C. UNE CROISSANCE INÉGALEMENT RÉPARTIE

Ces évolutions et ces progrès ne sont évidemment pas uniformes et ne peuvent pas être considérés comme des acquis immuables. Certaines régions comme certains pays sont, de fait, restés à l'écart de ces dynamiques. En plus de connaître des croissances par habitant négatives, ils constituent parfois des foyers d'instabilité régionale dont les risques ne peuvent pas être sous-estimés. Les poches de mauvaise gouvernance sont autant d'endroits où les intérêts mafieux et idéologiques tentent de s'imposer.

1. Une dynamique qui n'emporte pas l'ensemble du continent

« L'Afrique est de nouveau considérée comme un continent des opportunités -- le dernier eldorado émergent de l'investissement. Nous remarquons cet optimisme dans le nombre et la diversité des entreprises et des pays qui affluent pour investir sur le continent. C'est un optimisme fondé sur une solide croissance économique que même la crise financière mondiale n'a pu inverser que brièvement. Et cette croissance est de plus en plus mise à profit pour diversifier les économies et investir dans les fondements essentiels des sociétés efficaces -- l'éducation, la santé et les infrastructures vitales » affirmait Kofi Annan, septième Secrétaire général des Nations unies, en 2011.

Cette renaissance africaine est cependant loin de toucher l'ensemble du continent. D'abord, les points de départ sont inégaux. Nous avons traversé l'Éthiopie et l'Afrique du Sud. Ce sont encore deux mondes qui ont peu de choses en commun. Prenez le revenu par habitant en 2010, il variait de 170 USD au Burundi à 14 500 USD en Guinée Équatoriale. Ensuite le rythme de croissance, les processus de développement et leurs conséquences sociales diffèrent très sensiblement d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre.

Un important groupe de pays africains n'a encore pas pu bénéficier des retombées de cette croissance. Pour des raisons différentes, le Burundi, la République Centrafricaine dont le PIB a chuté de 30 % depuis l'indépendance, le Tchad, les Comores, la République du Congo, la République démocratique du Congo dont le PIB a été divisé par 4 depuis l'indépendance, la Côte d'Ivoire, Djibouti, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Somalie, le Soudan, le Togo et le Zimbabwe sont restés plus ou moins à l'écart de cette dynamique.

Inégalités entre pays, inégalités au sein des pays

On estime que plus de 200 millions d'Africains répartis dans 17 pays vivent dans des pays touchés par le conflit et l'instabilité. Autrement dit 20 % de la population d'Afrique subsaharienne ne participent pas à cette dynamique positive.

Ces pays fragiles font face à un nombre impressionnant de problèmes de développement et de pièges causés par la pauvreté. Peu d'entre eux sont sur la bonne voie pour atteindre ne serait-ce qu'un seul objectif du Millénaire pour le développement. Il existe une interdépendance complexe entre les conflits et la pauvreté. Des pays comme la RDC ou la Centrafrique peuvent être pris dans un cycle de conflits, dans lequel la mauvaise gouvernance et le sous-développement chronique sont à la fois une cause et une conséquence de la violence.

Là où le conflit est devenu un phénomène régional, comme dans la région des Grands Lacs, il peut s'avérer difficile pour les États pris individuellement d'échapper au cycle de violence sans une avancée à l'échelle régionale. Il existe également une étroite interdépendance entre la fragilité, la sécurité alimentaire et la gestion des ressources naturelles. Ces États fragiles d'Afrique font face à un énorme déficit en infrastructures et en établissements sanitaires, à cause de nombreuses années d'inaction.

Sur ces 200 millions d'habitants d'États fragiles, jusqu'à 80 % de cette population vit de l'agriculture de subsistance et plus de 50 % a un revenu inférieur à 1,25 dollar par jour.

Les situations changent cependant rapidement. En l'Afrique de l'est, le Mozambique semble aujourd'hui sur la voie d'une croissance continue après des années d'une guerre civile particulièrement meurtrière. Nous avons vu en Côte d'Ivoire après dix années de crise une reprise de la croissance qui, d'après les estimations, s'établit à près de 10 % en 2012.

Inégalités entre pays, inégalités au sein des pays. La croissance africaine n'est ni suffisamment inclusive, ni suffisamment riche en emplois. A titre d'illustration, dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, 200 millions de jeunes Africains âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi : ils représentent 60 % des chômeurs du continent. 52 millions d'enfants ne sont pas scolarisés. Parmi les dix pays au monde où les inégalités sont les plus accentuées, six sont en Afrique (Namibie, Afrique du Sud, Lesotho, Botswana, Sierra Leone, République centrafricaine).

La croissance n'a pas encore endigué la pauvreté, qui reste, nous le verrons, un défi majeur pour l'Afrique.

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