DEUXIÈME PARTIE - EFFECTIVITÉ, EXHAUSTIVITÉ, OUVERTURE DE L'INFORMATION PUBLIQUE : TROIS PRINCIPES POUR RÉPONDRE AUX NOUVEAUX ENJEUX DE LA TRANSPARENCE ADMINISTRATIVE

DEUXIÈME PARTIE - EFFECTIVITÉ, EXHAUSTIVITÉ, OUVERTURE DE L'INFORMATION PUBLIQUE : TROIS PRINCIPES POUR RÉPONDRE AUX NOUVEAUX ENJEUX DE LA TRANSPARENCE ADMINISTRATIVE

Les travaux conduits par la mission ont montré que des progrès ont incontestablement été accomplis dans la mise à disposition de l'information publique. Toutefois des insuffisances et des lenteurs l'entravent encore, qui sont le plus souvent l'effet de réticences persistantes et d'un défaut d'organisation et d'anticipation des administrations.

Pour répondre aux nouveaux enjeux de la transparence administrative, votre mission commune d'information vous propose de retenir trois principes d'action :

- l' effectivité , qu'il s'agisse de celle du droit d'accès aux documents administratifs, de l'accessibilité en ligne de l'information publique, ou de la possibilité de réutiliser les données publiques ;

- l' exhaustivité , sous réserve des exceptions prévues par la loi, tant des documents communiqués, que des informations et données publiées sur les portails publics et plateformes de réutilisation ;

- l' ouverture , des administrations tout d'abord, entre elles, notamment pour améliorer le fonctionnement du service public, et vis-à-vis du public, qui est en droit de contrôler l'action des pouvoirs publics ; ouverture également des données aux fins de leur réutilisation par les acteurs de la société civile comme à l'appui du développement de nouveaux services.

C'est donc dans périmètre redéfini du droit à l'information publique à l'ère du numérique, que s'inscrivent les recommandations pragmatiques adoptées par votre mission commune d'information, d'une part pour améliorer l'effectivité du droit d'accès aux documents administratifs (I), d'autre part à l'appui de la construction d'un droit d'accès numérique à l'information publique (II).

I. AMÉLIORER L'EFFECTIVITÉ DU DROIT D'ACCÈS À L'INFORMATION PUBLIQUE

Le droit d'accès aux documents administratifs introduit en 1978 permet à toute personne d'obtenir communication des documents détenus par l'administration, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

La mise en oeuvre de cet acquis fondamental a progressé mais connaît encore des difficultés en raison non seulement de la complexité de l'organisation administrative française, mais également de l'inertie persistante de certaines administrations, qui a pour effet de retarder parfois très fortement le moment de la communication ou la qualité de celle-ci.

La mission a examiné plusieurs solutions susceptibles de remédier à ces insuffisances, en particulier l'opportunité de transformer la nature juridique de l'intervention de la commission d'accès aux documents administratifs (Cada).

Elle a finalement préféré privilégier des mesures simples, de nature à réduire les délais de communication, tout particulièrement lorsque la question de droit a d'ores et déjà été tranchée (A), améliorer le suivi des demandes d'accès aux documents administratifs et des avis favorables de la Cada (B), enfin accompagner l'administré dans l'identification des interlocuteurs pertinents et du support de l'information qu'il recherche (C).

A. ACCÉLÉRER LA COMMUNICATION DES DOCUMENTS ADMINISTRATIFS

Parce qu'un accès rapide à un document administratif peut être déterminant, par exemple pour la protection de la santé de ceux qui sont exposés à un risque localisé ou encore la préservation ou la défense de droits individuels ou collectifs, il convient de réduire fortement les délais constatés à chacune des étapes du traitement d'une demande d'accès.

« U n dispositif qui garantisse l'effectivité du recours ouvert aux opérateurs (...) Doit-il s'appuyer sur une autorité d'accès aux informations publiques dotée d'une compétence décisionnelle (injonction, astreinte, sanction) ou sur une rénovation de l'articulation entre la Cada et le juge administratif fondée sur le référé ? Telle est la question . » 308 ( * ) .

La mission recommande cette dernière approche : conserver l'intervention consultative de la Cada (1), accélérer le traitement des demandes d'avis soulevant des questions juridique déjà tranchées (2) et créer un "référé communication" (3).

1. Conserver l'intervention précontentieuse de la Cada

Une première solution pourrait consister à conférer à la Cada un pouvoir décisionnel. Votre mission s'est donc interrogée sur l'opportunité de la transformer en régulateur de plein exercice, dont les avis s'imposeraient à l'administration, sauf à ce que celle-ci les conteste devant le juge.

Il lui est toutefois apparu que ce changement de statut conduirait à devoir doter la commission de moyens supplémentaires substantiels, et donc coûteux, pour gérer les suites des injonctions qu'elle serait amenée à prononcer, notamment la liquidation des astreintes, et assurer la défense de ses décisions devant le juge, sans qu'en résulte nécessairement une réduction des délais de communication.

