Audition du général Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées et de M. Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

M. Joël Guerriau, président, co-rapporteur

Veuillez excuser l'absence du président Serge Larcher, souffrant. Vous comprendrez aussi tout particulièrement la raison du retard de cette audition : l'hommage rendu par le président du Sénat à nos soldats morts au Mali et en Somalie.

M. Pierre Chavancy, chef de la division emploi à l'État-major des armées

Une précision sémantique pour commencer : au sein des forces pré-positionnées, il faut bien distinguer les forces de souveraineté dont nous allons parler, des forces de présence stationnées dans des pays étrangers avec lesquels nous avons passé des accords.

La réorganisation du dispositif militaire en outre-mer résulte tout d'abord du livre Blanc de 2008 qui a défini des orientations stratégiques nationales : la priorité donnée à la Guyane qui accueille le centre spatial de Kourou, l'attention portée aux enjeux de souveraineté liés à l'étendue de nos zones économiques exclusives et la nécessité d'un dimensionnement de nos forces strictement adapté aux missions militaires. Les armées conservent cependant la capacité d'intervenir en soutien de l'action de l'État dans les situations d'urgence ou pour pallier les déficiences capacitaires des autres administrations Pas moins de douze réunions interministérielles (RIM) ont été consacrées à la réorganisation du dispositif militaire outre-mer et à son articulation avec, notamment, les services du ministère de l'intérieur - gendarmerie et sécurité civile - et les douanes qui dépendent du ministère des finances.

Cette réorganisation procède aussi de la RGPP, qui a posé un objectif de réduction de 54 000 postes de l'effectif total des armées entre 2009 et 2014 ; nous y sommes presque. La copie prévoyant tout le chemin parcouru depuis 2008 n'avait pas été écrite par le seul ministère de la défense, elle était d'abord et avant tout une production interministérielle.

Pour le dispositif outre-mer, ces objectifs impliquaient initialement une réduction d'effectifs de 40 % à l'horizon 2011. Les 12 RIM ont affiné la cible et ramené la réduction à 23 % en 2020. Plusieurs principes généraux ont été retenus pour y parvenir, à commencer par un recentrage sur nos missions militaires maintenant notre capacité à intervenir en situation d'urgence et accompagné d'une réaffirmation des responsabilités régaliennes de chacun des ministères. La rationalisation de l'ensemble s'est faite selon une logique de théâtres : la zone Antilles-Guyane, marquée par la priorité donnée à la Guyane et la présence de points d'appuis aux Antilles, l'océan Pacifique avec une consolidation en Nouvelle-Calédonie et le maintien en Polynésie d'un dispositif essentiellement maritime du fait de l'importance de la ZEE, et enfin la zone Sud de l'océan Indien.

Il a été clairement arbitré au niveau interministériel qu'il n'y aurait pas de réduction des moyens militaires participant à l'action de l'État en mer. Nous avons dit ce que nous faisions et fait ce que nous avions dit. Cet objectif, que nous remplissons quantitativement et qualitativement, a été confirmé à l'issue du rapport du préfet Cayrel, dont les recommandations ont été reprises en septembre 2010 par le Secrétariat général de la mer.

Mme Karine Claireaux

Pourquoi y a-t-il une zone Antilles-Guyane et non pas Atlantique, à l'instar de ce qui existe pour les autres océans ?

M. Pierre Chavancy

Le centre spatial présente un enjeu stratégique non seulement pour la France mais pour l'Europe. Les enjeux et priorités pour la France de la zone Antilles - Guyane ont amené à ne pas les « diluer » dans une zone Atlantique aux enjeux déjà nombreux. Par ailleurs, la ZEE de Saint-Pierre et Miquelon fait partie de la zone maritime Atlantique sous l'autorité du commandant en chef pour l'Atlantique (CECLANT) basé à Brest.

M. Christian Cointat

Il n'y a pas que dans le domaine militaire que l'on procède de la sorte, il en est de même pour les ambassadeurs régionaux. Je suis d'accord avec ma collègue, je défends Saint-Pierre-et-Miquelon !

