Rapport d'information n° 655 (2013-2014) de Mmes Muguette DINI et Michelle MEUNIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 juin 2014

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N° 655

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la protection de l' enfance ,

Par Mmes Muguette DINI et Michelle MEUNIER,

Sénatrices.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Patricia Bordas, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA LOI DU 5 MARS 2007
RÉFORMANT LA PROTECTION DE L'ENFANCE

La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a été précédée de nombreux rapports, publiés au début des années 2000 1 ( * ) , ayant tous mis en évidence la nécessité de modifier ce dispositif. Celui-ci est principalement issu des grandes lois de décentralisation et plus particulièrement de celle du 6 janvier 1986, qui a confié aux conseils généraux la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Depuis la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements, qui a créé le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem), aucune réforme d'ampleur n'était intervenue dans ce champ. Or des constats partagés mettaient en lumière les défauts d'organisation du système, tels que le manque de coordination entre les différents acteurs ou la faiblesse du processus d'évaluation.

« L'appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance » 2 ( * ) a largement contribué à l'émergence du projet de loi. Celui-ci est le fruit d'une large concertation menée tant au niveau national que local, les présidents de conseils généraux ayant été invités par le ministère de la famille à organiser des débats avec l'ensemble des acteurs. Ce texte, initialement articulé autour de trois grands axes - mieux prévenir, mieux signaler, mieux intervenir -, a été enrichi lors du débat parlementaire d'importantes dispositions en faveur des enfants et de leur famille comme celles visant à les protéger des dérives sectaires.


La clarification des missions et du vocabulaire de la protection de l'enfance

La réforme ne remet pas en cause la philosophie du dispositif français ; elle maintient la protection de l'enfance dans le cadre de l'autorité parentale, les parents étant les premiers protecteurs de l'enfant . En revanche, une nouvelle articulation des modalités d'intervention donne la priorité à la protection sociale, la protection judiciaire n'intervenant qu'à titre subsidiaire .

Désormais, la distinction des interventions ne repose plus sur les notions de risque et de danger, mais sur la capacité des services départementaux à remédier aux risques encourus par l'enfant. Ainsi est introduite une méthode d'action , davantage fondée sur un objectif à atteindre et la recherche de la réponse adéquate plutôt que sur la problématique de l'instance décisionnelle compétente.

Introduite par la loi du 10 juillet 1989 dans le code de l'action sociale et des familles (CASF), la notion d'enfants « victimes de mauvais traitements » est désormais recouverte par celle, plus large, d'enfants « en danger ou en risque de l'être » , ce qui permet de clarifier la marche à suivre pour les intervenants, notamment pour les personnes à l'origine de signalements.


La prise en compte de l'intérêt de l'enfant et la place accordée aux parents

La loi introduit dans le CASF les dispositions de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant en posant, dès son article 1 er , les priorités de la protection de l'enfance : « l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant » (article L. 112-4 du CASF). Elle précise également que le développement physique, affectif, intellectuel et social de l'enfant doit être protégé , lorsqu'il est compromis, au même titre que ses conditions d'éducation.

En outre, des principes forts régissent les interventions dans l'intérêt de l'enfant : l'individualisation de la prise en charge, avec l'obligation d'établir un « projet pour l'enfant » (PPE) précisant les actions qui seront menées auprès de l'enfant, de ses parents et de son environnement (article L. 223-1 du CASF) ; la continuité et la cohérence de ces actions (article L. 221-4 du CASF) ; la stabilité affective définie comme l'un des besoins de l'enfant auquel la prise en charge doit répondre (article L. 222-5 du CASF).

Poursuivant les évolutions amorcées dans les années 1980 visant à associer les parents à la démarche de protection, la réforme conforte leur place dans le dispositif et tente de trouver un équilibre entre la protection due à l'enfant et le respect de l'autorité parentale :

- l'information des parents est améliorée : elle est prévue, tant au moment du signalement que lors de la prise en charge de l'enfant, sauf si elle est contraire à l'intérêt de ce dernier (article L. 223-5 du CASF) ; leur participation aux décisions les concernant est renforcée : ils peuvent être accompagnés d'une personne de leur choix dans leur démarche auprès de l'ASE et auprès de l'établissement accueillant leur enfant (article L. 223-1 du CASF) ; ils sont associés à l'élaboration du PPE ;

- les règles applicables au droit de visite et d'hébergement ainsi qu'aux modalités d'exercice de l'autorité parentale sont aménagées (article L. 375-7 du code civil). Par exemple, lorsque le juge retire un enfant à sa famille, il peut subordonner le droit de visite des parents à la présence d'un tiers : la loi consacre ainsi les visites médiatisées. Le juge peut également décider, si l'intérêt de l'enfant le nécessite ou en cas de danger, que le lieu d'accueil de l'enfant reste anonyme. A l'inverse, si la situation le permet, il peut décider que les conditions d'exercice des droits de visite et d'hébergement sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et l'établissement à qui l'enfant est confié, cet accord étant consigné dans le PPE.


Le rôle pivot du conseil général

La loi donne au conseil général une responsabilité essentielle dans l'organisation et le pilotage de la protection de l'enfance . Ainsi :

- le président du conseil général est-il chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes (article L. 226-3 du CASF) ;

- il est aussi garant de la continuité et de la cohérence des actions menées auprès de l'enfant et de sa famille (article L. 223-1 du CASF) ;

- un PPE doit être élaboré, avant la mise en place de toute mesure de protection, par le service départemental de l'ASE en partenariat avec les parents afin d'assurer la continuité et la cohérence du parcours (article L. 223-1 du CASF) ;

- un observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE) doit être créé et placé sous l'autorité du président du conseil général (article L. 226-3-1 du CASF).


Le renforcement de la prévention

Pour la première fois, un texte législatif pose les objectifs et propose une définition de la protection de l'enfance. Celle-ci est très large : elle va de la prévention des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités parentales jusqu'à la substitution familiale (article L. 112-3 du CASF).

Le volet prévention de la protection de l'enfance repose, d'une part, sur la protection maternelle et infantile (PMI) à laquelle est donnée une compétence dans le domaine de la prévention sociale et médico-sociale beaucoup plus marquée qu'auparavant (article L. 2112-1 du code de la santé publique), d'autre part, sur la médecine scolaire (article L. 541-1 du code de l'éducation).

Des moments clés de la prévention sont identifiés au cours de la période périnatale et de l'enfance. Ainsi, la loi rend obligatoire l'entretien psychosocial au cours du quatrième mois de grossesse 3 ( * ) ; elle prévoit également des actions d'accompagnement à domicile de la femme enceinte, des actions médico-sociales et de suivi en période postnatale, assurées en liaison avec le médecin traitant ou les services hospitaliers, pour les parents, à la maternité et à domicile. L'objectif est de détecter, le plus précocement possible, les situations de détresse et d'apporter l'aide nécessaire aux parents.

Parallèlement, le suivi médical des enfants est renforcé . Est institué un bilan de santé pour tous les enfants de trois à quatre ans , notamment dans le cadre de l'école maternelle. A cette occasion et lors des actions médico-sociales préventives à domicile, le service de PMI contribue aux actions de prévention et de dépistage des troubles d'ordre physique, psychologique, sensoriel et de l'apprentissage, pour les enfants de moins de six ans.

Par ailleurs, s'ajoutent à la visite médicale déjà prévue pour les enfants au cours de leur sixième année, trois nouvelles visites médicales au cours de la neuvième, douzième et quinzième année lors desquelles un bilan de l'état de santé physique et psychologique de l'enfant est effectué. Ces visites sont réalisées dans le cadre de la médecine scolaire, avec néanmoins la possibilité pour les parents d'avoir recours à des médecins libéraux. La loi prévoit leur montée en charge progressive : ainsi, dans un délai de trois ans à compter de sa publication, les visites obligatoires sont assurées pour la moitié au moins de la classe d'âge concernée et pour la totalité dans un délai de six ans.


L'amélioration du dispositif d'alerte, de signalement et d'évaluation

La réorganisation du dispositif d'alerte et de signalement prend appui sur la création, dans chaque département, d'une cellule chargée du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou en risque de l'être - la Crip - (article L. 226-3 du CASF). Cette nouvelle instance doit permettre de centraliser ces informations et de mettre en place un circuit unique de transmission, facilement repérable par l'ensemble des acteurs.

Le rôle clef du président du conseil général dans l'organisation et l'animation de cette cellule est affirmé : il est chargé d'établir des protocoles avec les différents partenaires, en particulier avec l'autorité judiciaire, les services de l'Etat et les acteurs institutionnels concernés, précisant les modalités de concours de chacun à la transmission des IP (article L. 226-3 du CASF).

Les IP collectées, conservées et utilisées uniquement pour l'accomplissement des missions d'ASE, sont transmises sous forme anonyme aux ODPE et à l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned).

Afin de mieux coordonner protection sociale et protection judiciaire, la loi fixe des critères précis de saisine de l'autorité judiciaire (article L. 226-4 du CASF). Ainsi, lorsqu'un mineur est en danger, le président du conseil général doit saisir sans délai le procureur de la République dans les trois cas suivants :

- lorsque les actions menées dans le cadre de la protection sociale n'ont pas permis de remédier à la situation de danger ;

- lorsque ces actions ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'ASE et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service ;

- lorsqu'il est impossible d'évaluer la situation et dès lors que le mineur est présumé être en danger.

Dans tous les cas, le président du conseil général doit faire connaître au procureur les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de la famille concernée. En retour, le ministère public informe, dans les meilleurs délais, le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine. Ces dispositions visent à favoriser les échanges d'informations entre les deux acteurs principaux de la protection de l'enfance, dans le but de permettre un meilleur suivi et une prise en charge plus coordonnée des enfants.

Dans l'objectif de mieux repérer et de mieux évaluer les situations de danger de l'enfant, le législateur a instauré le partage d'informations entre personnes soumises au secret professionnel, tout en l'encadrant strictement . Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection nécessaires. Dans ce cas, les parents et l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant.


L'effort de formation des personnels concernés

La loi vise à améliorer la formation des professionnels aux questions relatives à la protection de l'enfance. L'obligation de formation, initiale et continue, dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire, concerne l'ensemble des professionnels susceptibles de connaître des situations d'enfants en danger : médecins, personnels médicaux et paramédicaux, travailleurs sociaux, enseignants, policiers, animateurs, etc. (article 542-1 du code de l'éducation). Est également prévue une formation spécifique des cadres territoriaux qui, par délégation du président du conseil général, prennent des décisions relatives à l'enfance en danger.


La diversification des modes d'intervention

La loi introduit de nouvelles formules d'accueil et d'intervention , permettant de sortir de l'alternative aide à domicile/placement de l'enfant et correspondant à une nouvelle façon de soutenir les familles :

- l'accompagnement budgétaire est rénové : d'une part, la loi crée une nouvelle prestation d'aide sociale à domicile, dénommée « accompagnement en économie sociale et familiale » (AESF) (article L. 222-3 du CASF), d'autre part, elle réforme la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial en modifiant notamment ses conditions d'ouverture et en l'inscrivant non plus dans le code de la sécurité sociale mais dans le code civil (article 375-9-1) ;

- l'accueil de jour, soutien éducatif sans hébergement, est mis en oeuvre soit à la demande des parents sur décision du président du conseil général, soit sur décision judiciaire. Il s'agit, dans le premier cas, d'une nouvelle prestation d'ASE (article L. 222-4-2 du CASF), dans le second cas, d'un outil intermédiaire mis à disposition du juge, entre la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) et le retrait de l'enfant de son milieu familial (article 375-3 du code civil) ;

- l'accueil exceptionnel et périodique s'inscrit à la fois dans le cadre de la protection judiciaire et de la protection sociale. Dans le premier cas, il s'apparente à une modalité d'exercice particulière d'une AEMO et s'adresse donc à des enfants bénéficiant d'une mesure de protection à domicile (article 375-2 du code civil). Dans le second cas, l'accueil provisoire du mineur peut être à temps complet ou à partiel, modulable en fonction de ses besoins, en particulier de sa stabilité affective (article L. 222-5 du CASF) ;

- l'accueil spécialisé peut se développer dans le cadre d'un accueil familial ou dans celui d'un établissement ou service à caractère expérimental (article L. 222-5 du CASF). Il permet d'associer, pour des mineurs rencontrant des difficultés particulières, hébergement, suivi socio-éducatif et prise en charge thérapeutique ;

- l'accueil d'urgence offre au mineur, ayant abandonné le domicile familial et qui se trouve en situation de danger, la possibilité d'être accueilli par le service de l'ASE, dans le cadre d'une action préventive, pour 72 heures maximum, sans autorisation des parents. Ces derniers, ainsi que le procureur de la République, doivent toutefois être informés sans délai de cet accueil. Au terme de cette période, deux solutions sont possibles, si le retour de l'enfant dans sa famille n'a pas pu être organisé : une procédure d'admission à l'ASE si les parents donnent leur accord ou, à défaut, une saisine de l'autorité judiciaire.

Les chiffres clés de la protection de l'enfance

Au 31 décembre 2011*, le nombre de jeunes pris en charge par les services de la protection de l'enfance est estimé à environ 296 000 , dont :

- 275 000 mineurs, soit 19 %o de l'ensemble des 0-17 ans ;

- 21 000 jeunes majeurs, soit 9 %o des 18-20 ans.

Le placement représente :

- pour les mineurs : 48 % des mesures, dont 87 % sur décision judiciaire ;

- pour les jeunes majeurs : 83 % des mesures, dont la quasi-totalité sur décision administrative.

Le milieu ouvert** représente :

- pour les mineurs : 52 % des mesures, dont 71 % sur décision judiciaire ;

- pour les jeunes majeurs : 17 % des mesures, dont la quasi-totalité sur décision administrative.

La quasi-totalité des mesures de protection de l'enfance sont financées par les conseils généraux. Ceux-ci ont consacré à l'ASE 6,9 milliards d'euros en 2012, ce qui représente plus de 21 % de leurs dépenses totales d'aide sociale.

* Ces données sont les dernières disponibles, élaborées par l'Oned dans son neuvième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement (mai 2014).

** Il s'agit, par opposition aux placements, des mesures de protection mises en oeuvre dans le cadre d'une prise en charge à domicile.

Sources : Oned, rapport précité ; Drees (études et résultats n° 870, février 2014).

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : fonder le périmètre d'observation de la protection de l'enfance sur les mesures de protection administrative et judiciaire mises en place (hors aides financières) plutôt que sur la notion d'information préoccupante ; y intégrer également les jeunes majeurs protégés.

Proposition n° 2 : encourager les travaux de recherche dans tous les domaines (épidémiologique, clinique, sociologique, économique ou encore psychologique) ainsi que les études longitudinales et à caractère prospectif (soutien aux équipes de recherche existantes, poursuite des appels à projet, financement d'études de cohortes).

Proposition n° 3 : renforcer l'accompagnement des professionnels chargés de recueillir et de saisir les données relatives à la protection de l'enfance en réaffirmant le rôle de l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) dans ce domaine et en prévoyant les programmes de formation afférents qui pourraient être mis en oeuvre par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Proposition n° 4 : transformer l'Oned en Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), tête de réseau des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE).

