B. L'INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

L' Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public industriel et commercial 32 ( * ) (EPIC) issu de la fusion, en 2001 33 ( * ) , de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN). Créé en 1976 en tant qu'entité du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'IPSN regroupait les experts de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de ce dernier 34 ( * ) ; aussi, depuis lors, les services administratifs qui ont précédé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (cf. supra ) exerçaient leurs compétences avec l'appui technique de l'IPSN. Le « système dual » de sûreté nucléaire et de radioprotection trouve donc ses origines dès avant la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'IRSN .

Le fonctionnement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est précisé par le décret du 22 février 2002 35 ( * ) . Celui-ci est l'expert public en matière de recherche et d'expertise relatives aux risques nucléaires et radiologiques ; aussi l'IRSN traite-t-il l'ensemble des questions scientifiques et techniques associées à ces risques, et ce aussi bien en France qu'à l'étranger.

Conformément à l'article 1 er du décret précité, l'IRSN exerce, à l'exclusion de toute responsabilité d'exploitant nucléaire, des missions dans les domaines suivants : la sûreté nucléaire , la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles , la protection de l'homme et de l'environnement contre les rayonnements ionisants et la protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance .

À titre principal, les travaux réalisés par l'Institut visent à apporter un appui technique aux pouvoirs publics et à l'ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection , mais également en ce qui concerne la sécurité nucléaire 36 ( * ) et le nucléaire de défense . Ceci explique la diversité des sources de financement de l'Institut à ce jour. En effet, au titre des différentes missions susmentionnées, l'IRSN perçoit tout à la fois des financements budgétaires et extrabudgétaires , auxquels viennent s'ajouter les produits résultant des prestations commerciales offertes par celui-ci.

1. Les ressources budgétaires et extrabudgétaires de l'IRSN

L'essentiel de l'enveloppe budgétaire de l'IRSN provient du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; les crédits versés par l'intermédiaire de ce dernier se sont élevés à 199,3 millions d'euros en 2013, et ce au titre de quatre domaines distinct : recherche et missions de service public, appui aux pouvoirs publics, appui à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, contrôle des matières nucléaires, protection contre la malveillance (cf. tableau ci-après).

À cela vient s'ajouter une dotation du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense » , qui était de 3,4 millions d'euros en 2013. Celle-ci vise à financer les expertises réalisées par l'IRSN dans le domaine du nucléaire de défense, notamment au profit du Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) 37 ( * ) .

Par ailleurs, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est le bénéficiaire d'une contribution additionnelle due par les exploitations des installations nucléaires de base (INB). Cette dernière a été créée par l'article 96 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 38 ( * ) . La création de cette contribution a résulté des travaux engagés dans le cadre du contrat d'objectifs entre l'État et l'IRSN pour la période 2006-2009, portant sur les possibilités d'adaptation des mécanismes de financement des activités d'expertise assurées par l'Institut en appui technique des autorités publiques et, notamment, de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; l'objectif poursuivi était d' améliorer la flexibilité des ressources mises à disposition de l'IRSN par rapport à l'évolution des besoins résultant de l'activité des exploitants nucléaires , tout en préservant l'indépendance de celui-ci à l'égard des exploitants. Aussi a-t-il été préféré à la mise en place d'un mécanisme de redevance, un temps envisagé, l'institution d'une contribution nouvelle 39 ( * ) . Il convient de rappeler qu'avant l'établissement effectif de la contribution, en 2007, l'IRSN a bénéficié de l'attribution d'une part du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base, dite « taxe INB » (cf. supra ), pour un montant de 10 millions d'euros 40 ( * ) .

Tableau n° 6 : Évolution du budget de l'Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire

(en millions d'euros)

Exécution 2008

Exécution 2009

Exécution 2010

Exécution 2011

Exécution 2012 (1)

LFI 2013

Exécution 2013 (2)

LFI 2014

Programme

190, dont :

212,6

237,4

243,8

210,8

202,0

206,3

199,3

186,4

(1)

123,3

140,3

146

141,8

135,4

138,1

135,2

118,85

(2)

3,9

3,8

4,1

4,2

3,5

4,6

3,8

4,45

(3)

67.3

73.3

74.4

45,5

44,6

45,15

41,5

45,15

(4)

18.1

20

19,3

18,5

18,5

18,45

18.5

17,95

Programme

212

3,3

3,1

3,4

3,4

3,5

3,4

3,4

3,5

Programme

217

0,1

-

-

0,1

0,2

-

-

0,2

Contribution IRSN

-

-

-

33,4

48,2

53,0

53,0

53,0

Autres

Financements*

33,1

39,3

41,3

38,9

38,1

37,9

37,9

42,7

TOTAL

249,1

279,8

288,5

286,6

292

300,6

293,6

285,8

Note de lecture : (1) Recherche et missions de service public ; (2) Appui technique aux pouvoirs publics ; (3) Appui technique à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; (4) Sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, contrôle des matières nucléaires, protection contre la malveillance.