M. Pierre Chavancy

Ne m'accusez pas d'oublier Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour nous, militaires, la zone Antilles-Guyane concerne une grande part de l'activité, notamment du fait des opérations de lutte contre le narcotrafic (Narcops).

M. Jeanny Lorgeoux

C'est une question de vocabulaire.

M. Christian Cointat

Pas seulement.

M. Pierre Chavancy

Nous sommes sur une ligne de baisse des effectifs de 23 % ; les 20 % seront atteints en 2014. Les marges de manoeuvre apparaissent maintenant étroites. Tout retour en arrière sur les arbitrages interministériels serait compliqué et ne pourrait certainement pas se faire à moindre coût.

M. Joël Guerriau, président, co-rapporteur

Vos documents distinguent personnels civils et personnels militaires ?

M. Pierre Chavancy

Oui, car dans ce type de réorganisation, la gestion des militaires est plus souple.

Pour mener à bien cette réorganisation, nous avons joué sur les formats capacitaires, créé les bases de défense et rationalisé les soutiens. Nous comptons sur les travaux interministériels pour atteindre la cible. Sur cette trajectoire, nous avons marqué une pause en 2012 et 2013 dans la réduction des effectifs des forces de souveraineté aux Antilles et en Polynésie. La question est aujourd'hui de savoir si cette pause prendra fin ou non en 2013.

La plupart des moyens aériens de la base aérienne du Lamentin a été transférée en Guyane et compensée par l'installation en Martinique d'aéronefs d'autres administrations. L'action de l'État en mer a effectivement été préservée, à une exception près : à La Réunion, le remplacement du patrouilleur austral Albatros n'est pas prévu. La diminution de l'effectif global outre-mer est supportée à hauteur de 45 % par l'armée de terre, de 30 % par l'armée de l'air et de 25 % par la marine. L'augmentation des effectifs de 7 % en Guyane s'accompagne nécessairement d'une discrimination négative ailleurs, et pas seulement dans les DOM-COM.

M. Jeanny Lorgeoux

Il y a des choix.

M. Pierre Chavancy

L'évolution des forces de souveraineté est en effet très liée à celle des forces de présence, sujet auquel il convient d'être très attentif, comme l'actualité nous le rappelle. L'essentiel du chemin ayant été parcouru, nous sommes engagés dans une canule dont il est extrêmement difficile de sortir. Nous pouvons tout au plus varier de quelques degrés vers le haut ou vers le bas.

À quelles difficultés sommes-nous confrontés ? Outre les contraintes budgétaires propres au ministère de la défense, une difficulté pourrait consister en la remise en cause des décisions arbitrées en interministériel. Au sein du pôle aéronautique étatique qui a remplacé la base aérienne du Lamentin, les ministères ont chacun une quote-part d'utilisation des installations. Que se passe-t-il s'ils ne veulent plus payer ? La question vaut aussi pour des structures comme le centre maritime commun de Polynésie. Les arbitrages interministériels ont été tellement difficiles à rendre que des retours en arrière pourraient compromettre tout l'édifice.

Même si la marine nationale est la seule à posséder une capacité d'intervention hauturière, l'action de l'État en mer est fondamentalement interministérielle. La capacité de surveillance des espaces de souveraineté ne se limite pas aux seules capacités aéromaritimes : il faut y ajouter, d'une part, les moyens satellitaires ou radars ou électroniques, et d'autre part, la présence de l'armée de terre sur certains territoires comme les îles Éparses. En particulier, les moyens maritimes militaires pré-positionnés seront à terme quantitativement égaux à ceux de 2008 et qualitativement bien supérieurs.

Quelles sont les possibles évolutions ? Sous réserve des options retenues par le prochain livre blanc, les risques et menaces sont a priori inchangés, ce qui devrait justifier un maintien de la priorité stratégique donnée à la Guyane. La contrainte budgétaire ne pourra que s'accroître, ce qui conduit à opérer de nouveaux choix - et choisir, c'est aussi renoncer.