Proposition n° 5 : poursuivre, sous l'égide de l'Oned, les efforts d'accompagnement des services départementaux dans la mise en place de leur observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE) et de soutien technique aux ODPE existants. Développer les initiatives favorisant leur mise en réseau (partage d'outils et de méthodes communs, échanges et diffusion de bonnes pratiques).

Proposition n° 6 : mettre en place un Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), instance partenariale réunissant l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance et ayant pour missions de proposer au Gouvernement les grandes orientations nationales de la politique de protection de l'enfance, de formuler des avis et d'évaluer la mise en oeuvre des orientations retenues.

Proposition n° 7 : inclure systématiquement dans la liste des signataires des protocoles relatifs au dispositif de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance, en particulier les représentants du secteur médical (hôpitaux et médecine libérale) et de l'enseignement privé.

Proposition n° 8 : généraliser la pratique consistant à associer l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance à l'élaboration du schéma départemental de la protection de l'enfance.

Proposition n° 9 : réaffirmer le rôle central de la PMI par la définition d'une stratégie nationale tenant compte des caractéristiques de chaque territoire.

Proposition n° 10 : renforcer l'attractivité des services de PMI par la mise en oeuvre d'un plan d'adaptation de la démographie des professionnels de la PMI (formations initiale et continue, reconnaissance des diplômes, recrutements, statuts et conditions de rémunérations).

Proposition n° 11 : rendre effectif l'entretien au quatrième mois de grossesse, y associer le père lorsque cela est possible et lui retirer sa qualification de « psychosocial ».

Proposition n° 12 : systématiser les propositions de visites à domicile de professionnels de la PMI au retour de la maternité.

Proposition n° 13 : réaffirmer les priorités de la santé scolaire par la systématisation des visites médicales au cours de la petite enfance (maternelle et primaire) permettant d'identifier le plus tôt possible les situations à risque.

Proposition n° 14 : introduire dans les facultés de médecine un enseignement obligatoire consacré à la protection de l'enfance d'une amplitude horaire proportionnée à l'importance des enjeux soulevés par la protection de l'enfance ;

Proposition n° 15 : développer pour les externes en médecine les stages professionnels chez les praticiens dans le cadre de « compagnonnages ».

Proposition n° 16 : rendre effectives les sessions de formation partagées (interdisciplinaires) par la signature et la mise en oeuvre des conventions prévues à cet effet à l'article D. 542-1 du code de l'éducation.

Proposition n° 17 : confier aux ODPE la double mission de réaliser un bilan annuel des formations délivrées dans le département et d'élaborer un plan pluriannuel des besoins en formation des professionnels intervenant dans le champ de la protection de l'enfance.

Proposition n° 18 : prévoir pour les travailleurs sociaux des cycles de formation continue organisés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui pour les cadres de la protection de l'enfance.

Proposition n° 19 : mettre en place un outil informatique dédié à l'accueil des urgences permettant l'analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue par les infirmières d'accueil et les médecins urgentistes.

Proposition n° 20 : prévoir une formation spécifique aux problématiques de la protection de l'enfance à destination des professionnels des services des urgences.

Proposition n° 21 : désigner, dans chaque service départemental de PMI, un médecin référent « protection de l'enfance » chargé d'établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux (PMI, aide sociale à l'enfance - ASE), les médecins libéraux du département (plus particulièrement les médecins généralistes et les pédiatres), les médecins de santé scolaire, et les praticiens hospitaliers s'occupant d'enfants (urgentistes, pédiatres).

Proposition n° 22 : inciter les services de l'ASE à mettre en place un référentiel permettant un traitement harmonisé des informations préoccupantes (IP) à l'échelle du département grâce à des critères précisément définis.

Proposition n° 23 : encourager les départements à développer le caractère pluridisciplinaire et concerté du processus d'évaluation des IP.

Proposition n° 24 : encadrer strictement la procédure de prise de décision concernant les informations préoccupantes lorsque celle-ci relève des services déconcentrés de la cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip).

Proposition n° 25 : développer, dans chaque Crip, une permanence médicale assurée par le médecin de PMI référent « protection de l'enfance ».

Proposition n° 26 : garantir, dans chaque département, la continuité du service de recueil des IP en organisant un dispositif prenant le relais de la Crip en dehors de ses heures d'ouverture.

Proposition n° 27 : conforter le rôle d'avis et de conseil des Crip en permettant à l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance de s'adresser à elle directement (par exemple, via un numéro d'appel mis à leur disposition).

Proposition n° 28 : encourager tous les départements à élaborer, d'ici fin 2015, un « projet-type pour l'enfant » applicable à l'ensemble des mesures de protection.

Proposition n° 29 : lorsqu'un enfant est pris en charge par un établissement ou un service social ou médico-social au titre de la protection de l'enfance, intégrer le document individuel de prise en charge (DIPC) au projet pour l'enfant (PPE) afin de regrouper toutes les informations concernant sa prise en charge dans un seul document.

Proposition n° 30 : faire du PPE un outil au service d'une prise en charge globale de l'enfant, c'est-à-dire traitant de toutes les dimensions de son développement (sociale, médicale, éducative, affective, etc.), et d'une approche en termes de « parcours de vie ».

Proposition n° 31 : développer la pratique consistant à désigner, pour chaque PPE signé, un référent ASE exclusivement chargé de son suivi et de son évaluation.

Proposition n° 32 : enrichir le contenu du rapport annuel établi par le service de l'ASE sur la situation de l'enfant protégé, par une analyse de son état de santé physique et psychique, de son développement, de sa scolarité, de sa vie sociale, de ses relations familiales, et d'une référence à son projet de vie.

Proposition n° 33 : engager une concertation sur les moyens d'améliorer la mise en oeuvre du volet de la loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 consacré aux assistants familiaux et de sécuriser cette profession.

Proposition n° 34 : permettre à l'assistant familial d'effectuer, de sa propre initiative, les actes usuels de la vie quotidienne de l'enfant accueilli, dont la liste précise devra être intégrée au contrat d'accueil et au projet pour l'enfant.

Proposition n° 35 : conditionner la modification du lieu d'accueil d'un enfant confié depuis plus de trois ans à la même famille à l'avis du juge à l'origine de la mesure de placement.

Proposition n° 36 : systématiser la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc , indépendant des parents et du service gardien, pour représenter l'enfant mineur dans la procédure d'assistance éducative.

Proposition n° 37 : réformer le statut de l'administrateur ad hoc afin de rendre cette fonction plus attractive.

Proposition n° 38 : mettre en place une formation obligatoire pour les personnes candidates à la fonction d'administrateur ad hoc , portant notamment sur le développement physique et psychique de l'enfant, le droit de la protection de l'enfance, les procédures civile et pénale.

Proposition n° 39 : lancer une réflexion pluridisciplinaire en vue d'élaborer un référentiel national d'aide à l'évaluation des situations de délaissement parental.

Proposition n° 40 : développer la formation des professionnels de l'ASE au repérage du délaissement parental.

Proposition n° 41 : fonder la déclaration judiciaire d'abandon non plus sur la notion de « désintérêt manifeste » des parents, mais sur celle de « délaissement parental » ; en conséquence, renommer la procédure « déclaration judiciaire de délaissement ».

Proposition n° 42 : permettre au ministère public de saisir d'office le juge d'une demande en déclaration judiciaire de délaissement.

Proposition n° 43 : imposer au tribunal de grande instance un délai de six mois pour statuer sur la demande en déclaration judiciaire de délaissement.

Proposition n° 44 : déplacer l'article 350 du code civil, actuellement inscrit au titre VIII traitant de la filiation adoptive, vers le titre IX du même code relatif à l'autorité parentale.

Proposition n° 45 : sensibiliser les professionnels des services de l'ASE à la procédure de retrait total de l'autorité parentale, qui permet l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat.

Proposition n° 46 : former les travailleurs sociaux à la procédure de l'adoption simple.

Proposition n° 47 : promouvoir l'adoption simple, dans les services de l'ASE, à la fois par le repérage des enfants qui pourraient en bénéficier et par la sélection de candidats agréés pour l'adoption susceptibles de s'y engager.

Proposition n° 48 : envisager une modification des règles de révocabilité de l'adoption simple afin de sécuriser juridiquement cette forme d'adoption et de favoriser son développement.

Proposition n° 49 : améliorer le statut du tiers digne de confiance afin de sécuriser et d'encourager ce mode de placement.

Proposition n° 50 : encourager les actions de parrainage d'enfants confiés à l'ASE.

Proposition n° 51 : envisager la prise en charge des jeunes à l'ASE comme un parcours en préparant, dès l'âge de seize ans, les modalités de sortie du dispositif et en réfléchissant à leur projet d'insertion.

Proposition n° 52 : encourager la généralisation, après évaluation, des dispositifs expérimentaux qui permettent l'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet personnalisé d'autonomisation au travers, d'une part, d'un accompagnement conjoint par des professionnels issus de l'insertion dans l'emploi (formation, parrainages) et de l'ASE, d'autre part, d'un soutien matériel, notamment financier, modulable selon les besoins du jeune.

Proposition n° 53 : étudier l'opportunité de mettre en place d'autres modes de prise en charge des mineurs isolés étrangers, plus adaptés à leurs problématiques spécifiques, dans le cadre de la protection de l'enfance.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Fortement investies depuis de nombreuses années dans la protection de l'enfance en danger, vos rapporteures se sont vues confier par la commission des affaires sociales la mission d'évaluer l'application de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance afin de proposer toute amélioration jugée utile à une meilleure efficacité du dispositif actuel.

Elles ont, à cette fin, mené quarante-et-une auditions et se sont rendues dans trois départements - le Rhône, la Loire-Atlantique et le Pas-de-Calais - réputés pour leur solide implication dans le champ de la protection de l'enfance. Personnels des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE), travailleurs sociaux, représentants associatifs, responsables d'administrations centrales, magistrats, professionnels de santé ou encore chercheurs : de nombreux acteurs de cette politique ont ainsi pu être entendus .

Compte tenu du rôle central dévolu aux départements par la loi de 2007, vos rapporteures ont également souhaité adresser un questionnaire aux 47 conseils généraux dont les présidents ou l'un des vice-présidents sont également sénateurs. Il s'agissait de réunir des informations, éclairées par la pratique quotidienne des acteurs du terrain, sur la mise en oeuvre concrète du dispositif et de recueillir toute proposition sur les éventuelles évolutions à lui apporter. Le taux de retour, qui atteint 66%, apparaît très satisfaisant et, dans l'ensemble, les réponses s'avèrent bien renseignées et riches d'enseignements. Que l'ensemble des services départementaux soient ici vivement remerciés de leur précieuse et très utile collaboration.

A l'issue de ces travaux préparatoires, vos rapporteures ont souhaité organiser leur réflexion en trois temps, qui sont autant d ' objectifs à remplir pour renforcer l'efficacité du dispositif dans l'intérêt de l'enfant :

- améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance ;

- rendre le dispositif plus efficace à chaque étape : la prévention, le repérage et la prise en charge ;

- sécuriser le parcours de l'enfant protégé.

D'ordre à la fois législatif, réglementaire et infra-réglementaire, les cinquante-trois propositions formulées au fil de l'eau se fondent sur le constat d'un déploiement encore trop souvent incomplet et tardif de la loi de 2007. Leur objet n'est pas de remettre à plat ses dispositions mais, le plus souvent, de faire évoluer les pratiques pour parvenir à leur pleine application .

Les départements constituant la pierre angulaire de la protection de l'enfance, les suites qui seront données à ces recommandations dépendent néanmoins beaucoup des conséquences de la future réforme territoriale sur l'avenir de cette politique . Ces incertitudes constituent pour vos rapporteures une grande source d'inquiétude. S'il nécessite assurément des ajustements, le dispositif actuel, que les acteurs de la protection de l'enfance s'approprient progressivement, atteint peu à peu une certaine maturité qu'il serait regrettable de remettre en cause, au risque de perdre de vue l'essentiel, l'intérêt de l'enfant.

I. AMÉLIORER LA GOUVERNANCE NATIONALE ET LOCALE DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE

La loi de 2007 a placé le département au coeur du dispositif de protection de l'enfance, lequel s'appuie également sur la collaboration de nombreux autres acteurs. Près d'une décennie plus tard, il apparaît nécessaire de renforcer la cohérence et l'efficacité de ce dispositif en mettant en place une instance de gouvernance à l'échelon national et en encourageant les synergies à l'échelon local.

1. Une connaissance insuffisante de la population des enfants protégés qui appelle une optimisation du dispositif d'observation de la protection de l'enfance
a) Une connaissance encore très parcellaire des enfants protégés

La capacité d'établir un état des lieux de la protection de l'enfance, qui puisse être à la fois exhaustif et synthétique, apparaît comme un préalable indispensable à toute prise de décision tant nationale que locale. Cette exigence est d'autant plus forte qu'il s'agit d'un domaine où les enjeux humains et d'égalité de traitement - mais aussi financiers - sont de taille.

Or plusieurs années après l'entrée en vigueur de la réforme de 2007, le dispositif d'observation de la population des enfants protégés demeure, sinon balbutiant, du moins largement insuffisant .

Bien qu'elle ait été relevée à maintes occasions au fil des rapports consacrés à ce sujet au cours des dernières années, cette importante lacune peine à être comblée. L'acquisition d'une connaissance précise des enfants protégés apparaît en effet comme une entreprise de longue haleine à plusieurs égards.

(1) Une forte hétérogénéité des données disponibles

A ce stade des développements, dans un contexte marqué par l'absence de nomenclatures et de méthodologies communes ainsi que d'outils informatiques partagés, l'agrégation et la comparaison des données statistiques produites au niveau local sont toujours rendues difficiles par la dispersion des sources et la grande hétérogénéité des informations disponibles .

Les renseignements communiqués à vos rapporteures au cours de leurs travaux confirment l'incertitude pouvant affecter toute tentative de regroupement et de rapprochement des données chiffrées : le degré de précision des systèmes d'information locaux paraît d'un niveau très inégal ; les modalités de recueil et d'enregistrement des sources apparaissent variables ; les typologies et méthodes de comptage diffèrent fortement d'un département à l'autre.

Au total, la capacité des services départementaux à fournir des données précises et fiables sur le volume et la provenance des informations préoccupantes (IP) recueillies et traitées et de signalements réalisés, sur le nombre de mesures de protection mises en place ou encore sur l'importance des projets pour l'enfant (PPE) conclus sur leur territoire s'avère encore très aléatoire.

(2) Un périmètre d'observation trop restrictif

La difficulté tient également au caractère inadapté du périmètre d'observation de la protection de l'enfance. La délimitation de ce périmètre repose sur l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) qui charge le président du conseil général « du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être ».

Outre qu'il se prête à des interprétations multiples selon les acteurs et la façon dont ils entendent la notion même d'IP - notion dont l'appréhension demeure en grande partie subjective -, ce champ d'observation apparaît doublement restrictif .