Il convient au surplus de rappeler que si le juge administratif s'est vu reconnaître en 1995 309 ( * ) la faculté de prescrire, sous certaines conditions, des mesures d'exécution de ses jugements par les personnes morales de droit public ou les organismes privés chargés d'une mission de service public, assorties d'un délai d'exécution et d'une astreinte, aucune autorité administrative indépendante ne dispose jusqu'à présent d'une telle faculté à l'égard de personnes morales de droit public.

La Cada assure aujourd'hui une fonction de médiation efficace pour un coût raisonnable . Son intervention consultative facilite sans conteste l'application effective du droit de communication, tout à la fois en éclairant l'administration sur la portée concrète des exceptions prévues par la loi, en questionnant les motifs de son refus de communiquer, ce qui l'oblige à le justifier, en lui indiquant dans la très grande majorité des cas la solution que retiendrait le juge administratif et en la dissuadant, ce faisant, de prendre le risque d'un contentieux pour lequel elle devra dégager des moyens, et d'un effet d'image peu flatteur.

Dès lors, plutôt que d'en transformer la nature juridique, il apparaît préférable de maintenir le principe de la saisine préalable de la Cada en cas de refus de communication opposé par une administration et de favoriser l'accélération du traitement des demandes portant sur des documents dont la communicabilité est d'ores et déjà établie.

2. Donner compétence au président de la Cada pour traiter les demandes d'avis portant sur des questions déjà tranchées

L'accélération du traitement des demandes d'avis peut être favorisée par une réduction drastique du nombre des demandes d'avis soumises à la formation plénière de la commission . Celle-ci s'est d'ailleurs déjà organisée pour n'évoquer les demandes d'avis figurant dans une partie dédiée de l'ordre du jour qu'il est proposé de considérer comme étant dépourvues d'objet ou portant sur des questions d'ores et déjà traitées dans le cadre d'avis précédents, que si l'un de ses membres en fait la demande au vu de liste des demandes et du sens de l'avis proposé en réponse.

Compétence pour formuler les avis "sans objet" ou portant sur des questions déjà tranchées pourrait être déléguée au président de la commission et, sous son contrôle, au rapporteur général, à charge d'en référer à la formation plénière lors de sa plus prochaine séance.

Il pourrait ainsi être répondu immédiatement à ces demandes d'avis sans attendre la prochaine réunion de la commission . Cette délégation permettrait en outre à la commission de consacrer l'intégralité de ses délibérations, comme elle le fait déjà pour l'essentiel aujourd'hui, à l'examen des questions nouvelles.

3. Créer un "référé communication"

Les demandes d'avis portant sur des questions déjà tranchées par la commission ou par la jurisprudence administrative, ou sur des documents énumérés dans un arrêté établi après avis de la Cada, pourraient également faire l'objet d'une procédure d'urgence devant le juge.

En dépit des suggestions de certains des juristes entendus qui préconisaient de confier cette mission au juge civil, la mission a considéré que compétence en la matière revenait naturellement au juge administratif qui est le juge au fond en la matière.

La saisine du juge des référés du tribunal administratif compétent serait effectuée par la Cada, dès réception d'une demande d'avis répondant à l'un des exigences, ce qui permettrait au demandeur de bénéficier d'une ordonnance sous 48 heures.

Considérant que le droit d'obtenir communication d'un document administratif est une liberté fondamentale qui doit recevoir une protection juridictionnelle particulière , le législateur pourrait ainsi réputer justifiés en pareils cas et la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative introduit par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, et le caractère manifestement illégal de l'atteinte portée à cette liberté par le refus de communiquer opposé par l'administration .

Cette disposition ad hoc permettrait d'écarter l'interprétation restrictive que le juge administratif donne des conditions de mise en oeuvre de la procédure, en particulier de la condition d'urgence 310 ( * ) .

L'administration serait dès lors incitée à ne plus tarder à communiquer les documents dont la communicabilité ne soulève pas de difficulté juridique et une grande partie des demandes d'avis qui portent encore sur des questions déjà tranchées au fond pourrait ainsi être prévenue.

Recommandation principale n° 1

Créer un "référé communication" devant le juge administratif saisi par la Cada dès réception de la demande d'avis lorsque la question de la communicabilité du document auquel l'accès est demandé a déjà été tranchée par elle-même ou par la jurisprudence, ou si le document figure sur une liste fixée par arrêté après avis de la Cada.

Accélérer le traitement des demandes d'avis par la Cada en donnant délégation au président et au rapporteur général, sous réserve d'en rendre compte à la prochaine réunion de la commission, lorsque la question a déjà été tranchée.


* 308 Entretien avec M. Serge Daël, président de la Cada, La lettre du Coepia n°19, mars 2012, p. 5.

* 309 Voir partie I, A, supra .

* 310 Voir par exemple Conseil d'État 28 février 2003, commune de Perthuis , n°25441.

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