N° 430

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 avril 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) , sur :
Zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines : le moment de vérité ,

Par MM. Jean-Étienne ANTOINETTE, Joël GUERRIAU et Richard TUHEIAVA,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Larcher, président ; MM.  Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Requier, Mme Catherine Tasca, MM. Richard Tuheiava, Paul Vergès et Michel Vergoz, vice-présidents ; Mme Aline Archimbaud et M. Robert Laufoaulu, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean-Étienne Antoinette, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Berthou, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Jacques Cornano, Félix Desplan, Mme Jacqueline Farreyrol, MM. Gaston Flosse, Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux, Jean-Jacques Hyest, Jacky Le Menn, Jeanny Lorgeoux, Roland du Luart, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Néri, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Charles Revet, Gilbert Roger, Abdourahamane Soilihi et Hilarion Vendegou.

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION

Consciente de l'importance et de la diversité des potentiels de croissance durable portés par les espaces maritimes de la France et de ses outre-mer à l'heure où il apparaît urgent d'ouvrir de nouvelles perspectives aux économies ultramarines et nationale, votre délégation sénatoriale a souhaité inventorier ces potentiels et analyser les opportunités qu'ils offrent pour relever les défis du 21 è siècle, tels que l'explosion démographique et l'impératif alimentaire, la transition énergétique, la recherche médicale ou encore la prévisible pénurie de ressources minérales pour les industries de pointe.

Alors qu'une prise de conscience des enjeux liés à ces potentiels conduit un certain nombre de pays à se positionner activement dans la course aux ressources marines , la France , qui dispose grâce à ses outre-mer de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus vaste au monde derrière les États-Unis avec près de 11 millions de km 2 , se réfugie dans les discours incantatoires et laisse s'étioler le capital de connaissance qu'elle avait engrangé. Au moment précis où la compétition entre les États s'exacerbe, où l'Europe commence à prendre des initiatives et où un embryon de gouvernance mondiale se met en place au sein d'instances onusiennes, la France, qui fut longtemps pionnière, ne doit pas décrocher .

L'exercice de la souveraineté sur de vastes étendues et la compétition internationale ont certes un coût difficile à assumer en période de crise mais il s'agit là d' un investissement d'avenir, une opportunité historique de croissance et de rayonnement . La France, et ses outre-mer en première ligne, doivent se saisir de cette chance et miser sur l'économie bleue . Afin d'ériger la mise en valeur des ZEE en priorité stratégique, la Délégation sénatoriale à l'outre-mer formule dix recommandations classées selon trois axes : mettre en place une gouvernance nationale cohérente et offensive ; fédérer les énergies de l'ensemble des acteurs pour le plus grand bénéfice des territoires ; promouvoir aux échelons local, national, européen et mondial un cadre normatif favorable à une économie bleue attractive et durable.

I. UNE GOUVERNANCE DYNAMIQUE POUR UNE MISE EN VALEUR DES ZEE ÉRIGÉE EN STRATÉGIE NATIONALE :

Recommandation n° 1 : Instituer auprès du Premier ministre un ministre délégué à la mer, autorité d'impulsion et de coordination de la politique de mise en valeur des ZEE et, au-delà, de l'ensemble de l'action maritime de l'État.

Objet : Les questions relatives aux ZEE sont aujourd'hui traitées de façon parcellaire et éclatée par les administrations de très nombreux ministères (transports et mer, affaires étrangères, défense, agriculture...) et divers organismes de recherche publique (Ifremer, IRD, Institut Paul-Émile Victor, INRA...). La coordination actuelle de ces acteurs est minimale : le CIMER ne se réunit que tous les deux ou trois ans et le SGMer, placé auprès du Premier ministre, est une instance de coordination administrative mais non d'impulsion politique. La proposition permet d'instaurer une instance politique interministérielle bien identifiée, permanente et dotée d'une capacité d'initiative nécessaire au pilotage d'une véritable stratégie nationale.

Recommandation n° 2 : Créer, auprès du ministre délégué à la mer, un comité national de suivi de la mise en oeuvre des mesures relatives aux ZEE annoncées par le Premier ministre le 3 décembre 2013, associant l'ensemble des partenaires concernés.

Objet : Cette recommandation tend à garantir une entrée en vigueur effective, dans un délai raisonnable, des mesures annoncées le 3 décembre 2013 par le Premier ministre. Le comité national de suivi devra avoir une composition élargie associant l'ensemble des partenaires des sphères publique et privée, et en particulier des représentants des collectivités ultramarines.

Recommandation n° 3 : Inclure dans le plan national d'accès aux ressources marines annoncé le renforcement des moyens de la recherche sur les ressources minérales dans la ZEE française, ainsi que dans la zone internationale pour les permis attribués à la France.

Objet : Cette recommandation vise à rappeler l'importance de la recherche comme préalable à toute valorisation des ressources minérales profondes. Il s'agit de donner à la recherche sur ce sujet des moyens dignes de nos ambitions et de relancer les opérations engagées, notamment à Wallis-et-Futuna et en Polynésie . De même, la France doit honorer l'intégralité de ses engagements dans le cadre des permis accordés par l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) afin d'y jouer le rôle moteur auquel elle peut prétendre. Cela appelle un renforcement des capacités de l'Ifremer en matière de recherches sur les minéraux.