D'une part en effet, il laisse de côté les IP qui pourraient ne pas être adressées à la cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip), telles que celles qui sont transmises aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sans être communiquées au niveau central. Il ne prend pas non plus en compte les mesures de protection administrative qui ne sont pas précédées d'une IP , comme par exemple celles qui sont mises en place directement à la demande des parents.

D'autre part, il exclut totalement les IP ou les mesures de protection concernant les jeunes majeurs . Ces derniers entrent pourtant dans le champ d'action de l'ASE, dont l'une des missions, conformément à l'article L. 221-1 du CASF, consiste à « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique » aux « majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». N'étant pas répertoriées, ces situations se trouvent par là-même exclues de toute possibilité d'évaluation.

Afin de remédier à cette difficulté, l'Etat et l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) ont mis en place conjointement avec l'Assemblée des départements de France (ADF) un groupe d'experts chargé de formuler des recommandations consensuelles sur les précisions à apporter au champ d'observation de la protection de l'enfance 4 ( * ) . Dans leurs conclusions, les experts préconisent de fonder le dispositif d'observation non plus sur la notion d'IP mais sur toute mesure de protection de l'enfance, administrative ou judiciaire (hors aides financières). Ils recommandent en outre d'y intégrer les jeunes majeurs protégés.

Cette double évolution, également appelée de ses voeux par le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » dans son rapport de février 2014 5 ( * ) , recueille la totale approbation de vos rapporteures. Sa mise en oeuvre permettrait de faire reposer le dispositif d'observation de la protection de l'enfance sur une notion objective - la mesure de protection - et de bien prendre en considération l'ensemble de la population protégée.

(3) L'insuffisance des travaux de recherche

D'un point de vue plus qualitatif, l'approfondissement des connaissances sur la protection de l'enfance achoppe sur l'insuffisance des travaux de recherche. Quel que soit l'angle d'approche adopté (épidémiologique, clinique, sociologique, économique ou encore psychologique), ces travaux restent en effet trop peu encouragés.

Mises à part quelques initiatives individuelles dont le champ d'investigation demeure forcément limité, aucune initiative d'envergure n'a vu le jour pour suivre le parcours des enfants protégés (entrées et sorties successives du dispositif de protection de l'enfance, enchaînement des mesures, passage des mesures administratives aux mesures judiciaires et vice-versa, ruptures de prise en charge, facteurs expliquant les sorties du dispositif, etc.).

En particulier, les études longitudinales permettant de suivre les parcours des jeunes après leur sortie du dispositif et de contribuer ainsi à l'évaluation des mesures mises en oeuvre, font encore largement défaut au système français.

Vos rapporteures se réjouissent néanmoins à cet égard de la prise de conscience dont semblent témoigner certains travaux récemment engagés. L'étude coordonnée par le Dr. Daniel Rousseau, qui constitue la première enquête longitudinale française sur le devenir à long terme des enfants placés au travers de l'analyse des biographies de 128 enfants et dont les premiers résultats sont parus en janvier 2014, relève en effet que la « compréhension de l'hétérogénéité des évolutions, des meilleures aux pires, donnerait un aperçu du potentiel considérable de progrès qui pourrait être apporté au système de protection de l'enfance français » 6 ( * ) .

Il est à noter que des enquêtes, quoique d'une ambition plus limitée, ont également été lancées dans certains départements comme le Rhône 7 ( * ) ou le Pas-de-Calais 8 ( * ) . On ne peut évidemment que souhaiter que d'autres initiatives de même nature puissent voir le jour.

Plusieurs départements ont également insisté auprès de vos rapporteures sur la nécessité de mener des études prospectives sur la protection de l'enfance compte tenu de la forte exigence d'anticipation à laquelle est soumise cette politique . Un nombre important de conseils généraux indique pâtir, par exemple, d'un manque de places et de diversification de l'offre d'établissements et de services par rapport à l'évolution des besoins et à l'apparition de nouvelles problématiques.

La réalisation d'études épidémiologiques prospectives est d'autant plus essentielle qu'un nombre élevé de départements et d'autres acteurs de la protection de l'enfance ont attiré l'attention de vos rapporteures sur les nettes évolutions qui caractérisent la population des enfants protégés depuis quelques années . Outre la montée des situations de précarité, voire de pauvreté, les services de l'ASE sont davantage confrontés qu'auparavant à des enfants « à grosses difficultés » (handicaps, troubles psychiques ou psychiatriques, violences), dont la prise en charge s'avère plus complexe.

A titre d'exemple, le département de la Haute-Loire souligne que certains modes d'accueil collectif sont désormais inadaptés à l'accueil de jeunes présentant des troubles du comportement. De même, le département de la Mayenne indique que les diverses difficultés rencontrées (désengagement de la protection judiciaire de la jeunesse - PJJ - sur le volet de l'assistance éducative, moyens très limités de la pédopsychiatrie, augmentation du nombre de mineurs isolés étrangers - MIE) conduisent l'ASE à accueillir de plus en plus de jeunes aux problématiques « éloignées » de l'assistance éducative « classique » auxquelles les services ne sont pas préparés, ni en moyens, ni en compétences.

S'agissant de la plus grande prévalence des situations de handicap, le département du Pas-de-Calais souligne que 13 % des bénéficiaires de l'ASE disposent d'une attestation de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), alors que 1 % de l'ensemble des mineurs de ce département présente un handicap, ce qui soulève donc un enjeu d'adaptation des structures et des dispositifs de prise en charge 9 ( * ) .

Au total, le caractère encore très fragmentaire et épars de la connaissance des enfants protégés ne peut conduire vos rapporteures qu'à rappeler une évidence : l'impossibilité de concevoir une politique efficace sans mesure précise de l'ampleur du problème et sans connaissance approfondie de ses facteurs explicatifs. Seule l'existence de chiffres fiables permet de développer des indicateurs de suivi et de réaliser ensuite une évaluation des politiques, en particulier dans un domaine où interviennent un grand nombre d'acteurs et qui mobilise des financements importants.

Proposition n° 1 : fonder le périmètre d'observation de la protection de l'enfance sur les mesures de protection administrative et judiciaire mises en place (hors aides financières) plutôt que sur la notion d'information préoccupante ; y intégrer également les jeunes majeurs protégés.

Proposition n° 2 : encourager les travaux de recherche dans tous les domaines (épidémiologique, clinique, sociologique, économique ou encore psychologique), ainsi que les études longitudinales et celles à caractère prospectif (soutien aux équipes de recherche existantes, poursuite des appels à projets, financement d'études de cohortes).

b) La montée en charge progressive du dispositif de transfert de données à l'Observatoire national de l'enfance en danger

Afin d'améliorer à l'échelle du pays la connaissance des enfants protégés, de suivre les dispositifs mis en oeuvre et d'en évaluer l'efficacité, la loi de 2007 a posé l'obligation pour les départements de faire remonter un certain nombre de données à l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) .

Institué en 2004 10 ( * ) pour assurer des fonctions « d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs », celui-ci fait partie, aux côtés du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (Snated), du groupement d'intérêt public « enfance en danger » (Giped).

Les missions de l'Oned

L'article L. 226-6 du CASF investit l'Oned d'une triple mission :

- contribuer au recueil et à l'analyse des données et des études concernant la protection de l'enfance , en provenance de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations oeuvrant dans ce domaine ;

- contribuer à la mise en cohérence des différentes données et informations , à l'amélioration de la connaissance des phénomènes de mise en danger des mineurs ;

- recenser les pratiques de prévention ainsi que de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire des mineurs en danger, dont les résultats évalués ont été jugés concluants, afin d'en assurer la promotion auprès de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations oeuvrant dans ce domaine.

Vos rapporteures ne doutent pas des avancées permises par l'installation de cet observatoire. Sa composition partenariale et son adossement au Snated ont encouragé un certain décloisonnement dans les analyses et les pratiques. Les études et rapports annuels de l'Oned ont contribué à mettre en lumière des dispositifs innovants et à apporter davantage de lisibilité à telle ou telle dimension de la protection de l'enfance 11 ( * ) .

Compte tenu des nombreux obstacles évoqués précédemment en matière de connaissance de la protection de l'enfance, vos rapporteures ne peuvent cependant que regretter la grande difficulté avec laquelle l'Oned réalise ses missions.

Les remontées de données de la part des départements sont manifestement insuffisantes et leur qualité très inégale. L'Oned peine à harmoniser les pratiques et à promouvoir une certaine convergence dans les données établies localement.

Dans l'attente d'un système d'information plus étayé et fiable, l'observatoire n'est en mesure de réaliser chaque année qu'une estimation du nombre de mineurs et de jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection au 31 décembre. L'estimation est effectuée à partir du rapprochement des données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). Cette méthode n'offre évidemment pas toutes les garanties de fiabilité et de précision que pourrait procurer la production de chiffres issus d'une base informatique partagée.

Des progrès sont certes à attendre de la publication début 2011, à l'issue d'un processus nécessitant l'intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), du décret organisant la transmission d'informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) et à l'Oned 12 ( * ) . Cette dynamique s'est poursuivie avec l'édiction du décret du 7 novembre 2013 13 ( * ) qui fournit une définition très attendue de l'IP.

Les travaux de recensement des données n'ont cependant véritablement commencé que très récemment, sous l'impulsion en particulier des conclusions du groupe d'experts sur le périmètre d'observation de la protection de l'enfance 14 ( * ) , et il faudra sans doute attendre plusieurs années avant de pouvoir compter sur un système statistique abouti.

Dans son neuvième rapport annuel paru 15 ( * ) , l'Oned est en mesure de présenter pour la première fois des indicateurs issus du dispositif de remontée des données mis en oeuvre par le décret de 2011 mais, comme il l'indique lui-même, l'exercice reste encore trop circonscrit : les données produites l'ont été à partir de bases informatiques transmises par une dizaine de départements seulement et, dans la majorité des cas, ces bases demeurent très parcellaires.

Afin que dans un avenir proche le dispositif de remontée d'informations à l'Oned permette à celui-ci de mieux remplir sa fonction d'observatoire et à l'ensemble des acteurs concernés d'acquérir une connaissance plus fine des publics et problématiques, il apparaît ainsi indispensable d'approfondir les efforts de mise en cohérence des données.

De ce point de vue, l'analyse de vos rapporteures rejoint la recommandation formulée par le groupe d'experts sur le périmètre d'observations de la protection de l'enfance qui en appelle à un accompagnement renforcé des personnels chargés d'assurer le recueil de l'information et sa saisie . Comme l'indiquent les experts dans leurs préconisations, cet accompagnement pourrait prendre la forme de sessions de formations assurées par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en coordination avec l'Oned.

Parallèlement et par souci de cohérence avec le dispositif d'observation départemental prévu par la loi de 2007, vos rapporteures estiment judicieux, comme le propose le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 16 ( * ) , de transformer l'Oned en un « observatoire national de la protection de l'enfance ».

Il s'agirait d'adapter la dénomination de l'observatoire national pour la rendre plus cohérente avec celles des ODPE dont il constitue la tête de réseau . Serait ainsi privilégié, au double niveau national et local, le champ de la politique de protection de l'enfance en général plutôt que le seul champ de l'enfance en danger que la loi de 2007 a voulu dépasser.

Proposition n° 3 : renforcer l'accompagnement des professionnels chargés de recueillir et de saisir les données relatives à la protection de l'enfance en réaffirmant le rôle de l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) dans ce domaine et en prévoyant les programmes de formation afférents qui pourraient être mis en oeuvre par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Proposition n° 4 : transformer l'Oned en Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), tête de réseau des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE).

2. De fortes disparités territoriales qui rendent indispensable un pilotage national de la politique de protection de l'enfance
a) Une politique décentralisée faisant intervenir de nombreux acteurs

Après un développement parallèle de la protection administrative et de la protection judiciaire de l'enfance dans la période d'après-guerre, l'ASE et la mise en oeuvre des mesures de protection judiciaire ont toutes deux été confiées au département dans le cadre de la décentralisation en 1983.

La loi de 2007 a ensuite consacré le rôle pivot du département en attribuant au président du conseil général un rôle de chef de file, l'intervention judiciaire n'étant prévue que subsidiairement. Ce principe de subsidiarité place donc au coeur du dispositif la capacité des services du conseil général à identifier les situations et à remédier aux difficultés constatées.

S'il constitue ainsi la cheville ouvrière de la politique de protection de l'enfance, le département partage des objectifs et des responsabilités avec de nombreux autres acteurs, à commencer par l'Etat qui pilote cette politique par nature interministérielle (justice, famille, santé, éducation nationale, intérieur).

Relèvent en particulier de l'Etat les mesures concernant la PJJ et la justice (parquet, juge des enfants).

D'abord cantonné à l'éducation surveillée (prise en charge des enfants délinquants), le champ de compétence de la PJJ a progressivement été étendu à l'ensemble de la justice des mineurs. En matière civile, elle est ainsi chargée de l'exécution ou du financement des mesures d'investigation et de la délivrance des habilitations « justice » aux établissements qui accueillent les mineurs placés directement par le juge. Elle assure en outre l'exécution d'une partie - mais aujourd'hui de plus en plus limitée et en baisse - des mesures d'assistance éducative.

Le réseau associatif est également très présent historiquement dans le dispositif tant administratif que judiciaire (exécution des mesures).

Dans ce cadre, il revient au président du conseil général d'assurer une mission de coordination générale de l'ensemble des dispositifs mobilisés « aux fins de garantir la continuité et la cohérence des actions menées » (article L. 221-4 du CASF).

Enfin, le champ de la protection de l'enfance voit intervenir des organismes divers tels que l'Oned ou encore l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) 17 ( * ) .

Le dispositif de protection de l'enfance se déploie ainsi dans un cadre fortement pluridisciplinaire et pluri-institutionnel , ce qui est éminemment souhaitable mais - comme pour toute politique de compétence partagée - source inéluctable de complexité.

b) Des disparités plurielles

Compte tenu de l'organisation territorialisée de la protection de l'enfance et de la multiplicité des acteurs impliqués, de nombreuses disparités caractérisent la mise en oeuvre de cette politique par les départements. Les dissemblances qui ne peuvent manquer d'apparaître concernent tant le fonctionnement du recueil et du traitement des IP que le recours aux mesures de protection de l'enfance et aux dispositifs d'observation locaux prévus par la loi.

(1) Une grande diversité des modes de recueil et d'évaluation des informations préoccupantes

Afin de mettre un terme aux dysfonctionnements liés à la dispersion des lieux de signalement, la loi de 2007 a entendu garantir le recueil des informations préoccupantes (IP) en un seul lieu - la Crip - dans le cadre d'un circuit lisible pour tout professionnel et chaque citoyen (article L. 226-3 du CASF).

En pratique, il n'existe cependant pas de mode d'organisation unique pour la transmission et le traitement des IP en raison de cultures politiques et administratives variables selon les territoires et bien souvent antérieures à la réforme de 2007 . Tous les départements n'ont d'ailleurs pas donné la dénomination de « Crip » à la cellule chargée d'assurer les fonctions qui incombent à celle-ci en vertu de la loi.