* Autres financements d'origines française ou étrangère - notamment, cofinancements publics et privés.

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

Le régime de la contribution perçue par l'IRSN est proche de celui de la « taxe INB » : le montant de la contribution est déterminé, pour chaque catégorie d'installation - réacteurs nucléaires de production d'énergie, usines de traitement de combustibles irradiés, etc. -, par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire . Cette somme forfaitaire tient lieu d'assiette à la contribution et la loi précise les limites dans lesquelles les coefficients peuvent être déterminés par arrêté des ministres chargés du budget, de l'énergie et de l'écologie (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 7 : Tableau de l'article 96 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 créant la contribution IRSN

Catégories

Sommes forfaitaires

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche

380 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche

300 000

1 à 2

Autres réacteurs

150 000

1 à 2

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

145 000

1 à 2

Usines de fabrication de combustibles nucléaires

145 000

1 à 2

Usine de traitement de combustibles irradiés

250 000

1 à 2

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ou de traitement de déchets solides radioactifs

145 000

1 à 2

Usines de conversion en hexafluorure d'uranium

145 000

1 à 2

Autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

145 000

1 à 2

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

100 000

1 à 2

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives

100 000

1 à 2

Irradiateur ou accélérateur de particules

20 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives

145 000

1 à 2

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Autres réacteurs à l'arrêt définitif

145 000

1 à 2

Le produit de la contribution versée à l'IRSN a crû au cours des dernières années, passant de 33,4 millions d'euros en 2011 à 53 millions d'euros en 2013 - en l'état actuel du droit, le montant potentiel maximal du produit de cette contribution est de 66 millions d'euros. L'attribution de la contribution à l'Institut n'a pas conduit à un accroissement net d'un même montant des ressources de celui-ci, puisqu' une baisse de ses crédits budgétaires est intervenue corrélativement en 2011 .

Pour autant, les moyens financiers de l'IRSN ont été relevés à la suite de l'accident de Fukushima . Les actions mises en place en 2011
- audits des installations et évaluations complémentaires de sûreté (ECS) - mobiliseront l'expertise de l'Institut au cours des prochaines années. Aussi, pour permettre à ce dernier d'absorber la charge de travail supplémentaire et contribuer au financement des évaluations complémentaires de sûreté, une levée partielle de la réserve de précaution du programme 190 est intervenue en 2011 pour un montant de 5,5 millions d'euros, puis le produit de la contribution due par les exploitants a été augmenté de 14,8 millions d'euros , ce qui a permis de compenser la diminution de 8,8 millions d'euros de la subvention pour charges de service public du programme 190 entre 2011 et 2012. Le montant de cette contribution a également été accru de 4,8 millions d'euros en 2013. Ces différentes augmentations ont permis à l'IRSN de financer l'accroissement de ses moyens humains à compter de 2011 (cf. infra ).

Tableau n° 8 : Cofinancements obtenus par l'IRSN en 2012 et 2013

(en milliers d'euros)

Clients

Exécution 2013

Exécution 2012

EDF

3 544

5 843

AREVA

1 913

1 362

COMMISSION EUROPEENNE

1 465

842

OCDE

730

728

MINISTERE DE LA DEFENSE/DGA

449

84

CEA

247

245

STUK RADIATION ANC NUCLEAR

241

84

AURAMET E.V.

162

0

GRS

120

31

STOCKHOLM UNIVERSITY

106

112

ANDRA

100

172

AUTRES

348

186

TOTAL

9 425

9 689

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

L'IRSN jouit également d'autres sources de financement qui comprennent, notamment, les cofinancements provenant de partenaires publics ou industriels , dont le montant a atteint 9,4 millions d'euros en 2013, après 9,7 millions d'euros en 2012 (cf. tableau ci-avant). Les données présentées ne concernent que les cofinancements au sens strict, hors subventions perçues auprès des collectivités publiques ou des organismes internationaux.

