CONCLUSION GÉNÉRALE

Indéniablement relancées depuis l'adoption du Partenariat pour la modernisation en juin 2010, les relations entre l'Union européenne et la Russie demeurent pour partie ambiguës. Si les divergences politiques continuent à apparaître dans de multiples domaines, comme en ont témoigné les semaines précédant le sommet du Partenariat oriental à Vilnius les 28 et 29 novembre derniers, les rapprochements techniques connaissent une accélération notable, donnant davantage de contenu aux quatre espaces communs esquissés en 2005. Cette convergence souffre clairement d'un manque de visibilité, mais permet de dépasser une vision manichéenne des rapports entre l'Union européenne et la Russie. Elle doit au moins servir de substrat pour une intensification des relations politiques entre Bruxelles et Moscou.

La priorité consiste donc à mettre en place un Partenariat stratégique dont les principales orientations seraient in fine économiques. Les protagonistes prendraient ainsi acte de leur interdépendance. L'Union européenne doit être un acteur clé dans la reconversion attendue de l'appareil industriel russe et dans les projets d'aménagement des territoires orientaux de la Russie. Ne pas saisir cette opportunité conduirait sans doute à un rapprochement accru entre Moscou et Pékin, aux conséquences politiques et stratégiques incertaines. Faut-il le rappeler ? La Russie est avant tout une puissance européenne et un acteur clé sur le continent depuis près de trois siècles. C'est aussi cet arrimage européen qu'il convient de consolider.

Le rapprochement indispensable passe aussi par des symboles forts, de chaque côté. Une accélération des travaux concernant la faisabilité d'une suppression des visas de court séjour pour la Russie pourrait aller de pair avec un engagement de Moscou à ratifier enfin le Traité sur la Charte de l'énergie. De tels signaux contribueraient indubitablement à enclencher une dynamique positive durable pour les relations entre l'Union européenne et la Russie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le mardi 17 décembre 2013 pour l'examen du présent rapport.

M. Simon Sutour. - Jean Bizet et moi-même allons présenter successivement les deux volets, le volet politique et le volet économique, des enseignements de notre déplacement en Russie. Ce déplacement s'est déroulé en juillet, mais pour présenter notre rapport nous avons préféré attendre le résultat du sommet de Vilnius. Et ce résultat, à notre avis, a plutôt conforté notre idée principale, qui est que l'Union européenne a intérêt à construire un dialogue plus constructif et plus consistant avec la Russie.

Ce dialogue existe, puisqu'un accord de partenariat et de coopération (APC) est en vigueur depuis 16 ans. Mais le bilan est resté mince. Un effort pour le relancer a été engagé en 2007, puisque l'APC venait à expiration. L'idée était de le remplacer par un accord plus ambitieux, dénommé « partenariat stratégique » ; les négociations sur ce nouvel accord se sont poursuivies depuis lors, l'APC restant en vigueur en attendant la conclusion des négociations.

Comme les négociations n'avançaient pas, un accord intérimaire intitulé « Partenariat pour la modernisation » a été adopté en 2010, destiné à relancer la coopération sur des sujets précis. Les résultats ne sont pas négligeables, mais restent encore relativement modestes.

Sur le plan politique, le principal facteur de défiance entre l'Union européenne et la Russie est aujourd'hui la situation des pays du Partenariat oriental.

Le Partenariat oriental est une initiative parfaitement fondée de l'Union. La politique de voisinage fait partie des devoirs de l'Union dans le traité de Lisbonne. L'Union a intérêt à promouvoir la démocratie, les droits de l'homme et l'ouverture économique dans son environnement proche, à l'Est comme au Sud.

Mais la Russie a perçu le partenariat oriental plutôt comme une lutte d'influence, et a exercé toutes sortes de pressions sur les pays concernés pour qu'ils se tiennent à l'écart de cette démarche. Elle a même lancé sa propre Union douanière, l'« Union douanière eurasiatique », incompatible avec un accord d'association avec l'Union.

Naturellement, nous estimons que les pressions russes prennent des formes inacceptables. Mais on fait de la politique avec des réalités. Il est clair que la Russie, malgré son immense territoire, a tendance à se sentir « assiégée » du fait de la montée en puissance de la Chine sur son flanc sud-est, de l'influence occidentale croissante sur son flanc ouest, et du « printemps arabe » compromettant son influence au Moyen-Orient.

Si nous voulons intensifier les relations avec les pays du Partenariat oriental, nous devons donc, en parallèle, renforcer le rapprochement avec la Russie, de manière à éviter que la politique de voisinage oriental ne soit perçue comme un effort pour constituer un glacis.