Comme en témoignent les informations recueillies par vos rapporteures et ainsi que le soulignait déjà l'Oned en 2008 18 ( * ) , les modalités de recueil des IP varient fortement selon les modes d'organisation locaux. Dans la majorité des départements, les informations peuvent être recueillies indifféremment au niveau de la cellule centrale ou à celui d'antennes territoriales. Quelques départements ont développé un mode d'organisation plus centralisé. A l'inverse, il arrive que le recueil des IP soit confié aux unités territoriales sans remontée de l'ensemble des IP au niveau central.

De la même façon, si l'évaluation des IP est bien souvent assurée par des équipes territoriales, les décisions relatives aux suites à donner aux IP sont prises à des niveaux différents selon les départements et les caractéristiques des situations. La prise de décision apparaît ainsi soit concentrée au niveau central, soit déconcentrée auprès de cadres territoriaux, soit combinée. Dans ce dernier cas, les décisions sont en principe prises par des unités territoriales sauf celles qui relèvent de la compétence du niveau central en raison de leur gravité ou de leur urgence.

La continuité de service est également assurée de façon disparate, certains départements ayant mis en place un dispositif de veille ou d'astreinte au sein des services de l'ASE ou ayant organisé des permanences auprès d'autres structures quand d'autres renvoient au Snated (119) en dehors des heures de service de l'ASE.

S'agissant de la composition des Crip, l'enquête nationale conduite par l'Oned en 2012 19 ( * ) conclut à l'existence de deux modèles : d'un côté les Crip « à caractère administratif », c'est-à-dire dotées exclusivement de personnels administratifs, de l'autre, les Crip « mixtes », qui associent au personnel administratif au moins une personne ayant des compétences dans le champ social, éducatif ou médical.

Au total, il demeure difficile de privilégier un mode de fonctionnement plutôt qu'un autre et vos rapporteures estiment toujours d'actualité le constat établi par la Cour des comptes en 2009 : « il existe presque autant de modèles d'organisation que de départements. L'enquête des juridictions financières ne permet pas de conclure à la supériorité de tel ou tel modèle d'organisation » 20 ( * ) .

Comme la Cour, vos rapporteures ne jugent pas nécessaire d'imposer un mode d'organisation unique mais insistent sur les nécessaires garanties à apporter à la lisibilité et à la connaissance des informations transmises, ce qui suppose que la cellule centrale puisse effectivement recueillir et suivre l'ensemble des IP reçues sur le territoire .

Elles rappellent également que le niveau central doit être le garant de l'évaluation des IP dans des conditions permettant d'assurer un traitement équitable de toutes les situations.

D'autres disparités entre départements concernent les protocoles qui précisent le concours que doivent apporter les différents acteurs de la protection de l'enfance au président du conseil général dans sa mission de recueil, de traitement et d'évaluation des IP. La loi de 2007 prévoit que ces protocoles associent le représentant de l'Etat et l'autorité judiciaire (principalement le parquet) ainsi que les « partenaires institutionnels concernés » (article L. 226-3 du CASF). En pratique, le nombre et la qualité des partenaires signataires apparaissent très variables selon la place et le rôle qui leur sont attribués .

S'agissant par exemple des acteurs sanitaires, certains départements ont impliqué les agences régionales de santé (ARS) ou encore les conseils départementaux de l'Ordre des médecins tandis que d'autres n'y ont associé que les hôpitaux publics. En ce qui concerne l'enseignement scolaire, si l'éducation nationale est généralement partie aux protocoles, l'enseignement privé ne l'est pas toujours. Parfois, un protocole a également été signé avec le comité départemental olympique et sportif.

En outre, certains départements ont fait le choix d'un protocole unique associant l'ensemble des acteurs quand d'autres ont privilégié les protocoles bilatéraux avec certains partenaires.

Enfin, vos rapporteures relèvent une forte variabilité dans les modalités de qualification de l'IP. Celle-ci fait l'objet d'interprétations diverses selon les départements . Est souvent appelée ainsi à la fois l'information transmise à la Crip avant évaluation et l'information qualifiée comme telle par cette cellule après évaluation.

En ce sens, l'Oned soulignait déjà en 2011 que « si certains départements considèrent toute information entrante comme préoccupante, d'autres opèrent un pré-tri avant la qualification. Si la majorité des départements disent s'appuyer principalement sur les textes de référence pour définir l'IP, une part non négligeable élargissent ou restreignent quelque peu ces définitions, selon les réalités locales et les moyens disponibles » 21 ( * ) . A cet égard, certains départements, comme l'Eure-et-Loir, ont en effet attiré l'attention de vos rapporteures sur une augmentation du nombre d'IP ne relevant pas de l'ASE (conflit de couple dans le cadre d'un divorce ou, plus généralement, IP insuffisamment caractérisées).

De manière générale, l'élaboration d'une définition très précise de l'IP demeure difficile. Une approche trop restrictive risquerait de compromettre les chances de détecter certaines situations de danger. A l'inverse, une approche trop large serait susceptible d'ouvrir la voie à une multiplication d'IP infondées. A ce sujet, il semble néanmoins qu'un point d'équilibre ait enfin été trouvé avec la parution fin 2013 du décret - longtemps attendu par l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance - qui définit l'IP en application de l'article L. 221-3 du CASF 22 ( * ) . Vos rapporteures constatent en tout état de cause qu'il n'existe pas de consensus parmi les observateurs et les acteurs de la protection de l'enfance sur la nécessité de préciser encore davantage cette notion.

(2) Un manque de lisibilité sur le recours aux diverses mesures de protection de l'enfance

L'un des objectifs poursuivis en 2007 était de diversifier les mesures de protection prévues par la loi dans le cadre d'une approche plus souple allant au-delà de la seule alternative entre le placement et le milieu ouvert. Ont ainsi été créés de nouveaux dispositifs tant administratifs (mesures d'accompagnement en économie sociale et familiale - AESF -, accueil d'urgence, accueil de jour, accueil périodique ou modulable] que judiciaires [action éducative en milieu ouvert - AEMO - avec hébergement, accueil à la journée, accueil modulable et notamment séquentiel).

L'intérêt d'une diversification des solutions, unanimement reconnu au moment de l'adoption de la loi, continue d'être souligné aujourd'hui par tous les acteurs de la protection de l'enfance. Chaque département doit pouvoir adapter ses solutions aux problèmes rencontrés par les jeunes et leurs familles ainsi qu'à ses propres ressources.

Cette évolution positive a cependant engendré une grande illisibilité des recours aux diverses mesures possibles.

En effet, les dispositifs ne sont pas seulement très nombreux, ils reçoivent également des appellations différentes selon les départements, si bien qu' il est souvent délicat de les rattacher à telle ou telle catégorie prévue par la loi.

A titre d'exemple, la mesure de placement sans déplacement instaurée en avril 2013 dans les Pyrénées-Orientales sous le nom de « mesure d'accompagnement familial à domicile » a été mise en place dans le Vaucluse sous l'appellation plus générale de service d'accueil, de protection, de soutien et d'accompagnement à domicile (Sapsad). S'agissant des mesures judiciaires, les AEMO avec hébergement se nomment « intervention éducative renforcée à domicile » (IERD) et « service d'actions éducatives séquentielles » (SAES) dans les Vosges, par exemple.

En outre, certains dispositifs prévus par la loi de 2007 ne semblent pas toujours se distinguer clairement d'autres mesures qui lui préexistaient. Il en va surtout ainsi des mesures d'accompagnement en économie sociale et familiale (AESF) qui sont bien souvent assurées dans le cadre plus global des accompagnements éducatifs budgétaires (AEB).

Enfin, certains département indiquent observer une multiplication des interventions ayant tendance à se juxtaposer plutôt qu'à être coordonnées.

Cette situation rend plus difficile le recul nécessaire à toute vision transversale et évaluation d'ensemble et pose le problème de la comparabilité des actions mises en oeuvre entre les départements.

Sans chercher à homogénéiser les pratiques, vos rapporteures estiment nécessaire de promouvoir une certaine harmonisation de manière à accroître la lisibilité des mesures mises en oeuvre et à pouvoir garantir in fine un minimum d'équité entre les bénéficiaires de la protection de l'enfance .

(3) Un recours variable aux projets pour l'enfant

La loi de 2007 a imposé aux départements de faire précéder l'attribution d'une ou de plusieurs prestations relevant de la protection de l'enfance de l'établissement d'un document dénommé « projet pour l'enfant » (PPE).

Celui-ci est cosigné par le président du conseil général et les représentants légaux du mineur ainsi que par un responsable de chacun des organismes chargés de mettre en oeuvre les mesures prévues. Il doit, en vertu de l'article L. 223-1 du CASF, préciser les éléments suivants :

- les actions qui seront menées auprès de l'enfant, des parents et de son environnement ;

- le rôle des parents ;

- les objectifs visés et les délais de leur mise en oeuvre ;

- l'institution et la personne chargées d'assurer la cohérence et la continuité des interventions.

Sept ans après la promulgation de la loi, l'appropriation de cet outil par les départements s'avère très inégale .

Ce document - pourtant garant de la qualité de la prise en charge - n'existe pas dans tous les territoires , certains conseils généraux étant encore dans une phase de réflexion, au mieux d'élaboration 23 ( * ) ; d'autres ne l'ont mis en place que pour une ou plusieurs catégories de mesures (par exemple, mesure d'AED, d'AEMO ou de placement en famille d'accueil) 24 ( * ) ; à l'inverse, certains départements ont mis au point un « PPE-type », très abouti et applicable à l'ensemble des mesures 25 ( * ) ; dans certains territoires également, le PPE est mis en oeuvre directement par les structures d'accueil, sans faire l'objet d'une formalisation par les services départementaux 26 ( * ) .

La présentation et le contenu même du PPE diffèrent également d'un département à l'autre ; il revêt bien souvent un caractère très administratif qui ne permet pas de privilégier véritablement une approche en termes de projet de vie.

(4) Une prise en charge à géométrie variable des jeunes majeurs

La prise en charge des jeunes majeurs fait, de même, l'objet d'approches très différentes selon les départements, d'autant plus qu'elle revêt un caractère facultatif .

Le cadre légal actuel ne prévoit en effet qu'une possibilité d'aide dont la mise en oeuvre est laissée à la libre appréciation du conseil général :

- l'article L. 112-3 du CASF prévoit la possibilité de mesures administratives pour les majeurs de moins de 21 ans « connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre », qu'ils aient ou non bénéficié d'une aide de l'ASE pendant leur minorité ;

- de même, l'article L. 222-5 du CASF rend possible une prise en charge « à titre temporaire » par le service de l'ASE sur décision du président du conseil général des jeunes majeurs de moins de 21 ans « éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ».

Sur ce fondement, le « contrat jeune majeur » - lorsqu'il est mis en oeuvre - peut prévoir soit une aide à domicile avec, selon les cas, l'intervention d'un éducateur ou le versement d'une aide financière, soit l'entretien et l'hébergement à titre temporaire par l'ASE (« accueil provisoire jeune majeur »).

Parallèlement, certains départements ont recours à des dispositifs mis en place de leur propre initiative, présentant des conditions d'accès spécifiques avec des couvertures parfois plus larges (allant au-delà de l'âge de 21 ans).

Au total, les modes de prise en charge des jeunes majeurs sont donc eux-aussi très hétérogènes (cf. III. 3. b ).

(5) Des avancées très inégales dans l'installation des observatoires départementaux de la protection de l'enfance

Enfin, des différences marquées apparaissent entre départements s'agissant de la mise en place des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) dont la création a pourtant été rendue obligatoire en 2007.

Composition et missions des ODPE

Placés sous la responsabilité du président du conseil général, les ODPE comprennent des représentants du département, de l'Etat, de l'autorité judiciaire ainsi que des services ou établissements qui apportent leur concours à la protection de l'enfance et des représentants des associations concourant à la protection de l'enfance et de la famille.

L'article L. 226-3-1 du CASF les charge d'assurer cinq missions :

- recueillir, examiner et analyser les données relatives à l'enfance en danger dans le département (ces données devant ensuite être communiquées par chaque département à l'Oned) ;

- être informé de toute évaluation des services et établissements intervenant dans le domaine de la protection de l'enfance ;

- suivre la mise en oeuvre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale et formuler des avis ;

- formuler des propositions et avis sur la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance dans le département ;

- établir des statistiques portées à la connaissance de l'assemblée départementale et transmises aux représentants de l'Etat et de l'autorité judiciaire.

Malgré le rôle central qu'ils sont ainsi appelés à jouer dans la connaissance et l'évaluation des déclinaisons locales de la politique de protection de l'enfance, les ODPE ne couvrent encore que très imparfaitement le territoire national.

Depuis 2009, où seul un tiers des départements avait installé un observatoire, la création des ODPE n'a que très peu progressé : il en existe aujourd'hui 59 selon l'enquête réalisée par l'Oned entre décembre 2013 et février 2014 auprès de l'ensemble des départements 27 ( * ) .

Dans 6 d'entre eux, l'observation de la protection de l'enfance n'est pas réalisée au sein d'un observatoire dédié mais dans le cadre plus large d'un «  observatoire social ».

A l'heure actuelle, plus de 35 % des départements ne sont ainsi toujours pas pourvus d'observatoire local : si 31 départements annoncent une création prochaine de leur ODPE, 5 indiquent qu'aucune installation n'est prévue.

En outre, la capacité de travail des ODPE existants est sérieusement compromise par la faiblesse de leurs moyens humains et budgétaires. Parmi les 59 observatoires en place, seuls 23 disposent d'au moins une personne (et généralement d'une seule) qui leur est affectée à temps plein. L'Oned souligne ainsi que « les personnels rattachés aux ODPE sont peu nombreux, variant de 0 pour huit départements à 7 personnes pour un département. En moyenne, 1,8 personnes sont rattachées à un ODPE et un équivalent temps-plein se consacre au fonctionnement de l'ODPE (variant de 0 ETP à 4 ETP). » 28 ( * )

De plus, comme l'indique l'Oned, dans la majorité des départements, le responsable de l'ODPE exerce cette mission parallèlement à une autre fonction non moins importante (responsable de Crip, chef de service de l'ASE).

Cette observation rejoint le constat effectué par vos rapporteures à partir des remontées de terrain. Certains ODPE ont même une existence qui n'est que théorique. C'est le cas, par exemple, de l'ODPE de la Vendée qui a été installé mais qui n'a jamais pu réaliser de travaux faute de ressources ou encore de celui du Maine-et-Loire dont il est signalé qu'il est censé être opérationnel depuis 2010 mais qu'il n'a pas non plus de moyens spécifiquement dédiés au niveau opérationnel.

D'autres départements comme l'Isère indiquent que la création de l'observatoire départemental a permis de structurer les partenariats sans toutefois apporter de véritable réponse au problème de la centralisation des données très éparses et leur difficile transmission à l'Oned en l'absence d'outils informatiques communs.

Vos rapporteures regrettent ces avancées très variables obtenues dans la mise en place des ODPE, d'autant plus que ceux-ci sont susceptibles de jouer un rôle clef dans la mise en relation et la connaissance mutuelle des acteurs de la protection de l'enfance. Leur caractère partenarial et leur rôle complémentaire de l'échelon national (Oned) en font en effet un lieu d'observation et d'évaluation central mais aussi et surtout une force de proposition privilégiée dans chaque département.

