AU-DELÀ DE L'ALECA, ACCOMPAGNER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DU MAROC
Le Maroc doit faire face à un certain nombre de défis sociaux qui pourraient affecter à terme la dynamique dans laquelle il semble s'être placé. La Commission souligne régulièrement dans ses rapports de progrès les réformes restant à mener afin d'y répondre. Le contraste entre une population urbaine plus riche et plus éduquée, vivant au centre du pays et celle issue des zones rurales (43 % de la population), confrontée à la pauvreté et à l'analphabétisme (32 % de la population âgée de plus de 15 ans) est ainsi un élément à ne pas mésestimer. La modernisation économique accélérée de la région de Tanger ne doit pas occulter la réalité d'un pays socialement divisé, marqué par de profondes inégalités. Dans le rapport 2013 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Maroc reste à cet égard mal classé par rapport à ses voisins de la rive Sud : l'indice de développement humain du royaume est le 130 ème mondial, derrière l'Algérie (93 ème ), la Tunisie (94 ème ), la Jordanie (100 ème ) ou l'Égypte (112 ème ). L'intégrisme religieux prend appui sur cette réalité, comme en témoigne le développement de Justice et bienfaisance ou la promotion d'une islamisation progressive de la société par d'autres formations politiques.
Une politique éducative ambitieuse apparaît à cet égard comme une priorité. Elle devrait notamment répondre à trois défis : la prévalence de situations de rentes et l'insuffisante valorisation de la méritocratie, le faible taux d'activités des femmes qui atteint à peine 25 % et l'insuffisance de la formation professionnelle. Au sein d'une population jeune, 60 % des Marocains ont moins de 30 ans, 33,5 %des 15-24 ans sont en effet au chômage. Cette réforme scolaire doit être accompagnée d'une véritable refonte de l'offre de soins qui souffre de la faiblesse de la démographie médicale et paramédicale. L'intervention de l'Union européenne, 50 millions d'euros dégagés en 2013 en faveur de l'établissement de la couverture médicale universelle, va à cet égard dans le bon sens. Elle vient prendre le relais du gouvernement qui se trouvait dans l'impossibilité technique de mener à bien ce projet indispensable. Le programme en question aura ainsi pour objectif d'accompagner le Royaume dans la généralisation du régime d'assistance médicale des économiquement démunis (RAMED) ainsi que dans l'intégration dans le régime de l'assurance médicale obligatoire (AMO) des populations éligibles mais assurées par d'autres organismes et, enfin, de l'intégration dans le mécanisme de couverture médicale de base des segments de la population marocaine n'en bénéficiant pas encore. L'aide européenne compte également accompagner le Maroc dans la mise en place d'un pilotage technique et financier efficace du système de couverture médicale et de mesures visant à améliorer l'offre de soins pour permettre au secteur de la santé de faire face à une demande grandissante. Un financement européen de 45 millions d'euros devrait viser, en outre, spécifiquement les droits des femmes.
Le contexte international n'est pas non plus à négliger. La crise économique et financière qui frappe à la fois ses partenaires européens mais aussi les pays de la région affecte directement la croissance du pays. Le taux de croissance qui tournait autour de 5 % du PIB dans les années 2000 est ainsi descendu à 2,7 % en 2012. L'augmentation des cours des matières premières alimentaires et des produits pétroliers importés par le Maroc expliquent pour partie ce ralentissement. Le retrait de capitaux arabes consécutif à l'effondrement des cours boursiers et la baisse des investissements européens y ont également contribué. Les difficultés économiques de ces partenaires européens, au premier rang desquels l'Espagne, se sont traduites par une baisse de ses exportations, notamment dans le secteur textile, une stagnation de la fréquentation touristique, après l'attentat de Marrakech en avril 2011, et une diminution des revenus de travailleurs expatriés ( - 4 % en 2012), certains optant même pour un retour au pays. L'industrie marocaine semble être la première victime de ce ralentissement. Les opérateurs continuent de subir les effets d'une faible croissance hors agriculture, d'une demande atone et des restrictions budgétaires ainsi que des effets de la loi sur les délais de paiement, qui semblent peser lourdement sur les trésoreries des entreprises. Le Fonds monétaire international table néanmoins sur une croissance du PIB de l'ordre de 5 % fin 2013. Le Haut-commissariat au plan marocain envisage, lui, un rebond de 4,4 %.
Le Maroc a cependant été contraint de se rendetter, sollicitant différents bailleurs : institutions et banques internationales mais aussi les fonds souverains de la péninsule arabique. Le déficit budgétaire s'est dans le même temps creusé pour atteindre 7 % du PIB l`année dernière. L'un des postes budgétaires les plus importants, celui des subventions aux produits de première nécessité ou chambre de compensation - farine de blé tendre, sucre, gaz butane, super et gazole -, soit environ 5 milliards d'euros (6,6 % du PIB), n'a cependant pas été affecté par les mesures d'austérité adoptées à l'occasion du vote du budget 2013. L'ajustement budgétaire s'est plutôt porté sur les investissements dans un pays pourtant en quête d'un second souffle. Le déficit budgétaire devrait de la sorte être ramené à 5,5 % à la fin du présent exercice, malgré une baisse des rentrées fiscales de l'ordre de 2,4 %.
Toutefois, l'indexation partielle des prix du carburant sur les cours mondiaux, annoncée à la mi-septembre 2013 et la suppression concomitante du tarif fixe imposé par l'État montre que la pratique de la compensation -qui représente 4 fois les crédits budgétaires accordés au secteur de la santé - s'avère in fin e impossible à maintenir. La charge de compensation ne devrait, en conséquence, plus représenter que 4,4 % du PIB. Ces augmentations viennent s'ajouter à la hausse des prix du lait. Au risque que ces mesures accentuent la crise sociale latente. Les difficultés économiques du pays ne sont, en effet, pas sans conséquence au plan social avec l'apparition régulière d'émeutes de la pauvreté ou de la faim, localisées le plus souvent à la périphérie du pays. Tanger fin 2011 ou Marrakech en 2012 ont cependant été le théâtre de quelques manifestations. Plus du quart de la population, soit 8,5 millions de personnes, est en situation de pauvreté ou de vulnérabilité. C'est dans ce cadre que 60 millions d'euros ont été dégagés par l'Union européenne en 2013 en vue d'accroître la compétitivité et la création d'emplois dans la filière agricole et soutenir ainsi les petites structures paysannes qui maillent le territoire.