Dans une hypothèse haute, nous aurions la possibilité de combler quelques lacunes, telles que la disparition de l' Albatros , et de compenser les réductions temporaires de capacités liés à l'âge de certains moyens. Cela demeurerait de toute façon limité et ne se ferait pas à moindre coût. Une hypothèse moyenne consisterait pour nous à rester sur la trajectoire actuelle sans mener ces actions correctrices. Enfin, dans une dernière option que je n'ose imaginer, il nous serait demandé de contribuer encore davantage à l'effort de réduction de la dette publique. Cela signifierait une réduction drastique de nos capacités outre-mer avec principalement la mise en place de « points d'accueil » centrés autour d'une base navale, à la fermeture des bases aériennes avec mise en place de pôles aéronautiques étatiques, l'armée de terre étant condamnée à un rôle restreint. Je précise que le service militaire adapté (SMA), relavant du ministère des outre-mer est une troupe « désarmée ». En cas de catastrophe ou crise grave, il fournit des bras et des moyens mais, ne peut assurer de protection en armes.

En conclusion, la réorganisation menée depuis 2008 se traduit par un recentrage des différents ministères sur leur coeur de métier. Elle ne se limite pas à une simple logique de moyens car ceux-ci demeurent cohérents avec les missions de chacun. De nombreux arbitrages interministériels ont été rendus : la pente n'est adaptable qu'à la marge et au moindre coût.

M. Joël Guerriau, président, co-rapporteur

Y a-t-il des pistes de coopération avec les États riverains ?

M. Pierre Chavancy

Nous faisons déjà beaucoup de choses dans ce domaine. La coopération avec les États-Unis aux Antilles-Guyane dans le cadre de Narcops est bien rodée et donne des résultats. Il est en revanche extrêmement difficile d'aller au-delà avec des pays ayant des systèmes juridiques différents du nôtre. S'engager dans certaines opérations avec des États où la peine de mort est en vigueur peut poser des problèmes politiques. Nous pouvons aussi nous trouver en concurrence avec les pays riverains. En 2003, j'avais vu, au collège de Macapá, pourtant proche de Saint-Georges-de-l'Oyapock, on ne discernait pas la Guyane française...

En Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, nous sommes en relation principalement avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis. Ces derniers, dont l'intérêt pour l'océan Pacifique est très net, nous font des appels du pied en nous demandant régulièrement où nous en sommes et de quels moyens nous disposons. La France conduit sa propre politique et ne souhaite pas être entraînée au-delà. Chaque commandant supérieur de zone a la responsabilité des relations internationales militaires et de la coopération opérationnelle militaire avec les pays riverains de sa zone.

M. Axel Moracchini, officier traitant « forces de souveraineté »

Chaque commandant supérieur basé outre-mer mène en effet des actions de coopération opérationnelle militaire. En revanche, en matière de protection de nos ZEE, les actions sont relativement limitées. Dans le Pacifique, peu de choses sont faites en-dehors des accords France-Australie-Nouvelle-Zélande (FRANZ) d'assistance en cas de catastrophe naturelle ou de la coopération en matière de pêche que nous avons mise en place avec l'Australie.

Plus généralement, nombre de pays insulaires ne disposent guère de capacités hauturières et lorsque nous menons des actions de coopération militaire et de formation des garde-côtes avec les Comores et Madagascar par exemple, destinées à leurs permettre d'assurer le contrôle de leurs propres zones, c'est du temps et parfois des moyens de moins qui sont consacrés à la surveillance de nos ZEE. On ne peut donc pas vraiment compter sur la coopération internationale pour renforcer nos moyens.

M. Jean-Étienne Antoinette, co-rapporteur

Les transferts auxquels vous procédez entre les Antilles et la Guyane sont-ils uniquement justifiés par l'enjeu du centre spatial ou bien sont-ils aussi dictés par la lutte contre le pillage des ressources ?

Nous devons mieux protéger notre zone en Guyane, comme le Brésil et le Surinam le font. Je pense aux normes sur les tonnages de poissons ou les filets, mais aussi aux hydrocarbures. Cela dit, pourquoi ce désintérêt pour les Antilles ? N'y a-t-il pas aussi des enjeux dans les Caraïbes ?