Un dialogue plus constructif avec la Russie est-il possible ? Nous le croyons. Si l'on regarde les sujets de friction qui concernent proprement les relations UE/Russie, il nous semble qu'ils ne sont pas des obstacles absolument insurmontables. C'est le cas des contentieux commerciaux, c'est le cas de l'énergie- Jean Bizet y reviendra - car la réalité est celle d'une interdépendance entre la Russie et l'Union, ce qui fait que personne n'a intérêt à « renverser la table ».

C'est aussi le cas du lancement de l'« Union douanière eurasiatique ». Il ne faut pas en faire un épouvantail. Nous verrons finalement quels seront les pays qui en seront membres, plus ou moins contraints. Mais si cette union douanière prend plus de consistance, il deviendra intéressant d'envisager des négociations commerciales globales entre l'Union et cette nouvelle zone, de façon à engager une ouverture commerciale à l'échelle du continent, qui pourrait être mutuellement profitable.

Beaucoup de nos interlocuteurs ont évoqué la question des visas. Il nous paraît effectivement indispensable de progresser sur cette question et de supprimer dès que possible l'obligation de visa pour les courts séjours. C'est peut-être le meilleur moyen de progresser sur la question des droits de l'homme, autre point de friction, car plus les Russes seront nombreux à circuler entre l'Est et l'Ouest, plus le rapprochement sur les valeurs fondamentales sera facile.

Cela paraît d'autant plus souhaitable que la Russie apparait aujourd'hui tentée de se tourner davantage vers l'Asie, dont le dynamisme économique fascine. Les États-Unis ont par ailleurs une influence culturelle certaine, comme c'est le cas un peu partout dans le monde. Si nous voulons préserver l'ancrage essentiellement européen de la Russie, nous avons intérêt à pratiquer une ouverture dans sa direction. Il faut souligner que, selon les projections démographiques actuelles, l'Union représentera 5 % de la population du globe en 2050. Une bonne entente avec la Russie et les pays qui lui sont voisins sera de plus en plus nécessaire pour compter dans l'équilibre mondial.

Je termine mon propos par quelques mots sur la situation de l'Ukraine, qui suscite beaucoup d'espoir mais aussi beaucoup d'inquiétude. Il faut souligner que nous ne sommes pas dans le cas des Balkans : l'Union n'a jamais reconnu la vocation à l'adhésion des pays du Partenariat oriental, même si elle n'a pas dit non plus que cette perspective était exclue à jamais. Mais au cours des dernières années, les pays du Partenariat oriental - et spécialement l'Ukraine - ont vu leur population se tourner davantage vers l'Union européenne qui, malgré ses difficultés, reste synonyme d'État de droit et de relative prospérité. En même temps, ces pays restent en pratique très liés à la Russie, voire dépendants d'elle.

Il n'est donc pas souhaitable que les pays du Partenariat oriental se trouvent tout d'un coup sommés de choisir, un peu comme certains enfants du divorce, alors qu'ils ne peuvent trouver une réponse complète à leurs difficultés et à leurs aspirations ni du côté de la Russie seule, ni du côté de l'Union européenne seule.

À mon avis, l'Ukraine devrait et pourrait être un pont entre la Russie et l'Union européenne, mais elle ne peut répondre à cette vocation que si ces deux grands partenaires ne s'éloignent pas l'un de l'autre.

Nous croyons qu'un dialogue renforcé avec la Russie pourrait aider à ce qu'une issue durable soit trouvée pour l'Ukraine. Bien sûr, la crise politique que connaît ce pays est largement liée à sa situation intérieure, et notamment à une récession qui dure depuis 15 mois. Mais les antagonismes se cristallisent sur les rapports avec l'Union européenne et la Russie. Il serait bon, à notre avis, que l'Union ne fasse rien pour renforcer ces antagonismes et qu'elle s'efforce au contraire de les réduire. Il n'y a pas, selon nous, de fatalité à ce que l'Union et la Russie se trouvent en situation de concurrence, alors que la réalité est celle d'une interdépendance et, d'une manière ou d'une autre, d'un avenir commun.

Je cède la parole à Jean Bizet pour aborder le volet économique.

M. Jean Bizet. - Je voudrais ajouter trois compléments.

Tout d'abord, je me réjouis de ce déplacement. Ayant éprouvé de longue date un intérêt pour l'OMC, je souhaitais voir comment la Russie percevait les conséquences de sa récente adhésion. Réponse est qu'à ce jour, cette signature politique n'a pas marqué l'entrée du pays dans l'économie de marché. Les Russes s'intéressent bien plus à l'Union douanière eurasiatique, à laquelle ils veulent associer l'Ukraine.

