C. UN CHANGEMENT DE PERCEPTION ?

Les efforts de la Hongrie en vue de normaliser ses relations avec l'Union européenne ont pu trouver une forme d'aboutissement avec l'adoption du Cinquième amendement. Il ne s'agit pas, loin s'en faut, de voir dans ce texte une réponse à toutes les objections soulevées depuis 2010 sur la compatibilité des réformes entreprises par le gouvernement hongrois avec les valeurs universelles défendues par l'Union européenne. Reste que ce travail de « mise aux normes » mené assez rapidement a contribué à diminuer la pression entourant ce pays il y a encore un an.

Le faible écho du rapport Tavares au sein des institutions communautaires semble, à cet égard, assez révélateur. La question hongroise ne figure plus véritablement à l'agenda du Conseil, principalement concentré sur la lutte contre la crise économique et sociale, alors même que la Commission limite désormais le contentieux aux seuls dossiers ayant trait à la libre prestation de service et au droit d'établissement. La question d'une suspension du droit de vote de la Hongrie au Conseil, prévue par l'article 7 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, semble de fait s'éloigner. L'adoption du Cinquième amendement a pour partie satisfait la Commission, désormais moins encline à mettre en avant le recours à cette option. Celle-ci a également été écartée du rapport Tavares. La lettre adressée à la Commission européenne le 6 mars 2013 par les ministres des affaires européennes allemand, danois, finlandais et néerlandais, l'invitant à se doter d'un nouveau dispositif sanctionnant les dérapages des États membres vis-à-vis des valeurs fondamentales de l'Union européenne, n'a, quant à elle, pas eu de suite concrète. Ce mécanisme constitue une des recommandations du rapport du Parlement européen.

Le choix de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, exprimé le 25 juin 2013, de ne pas rouvrir la procédure de suivi concernant la Hongrie s'inscrit également dans cette dynamique plutôt positive pour Budapest. Cette position fait écho à celle exprimée par le Bureau de l'Assemblée parlementaire, qui avait estimé que la réouverture d'une procédure de suivi pourrait être considérée comme une vexation par les autorités locales, déjà enclines à coopérer avec les institutions du Conseil de l'Europe, comme en témoignait le dialogue noué avec la commission de Venise ou le secrétaire général du Conseil de l'Europe.

De fait, si l'opposition insiste, parfois à juste titre, sur l'incompatibilité entre les systèmes juridique, politique et économique hongrois et les principes de l'Union européenne, rien n'indique aujourd'hui que l'action du gouvernement actuel ne débouche sur une sortie « passive » et a fortiori « active » de l'Union.

À l'inverse, et à l'image des propos élogieux du président du Conseil économique et social européen, on constate même un relatif intérêt pour la politique économique mise en place par le gouvernement actuel. La Pologne, la Roumanie, la Slovaquie ou la Bulgarie semblent, à des degrés divers, vouloir étudier, voire s'inspirer du programme de baisse des charges domestiques développé ces dernières années en Hongrie. L'absence de résultats de certaines politiques d'austérité rend, de fait, la rhétorique paternaliste du gouvernement Orbán séduisante. À l'heure où l'Union européenne peine à sortir de la crise, les succès économiques enregistrés par la Hongrie, fussent-ils relatifs, auraient presque valeur d'exemple. Si la notion d'« exception hongroise » se maintient de fait dans le discours européen, son sens est désormais plus nuancé.

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