Je m'interroge aussi sur vos moyens. En Guyane, les bâtiments de la marine, qui datent d'il y a trente ans au moins, sont plus ou moins bien entretenus. On prévoit de les remplacer, le calendrier sera-t-il respecté ? Le débat sur le recours à des bâtiments polyvalents, mieux adaptés à nos côtes, a-t-il été tranché ?

Pour finir, la coopération. Vous en avez globalement indiqué les limites. Je soulignerai, moi, l'insatisfaction de certaines professions devant le pillage de nos zones.

M. Pierre Chavancy

La protection du centre spatial guyanais relève exclusivement de la défense tandis que l'opération Harpie, et c'est une différence majeure, constitue une opération interministérielle. Pour la conduire, le préfet s'appuie sur nos forces, mais aussi sur celles de la gendarmerie et des douanes.

Les frontières entre nos champs d'action sont parfois ténues, soit. Il y a néanmoins des lignes de démarcation claires. Dès qu'il s'agit de combattre le terrorisme, qu'il soit intérieur ou extérieur, cela relève de l'armée. Ce n'est pas le cas de la lutte contre la délinquance ; en tout état de cause, pas en tant que primo-intervenant et quand bien même cette délinquance est puissante et bien équipée. Je pense au quartier de la Crique à Cayenne à propos duquel les cabinets de l'intérieur et de la défense ont beaucoup échangé.

En clair, l'armée veut accomplir sa mission, toute sa mission, mais rien que sa mission. Et la raison ne tient pas seulement à la logique de réduction des coûts. La lutte contre la délinquance n'est pas notre métier.

Les sujets des hydrocarbures et de la pêche illégale ne nous ont pas échappé, les événements récents en témoignent d'ailleurs.

M. Jean-Étienne Antoinette

Pourquoi ce retrait des Antilles ?

M. Pierre Chavancy

Il a fallu faire des choix dans le livre blanc. Nous sommes pauvres, nous devons gérer la pénurie.

M. Axel Moracchini

Pour la Guyane, les deux patrouilleurs de 400 tonnes ont 30 ans. Leur remplacement, décidé le 3 mai 2011 à Matignon, est planifié pour 2016 : il n'y aura pas de rupture de charge. Les nouveaux modèles, des patrouilleurs légers à faible tirant d'eau, posséderont des capacités bien supérieures.

Les Antilles n'ont pas été oubliées. Le dispositif y a été recentré sur « l'action maritime » et, en particulier, la lutte contre les trafics illicites hauturiers avec deux frégates de surveillance disposant chacune d'un hélicoptère auxquels il faut ajouter un patrouilleur de souveraineté et d'intervention maritime (BATSIMAR) de l'ordre de 1 000 tonnes à compter de 2018. Par ailleurs, un bâtiment de transport léger (BATRAL) est affecté aux Antilles.

M. Christian Cointat

Je n'étais pas favorable à la suppression du service militaire avant de me laisser convaincre par M. Jacques Chirac. Oui, la France avait besoin d'une armée de métier moderne, opérationnelle et adaptée aux défis de demain. L'effort supposait un retour sur investissement. Hélas, la RGPP s'est ensuite invitée à la défense... Je l'ai déplorée dès le début, en dépit de mon appartenance à l'UMP, car je savais que l'outre-mer en pâtirait. Quel est le résultat ? Deux fois moins d'effectifs, des Transall qui ne fonctionnent presque plus et trois vieux Casa pour la Polynésie française ! Est-ce ainsi que nous apporterons à l'outre-mer la protection et la sécurité ? N'oublions pas non plus le soutien logistique. Le Haut-commissaire de Polynésie que j'avais rencontré lors d'un déplacement pour le Sénat m'avait assuré qu'il lui était indispensable pour venir au secours des populations en cas de catastrophe naturelle. Quand vos moyens sont réduits à la portion congrue, pouvez-vous encore remplir vos missions ? Entendons-nous bien, je ne vous reproche pas d'être responsable de cette situation, car il appartient aux politiques de prendre les bonnes décisions.