II. FÉDÉRER LES ÉNERGIES NÉCESSAIRES À LA VALORISATION DES ZEE ET À LEUR CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES :

Recommandation n° 4 : Dans chaque territoire ultramarin, favoriser la mise en place d'un outil de coordination des actions mises en oeuvre localement. Dans les territoires ne disposant pas d'une compétence statutaire propre, cet outil pourra s'incarner dans un comité territorial de la ZEE animé par la collectivité en charge du développement économique.

Objet : La coordination des actions entreprises pour valoriser les potentiels des ZEE doit être organisée non seulement au niveau central mais également au niveau local, les projets et les enjeux étant différents d'une collectivité à l'autre. En outre, une politique régionale de valorisation nécessite de fédérer les initiatives et les énergies qui, bien souvent aujourd'hui, se déploient en ordre dispersé. Quelles que soient les dispositions statutaires applicables en matière de répartition des compétences, la conduite de cette politique revient naturellement à l'autorité locale en charge du développement économique.

Recommandation n° 5 : Associer étroitement les collectivités ultramarines aux volets de la coopération régionale relatifs à la gestion des ressources marines.

Objet : La politique de développement des territoires doit tirer pleinement parti des potentiels des ZEE et contribuer à leur meilleure insertion régionale : les discussions menées par l'État avec les pays voisins ayant des incidences économiques (délimitation de la ZEE, accords de pêche...) doivent systématiquement associer les collectivités ultramarines concernées.

Recommandation n° 6 : Aménager un cadre normatif et financier attractif pour des partenaires privés disposant de l'expertise technique et susceptibles de contribuer à l'exploration et à l'exploitation des ressources des ZEE.

Objet : Les projets d'exploration et d'exploitation des ressources marines, notamment minérales, s'inscrivent dans un calendrier de long terme et correspondent à des investissements lourds aux résultats parfois aléatoires. Attirer des partenaires industriels suppose donc de leur offrir un cadre suffisamment attractif, à la fois en termes de co-financement et de régime juridique applicable. À défaut, dans un contexte de compétition internationale de plus en plus vive, le risque existe que les quelques partenaires en capacité de mener de tels projets ne préfèrent se tourner vers des zones maritimes proches mais situées à l'extérieur de la juridiction française.

Recommandation n° 7 : Promouvoir la structuration des activités marines en filières intégrées, de la recherche jusqu'aux activités marchandes, en prenant en compte l'objectif de valorisation des ZEE ultramarines.

Objet : La valorisation de la ZEE appelle un engagement de l'ensemble des acteurs -  de la recherche à la distribution commerciale en passant par la production - au sein de filières structurées selon des modalités propres aux différents domaines : ressources minérales, énergies renouvelables, valorisation des algues, pêche... Les deux pôles de compétitivité maritimes à vocation mondiale (le pôle de Brest et le pôle Méditerranée) devraient y prendre une part active, alors qu'ils sont pour l'heure très peu investis dans les projets relatifs aux ZEE ultramarines.

III. PROMOUVOIR AUX ÉCHELONS NATIONAL, EUROPÉEN ET MONDIAL UN CADRE NORMATIF FAVORABLE À UNE ÉCONOMIE BLEUE DURABLE :

Recommandation n° 8 : Au niveau national, inscrire dans le futur code minier le cadre normatif nécessaire à la gestion durable et à la valorisation des ressources des ZEE.

Objet : L'exploration et l'exploitation des ressources offshore outre-mer présentent de fortes spécificités : compétence de délivrance des permis détenue par les collectivités, y compris dans les DROM ; fragilité particulière du milieu sous-marin nécessitant une approche environnementale spécifique ; présence de ressources nouvelles dont l'extraction fait appel à des procédés inédits. Or, selon les informations recueillies par la délégation, le projet de nouveau code minier ne prendrait en compte ni les particularités de l'outre-mer, ni celles des activités offshore .

Recommandation n° 9 : Au niveau européen, la France doit promouvoir et dynamiser le soutien de l'Union européenne à la valorisation des ZEE.

Objet : L'Union européenne a déjà identifié un certain nombre d'enjeux stratégiques (rapport sur la croissance bleue ; communications récentes sur les métaux stratégiques) liés aux espaces maritimes. La France doit l'inciter à en tirer les conséquences et à ouvrir les yeux sur les atouts que les ZEE ultramarines représentent, même lorsqu'il ne s'agit pas strictement de zones intégrées à l'Union européenne (ex : Polynésie française).

Recommandation n° 10 : Au niveau international, la France doit jouer un rôle moteur dans la mise en place d'une gouvernance internationale encore balbutiante.

Objet : Parmi les États signataires de la convention de Montego Bay, la France dispose de la plus vaste ZEE et d'une expertise traditionnellement reconnue. Elle doit valoriser ce capital au service d'une gouvernance internationale de la gestion des ressources marines qui peine à se mettre en place dix ans après l'entrée en vigueur de la convention.

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