B. PRÉSERVER LES MARGES DE MANoeUVRE DES ÉTATS MEMBRES

Votre rapporteur, s'il estime que tant la capacité budgétaire de l'UEM, préfiguration d'un budget de la zone euro, que la coordination préalable des projets des grandes réformes des politiques économiques constituent un instrument cohérent pour assurer la stabilité de la zone euro et progresser dans la voie de la gouvernance de celle-ci, insiste néanmoins pour que le dispositif à mettre en place soit respectueux du principe de subsidiarité et donc des compétences des États membres .

D'une part, ceux-ci ont déjà l'obligation de se conformer à la procédure prévue au titre du semestre européen, avec la surveillance budgétaire et la surveillance macroéconomique qu'il implique. Cet exercice nouveau se traduit par l'application au niveau des États membres de la zone euro de nombreux textes européens, dans des délais relativement brefs.

Cet ensemble constitue un édifice juridique complexe et lourd à mettre en oeuvre . Il n'est pas certain que tous les pays concernés se le soient complètement appropriés. Pour faciliter son application, et ainsi favoriser la convergence au sein de la zone euro à laquelle il vise, il convient de prendre garde au risque de dérive bureaucratique et faire preuve de souplesse dans sa mise en oeuvre.

D'autre part, les États membres doivent également se prémunir de la tentation de la Commission européenne de s'immiscer trop loin dans les réformes qu'ils doivent mettre en oeuvre . Ils sont certes destinataires de recommandations adoptées par le Conseil, sur proposition de la Commission, au regard du programme national de réforme qu'ils ont présenté, mais, selon votre rapporteur, ils doivent rester libres de définir eux-mêmes les modalités qu'ils jugent les plus opportunes pour atteindre les objectifs fixés dans les recommandations .

Aussi la rédaction du texte de la Commission en vue de l'adoption par le Conseil de ces recommandations illustre-t-elle cette tentation d'aller relativement loin dans le détail des réformes attendues des États membres auxquels il est demandé plus que des orientations sur les objectifs. Votre rapporteur rappelle d'ailleurs que, dans sa communication du 28 novembre 2012, la Communication évoquait, pour renforcer l'intégration budgétaire et économique, l'instauration d' « un droit européen d'exiger la révision d'un budget national sur la base des engagements européens » et exposait plusieurs pistes, parmi lesquelles « l'obligation pour un État membre de revoir son (projet de) budget national si l'UE le lui demande en cas d'écart par rapport aux obligations de discipline budgétaire préalablement fixées au niveau de l'UE », « un droit d'exiger la révision, sur la base des engagements européens, de décisions d'exécution budgétaire individuelles » ou encore « conférer à l'UE une compétence claire pour harmoniser les législations budgétaires nationales ».

Même si ces pistes de travail sont aujourd'hui abandonnées, la Commission se montre très exigeante. Sa recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2013 17 ( * ) en constitue un bon aperçu, en particulier sur la réforme des retraites, les réformes attendues de notre pays portant notamment sur :

- le renforcement de la crédibilité de l'ajustement par la mise en oeuvre des mesures nécessaires en 2014 et au-delà pour assurer la correction du déficit excessif de manière durable en 2015 au plus tard ; le fait de consacrer toutes les recettes imprévues à la réduction du déficit ; la mise en oeuvre crédible de réformes structurelles ambitieuses pour accroître la capacité d'ajustement et stimuler la croissance et l'emploi ; le renforcement de l'efficacité des dépenses publiques ; le vote de mesures destinées, dans la prochaine loi de décentralisation, à améliorer les synergies et les économies entre les différents niveaux de l'administration, central, régional et local ; le vote de mesures d'ici à la fin de 2013 pour équilibrer durablement le système de retraite en 2020 au plus tard, « par exemple en adaptant les règles d'indexation, en augmentant encore l'âge légal de départ à la retraite 18 ( * ) et la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein et en réexaminant les régimes spéciaux, tout en évitant une augmentation des cotisations sociales patronales » ;

- la réduction du coût du travail, par la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, l'adoption de mesures pour réduire les cotisations sociales patronales et l'évolution du salaire minimum propice à la compétitivité et à la création d'emplois ;

- l'amélioration de l'environnement des entreprises et le développement de la capacité d'innovation et d'exportation des entreprises, notamment des PME, en lançant l'initiative annoncée de simplification administrative et en améliorant les conditions générales propices à l'innovation, en renforçant les transferts de technologie et l'exploitation commerciale des résultats de la recherche ;

- le renforcement de la concurrence dans le secteur des services, en éliminant les restrictions injustifiées à l'accès aux services professionnels et à leur exercice, en prenant des mesures pour simplifier l'autorisation des ouvertures de commerces et supprimer l'interdiction de la vente à perte, en mettant fin aux tarifs réglementés du gaz et de l'électricité pour les clients autres que les ménages ou encore en ouvrant le transport ferroviaire intérieur de passagers à la concurrence ;

- la poursuite de la simplification du système fiscal et l'amélioration de son efficacité ; la réduction et la rationalisation des dépenses fiscales relatives à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, tout en réduisant le taux de ces impôts ; le déplacement de la charge fiscale sur le travail vers les taxes environnementales ou la consommation ;

- la mise en oeuvre rapide de l'accord interprofessionnel de janvier 2013, en concertation avec les partenaires sociaux ; la réforme du système d'indemnisation du chômage ; l'amélioration du taux d'emploi des travailleurs plus âgés ; l'offre par les services publics de l'emploi d'un appui personnalisé aux chômeurs ; l'amélioration du passage de l'école au travail, etc.

L'instrument de convergence et de compétitivité proposé par la Commission comporterait des engagements de réformes de la part des États membres pris, précisément, sur la base de ces recommandations par pays. Il convient de s'interroger sur la marge de manoeuvre qui sera laissée aux États membres pour définir les moyens par lesquels ils entendent respecter ces engagements.

Votre rapporteur estime qu'au contraire il faut tirer parti de l'approche contractuelle qui sous-tend l'instrument de convergence et de compétitivité . La notion de contrat n'est pas usuelle dans la pratique communautaire, qui repose sur des actes unilatéraux adressés aux États membres et qui s'imposent à eux, des recommandations le plus souvent, élaborés au terme d'une procédure multilatérale.

Si cette démarche nouvelle soulève logiquement des questions d'ordre pratique, votre rapporteur considère qu'elle doit être mise à profit pour négocier au mieux les modalités de réalisation des réformes conduites au niveau national . Dès lors, le contrat peut être un moyen de préserver les marges de manoeuvre des États membres et des parlements nationaux.


* 17 COM(2013) 360 final du 29 mai 2013.

* 18 Les mots « en augmentant encore l'âge légal de départ à la retraite » ont été remplacés par les mots « en relevant encore l'âge effectif de départ à la retraite en alignant l'âge de la retraite ou les prestations de pension sur l'évolution de l'espérance de vie » dans la recommandation du Conseil.

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