Les rumeurs sur un refus d'intervention dans le cinquième district des Terres australes et antarctiques françaises, autrement appelé les îles Éparses, sont-elles fondées ? Et Clipperton ? J'y suis particulièrement attaché pour être l'auteur de l'amendement qui leur vaut de figurer dans la Constitution. Cet atoll, une richesse pour la biodiversité, est aujourd'hui utilisé par des narcotrafiquants pour charger et décharger leurs marchandises. Ils y ont même construit une piste d'atterrissage ! Je pourrais également citer les pirates de l'Océan indien, même si les risques sont éliminés dans cette zone depuis qu'une mission y a été conduite.

Alors, vous répondrez certainement, par un oui, à la question que j'ai posée sur le caractère suffisant de vos moyens. Mais sera-t-il franc et massif ou nuancé ?

M. Pierre Chavancy

Inutile de dire que je vous répondrai franchement car vous penseriez que j'ai quelque chose à cacher... Toujours est-il que ma réponse est oui, même si nous sommes en limite basse, parce que nos activités ont été recentrées sur les missions militaires. D'aucuns continuent de solliciter nos interventions par habitude, comme cela se pratiquait auparavant. Ainsi, le préfet administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna a sollicité notre participation à l'organisation des neuvièmes mini-jeux du Pacifique. Nous avons dû lui rappeler que le recours à des moyens militaires ne doit désormais être promu qu'en cas d'impossibilité de recours à des services civils. Cette règle est importante pour ne pas voir les armées accusées d'empêcher le développement et le bon fonctionnement de sociétés de services susceptibles d'assurer une prestation de même nature. Attention à l'accusation de concurrence déloyale ! Il existe des précédents douloureux, comme pour le trafic trans-îles à Mayotte.

M. Christian Cointat

Qu'en est-il des îles Éparses et de Clipperton ?

M. Axel Moracchini

Le Livre blanc de 2008 et sa déclinaison prévoyait un transfert des missions de présence permanente sur les îles Éparses, assurées par les armées, à d'autres administrations. Quel est le constat cinq ans après ? Aucune administration n'ayant manifester la volonté de reprendre ces missions, les armées continuent à assurer cette tâche. , environ 45 militaires effectuant 45 jours de rang une présence sur les trois îles. La mise en place s'y fait encore le plus souvent par Transall. C'est d'ailleurs le seul DOM-COM à disposer de ce type d'avion qui est en fin de vie, les autres étant consacrés aux opérations extérieures, notamment en Afrique. C'est dire la priorité donnée à cette région, une priorité qui coûte cher aux armées.

Puisque vous parlez des TAAF, évoquons le projet porté par le préfet concernant les bâtiments mutualisés multi-missions, le B3M Australe et le B3M Mozambique. Bien que ce sujet ait fait l'objet de nombreuses discussions et que le Secrétariat général de la mer l'ait remis sur la table en septembre, nous sommes loin du consensus interministériel. Si la défense payait, cela conviendrait à tout le monde. Malheureusement, cela n'est plus possible.

M. Christian Cointat

Et Clipperton ?

M. Axel Moracchini

Nous avons deux frégates de surveillance dans la zone Pacifique, nous en envoyons une à Clipperton au moins une fois par an. La surveillance satellitaire de Clipperton et des ZEE (Polynésie et Clipperton) sera très prochainement expérimentée. Le projet est piloté par la fonction garde-côtes.

M. Christian Cointat

Excellent !

M. Éric Doligé

L'UMP a un point commun avec les militaires : nous sommes disciplinés... Malgré les réductions de moyens, tenez-vous vos objectifs ? Il y a eu des changements de périmètres et le qualitatif, vous l'avez dit, peut remplacer le quantitatif...

Vous avez parlé de frontières à propos des champs d'action des différents ministères. J'évoquerai, moi, les frontières passoires de la Guyane et de Mayotte. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait privilégier une approche interministérielle et replacer votre action parmi celles des autres acteurs concourant à la sécurité ?