Elles appellent donc de leurs voeux une poursuite des efforts déjà mis en oeuvre, tout particulièrement par l'Oned, pour accompagner les départements dans leur démarche de création des ODPE et pour apporter tout le soutien technique nécessaire à la montée en charge des ODPE existants et à leur mise en réseau (méthodologie, système d'information, bonnes pratiques).

Proposition n° 5 : poursuivre, sous l'égide de l'Oned, les efforts d'accompagnement des services départementaux dans la mise en place de leur ODPE et de soutien technique aux ODPE existants. Développer les initiatives favorisant leur mise en réseau (partage d'outils et de méthodes communs, échanges et diffusion de bonnes pratiques).

c) Des initiatives d'harmonisation insuffisantes et une impulsion nationale défaillante

L'existence de pratiques et d'interprétations disparates, qui ne peut manquer d'apparaître compte tenu du poids de l'histoire, des traditions et usages établis et de l'importance dévolue au tissu associatif local, est un risque intrinsèque à toute politique décentralisée. Elle constitue également la contrepartie du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Sans compromettre le respect de ce principe, ni la souplesse nécessaire à l'adéquation des réponses apportées à l'échelle locale , une coordination a minima apparaît cependant indispensable , ne serait-ce qu'au regard des garanties dont doivent pouvoir bénéficier les enfants protégés et leurs familles en matière d'égalité de traitement .

Or l'ampleur des initiatives de coordination est encore relativement limitée à ce jour.

Dans le but d'harmoniser les pratiques, l'Etat a certes mis en place, par l'intermédiaire de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), un certain nombre d'outils à l'attention des services départementaux :

- les cinq guides pratiques ministériels édités au lendemain de la réforme pour accompagner la mise en oeuvre de la loi de 2007 29 ( * ) ;

- des notes techniques qui entendent expliciter les textes législatifs et réglementaires 30 ( * ) ;

- des documents-types mis à la disposition des conseils généraux 31 ( * ) ;

- des recommandations de bonnes pratiques réalisées par l'Anesm 32 ( * ) ;

- l'organisation de journées techniques 33 ( * ) .

Cependant, les retours d'expérience témoignent d'une appropriation très inégale de ces outils selon les acteurs. Ces instruments ne couvrent en outre que certains aspects de la protection de l'enfance et ne font pas l'objet de mises à jour régulières. Les recommandations de bonnes pratiques, bien qu'approfondies et de qualité, demeurent peu nombreuses et les journées techniques organisées sous l'égide du ministère exceptionnelles.

Dans ces conditions, l'Etat n'est pas en capacité de jouer pleinement son rôle en matière de pilotage, d'animation et de régulation de la politique de la protection de l'enfance.

Vos rapporteures estiment donc nécessaire d'approfondir les efforts de coordination dans un cadre qui permette de donner une réelle impulsion nationale à cette politique .

A cet égard, elles s'associent pleinement à la proposition formulée par le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 34 ( * ) consistant à mettre en place une instance nationale, placée auprès du Premier ministre et regroupant tous les acteurs (départements, Etat, associations, autres organismes...) sur le modèle de ce qui existe dans d'autres champs des politiques sociales (Conseil national consultatif des personnes handicapées - CNCPH - ou encore Haut Conseil de la famille - HCF -, par exemple -).

Cette démarche permettrait de prolonger l'expérience partenariale qui avait marqué les travaux préparatoires à l'élaboration de la loi de 2007 et qui continue d'être évaluée très positivement aujourd'hui.

Relevant l'absence, s'agissant d'un sujet aussi important que la protection de l'enfance, d'une instance d'envergure nationale, chargée du pilotage de la politique et de l'amélioration de la concertation et de la coordination par la fixation d'objectifs communs et clairs, le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 35 ( * ) invite à substituer cette instance nationale à deux comités qui ne se réunissent plus actuellement : le comité technique de prévention spécialisée (CTPS) et le comité interministériel de l'enfance maltraitée.

Ce Conseil national de la protection de l'enfance serait chargé d'une triple mission :

- proposer au Gouvernement les grandes orientations nationales de la politique de protection de l'enfance ;

- formuler des avis sur cette question et sur les projets de texte tant législatifs que réglementaires ;

- suivre et évaluer l'application des orientations s'y rattachant.

Proposition n° 6 : mettre en place un Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), instance partenariale réunissant l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance et ayant pour missions de proposer au Gouvernement les grandes orientations nationales de la politique de protection de l'enfance, de formuler des avis et d'évaluer la mise en oeuvre des orientations retenues.

3. Une coopération globalement insuffisante entre les acteurs et un cloisonnement encore très marqué entre les différentes sphères professionnelles
a) Une démarche partenariale encore hésitante et inégalement mise en oeuvre

Tout en confortant le rôle pivot du conseil général, la loi de 2007 s'est donnée pour objectif de favoriser la collaboration et la complémentarité entre les acteurs de la protection de l'enfance .

Comme indiqué précédemment, elle a tout d'abord formalisé, sous forme de protocoles, le concours que doivent apporter les différents partenaires institutionnels au président du conseil général dans sa mission de recueil, de traitement et d'évaluation des IP (article 12 de la loi, article L. 226-3 du CASF). Ces protocoles ont pour but d'organiser les modalités de transmission de toutes les IP vers la Crip et de préciser le mode opératoire concernant chaque acteur. Elle a ensuite prévu la création, dans chaque département, d'un ODPE (article 16 de la loi, article L. 226-3-1 du CASF), composé de représentants des services du département, de l'Etat, de l'autorité judiciaire, ainsi que de tout autre acteur participant à la protection de l'enfance. Dotée de quatre missions (cf. I. 2. b. ), cette nouvelle instance a vocation à devenir le lieu privilégié des échanges entre l'ensemble des partenaires.

Sept après son adoption, le bilan est contrasté .

De l'avis général, la mise en place du dispositif de recueil et de traitement des IP et la création d'une interface commune - la Crip - a indéniablement favorisé le dialogue entre les différents acteurs, en particulier entre les services départementaux et l'autorité judiciaire, permis une meilleure compréhension mutuelle et encouragé une évaluation partagée des situations familiales à risque. Les réponses au questionnaire adressé aux départements montrent ainsi que, dans la grande majorité des cas, la création des Crip s'est accompagnée de la signature d'un protocole interinstitutionnel permettant de formaliser officiellement cette démarche partenariale. Des marges de progression existent néanmoins, s'agissant notamment de l'implication des acteurs sanitaires (secteur hospitalier et médecine de ville) et médico-sociaux.

L'apport des observatoires départementaux à la dynamique partenariale semble moins évident. La première explication tient au fait que tous les départements n'ont pas mis en place une telle structure (cf. I. 2. b)) , alors que la présence d'une Crip est désormais quasi-systématique. La deuxième explication réside, pour les ODPE mis en place, dans leur grande hétérogénéité : certains, très actifs, ont réellement permis de structurer les partenariats entre acteurs locaux 36 ( * ) , d'autres n'ont pas eu cet effet faute le plus souvent de moyens humains et financiers dédiés 37 ( * ) , voire de portage politique au niveau du conseil général. La troisième explication a trait au manque de disponibilité et/ou de volonté de certains partenaires pour participer aux travaux de l'observatoire.

Outre l'installation d'une Crip et éventuellement d'un ODPE, d'autres initiatives de coopération ont vu le jour dans les territoires, comme la mise en place d'une commission partenariale spécialisée dans le traitement des dossiers les plus complexes 38 ( * ) , la signature d'un protocole interinstitutionnel pour organiser la continuité des interventions 39 ( * ) , la création d'équipes pluridisciplinaires pour certaines modalités d'accueil 40 ( * ) , etc.

Malgré ces avancées locales, le constat général est, au terme des auditions menées par vos rapporteures, celui d' une coopération globalement insuffisante entre les acteurs et surtout d'un cloisonnement encore très marqué entre les différents secteurs d'intervention (ASE, justice, médico-social, santé, éducation nationale...) . Nombre d'interlocuteurs ont ainsi insisté sur la difficulté à faire émerger une « culture commune » de la protection de l'enfance, chaque acteur restant attaché à la défense de son pré-carré.

b) Développer les partenariats et décloisonner les interventions pour améliorer la qualité de la prise en charge

La coopération entre les acteurs de terrain est une condition sine qua non de la qualité de la prise en charge des enfants confiés à l'ASE . Comment, en effet, assurer la cohérence et la continuité de leurs parcours si les professionnels concernés interviennent indépendamment les uns des autres ? Le travail en réseau présente en outre l'avantage de ne pas entraîner de coût supplémentaire pour les finances départementales puisqu'il s'agit principalement d'une question de volonté et d'organisation.

Afin de relancer la dynamique partenariale et d'encourager le décloisonnement entre les secteurs, plusieurs leviers mériteraient d'être activés :

Proposition n° 7 : inclure systématiquement dans la liste des signataires des protocoles relatifs au dispositif de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance, en particulier les représentants du secteur médical (hôpitaux et médecine libérale) et de l'enseignement privé.

Proposition n° 8 : généraliser la pratique consistant à associer l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance à l'élaboration du schéma départemental de la protection de l'enfance.

4. L'absence d'abondement du Fonds national de financement de la protection de l'enfance


Le Fonds national de financement de la protection de l'enfance

Créé par l'article 27 de la loi du 5 mars 2007, le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE) a une double mission : compenser aux départements la charge résultant de la mise en oeuvre de la loi ; financer des actions innovantes en faveur de la protection de l'enfance.


Fonctionnement

Le fonds est administré par un comité de gestion, qui comprend des représentants de l'Etat, des départements et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette dernière assure la gestion administrative, financière et comptable du FNFPE.

Les ressources du fonds sont constituées par un versement annuel de la Cnaf , dont le montant est arrêté en loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement annuel de l'Etat , dont le montant est arrêté en loi de finances. Les modalités de répartition des crédits du fonds ont été fixées par le décret n° 2010-497 du 17 mai 2010.

Concernant la première enveloppe (compensation des charges aux départements résultant de l'application de la loi), le montant de la dotation attribuée à chaque département est arrêté par le comité de gestion selon une formule qui prend en compte le potentiel financier du département et le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance. S'agissant de la seconde enveloppe (soutien aux actions innovantes en protection de l'enfance), les bénéficiaires sont sélectionnés dans le cadre d'une procédure d'appel à projets.


Situation financière

A la suite d'une longue bataille juridique et d'un arrêt du Conseil d'Etat en faveur des départements, l'Etat, qui avait annoncé son intention de ne pas créer le FNFPE 41 ( * ) , a été contraint de publier le décret nécessaire à sa constitution. Depuis lors, le fonds fait face à d'importantes difficultés de financement en raison du refus réitéré de l'Etat de l'abonder .

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le Sénat, à l'initiative notamment de la commission des finances, a décidé de doter le FNFPE à hauteur de 10 millions d'euros supplémentaires pour l'année 2011, celui-ci disposant déjà de 30 millions versés par la Cnaf. Au total, les recettes du fonds s'élevaient donc à 40 millions , mais l'Etat, par l'intermédiaire du comité de gestion, a choisi de répartir la dotation de la Cnaf sur trois années (2010, 2011 et 2012) et non sur une seule, sans lui apporter de ressources nouvelles.

Les 10 millions d'euros versés par l'Etat en 2011 ont été entièrement affectés à l'enveloppe « compensation ». Les 10 millions d'euros annuels versés par la Cnaf ont été répartis entre les deux enveloppes : 70 % pour la première et 30 % pour la seconde.

Ainsi, les départements ont reçu, au titre de la compensation, 31 millions d'euros entre 2010 et 2012 (7 millions en 2010, 17 millions en 2011 et 7 millions en 2012). Concernant la seconde enveloppe, 48 projets en faveur de la protection de l'enfance, sélectionnés dans le cadre d'un appel à projets (cf. infra ), ont bénéficié du soutien du fonds.

Depuis 2012, le FNFPE n'a plus été abondé . Le comité de gestion a décidé de maintenir en provision le reliquat de 3,1 millions d'euros.

Vos rapporteures ne peuvent que déplorer cette situation . Elles rappellent que l'aide sociale à l'enfance représente, pour les conseils généraux, un coût de 6,9 milliards d'euros chaque année. De plus, l'absence de dotation de l'Etat revient à laisser à la branche famille, déjà structurellement déficitaire, la part la plus importante dans l'abondement du fonds.


Actions en faveur de la protection de l'enfance financées par le fonds

En 2010, le comité de gestion a lancé un appel à projets pour la période 2011-2013 , doté de 6 millions d'euros, s'adressant aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux associations.

Cet appel à projets visait à soutenir, sur une durée de trois ans, des actions expérimentales ou déjà existantes en faveur de la protection de l'enfance. Trois principaux axes ont été privilégiés :

- la protection des enfants vivant dans la précarité économique, le but étant de promouvoir le développement de ces enfants en prévenant les risques liés à leur santé ;

- l'accompagnement des familles, dans l'objectif de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives ;

- la prise en charge des publics spécifiques afin d'offrir une prise en charge adaptée aux enfants et adolescents rencontrant des difficultés multiples et d'accompagner vers l'autonomie les jeunes sortant du dispositif de protection de l'enfance.

La majorité des 48 projets retenus seront terminés à la fin 2014 (15 ont pris fin en 2013). Ils feront ensuite l'objet d'une évaluation en 2014 et 2015, laquelle permettra de valoriser et diffuser des actions innovantes en matière de protection de l'enfance.

II. RENDRE LE DISPOSITIF DE PROTECTION DE L'ENFANCE PLUS EFFICACE

De l'avis général, la loi de 2007 a permis au dispositif de protection de l'enfance de gagner en lisibilité et en efficacité. Mais certaines améliorations permettraient de le rendre plus optimal à tous les stades : prévention, repérage, prise en charge.

1. Mieux prévenir
a) La prévention : un volet insuffisamment mis en oeuvre
(1) Un accent majeur de la loi de 2007

La loi de 2007 a entendu faire de la prévention l'un des axes forts de la protection de l'enfance. L'objectif recherché est d'éviter le développement des situations à risque, ou tout du moins, de limiter l'aggravation de ces situations.

Apport unanimement salué, cet accent mis sur la prévention se traduit dans la loi par le renforcement de quatre dispositifs de prévention primaire intervenant en direction des parents et des enfants à des moments jugés clefs de leur évolution.

Prévue à l'article L. 2112-2 du code de la santé publique (CSP), l'action préventive menée auprès des parents comprend :

- la réalisation, au cours du quatrième mois de grossesse, d'un « entretien systématique psychosocial »  pouvant déboucher si nécessaire sur un accompagnement spécifique visant à prévenir les troubles de la future relation parent-enfant ;

- une action médico-sociale post-natale réalisée à la demande des parents ou avec l'accord de ceux-ci, à la maternité ou à domicile , en liaison avec le médecin traitant ou les services hospitaliers, en particulier dans les jours qui suivent le retour à domicile ou lors de consultations. Cette action est menée par les travailleurs sociaux et médico-sociaux des départements, des communes ou des associations.

