D. DÉBAT JOINT SUR LES MIGRANTS

1. Les migrants : faire en sorte qu'ils constituent une richesse pour les sociétés d'accueil européennes

Les migrants sont aujourd'hui souvent présentés comme une charge pour les finances publiques et une menace pour le bien-être économique et la cohésion sociale des sociétés d'accueil. Des discours de plus en plus hostiles surgissent à leur égard et contribue à la montée de la xénophobie et de l'extrémisme de droite.

De nombreuses preuves attestent pourtant que les migrants constituent une richesse pour la société. L'OCDE a ainsi pu démontrer que, sur le plan économique, les migrations ne constituent pas une lourde charge pour les finances publiques. Ils comblent les pénuries de main-d'oeuvre, en particulier pour les travaux peu payés, dangereux, précaires ou pénibles, dans les domaines clés pour l'économie que sont la construction, le tourisme, l'agriculture, les services de santé ou les services à domicile. Par ailleurs, les étudiants étrangers sont source de revenus non négligeables pour l'enseignement supérieur des pays d'accueil.

Les migrants permettent de résoudre nombre de problématiques européennes : vieillissement démographique et baisse de la population, y compris active. Ils participent aussi à son enrichissement culturel.

Les États membres du Conseil de l'Europe sont notamment incités à promouvoir l'intégration des migrants, ainsi qu'à prendre en compte les besoins du marché dans leurs politiques de migration de travail tout en étant conscients que les demandeurs d'asile, les réfugiés ou les candidats au regroupement familial ne peuvent être régis de la même manière que les autres.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SOC) a souhaité rappeler que l'Europe actuelle était née des migrations passées :

« Madame la rapporteure, chère M me Kyriakidou, le rapport que vous nous présentez aujourd'hui est bienvenu. C'est un migrant qui vous le dit.

J'ai travaillé pendant plus de vingt ans à l'étranger. Je sais ce que le départ vers un autre pays signifie d'incertitudes personnelles et de craintes souvent diffuses et pourtant bien réelles. Être accepté dans le pays de résidence, s'y intégrer, y construire sa famille et sa vie n'est jamais un long fleuve tranquille.

Je suis inquiet de l'émergence, ces dernières années, en particulier à la faveur des difficultés économiques de nos pays, d'un discours délibérément hostile aux migrants, présentés comme une charge pour la puissance publique, une menace pour la cohésion sociale, un danger pour la société. J'avais été consterné par la création dans mon pays, sous la précédente mandature présidentielle, d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, comme si la première menaçait la seconde. L'instrumentalisation des peurs à des fins politiques m'apparaît infiniment méprisable. La xénophobie se combat, elle ne s'entretient pas. Elle s'alimente encore moins !

Et si l'on regardait l'immigration comme une chance, un enrichissement pour tous, migrants et pays d'accueil ? C'est ce que vous faites, Madame la Rapporteure, et je vous en remercie. L'OCDE et la Commission européenne ont montré que l'immigration ne constitue une lourde charge ni pour les finances publiques, ni pour les régimes de sécurité sociale. Que deviendraient certains secteurs de nos économies sans les migrants, à commencer par ceux de ces secteurs qui connaissent une pénurie de main d'oeuvre ? Combien de marchés extérieurs manquerions-nous sans les migrants et leur connaissance intime des pays et des régions dont ils proviennent ? Quel serait, sans les migrants, l'avenir d'une Europe menacée par le vieillissement et le recul démographique ? Qu'adviendrait-il du monde de la création si la rencontre des idées, des arts et de la diversité venait à faire retraite parce que les migrants n'en seraient plus ? Qu'aurait été mon pays, la France, sans l'apport de Marie Curie la Polonaise, de Pablo Picasso l'Espagnol, de Lino Ventura l'Italien ou de Mohamed Dib l'Algérien ?

La libre circulation et le libre établissement sont au coeur même du projet européen. Nous vivons dans des économies et des sociétés ouvertes. La migration peut être une chance dès lors que les devoirs et les droits des migrants sont clairement précisés, respectés et protégés. Il faut lever tous les obstacles de l'accès à l'emploi. Il faut ouvrir l'accès aux universités et aux écoles de formation par une politique de visa juste et ambitieuse. Il faut, partout, lutter pour la mixité sociale et contre les discriminations, en nous inspirant du travail conduit par les institutions du Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'Homme, bien sûr, mais aussi la Commission européenne, contre le racisme et l'intolérance. Il faut enfin reconnaître, au niveau local, le droit de vote et d'éligibilité aux migrants.

L'histoire de l'Europe est fondamentalement une histoire de migrations. Voir dans les migrations une chance, c'est inscrire l'action publique au coeur des valeurs européennes qui nous rassemblent. »

2. Les tests d'intégration : aide ou entrave à l'intégration ?

Les tests d'intégration pour les migrants se sont développés dans les États membres du Conseil de l'Europe. Fondés principalement sur la connaissance de la langue du pays d'accueil, ils posent aussi parfois des questions de « citoyenneté », qui concernent l'histoire, les institutions politiques, la société et les valeurs démocratiques.

Il est à craindre aujourd'hui que ces tests constituent une entrave plus ou moins volontaire aux migrations. Si la maîtrise d'une langue contribue à une intégration réussie, il ne s'agit pas d'en faire un obstacle à l'obtention de droits de séjour sûrs, ni une source de discriminations à l'encontre des personnes illettrées ou peu instruites placées dans l'incapacité de réussir ces tests.

Il faut ainsi veiller à ce que les tests soient accessibles, tant par les compétences qu'ils requièrent que par les aides financières qu'ils nécessitent.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a souhaité faire part de son expérience quant à la mise en place de tests en France :

« Au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, je remercie les orateurs qui se sont exprimés sur ces deux rapports, ainsi que les deux rapporteures pour leur excellent travail.

Il va sans dire que la question de l'intégration est au centre du problème et qu'en particulier les tests d'intégration ne constituent en rien une forme de contrôle migratoire.

J'ai moi-même été rapporteur de la loi qui a permis la mise en place d'un parcours d'intégration dans mon pays ; en France toutefois, les tests sont gratuits et ne sont pas sanctionnés par un examen. La maîtrise de la langue conditionne en effet l'intégration effective des étrangers ; notamment, pour ce qui concerne les femmes immigrées, elle leur permet de suivre la scolarité de leurs enfants et leur donne la possibilité d'avoir plus d'autonomie. Le but principal des tests est donc d'aider au mieux les migrants à s'intégrer dans la société d'accueil.

S'agissant du rapport présenté par M me Kyriakidou, je pense que nous ne pouvons pas en rester là et que nous devrons poursuivre nos réflexions sur cette question. Il s'agit effectivement d'un véritable problème et il nous appartient de faire changer les mentalités et de combattre les idées reçues par certains politiques et par certains médias. Nous avons encore du chemin à faire. »

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