Ensuite, la France bénéficie d'un acquis extraordinaire, avec un crédit très largement supérieur à celui de l'Union européenne. Nos interlocuteurs s'interrogent toutefois sur nos valeurs, notamment après le vote de la loi sur le mariage pour tous, qui suscite une incompréhension totale. Nous ne sommes pas entrés dans ce débat.

À propos de l'Ukraine enfin, il faut accorder de l'attention aux sentiments des pays qui se sentent encerclés ou menacés par un grand voisin. La Russie peut être un partenaire extraordinaire. Bien que je sois vice-président du groupe interparlementaire d'amitié France - États-Unis, je ne comprends pas et n'accepte pas qu'un sénateur américain, M. McCain, se soient rendus en Ukraine pour une provocation gratuite et maladroite envers la Russie. Les États-Unis n'ont pas à s'immiscer dans une affaire qui relève exclusivement de relations entre l'Union européenne et la Russie !

Sur le fond du rapport, je voudrais commencer par quelques mots sur l'énergie.

Incontestablement, les ressources énergétiques viennent en tout premier lieu dans les relations économiques entre l'Union et la Russie. Les trois quarts des importations européennes en provenance de Russie sont constitués de ressources énergétiques. Le marché européen absorbe à lui seul les deux tiers des exportations russes en ce domaine. Et ces deux tiers des exportations russes d'énergie représentent environ la moitié du total des exportations de la Russie !

Habituellement, quand on parle « énergie » au sujet de la Russie, on pense au gaz, donc à « Gazprom », un géant russe dont on imagine à tort qu'il représente à lui seul toute l'activité russe sur le marché de l'énergie.

Or, bien que la position dominante de Gazprom soit une incontestable réalité, cette entreprise n'est pas pour autant en situation de monopole sur son coeur de métier. Elle est concurrencée à la fois par une autre très grande société publique autrefois exclusivement pétrolière, ROSNEFT, qui diversifie son activité pour se lancer dans le gaz naturel, et aussi par un grand nombre d'opérateurs privés de taille bien plus réduite, mais dont les ambitions peuvent être impressionnantes. Vous avez sans doute remarqué dans le rapport ce projet de terminal méthanier situé au-delà du cercle polaire, en un lieu pris par les glaces neuf mois sur douze : le français Total intervient aux côtés d'un opérateur privé qui dessert environ 15 % du marché gazier en Russie. Mais surtout, le gaz est très loin d'être l'unique source d'énergie exportée par la Russie : il faut ajouter bien sûr le pétrole - dont la Russie est un important producteur - ainsi que le charbon et l'uranium.

La Russie est souvent assimilée au gaz, car elle possède un quart des réserves mondiales conventionnelles. Cette première place dans les réserves est confirmée au niveau de la production. Il n'en va pas de même pour le pétrole, dont la Russie ne possède que 4 % des réserves conventionnelles, bien qu'elle figure actuellement parmi les principaux producteurs mondiaux.

Le charbon figure aussi parmi les grandes réserves énergétiques de la Russie. C'est une ressource connue depuis longtemps, mais encore promise à un brillant avenir si l'on en juge par l'ampleur des réserves disponibles au niveau mondial, puisque l'échéance d'épuisement n'est pas inférieure à un siècle, alors qu'elle tourne autour d'une cinquantaine d'années pour les hydrocarbures. Pour l'uranium, au rythme actuel, il resterait, là aussi, plus d'un siècle avant d'épuiser les ressources connues. La Russie fournit à l'Union européenne un peu moins du tiers de l'uranium nécessaire au fonctionnement des centrales électronucléaire en place.

Mais les exportations dans le domaine de l'énergie ne se limitent pas aux matières premières, car l'industrie russe est très compétitive dans le domaine électronucléaire. L'essor de la société Rosatom - dont la dénomination signifie « atome de Russie » en abrégé - est un des succès industriels à l'actif de M. Poutine.

En 2012, le secteur de l'énergie a représenté environ 34 % du PIB russe, mais a procuré 67 % de l'ensemble des recettes d'exportation et 50 % des recettes budgétaires au niveau fédéral. Sans ses exportations d'énergie -300 millions de tonnes de pétrole et 150 milliards m 3 de gaz chaque année - la Russie ne pourrait importer sans mettre en péril sa situation financière. La Russie a de fait un besoin vital de vendre, ce qui relativise pour le moins la dépendance énergétique de ses clients, notamment l'Union européenne. À ce jour, l'Union européenne absorbe en effet les trois quarts des exportations russes de pétrole et les quatre cinquièmes de ses exportations de gaz.