Deux séries d'actions de prévention médicale et médico-sociale sont également instituées pour les enfants et les adolescents :

- pour les enfants de moins de six ans, des consultations assurées par le service de la protection maternelle et infantile (PMI), comprenant en particulier l'établissement d'un bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans (article L. 2112-2 du CSP) ;

- pour tous les enfants au cours de leurs sixième, neuvième, douzième et quinzième années, une visite médicale obligatoire dans le cadre de la scolarité , visant à établir un bilan de leur état de santé physique et psychologique (article L. 541-1 du code de l'éducation dans sa version en vigueur antérieure au 10 juillet 2013).

Professionnels de la PMI et de la santé scolaire sont ainsi appelés à identifier le plus tôt possible, dans une approche pluridisciplinaire, les signes de souffrance physique et/ou psychique qui peuvent apparaître chez les enfants nécessitant une mesure de protection et, dès lors, à contribuer à la mise en place d'une prise en charge adaptée.

Malgré l'importance capitale que lui a conféré la loi, l'approfondissement du volet « prévention » de la protection de l'enfance n'a pu véritablement être suivi d'effet en pratique, faute de moyens et d'une véritable vision partagée de ce que doit être l'accompagnement à la parentalité.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteures en appellent à une réactivation des missions de la PMI, à une redéfinition de la santé scolaire et, de façon plus générale, à un renforcement de la formation de l'ensemble des acteurs de la prévention.

(2) Réactiver les missions de la protection maternelle et infantile

La réforme de 2007 a renforcé la compétence médico-sociale du service départemental de la PMI reconnu comme un acteur majeur de la protection de l'enfance.

Créée par l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour permettre la protection généralisée de toute une population (femmes enceintes, jeunes mères venant d'accoucher, jeunes enfants) et instaurer les visites pré- et postnatales, la surveillance des enfants et l'éducation des mères, la PMI relève de la compétence de principe des conseils généraux depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1986. Placé sous la responsabilité du président du conseil général, le service de PMI est dirigé par un médecin inspecteur départemental et comprend des médecins, des sages-femmes, des puéricultrices, des infirmières, des conseillères conjugales et familiales ainsi que des psychologues.

La PMI a été consolidée par la loi de 1989 relative à la promotion et la protection de la santé de la famille et de l'enfance 42 ( * ) qui rappelle que l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent à la protection et à la promotion de la santé maternelle et infantile comprenant notamment :

- des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d'éducation pour la santé en faveur des futurs parents et des enfants ;

- des actions de prévention et de dépistage des handicaps des enfants de moins de six ans ainsi que de conseil aux familles pour la prise en charge de ces handicaps ;

- la surveillance et le contrôle des établissements et service d'accueil des enfants de moins de 6 ans ainsi que des assistants maternels.

La loi prévoit que les services et consultations de santé maternelle et infantile, les activités de protection de la santé maternelle et infantile à domicile ainsi que la formation et l'agrément des assistants maternels relèvent de la compétence du département qui en assume, dans certaines conditions, l'organisation et le financement.

Enfin, elle charge les services de la PMI, de participer aux actions de prévention des mauvais traitements et de prise en charge des mineurs maltraités.

Les missions de la PMI, qui étaient surtout centrées, dans l'immédiat après-guerre, sur la réduction de la morbidité infantile, ont ainsi été progressivement étendues pour inclure la périnatalité au sens large. Celle-ci comprend non seulement le suivi des grossesses mais aussi l'accompagnement de la parentalité, ainsi que la prévention et le signalement et l'accompagnement des enfants « en danger ». Ces missions se caractérisent donc aujourd'hui par une grande diversité.

En pratique cependant, compte tenu de la situation critique qu'ils traversent depuis maintenant plusieurs années, les services de PMI peinent à remplir le rôle que leur attribue la loi en matière de protection de l'enfance .

La PMI est en effet très affaiblie par un manque patent de ressources humaines (médecins, puéricultrices, sages-femmes) et de moyens financiers . Les conditions de travail et de rémunération des médecins de PMI en font un métier relativement peu plébiscité et de nombreux postes restent vacants. Plusieurs départements ont ainsi alerté vos rapporteures sur la situation très difficile de la PMI sur leur territoire.

Malheureusement, ce constat est loin d'être nouveau. Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes réitérait en effet le constat établi six ans auparavant sur la couverture très inégale du territoire en services de PMI et insistait déjà sur « le besoin d'une réaffirmation du rôle et des missions des services de protection maternelle et infantile (PMI) dépendant des départements » 43 ( * ) .

Bien que les textes aient prévu l'exigence de qualifications diverses et pluridisciplinaires, voire défini des quotas minimaux pour certaines professions médicales et paramédicales ainsi que pour certaines activités, les normes arrêtées en 1992 44 ( * ) pour encadrer l'organisation des services de PMI et leur fixer des niveaux minimaux d'activité et de moyens sont très inégalement respectées.

La Cour constate en outre, qu' « en l'absence de norme pour les médecins, les disparités sont importantes : on compte 66 médecins (en ETP) pour 100 000 naissances dans le Finistère contre 980 en Seine-Saint-Denis, soit un rapport de 1 à 15 » 45 ( * ) .

Dans ces conditions, les services de PMI ne sont pas réellement en capacité de mener une action préventive de long terme. Comme l'ont indiqué plusieurs départements, les difficultés auxquelles ils font face pour recruter médecins et puéricultrices de PMI ainsi que pour faire appel à des spécialités telles que la pédopsychiatrie ne leur permettent pas d'assurer une couverture optimale des besoins et les contraint à axer leurs missions sur la gestion des urgences. La mission de prévention de la PMI, alors même qu'elle était entendue comme un axe phare de la loi de 2007, est passée au second plan.

Allongement des délais de rendez-vous, fragilisation du suivi des enfants après deux ans, baisse du nombre de visites à domicile pré- et post-natales, suppression de nombreuses consultations pour les nourrissons et les femmes enceintes ou encore réorganisation de centres de planification ou d'éducation familiale (CPEF) sont autant de conséquences regrettables. Les missions d'orientation sont également rendues difficiles par la pénurie de médecins et de certaines spécialités comme l'orthophonie.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que la médecine de ville et les hôpitaux ne sont pas en mesure de se substituer aux carences de la PMI et que le contexte de plus grande précarité sociale, d'évolution des structures familiales et d'isolement croissant de nombreux foyers nécessiterait des moyens d'actions accrus.

En outre, comme le relevait la Cour des comptes, il existe une certaine tension entre une législation nationale très précise (loi de 1989 assortie des décrets de 1992) et un cadre d'application décentralisée, tandis qu'aucune politique nationale incitative ou régulatrice n'a vu le jour pour faire face aux insuffisances relevées et pour réguler les orientations de PMI et leur mise en oeuvre.

Or, vos rapporteures sont convaincues que la PMI dispose d'atouts considérables et reconnus qui devraient lui permettre de jouer pleinement son rôle de digue et d'accompagnement social face aux situations de danger les plus graves . Ainsi que le relevait notamment l'inspection des affaires sociales (Igas) en 2006 46 ( * ) , les services de PMI présentent l'avantage d'un bon ancrage local permettant une accessibilité géographique, financière et culturelle, ainsi que d'une démarche de prise en charge globale à la charnière du sanitaire et du social, de l'individuel et du collectif, du préventif et de l'éducatif.

Il apparaît donc aujourd'hui plus que nécessaire de remobiliser les missions de la PMI dans le cadre d'une impulsion donnée au niveau national en réaffirmant leur rôle central en matière de protection de l'enfance et de prévention des situations de danger .

Afin de lutter contre la « désertification » des services de PMI, vos rapporteures s'associent pleinement à la recommandation réitérée de la Cour des comptes qui appelle à « mobiliser l'action des services départementaux de PMI autour d'objectifs précis fixés par l'Etat tenant compte des caractéristiques de chaque territoire » 47 ( * ) .

Elles jugent également urgent de renforcer l'attractivité des services de PMI par la mise en oeuvre d'un plan national d'adaptation de la démographie des professions de santé intervenant en PMI .

Dans ce cadre, l'entretien au quatrième mois de grossesse doit pouvoir être rendu effectif sur l'ensemble du territoire. Cet entretien doit, dans tous les cas où cela est possible, associer le père. Vos rapporteures estiment qu'il serait en outre utile de supprimer sa qualification de « psychosocial ». Ce qualificatif est en effet susceptible de revêtir un caractère potentiellement désincitatif s'il est vécu comme stigmatisant.

Enfin, comme le préconisent certains départements, il serait utile de rendre systématique la proposition de visites à domicile de professionnels de la PMI au retour de la maternité.

Proposition n° 9 : réaffirmer le rôle central de la PMI par la définition d'une stratégie nationale tenant compte des caractéristiques de chaque territoire.

Proposition n° 10 : renforcer l'attractivité des services de PMI par la mise en oeuvre d'un plan d'adaptation de la démographie des professionnels de la PMI (formations initiale et continue, reconnaissance des diplômes, recrutements, statuts et conditions de rémunérations).

Proposition n° 11 : rendre effectif l'entretien au quatrième mois de grossesse, y associer le père lorsque cela est possible et lui retirer sa qualification de « psychosocial ».

Proposition n° 12 : systématiser les propositions de visites à domicile de professionnels de la PMI au retour de la maternité.

(3) Redonner pleinement son rôle à la santé scolaire

Eu égard à leur proximité avec les élèves, les services de santé scolaire ont un rôle de premier plan à jouer dans la protection de l'enfance.

C'est pourquoi la loi de 2007 prévoyait quatre visites médicales obligatoires (à raison d'une tous les trois ans à compter de l'âge de six ans), permettant la réalisation d'un bilan de santé physique et psychologique des élèves.

La visite de la sixième année revêt une importance toute particulière car elle doit comprendre « un dépistage des troubles spécifiques du langage et de l'apprentissage ». Il est précisé que « les médecins de l'éducation nationale travaillent en lien avec l'équipe éducative, les professionnels de santé et les parents, afin que, pour chaque enfant, une prise en charge et un suivi adaptés soient réalisés suite à ces visites » (article L. 541-1 du code de l'éducation).

Force est cependant de constater que la santé scolaire reste le parent pauvre de la protection de l'enfance .

La loi de 2007 prévoyait un délai de mise en oeuvre de six ans pour les nouvelles visites médicales prévues à la 9 e , 12 e et 15 e années, si bien que tous les enfants de ces classes d'âge devraient pouvoir en bénéficier aujourd'hui, que cette visite soit assurée par les services de santé scolaire ou par le médecin traitant.

En pratique, les visites médicales obligatoires à 6, 9, 12 et 15 ans n'ont pas été systématiquement mises en oeuvre faute de moyens . Il semble en outre que la protection de l'enfance soit un sujet encore difficile à aborder à l'école et par les équipes éducatives.

Selon les informations communiquées à vos rapporteures par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGSCO), le taux de réalisation du bilan de santé effectué au cours de la sixième année de l'enfant progresse régulièrement mais des progrès restent possibles. Ce taux s'établissait à 79,8 % pour l'année 2012 48 ( * ) . La DGSCO souligne en outre l'existence de fortes disparités selon les académies qui coïncident avec les zones caractérisées par un déficit des professions médicales.

En revanche, comme l'indique la DGSCO elle-même, les bilans prévus à 9, 12 et 15 ans n'ont pas été généralisés .

La médecine scolaire, qui concerne environ 12 millions d'élèves et fait appel à 1 500 médecins et 7 500 infirmiers de l'éducation nationale, se trouve, il est vrai, dans une situation assez dégradée. Le diagnostic établi par la Cour des comptes au terme d'une investigation menée en 2011 visant à évaluer les objectifs, les moyens, l'organisation et les résultats de cette politique publique est sans appel 49 ( * ) . La Cour critique :

- une multiplication progressive, au cours des dernières années, des missions de la médecine scolaire, aboutissant à une dilution de sa vocation première et de ses responsabilités ;

- un manque d'attractivité important des métiers (faible mobilité, conditions matérielles de travail insatisfaisantes, manque de reconnaissance) et une mauvaise répartition des moyens, aggravée par les perspectives démographiques préoccupantes des professions médicales ;

- une gouvernance qui laisse à désirer, le pilotage national faisant défaut et les acteurs de terrain étant mal coordonnés ;

- un suivi et une évaluation des effets de la médecine scolaire qui sont quasi-inexistants.

Pour tirer les conséquences de cette réalité, la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République 50 ( * ) a modifié l'article L. 541-1 du code de l'éducation concernant les bilans de santé pour en réviser le calendrier pluriannuel. Si le bilan de la sixième année est maintenu, elle prévoit pour les autres âges un texte réglementaire fixant la périodicité et le contenu des visites. Selon les indications de la DGSCO, eu égard aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), il a été arrêté qu'à la visite de la sixième année s'ajouterait un bilan lors de la douzième année ; le texte serait en cours de rédaction.

Vos rapporteures regrettent que les ambitions de la loi de 2007 n'aient pu recevoir une pleine concrétisation. Dans le contexte des dernières évolutions apportées à la programmation des bilans de santé scolaire, elles estiment nécessaire de réaffirmer avec vigueur les priorités de la santé scolaire au cours de la petite enfance. Elles se félicitent à cet égard de la consolidation apportée à la visite de la sixième année et seront particulièrement vigilantes aux suites réglementaires qui seront données à l'article L. 541-1 susvisé.

Proposition n° 13 : réaffirmer les priorités de la santé scolaire par la systématisation des visites médicales au cours de la petite enfance (maternelle et primaire) permettant d'identifier le plus tôt possible les situations à risque.

b) Rendre effective la formation des professionnels concernés
(1) La formation des professionnels de la protection de l'enfance : une obligation consacrée par la loi de 2007

La loi de 2007 prévoit à son article 25 une obligation générale de formation initiale et continue visant l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance.

Une formation initiale et continue obligatoire
qui s'adresse à tous les intervenants en protection de l'enfance

Le code de l'éducation prévoit une obligation de formation initiale et continue pour les différents acteurs de la protection de l'enfance. Afin de favoriser une culture partagée, cette formation doit leur être en partie commune.

L'article L. 542-1 du code de l'éducation dispose en effet que :

« Les médecins, l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions , dans le domaine de la protection de l'enfance en danger. Cette formation comporte un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l'encontre des mineurs et leurs effets. Cette formation est dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire. »

Cette obligation légale est détaillée à l'article D. 542-1 du code de l'éducation qui :

- dispose que la formation initiale doit porter sur « l'évolution et la mise en perspective de la politique de protection de l'enfance », « la connaissance du dispositif de protection de l'enfance, de la prévention à la prise en charge, en particulier celle de son cadre juridique, de son organisation et de ses acteurs, de ses stratégies et de ses types d'interventions, ainsi que des partenariats auxquels il donne lieu », « la connaissance de l'enfant et des situations familiales » et « le positionnement professionnel, en particulier en matière d'éthique, de responsabilité, de secret professionnel et de partage d'informations » ;

- précise que la « formation continue a plus particulièrement pour objectifs la sensibilisation au repérage de signaux d'alerte » et « la connaissance du fonctionnement des dispositifs départementaux » ;

- prévoit que « la formation initiale et continue est organisée pour partie dans le cadre de sessions partagées réunissant » , s'agissant de la formation initiale, « les étudiants au plan national, interrégional, régional ou départemental » et, en ce qui concerne la formation continue, « les différents professionnels intervenant notamment sur un même territoire, afin de favoriser leurs connaissances mutuelles, leur coordination et la mise en oeuvre de la protection de l'enfance sur le territoire concerné ». Le contenu et les modalités d'organisation de ces sessions sont précisés par convention entre les organismes et services concernés.