M. Pierre Chavancy

Prenons la Guyane : l'armée dans son format actuel ne suffirait pas à étanchéifier ses frontières ! La seule solution, et c'est celle que met en oeuvre le préfet avec l'opération Harpie, est d'agir sur les flux en rendant la Guyane, et surtout l'orpaillage clandestin, moins attrayants.

M. Axel Moracchini

Je le confirme : pour Mayotte et la Guyane, la seule solution est interministérielle et globale. Dans le précédent livre blanc, les responsabilités régaliennes de chaque ministère étaient réaffirmées en fonction des missions (militaires, de sécurité intérieure, de sécurité civile...). Cependant, le dimensionnement des services déconcentrés de l'État en outre-mer ne sont pas l'image de la métropole. À titre d'exemple, le ministère de la défense assurent plus de 80 % des missions incombant à l'État en mer, alors même qu'il n'est chargé à titre principal d'aucune des politiques publiques mises en oeuvre.. Tout cela est complexe et nous devons jongler en permanence entre les priorités à accorder à chaque mission au regard du volume de nos moyens.

M. Robert Laufoaulu

Moi qui m'apprêtais à relayer la demande du préfet de Wallis-et-Futuna pour les mini-jeux du Pacifique, je suis un peu surpris. L'aide de la marine, très précieuse, nous a manqué sur un sujet plus grave. Le cyclone du 14 décembre dernier a arraché la toiture de plus de 400 maisons. On nous avait promis deux Casa et le BATRAL Jacques Cartier le lendemain. Finalement, l'aide s'est réduite à un seul Casa, l'autre ayant été envoyé aux îles Fidji en application de l'accord qui lie la France à cette république. Les tôles nous seront livrées seulement à la fin du mois de janvier, par des bateaux civils.

Cette diminution de la présence militaire française explique-t-elle le retour en force des États-Unis dans le Pacifique depuis 2010 ? Ce pays possède l'ambassade la plus importante de la région aux îles Fidji. L'accord sur la surveillance de la pêche illégale les inclut aux côtés de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la France. Il y a de quoi s'interroger.

M. Pierre Chavancy

A-t-on observé une baisse drastique des effectifs des armées outre-mer ? Oui, bien sûr ! La RGPP avait prévu 54 000 suppressions de postes, nous avons presque atteint cet objectif. Les forces de souveraineté ont contribué à cet effort à hauteur de 1 600 postes seulement. Cela peut sembler énorme, mais les DOM-COM, la Guyane en particulier, ont bénéficié de mesures de discrimination positive.

Le recentrage des Américains dans le Pacifique ? Vaste sujet politique lié, non à un défaut de France, mais à leur volonté d'être présent sur un théâtre dont ils sont riverains et pour lequel les enjeux futurs sont importants. Le positionnement par rapport à la Chine rentre également en ligne de compte. D'où l'installation d'une énorme base en Australie. Pour eux, nous sommes un allié qui compte et qui compte d'autant plus que, c'est mon avis, l'alliance n'est pas automatique. Dans le Pacifique, ils ne cessent de nous le dire, nous sommes une nation souveraine. Même si nous n'avons pas de groupe amphibie permanent à Nouméa, nous sommes l'armée française, une armée capable de faire ce pour quoi nous avons été mandatés. Voilà l'important à leurs yeux. Mais ce n'est pas parce que nos moyens diminuent que les Américains sont arrivés...

M. Axel Moracchini

Nous faisons le maximum avec les moyens qui sont les nôtres... Nous avons prolongé le BATRAL de trois ans jusqu'en 2013 afin de tenir compte de la situation en Nouvelle-Calédonie. Idem pour un des patrouilleurs : deux ans de délai supplémentaire viennent d'être accordés, avec une prolongation éventuelle de trois ans à l'issue. Par ailleurs, des avions de surveillance maritime ont été conservés dans la zone Pacifique vue son étendue géographique, ce qui n'est pas le cas ailleurs.

M. Joël Guerriau, président, co-rapporteur

Merci pour votre franchise. Nous sortons de cette audition peut-être un peu inquiets de savoir vos moyens si limités au regard de vos missions.

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