Or, il faut noter que les importations de combustible fossile en provenance de Russie représentent seulement 18 % de la consommation finale d'énergie au niveau de l'Union européenne. Si l'on prend en compte les livraisons d'uranium enrichi, la dépendance de l'Union européenne envers ses fournitures russes atteint 22 % de sa consommation finale d'énergie.

Ce pourcentage confère certes à la Russie une position éminente. Mais en même temps, le produit de ces exportations représente à lui seul près de la moitié des revenus de la Russie. En matière énergétique, il convient donc de parler d'une véritable interdépendance entre l'Union européenne et la Russie, plutôt que d'une dépendance de la première à l'égard de la seconde.

Cela me conduit à un second point. Cette interdépendance en matière d'énergie devrait déboucher, à notre avis, sur un rapprochement économique plus global. Car l'économie russe est loin de se résumer à son secteur énergétique, malgré son poids déterminant sur les grands équilibres. Or, avec l'adhésion à l'OMC, la Russie a fait un pas important vers son intégration internationale.

L'adhésion à l'OMC représente aussi pour la Russie un défi économique de grande ampleur, car il n'est pas simple de restructurer une économie presque totalement protégée de la concurrence internationale pour s'orienter vers un modèle fondé sur cette concurrence. Sans surprise, certains secteurs étaient catégoriquement hostiles à la perspective ouverte par l'OMC. Tel était en particulier le cas de la production agricole, surtout de sa filière porcine, ainsi que de la métallurgie.

Or, qui dit « restructuration » dit aussi « opportunité pour qui sait les saisir ». L'ampleur du relais de croissance ainsi ouvert aux entreprises européennes dépend en premier lieu de l'ardeur qu'elles mettront à l'utiliser. Nos entreprises sont loin d'être mal placées : le groupe Auchan est le premier employeur étranger en Russie, pays dont le premier constructeur automobile n'est autre que Renault.

Qu'elles soient industrielles ou qu'elles interviennent à titre de service dans l'industrie, les entreprises européennes pourraient participer à cette mutation économique d'envergure. Celle-ci semble anticipée par le gouvernement russe qui réserve une partie du produit des ventes de ses hydrocarbures à cette reconversion. Le rapprochement avec l'Union européenne et la mise en place d'un espace économique commun passent avant tout, à notre avis, par la mise en oeuvre d'un partenariat industriel permettant aux entreprises européennes d'accéder à ce marché en pleine évolution.

Pour conclure, je dirai que l'ouverture au monde représentée par l'adhésion de la Russie à l'OMC constitue un défi pour une économie bâtie à l'abri de la concurrence étrangère et ne pouvant compter que sur de rares secteurs pour se procurer les devises nécessaires à l'importation de certains biens manufacturés. L'admission à l'OMC sera donc un accélérateur de réformes dont l'étape initiale sera souvent douloureuse, comme pour toute restructuration. Des turbulences paraissent donc probables, mais cela n'empêche pas le marché russe d'être solvable et prometteur. Obtenir que les entreprises européennes participent davantage à son développement est un véritable enjeu de croissance pour l'Union dans son ensemble.

Il était très important d'accueillir la Russie et l'OMC ; il est encore plus important que nos entreprises apprennent comment fonctionnent nos amis russes. La Russie doit être un partenaire important pour l'Union européenne, et M. Poutine est un stratège de haut vol.

M. Simon Sutour. - Notre collègue M. Pozzo di Borgo s'était penché sur le sujet pour notre commission il y a quelques années. Depuis, beaucoup de choses se sont passées !

Sur le fond, il faut dialoguer avec la Russie. L'Union européenne compte 500 millions d'habitants sur les 7 milliards d'humains qui peuplent la terre ; la Russie à 140 millions d'habitants. Nous avons intérêt à compter ensemble. Sur le plan des standards démocratiques, la Russie n'est pas si mal placée au plan mondial ; c'est incontestablement un pays européen auquel sa partie asiatique apporte des richesses naturelles considérables.

Lorsque nous nous sommes rendus au siège de Gazprom, nous avons ressenti le fait que nous étions accueillis par une puissance. De l'entretien que nous avons eu avec un jeune cadre, très compétent, j'ai retenu l'antienne : que l'Union européenne dise si elle a ou non besoin du gaz russe !

