B. SANS DOUTE LA LUNE DE MIEL AVEC LES NOUVEAUX PARTENAIRES ÉMERGENTS EST-ELLE TEMPORAIRE

Une autre figure du déni est la dénonciation des nouveaux compétiteurs qui viendraient sournoisement nuire à nos intérêts et par la même occasion à ceux de l'Afrique tant les deux se conjuguent naturellement.

Il y a une dizaine d'années, c'était contre les États-Unis qu'il fallait se prémunir. À l'époque, on voyait la main de l'oncle Sam partout : dans l'éviction de la France des Grands Lacs, dans la défaite de Abdou Diouf au Sénégal, dans la victoire du peu francophile Marc Ravalomanana à Madagascar. Aujourd'hui, qui parle encore de la menace américaine ?

Une menace chassant l'autre, Pékin a remplacé Washington dans le rôle du grand méchant. Dans les descriptions qu'on entend de la « Chinafrique », on lit en filigrane le projet expansionniste d'une puissance hostile, décidée à conquérir le monde en commençant par ses marges les plus fragiles avec des pratiques forcément douteuses.

Il faudrait souhaiter à l'Afrique des partenaires plus loyaux, plus respectueux de ses intérêts à l'instar de Hillary Clinton qui, dès son arrivée à Dakar le 1 er août 2012, avait affirmé que Washington souhaitait des « partenariats qui ajoutent des valeurs et non qui se contentent de les extraire ».

Ce discours, qui puise parfois dans une hostilité systématique vis-à-vis de la Chine, voire un ethnocentrisme au relent de racisme antichinois, doit être examiné avec vigilance. Il y a là une facilité qui évite à chacun de se regarder en face. Il ne faut ni pêcher par naïveté, ni considérer que, parce les puissances émergentes s'imposent aujourd'hui là on nous étions seuls, leur attitude est naturellement discutable.

Il faut regarder en face les opportunités qui se présentent aux pays africains aujourd'hui avec la multiplication des partenariats, mais ne pas ignorer les dangers des processus en cours.

Sans doute, la lune de miel actuelle entre les pays émergents et l'Afrique aura une fin car on sent poindre en Afrique une certaine exaspération devant une forme de néocolonialisme en particulier Chinois. Mais il ne sert à rien de tabler sur le rejet de nos concurrents pour nous rassurer et espérer regagner le terrain perdu.

1. Les nouveaux pays émergents : une contribution essentielle à la croissance africaine ?

Du point de vue du développement strictement économique, un examen impartial de la contribution des pays émergents à la croissance africaine ne peut que relever certains aspects particulièrement positifs.

Sur le moyen terme, la concurrence comme les importateurs les plus « gourmands en matières premières » ont eu un effet positif significatif sur le prix et les volumes des matières premières exportées depuis l'Afrique subsaharienne.

La concurrence autour des appels d'offres sur les projets de grande envergure a favorisé une baisse des prix des offres et constitue un atout pour les autorités africaines, même si parfois certains contrats en apparence avantageux se sont révélés plus coûteux qu'il n'y paraissait.

L'ensemble a stimulé l'offre et la demande intérieures en Afrique. Et la décennie 2000 a montré que la présence des pays émergents sur le continent a accru la capacité du continent à résister à des crises conjoncturelles.

En effet, la crise de 2008 n'a fait qu'accélérer le commerce sud-sud, renforçant le lien entre l'Afrique et la croissance économique forte des puissances émergentes, tandis que la faible intégration financière africaine aux marchés internationaux a considérablement limité la propagation de la crise au continent. L'intensification des échanges avec les émergents a atténué la dépendance économique de l'Afrique aux partenaires traditionnels qu'étaient les pays occidentaux.

Les puissances émergentes ont contribué également à l'exploration et l'exploitation des réserves par leurs investissements et aident à la construction d'infrastructures et de moyens de transport par le truchement de leur coopération au développement. En outre, elles étendent l'échantillon des ressources exploitables du continent au-delà de ce que les puissances traditionnelles pouvaient explorer et importer à elles seules.

Dans de nombreux pays, même si l'essentiel des investissements des partenaires émergents vise à s'approvisionner en ressources, ils permettent de lever des prêts garantis par les ressources pour réaliser des projets d'infrastructures d'importance cruciale dans les domaines de l'éducation, de l'énergie et des services publics.

Les interventions des pays émergents en matière de coopération ont été, en outre, à bien des égards, complémentaires de celles des bailleurs de fonds traditionnels.

Ces dernières décennies, les partenaires traditionnels ont concentré leurs efforts de coopération sur la réduction de la pauvreté, les secteurs sociaux et la gouvernance. Les émergents, pas seulement la Chine, semblent se concentrer davantage sur les goulots d'étranglement dans les infrastructures et autres secteurs structurels.

Enfin, les importations de biens de consommation courante à prix abordable venus d'Asie participent à l'accroissement du pouvoir d'achat des Africains et à l'amélioration de leurs conditions de vie. Les équipements meilleurs marché et plus adaptés permettent aux entreprises d'augmenter leur productivité et de progresser dans l'échelle de valeurs mondiale.

La stimulation économique entreprise par les puissances émergentes soutient l'accroissement potentiel du niveau de vie africain moyen et augmente le bien-être des actifs. Preuves du dynamisme africain, les importations du continent ont été multipliées par 4 entre 1990 et 2000, surpassant les importations des émergents et des pays de l'OCDE grâce à une hausse de la demande africaine.

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