Enfin, il convient de rappeler que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est autorisé à développer des activités de prestations à caractère commercial . Ces prestations comprennent tout à la fois des activités commerciales à caractère concurrentiel et portées par des structures dédiées - les Business Units -, des activités de valorisation des plateaux techniques, des laboratoires et des compétences d'expertise et, enfin, la vente de produits issus des développements de la recherche. Les ressources provenant du produit des prestations de l'IRSN représentent en moyenne 7 % de son budget annuel , selon le Gouvernement, qui estime que « ces activités, outre le fait d'accroître les ressources propres à l'Institut, constituent une modalité pour faire progresser la sûreté nucléaire et la radioprotection, complémentaire des missions d'appui aux pouvoirs publics ».

Au total, le budget de l'IRSN atteignait 293,6 millions d'euros en 2013 , dont 255,7 millions d'euros de financements publics - comprenant 202,7 millions d'euros de crédits budgétaires et 53 millions d'euros de taxe affectée.

Pour conclure ces développements relatifs aux moyens financiers de l'IRSN, il convient de relever que celui-ci a été mis à contribution du redressement des comptes publics dans le cadre du budget triennal 2013-2015 . La partie du budget de l'Institut financée par des subventions pour charge de service public (SCSP) a été diminuée de 15 millions d'euros au total sur trois ans. À cette baisse programmée s'est ajoutée une réduction supplémentaire de 15 millions d'euros - recul de la SCSP du programme 190 de 20 millions d'euros sur l'exercice 2014, partiellement compensée par l'augmentation de la contribution de 5 millions d'euros pour 2013 et 2014. Si le Gouvernement précise que « cette diminution n'[a] pas impacté les moyens dédiés à l'appui technique », votre rapporteur spécial regrette que celle-ci ait été réalisée au détriment des activités de recherche de l'Institut qui constituent, selon lui, une dimension essentielle du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection (cf. infra ).

2. Les moyens humains de l'IRSN

En 2013, le nombre d'emplois rémunérés par l'IRSN s'élevait à 1 703 équivalents temps plein (ETP), correspondant à 1 657 ETP sous plafond d'emploi et à 46 ETP hors plafond. Ainsi, comme le fait apparaître le tableau ci-après, le nombre d'emplois rémunérés a crû de 27 ETP (+ 1,6 %) entre 2010 et 2013 ; cette hausse résulte d'une évolution contrastée des emplois sous plafond et de ceux hors plafond.

Tableau n° 9 : Évolution des effectifs de l'IRSN

2008

2009

2010

2011

2012

LFI 2013

2013

LFI 2014

Emplois rémunérés (ETP)

1606

1669

1676

1642

1686

1 725

1 703

1 689

Sous plafond

1606

1664

1666

1629

1627

1 666

1 657

1 630

Hors plafond

0

5

10

13

59

59

46

59

Source : réponses du Gouvernement au rapporteur spécial

À la suite de l'accident de Fukushima, a été acté par le Gouvernement le principe du recrutement par l'Institut de 44 salariés supplémentaires , dont 22 destinés à être mis à disposition de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (cf. supra ). En outre, le plafond d'emplois de l'établissement, initialement soumis à une baisse de 108 ETP (- 6,5 %), a bénéficié d'une correction technique à la hausse en 2013, ce qui a limité la baisse du plafond à 72 ETP (- 4,3 %) au cours du triennal 2012-2015 . Les emplois hors plafond, quant à eux, ont crû notamment du fait des postes financés par des ressources commerciales et de ceux liés aux activités de formation par la recherche - soit les doctorants - faisant l'objet d'un cofinancement d'un partenaire de l'IRSN ou d'un financeur externe
- comme, l'Agence nationale de la recherche (ANR), les collectivités territoriales, les financements européens, etc.


* 32 L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la défense, de l'environnement, de l'industrie, de la recherche et de la santé.

* 33 Cf. article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

* 34 Cf. Cyrille Foasso, op. cit.

* 35 Décret n° 2002-254 du 22 février 2002 relatif à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

* 36 L'Institut de radioprotection et de sûreté technique (IRSN) apporte une contribution technique aux travaux du ministère chargé de l'énergie dans le cadre de ses compétences en matière de sécurité nucléaire (cf. supra ) ; ainsi, l'Institut et ses experts instruisent au plan technique les dossiers de sécurité des opérateurs nucléaires, etc.

* 37 Les installations et activités nucléaires intéressant la défense sont soumises au contrôle d'une autorité indépendante, le Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), qui s'appuie sur les avis techniques de l'IRSN, comme le fait l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour les activités et installations du secteur nucléaire civil (cf. articles R. 1412-1 et suivants du code de la défense).

* 38 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 39 Cf. réponse du ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique à la question écrite n° 16135 de M. Roland Courteau, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 17 février 2011, page 408.

* 40 Cf. article 42 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

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