comme se dégageant de ces efforts et/ou obligations collectives en jouant judicieusement des failles de notre système fiscal, en s'accommodant des règles et des principes de la loi, en tirant parti des insuffisances ou des limites de la coopération internationale contre l'évasion fiscale au profit des particuliers mais aussi des établissements eux-mêmes.

La présente proposition de commission d'enquête vise donc à créer une commission d'enquête parlementaire, prolongeant les efforts déjà accomplis par le Sénat en la matière, sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application de l'article 51-2 de la Constitution, de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 6 bis et 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête composée de 21 membres sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.

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