M. Gérard César. - Je vous félicite pour ce rapport, où vous avez bien fait d'insister sur l'énergie. Lorsque j'étais à Mourmansk, j'ai entendu parler du projet réunissant Gazprom, Total et Statoil pour capter du gaz par -40° dans le Grand Nord russe, à Shtokman. Où en est-on ? Plus généralement, l'action de soutien aux entreprises françaises est-elle satisfaisante ?

M. Jean Bizet. - Ce projet avance lentement ! Mais M. de Margerie est dans mon département : je lui demanderai donc un point d'actualité sur ce projet d'ailleurs mentionné dans notre rapport.

Je voudrais ajouter que les conseillers du commerce extérieur m'ont fait l'impression d'interlocuteurs pugnaces et déterminés. J'ai d'ailleurs établi des contacts avec certaines entreprises françaises.

À Saint-Pétersbourg, nous avons eu un petit déjeuner de travail avec des représentants d'entreprises françaises implantées sur place. Pour y réussir, il faut faire preuve d'un grand professionnalisme.

Mme Bernadette Bourzai. - Je souhaite dire mon sentiment quant à la responsabilité de la Russie en Ukraine, qui a le droit d'être indépendante et libre de rejoindre le partenariat avec l'Union européenne ou la Russie. Celle-ci n'a pas le droit d'imposer sa volonté, ni d'utiliser l'arme du gaz comme elle le fait aussi envers d'autres pays.

Nous devons soutenir l'Ukraine, qui veut être partenaire de l'Union européenne, même si tel n'est pas l'avis de son gouvernement : l'opinion publique ukrainienne doit être entendue !

M. Simon Sutour. - Nous suivons ce sujet depuis des années.

Je devais recevoir M. Klitschko la semaine dernière, mais il a reporté ses visites à Paris en raison des événements de Kiev.

N'oublions pas que l'Ukraine est une ancienne république soviétique...

Mme Bernadette Bourzai. - Les trois républiques baltes aussi !

M. Simon Sutour. - ... la Crimée était russe jusqu'à ce que Khrouchtchev la donne l'Ukraine. Les Ukrainiens parlent souvent russe, nous l'avons constaté avec M. César lorsque nous étions à Odessa, où une jeune fille nous a dit qu'elle se sentait russe.

Ce qui compte, c'est d'amener l'Ukraine à respecter les standards démocratiques. Un manifestant de Kiev a dit que pour l'opposition, l'Union européenne représentait l'État de droit. Qu'il s'agisse de justice ou de corruption, l'Union européenne fait avancer les pays de son voisinage méditerranéen ou est-européen.

M. Ianoukovitch est aujourd'hui à Moscou. L'opposition pense qu'il veut signer l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière eurasiatique. Je souhaite que tel ne soit pas le cas.

Le niveau de vie des Ukrainiens est très faible. Je ne suis pas sûr qu'on mesure bien les difficultés de ce pays.

M. Jean Bizet. - Pouvant comprendre Mme Bourzai, je l'invite à lire le dernier ouvrage, remarquable, de M. Chevènement. L'Allemagne avait le sentiment d'être encerclée avant 1914, ce qui a successivement déclenché deux guerres mondiales. Il faut faire attention au sentiment des Russes envers leur ancienne province.

Si l'Ukraine a frappé à la porte de l'Union européenne, c'est sans doute par attachement à nos valeurs, mais ne soyons pas dupes, c'est aussi dans l'espoir d'un soutien financier ! Au demeurant, l'Union européenne est dans une phase d'approfondissement plus que d'élargissement. Il faut donc inventer de nouvelles formes de partenariat avec des pays comme l'Ukraine ou la Turquie par exemple.

Il ne faut pas vexer un grand partenaire, sans être naïfs au sujet des droits de l'homme et de certaines formes prises par l'économie de marché. En le froissant, on l'éloigne ; en dialoguant, on a des chances de le rapprocher.

Le commissaire à l'élargissement doit donc envisager d'autres formes de partenariat, en se rappelant que les procédures spéciales et différenciées permettent d'introduire les délais nécessaires.

Mme Bernadette Bourzai. - Il faut être réaliste sur le plan économique, mais l'Ukraine et la Russie sont membres du Conseil de l'Europe depuis longtemps. Ces pays ont souscrit des engagements en matière de droits de l'homme et de démocratie

M. Jean Bizet. - C'est un long processus...

Mme Bernadette Bourzai. - Bien trop long ! Les engagements doivent être tenus !

M. Simon Sutour. - En matière d'élargissement, les Balkans constituent un cas particulier, pour des raisons géographiques et historiques.

À l'issue du débat, la publication du rapport a été autorisée à l'unanimité.

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