(2) Une obligation insuffisamment mise en oeuvre

Malgré cet ancrage législatif et réglementaire, le bilan de la formation des professionnels de la protection de l'enfance est globalement limité et les objectifs assignés ne sont pas remplis.

Les informations communiquées à vos rapporteures tant au cours des auditions qu'en réponse aux questionnaires adressés aux conseils généraux convergent sur un même constat d'insuffisance : la formation en protection de l'enfance n'est pas suffisamment en prise avec les enjeux soulevés par celle-ci et généralement trop lacunaire.

S'agissant des travailleurs sociaux , les diverses observations recueillies peuvent se résumer en six points :

- de façon générale, une connaissance très imparfaite des enjeux et du contenu de la loi de 2007 ;

- un fossé entre les apprentissages théoriques et la pratique, les travailleurs sociaux n'étant finalement pas suffisamment armés sur le terrain pour faire face aux réalités de plus en plus complexes de la protection de l'enfance ;

- une formation initiale trop axée sur la méthodologie de projet et pas assez sur l'analyse des situations ;

- la nécessité de recentrer la formation initiale sur la relation éducative, l'accompagnement des familles et sur le « faire avec » l'enfant ;

- dans certains cas, une formation insuffisante aux écrits qui n'apparaissent pas assez structurés et précis, notamment en ce qui concerne les rapports aux magistrats et les changements de statuts ;

- une formation continue globalement insuffisante, s'agissant en particulier des aspects juridiques liés à l'évolution de la législation.

En ce qui concerne la formation des jeunes médecins , un enseignement théorique a été mis en place mais il comporte un nombre d'heures généralement très faible et très variable d'une faculté de médecine à l'autre.

Comme l'indique Céline Gréco dans sa thèse pour le doctorat en médecine, « en ce qui concerne les « épreuves classantes nationales », parmi les 335 sujets répartis en 11 modules, un seul, inclus dans le module « Maltraitance et enfant en danger. Protection maternelle et infantile ». Ce module est en général traité en une heure dans la plupart des facultés » 51 ( * ) . La réalité de cette formation dépend en outre très largement de la sensibilité et de l'implication du corps enseignant.

La connaissance mutuelle des différents acteurs de la protection de l'enfance à travers des sessions de formations partagées n'est, elle non plus, pas assez développée.

Pourtant, la formation constitue un levier central pour l'amélioration des pratiques qu'il s'agisse du repérage des situations à risque, de leur évaluation ou de la prise en charge des enfants. Vos rapporteures estiment qu'il s'agit de la première des préventions.

Un effort supplémentaire leur apparaît donc indispensable tant dans le domaine de la formation initiale que de la formation continue afin que les professionnels puissent s'appuyer sur des connaissances partagées et actualisées le plus souvent possible.

En matière de formation initiale , il conviendrait tout d'abord d'introduire dans les facultés de médecine une obligation de formation générale et renforcée à la protection de l'enfance, qui soit d'un volume horaire suffisant.

Parallèlement, comme l'a souligné un représentant du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) auditionné par vos rapporteures, les étudiants devraient davantage être encouragés à effectuer des stages chez les praticiens, dans le cadre de « compagnonnages », la mise en situation en milieu professionnel étant un complément indispensable à la formation théorique. A l'heure actuelle, cette pratique demeure trop peu développée du fait de contingences matérielles (manque de temps disponible des praticiens en libéral pour l'accueil d'externes en médecine et faible indemnisation des étudiants).

Enfin, la diversité des matières mobilisées pour l'exercice des missions de protection de l'enfance plaide pour le développement effectif - qui constitue une obligation du code de l'éducation - et le plus tôt possible, des rencontres interdisciplinaires dans les formations initiales de tous les professionnels (médecins, magistrats, travailleurs sociaux, corps enseignant, etc.). Le décloisonnement doit permettre une mise en synergie des compétences professionnelles de manière à assurer la réalisation d'action de prévention non seulement variées mais également et surtout bien articulées.

Les possibilités offertes en matière de formation continue doivent également être élargies.

A cet égard, certains conseils généraux ont suggéré à vos rapporteures d'accroître le rôle dévolu aux ODPE dans la formation et l'évolution des pratiques professionnelles. Cette suggestion rejoint la proposition formulée par le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 52 ( * ) qui consisterait, pour accompagner les pratiques au fil de l'eau, à confier à ces observatoires une double mission :

- la réalisation d'un bilan annuel des formations délivrées dans le département ;

- l'élaboration d'un plan pluriannuel des besoins en formation des professionnels intervenant dans le champ de la protection de l'enfance.

Vos rapporteures accueillent très favorablement cette proposition dont elles souhaitent se faire l'écho. Cette fonction complémentaire assignée aux observatoires départementaux s'inscrit bien dans le cadre des missions qui leur sont déjà dévolues en matière d'évaluation de la politique de protection de l'enfance dans les départements et de proposition d'améliorations.

En outre, vos rapporteures estiment qu'il serait souhaitable que les modules de formation continue actuellement dispensés aux cadres de la protection de l'enfance (attachés ou conseillers sociaux éducatifs) dans les instituts nationaux spécialisés d'études territoriales (Inset) sous l'égide du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) puissent également être proposés, avec les adaptations nécessaires, aux travailleurs sociaux (droit de la famille et de l'enfant, évaluation des situations familiales, PPE, participation des parents et de la famille) 53 ( * ) .

Enfin, pour prendre en compte les nouveaux visages de la protection de l'enfance, une réflexion pourrait être menée sur la possibilité de faciliter l'accès des professionnels concernés à certaines formations universitaires, comme par exemple le diplôme universitaire en psychopathologie de l'adolescence, ou des formations plus spécifiques concernant par exemple la prise en charge des jeunes atteints de troubles du comportement au sens large (troubles du développement et de la personnalité).

Proposition n° 14 : introduire dans les facultés de médecine un enseignement obligatoire consacré à la protection de l'enfance d'une amplitude horaire proportionnée à l'importance des enjeux soulevés par la protection de l'enfance.

Proposition n° 15 : développer pour les externes en médecine les stages professionnels chez les praticiens dans le cadre de « compagnonnages ».

Proposition n° 16 : rendre effectives les sessions de formation partagées (interdisciplinaires) par la signature et la mise en oeuvre des conventions prévues à cet effet à l'article D. 542-1 du code de l'éducation.

Proposition n° 17 : confier aux ODPE la double mission de réaliser un bilan annuel des formations délivrées dans le département et d'élaborer un plan pluriannuel des besoins en formation des professionnels intervenant dans le champ de la protection de l'enfance.

Proposition n° 18 : prévoir pour les travailleurs sociaux des cycles de formation continue organisés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui pour les cadres de la protection de l'enfance.

2. Mieux repérer
a) Le dispositif départemental de repérage du danger : une avancée majeure de la loi de 2007

La loi de 2007 a réformé le repérage des enfants en danger ou en risque de l'être par la mise en place d'un dispositif de recueil, de traitement et d'évaluation des informations sur les situations préoccupantes, piloté par une nouvelle instance départementale, la Crip .

L'objectif était de clarifier l'entrée dans la protection de l'enfance et d'éviter l'engorgement des parquets qui, en pratique, pouvaient être saisis dès lors qu'une inquiétude existait sur la situation d'un enfant et sans même qu'une première évaluation n'ait été menée. Il s'agissait aussi, par la création des Crip, de centraliser le recueil des IP et d'organiser un circuit unique, facilement repérable par l'ensemble des acteurs.

Conséquence de ce nouveau cadre, le secret professionnel a été aménagé pour permettre aux professionnels participant au dispositif d'échanger entre eux les informations nécessaires à l'évaluation d'une situation de danger et à la mise en oeuvre d'actions de prise en charge.

Figure n° 1 : Schéma de recueil, de traitement et d'évaluation des informations concernant des mineurs en danger ou risquant de l'être

Source : Oned - Guide pratique Protection de l'enfance - La cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes

Il est unanimement reconnu que cette nouvelle organisation, plus rationnelle, a permis d'améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de l'être : des situations, qui seraient restées inconnues des services de l'ASE dans le système précédent, sont désormais traitées et évaluées.

Pour autant, des marges de progression existent afin de rendre le dispositif plus performant.

b) La très faible participation du secteur médical au repérage du danger

Les professionnels de santé, plus particulièrement les médecins (médecins généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, etc.), sont un maillon essentiel de la protection de l'enfance : tous les enfants sont, un jour ou l'autre, examinés par un médecin, que celui-ci exerce en secteur libéral ou en service hospitalier. Aussi, les médecins sont-ils les acteurs de proximité les plus à même de détecter les signes évocateurs des différents types de maltraitance.

Or les chiffres relatifs aux IP transmises aux Crip, issus des réponses au questionnaire adressé aux conseils généraux, témoignent de la très faible part que représente le secteur médical (hôpital, médecine de ville) dans les sources émettrices . Celui-ci arrive quasi-systématiquement derrière tous les autres acteurs (éducation nationale, autorité judiciaire, établissement médico-social, association, membre de la famille, source anonyme...). Il en va de même s'agissant des signalements au parquet 54 ( * ) . Ce constat a été corroboré par de très nombreuses personnes auditionnées, y compris par les représentants des médecins eux-mêmes (Cnom).

Plusieurs freins expliquent cette faible participation du corps médical au dispositif de transmission des informations préoccupantes et de signalement : le manque de formation initiale aux problématiques de l'enfance en danger (cf. II. 1. b .), une méconnaissance des procédures mises en place à l'échelle du département, un certain isolement professionnel (pour les médecins libéraux), la crainte des poursuites judiciaires (pour dénonciation calomnieuse notamment).

L'amélioration du repérage par le médecin est donc un enjeu crucial pour l'efficacité du dispositif : plus l'enfant en danger ou maltraité sera pris en charge précocement, moins les répercussions sur sa santé physique, son développement psychique et son bien-être psychosocial seront importantes. Les efforts doivent être portés à la fois sur le secteur hospitalier et sur la médecine de ville .

(1) Faciliter le repérage des enfants en danger à l'hôpital

S'appuyant sur un travail réalisé en 2006 aux urgences pédiatriques du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 55 ( * ) constate que « les urgences sont un lieu de passage privilégié et parfois l'unique lieu de soins des victimes de maltraitance ». Les statistiques montrent en effet que les enfants maltraités consultent avec une plus grande fréquence les services d'urgence (spécialisés en pédiatrie ou pas) que les autres enfants et, plus particulièrement, pour des traumatismes crâniens ou des fractures.

Cependant, le repérage des situations de danger ou de maltraitance s'y avère souvent difficile car il nécessite « des connaissances spécifiques peu ou pas enseignées aux urgentistes (aspects épidémiologiques, démarche diagnostique, aspects légaux de la maltraitance) » et « une étroite collaboration entre toutes les personnes ressources » (urgentistes, pédiatres hospitaliers et libéraux, médecins généralistes, médecins de PMI, médecins scolaires, etc.) qui fait souvent défaut. Le groupe de travail en conclut que « l'objectif n'est pas tant de diagnostiquer avec certitude les cas de maltraitance, que de savoir évoquer cette hypothèse au travers d'un faisceau d'arguments afin d'activer le réseau d'évaluation multidisciplinaire existant » .

Afin qu'une vigilance accrue soit apportée aux mineurs effectuant des passages fréquents aux services d'urgence ou aux consultations médicales hospitalières, le groupe de travail formule plusieurs préconisations, dont certaines ont retenu l'attention de vos rapporteures :

Proposition n° 19 : mettre en place un outil informatique dédié à l'accueil des urgences permettant l'analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue par les infirmières d'accueil et les médecins urgentistes.

Proposition n° 20 : prévoir une formation spécifique aux problématiques de la protection de l'enfance à destination des professionnels des services des urgences.

(2) Impliquer davantage les médecins libéraux dans le dispositif de repérage

Bien qu'étant en première ligne, le secteur libéral est encore moins pourvoyeur d'IP ou de signalements que le secteur hospitalier. Les médecins libéraux travaillent souvent seuls, méconnaissant pour beaucoup le dispositif issu de la loi de 2007 et ayant parfois une vision erronée des exigences légales et réglementaires relatives au partage du secret professionnel. En outre, les liens entre les services départementaux de protection de l'enfance et les professionnels de santé libéraux peinent à se développer, alors que certaines initiatives ont vu le jour avec des établissements de santé.

L'amélioration du repérage et l'augmentation du nombre d'IP transmises par les médecins libéraux dépendent tout d'abord du niveau de connaissance et du degré de pratique professionnelle qu'ils ont acquis en protection de l'enfance 56 ( * ) . Comme cela a été évoqué précédemment (cf. II. 1. b .), il est indispensable de renforcer la formation initiale puis continue des médecins sur cette problématique.

Une plus grande implication de ces professionnels nécessite ensuite d' encourager des échanges réguliers avec les autres acteurs de la protection de l'enfance , au premier rang desquels les services du conseil général (Crip et/ou leurs structures territorialisées). Il semble, par exemple, indispensable que les médecins, via leur ordre départemental, soient partie prenante aux protocoles départementaux relatifs au dispositif de recueil, de traitement et d'évaluation des IP (cf. I. 3. b) ). D'une manière générale, les conseils départementaux de l'ordre des médecins ont un rôle important à jouer pour développer les partenariats et le travail en réseau.

Formulée par le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », une autre piste de réforme consisterait à désigner, dans chaque service départemental de PMI, un médecin référent « protection de l'enfance » chargé d'établir des liens (annuaire téléphonique et courriels, points réguliers sur les situations difficiles, réunions de sensibilisation et de formation sur l'enfance en danger, etc.) avec l'ensemble des médecins généralistes et des pédiatres du département, ainsi qu'avec les médecins de santé scolaire . La désignation de ce médecin référent permettrait à la fois de rompre avec l'isolement du médecin exerçant en secteur libéral et d'améliorer la coopération entre les professionnels de santé, dans l'objectif d'une prise en charge plus précoce et mieux coordonnée des enfants en danger. Vos rapporteures s'associent pleinement à cette proposition, tout en insistant sur la nécessité d'inclure dans ce travail en réseau les praticiens hospitaliers prenant en charge des enfants.

Proposition n° 21 : désigner, dans chaque service départemental de PMI, un médecin référent « protection de l'enfance » chargé d'établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux (PMI, ASE), les médecins libéraux du département (plus particulièrement les médecins généralistes et les pédiatres), les médecins de santé scolaire, et les praticiens hospitaliers s'occupant d'enfants (urgentistes, pédiatres).

c) Les cellules de recueil des informations préoccupantes : un dispositif innovant, dont le fonctionnement peut encore être amélioré

Principale innovation de la loi de 2007, la Crip joue désormais un rôle pivot dans le dispositif de protection de l'enfance. Elle constitue l'interface entre les services du département (ASE, PMI) et l'ensemble des partenaires impliqués dans cette politique (autorité judiciaire, éducation nationale, police, gendarmerie, service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, hôpitaux, médecins, associations, etc.).

Que la Crip ait opté pour une organisation centralisée ou territorialisée (cf. I. 2. b) ), son fonctionnement est jugé globalement satisfaisant par les départements interrogés . La plupart lui reconnaissent une vraie plus-value en termes de centralisation des données, de partage de l'information entre les professionnels, de rationalisation dans le processus d'évaluation des situations.

Néanmoins, plusieurs améliorations pourraient lui être apportées pour rendre le dispositif plus cohérent et plus efficace.

(1) Harmoniser et encourager l'approche collégiale de la procédure d'évaluation des informations préoccupantes

S'agissant de la phase d'évaluation des IP , le choix du mode d'organisation appartient bien sûr à chaque conseil général, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales. Cependant, lorsque l'évaluation est réalisée par les antennes territoriales, il existe un réel risque de disparité de traitement au sein d'un même département. Aussi, est-il indispensable qu'un cadre de référence commun, comprenant des critères d'évaluation précisément définis, soit élaboré . Dans leurs réponses au questionnaire, plusieurs conseils généraux ont souligné la nécessité d'élaborer une grille de lecture partagée permettant un traitement harmonisé des IP au niveau du département. Se pose aussi la question de savoir si un tel référentiel ne devrait pas être réalisé au niveau national pour permettre l'application de critères communs à tous les départements. Si une telle proposition peut paraître pertinente pour lutter contre les disparités interdépartementales, elle présente le risque de « rigidifier » les pratiques des conseils généraux, qui ont besoin d'une certaine souplesse pour mettre en oeuvre les procédures les plus adaptées à leur territoire.

Par ailleurs, ainsi que le recommande l'Oned dans l'un de ses guides pratiques à destination des professionnels de la protection de l'enfance 57 ( * ) , il convient d' encourager la finalisation du processus d'évaluation par une réunion de synthèse pluri-professionnelle et pluri-institutionnelle , dans le but de croiser les points de vue des différentes personnes ressources et de faciliter la prise de décision. La Mayenne, par exemple, a mis en place une instance pluridisciplinaire chargée d'examiner les situations les plus complexes, où siègent l'ensemble des professionnels concernés. A l'issue d'une réflexion technique collégiale, un relevé de décisions est établi et transmis à l'instance décisionnaire. Cette « bonne pratique » mériterait d'être généralisée à d'autres départements.

Proposition n° 22 : inciter les services de l'ASE à mettre en place un référentiel permettant une évaluation harmonisée des informations permanentes (IP) à l'échelle du département grâce à des critères précisément définis.

Proposition n° 23 : encourager les départements à développer le caractère pluridisciplinaire et concerté du processus d'évaluation des IP.

(2) Encadrer la prise de décision lorsque celle-ci est déconcentrée

Au terme de la procédure d'évaluation, la décision peut être prise, selon les modèles d'organisation, soit par la cellule centralisée, soit par les services déconcentrés. Le plus souvent, elle incombe à un inspecteur de l'ASE, attaché d'administration qui dispose d'une délégation de signature du président du conseil général.

Ainsi que le notait la Cour des comptes dès 2009 58 ( * ) , « le choix d'une forte déconcentration peut contribuer à limiter les délais entre l'identification d'une situation de danger et la prise de décision. Il peut cependant conduire à d'importantes différences de pratiques au sein même du département, si l'autonomie des services décisionnaires n'est pas encadrée par des directives précises » . Or de telles instructions n'existent pas toujours. Il apparaît donc indispensable de progresser dans la formalisation et l'harmonisation de la procédure de décision .

Proposition n° 24 : encadrer strictement la procédure de prise de décision concernant les informations préoccupantes lorsque celle-ci relève des services déconcentrés de la Crip.

(3) Favoriser la présence d'un médecin au sein de la cellule de recueil des informations préoccupantes

Il ressort des réponses au questionnaire adressé aux départements que les cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip) sont, dans la majorité des cas, composées de personnels administratifs et de personnels spécialisés en protection de l'enfance. La participation de professionnels médicaux, en particulier de médecins, y est peu fréquente 59 ( * ) . Ce constat a été corroboré par le conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) lors de son audition, qui y voit un facteur explicatif de la faible part du secteur médical parmi les sources émettrices d'IP. Faute d'homologue au sein de la Crip, les médecins seraient peu enclins à s'adresser à elle.

Sans systématiser une présence médicale à plein temps, il serait opportun de développer la mise en place d' une permanence médicale, assurée par le médecin de protection maternelle et infantile (PMI) référent « protection de l'enfance » (cf. supra ).

Proposition n° 25 : développer, dans chaque Crip, une permanence médicale assurée par le médecin de PMI référent « protection de l'enfance ».

(4) Garantir la continuité du service de recueil des informations préoccupantes

Afin d'assurer la continuité du dispositif de recueil des IP en dehors des heures d'ouverture de la Crip - lesquelles sont généralement alignées sur celles des autres services du conseil général -, les départements se sont organisés de façon diverse (cf. I. 2. b) ).

Il semble cependant que tous n'aient pas mis en place cette continuité du service : plusieurs professionnels auditionnés ont en effet déploré l'absence d'interlocuteur pour le recueil des IP, en particulier la nuit et le week-end. Une telle situation n'est pas admissible car elle entraîne des retards dans la prise en compte des situations de danger, dont les conséquences peuvent être très graves pour les enfants concernés. Aussi l'organisation d'un dispositif venant en relais de la Crip doit-elle être systématisée .

Proposition n° 26 : garantir, dans chaque département, la continuité du service de recueil des IP en organisant un dispositif prenant le relais de la Crip en dehors de ses heures d'ouverture.

(5) Conforter le rôle de conseil des cellules de recueil des informations préoccupantes

Outre sa fonction de recueil et de traitement des IP, la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) est amenée, de par la position centrale qu'elle occupe dans le dispositif, à jouer un rôle de conseil auprès de l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance . Il est donc important que ces derniers puissent s'adresser directement à elle pour obtenir un avis ou un conseil à propos de la situation d'un enfant, en particulier lorsque celle-ci est difficile à évaluer.

A cet égard, l'Oned recommande 60 ( * ) que chaque cellule départementale se dote d'un numéro d'appel utilisable, en cas de besoin, par les personnels de l'éducation nationale, de la santé, de la police et de la gendarmerie, des services municipaux, des associations, etc.

Proposition n° 27 : conforter le rôle d'avis et de conseil des Crip en permettant à l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance de s'adresser à elle directement (par exemple, via un numéro d'appel mis à leur disposition).

3. Mieux prendre en charge
a) Replacer l'intérêt supérieur de l'enfant au coeur du dispositif
(1) Droits de l'enfant/droits des parents : un équilibre fragile

Les structures en charge de la protection de l'enfance ont pendant très longtemps exercé leurs missions auprès de l'enfant sans associer la famille au travail éducatif mis en place. La famille était considérée comme défaillante, incompétente, toxique, responsable des troubles de l'enfant. C'est donc par la séparation et l'éloignement du milieu familial que l'évolution de l'enfant était envisagée.

Les années 1980 marquent un véritable changement de paradigme . Soutenue par des travaux de recherche 61 ( * ) et la loi « Dufoix » 62 ( * ) , une nouvelle conception de la place de la famille émerge, selon laquelle les parents sont responsables et non plus coupables et doivent dès lors être associés aux mesures de protection mises en oeuvre pour leur enfant. Cette approche, centrée sur un travail de coconstruction avec la famille, a prévalu et s'est même amplifiée jusqu'aux années 2000 , faisant dire à certains que le système de protection de l'enfance avait basculé dans « le familialisme ».

C'est dans ce contexte polémique que la réforme de 2007 s'est donné pour objectif de rétablir un certain équilibre entre la protection due à l'enfant et la place de la famille , autrement dit entre droits de l'enfant et droits des parents.

Pour la première fois, la loi introduit dans le CASF les dispositions de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant en définissant les priorités de la protection de l'enfance : « l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant » (article L. 1112-4 du CASF). Des principes forts régissent les interventions dans l'intérêt de l'enfant : l'individualisation de la prise en charge, avec l'obligation d'établir un PPE (article L. 223-1 du CASF) ; la continuité et la cohérence des actions menées pour l'enfant et sa famille (article L. 221-4 du CASF), le président du conseil général étant garant de cette continuité. En outre, la stabilité affective est visée comme l'un des besoins de l'enfant auquel la prise en charge doit répondre (article L. 222-5 du CASF).

Parallèlement, une attention particulière est portée aux droits des parents. Leur information est améliorée, tant au moment du signalement que de la prise en charge (article L. 223-5 du CASF) ; leur participation aux décisions les concernant est renforcée (article L. 223-1 du CASF) ; les règles applicables au droit de visite et d'hébergement, ainsi qu'aux modalités d'exercice de l'autorité parentale sont aménagées (article 375-7 du code civil).

(2) La persistance d'une idéologie familialiste très forte

Bien que la notion d'intérêt supérieur de l'enfant irrigue désormais tout le droit de la protection de l'enfance, les nombreuses auditions menées par vos rapporteures ont montré que le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques .

Cette conception, que certains professionnels n'hésitent pas à qualifier de dogme, s'exprime d'abord à travers les représentations sociologiques de la famille. En France, il est très difficile d'envisager un aménagement voire une rupture du lien familial biologique. Preuve en est, par exemple, l'injonction qui est souvent faite aux assistants familiaux de ne pas s'attacher aux enfants qu'ils accueillent. Or, certaines situations nécessitent assurément de libérer les enfants de la tutelle de leurs parents, lorsque celle-ci ne peut plus s'exercer dans des conditions raisonnables, est néfaste, ou ne repose sur aucun lien affectif durable.

L'idéologie familialiste imprègne ensuite les pratiques sociales. Par leur formation, les travailleurs sociaux attachent beaucoup d'importance à l'adhésion des parents, à leur accompagnement et à leurs facultés de progression. Bien sûr, cette démarche est parfaitement louable et doit être mise en oeuvre dans la majorité des situations. Mais dans certains cas, les plus difficiles (délaissement, maltraitance), elle peut être préjudiciable à l'enfant en retardant la prise de décisions, qui seraient pourtant bénéfiques à son développement (l'éloignement, par exemple).

Le dogme du lien familial perdure également au sein de l'institution judiciaire. Les condamnations de parents maltraitants (hormis les meurtres et l'inceste) sont généralement d'une moindre sévérité que si les actes incriminés avaient été perpétrés par un étranger à la famille. En outre, il est assez rare que le retrait de l'autorité parentale soit prononcé. Par exemple, un père ayant violenté la mère de ses enfants peut conserver l'autorité parentale sur ceux-ci ; un père abuseur recouvre parfois son autorité parentale au terme de sa peine.

Enfin, même la loi n'est pas exempte de référence à cette idéologie puisque la protection administrative qui, depuis 2007, prime sur la protection judiciaire, doit chercher à obtenir l'adhésion des parents, ceci parfois au risque d'un allongement des procédures préjudiciable à l'enfant. Pour autant, il serait exagéré de parler de la loi de 2007 comme d'un texte familialiste ; ce sont davantage les mentalités et les pratiques professionnelles qui restent imprégnées par « le maintien du lien familial à tout prix ».

Au final, vos rapporteures estiment fondamental que l'intérêt supérieur de l'enfant soit replacé au coeur du dispositif de protection de l'enfance . Ainsi que l'a expliqué très justement, lors de son audition, le docteur Daniel Rousseau, pédopsychiatre, « en protection de l'enfance, le principe de précaution devrait toujours bénéficier en priorité à l'enfant et non aux parents comme cela est encore trop souvent le cas » .

b) Systématiser la mise en oeuvre du projet pour l'enfant et en faire un document de prise en charge globale

Comme cela a été mentionné précédemment, les réponses au questionnaire montrent que le PPE est mis en oeuvre de manière très inégale selon les départements (cf. I. 2. b) ), constat qui a été confirmé par nombre de professionnels lors des auditions. Sept ans après la promulgation de la loi de 2007, cette situation n'est pas acceptable . L'absence ou la mise en place partielle du PPE dans certains territoires signifie en effet que des enfants ne bénéficient pas d'une prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée. Il est donc indispensable d' encourager tous les départements à élaborer, d'ici fin 2015, un « PPE-type » applicable à l'ensemble des mesures de protection .

A ces disparités territoriales s'ajoute la question de l'articulation du PPE avec d'autres outils administratifs comme le document individuel de prise en charge (DIPC) 63 ( * ) ou le livret d'accueil 64 ( * ) . Il semble en effet que la multiplication de ces documents, initialement destinés à améliorer l'information et la participation des usagers des services sociaux et médico-sociaux, nuise à la lisibilité et à l'efficacité du dispositif. Non seulement les parents, déjà fragiles socialement et/ou psychologiquement, ont du mal à s'y retrouver, mais en outre les professionnels se plaignent de démarches administratives redondantes et chronophages. Il serait donc pertinent que lorsqu'un enfant est pris en charge par un établissement ou un service social ou médico-social au titre de la protection de l'enfance, le DIPC soit intégré au PPE afin de regrouper toutes les informations concernant sa prise en charge dans un seul document . Certains établissements ont d'ores et déjà pris l'initiative d'une telle simplification.

En outre, il est fondamental que le PPE devienne un document de prise en charge globale, c'est-à-dire traitant de toutes les dimensions du développement de l'enfant (sociale, médicale, éducative, affective, etc.). Trop souvent, lorsqu'un PPE est élaboré, celui-ci s'apparente à un document administratif classique, mentionnant toutes les données relatives à l'organisation du suivi de l'enfant (situation familiale, noms des intervenants, modalités de prise en charge, objectifs fixés, délais prévus, etc.). Or, comme son nom l'indique, le « projet pour l'enfant » est bien plus qu'un simple dossier de prise en charge ; il doit être l'outil par lequel les services départementaux, en coordination avec l'ensemble des professionnels, et - lorsque la situation le permet- en collaboration avec les parents, s'interrogent sur le parcours de vie de l'enfant et mettent en place les actions nécessaires à son épanouissement .

Enfin, il serait intéressant de développer la pratique consistant à désigner, pour chaque PPE signé, un référent ASE exclusivement chargé de son suivi et de son évaluation . Rappelons, en effet, qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 223-1 du CASF, il revient au président du conseil général d' « assurer le suivi et, dans la mesure du possible, la continuité des interventions mises en oeuvre pour un enfant et sa famille au titre de la protection de l'enfance ». Le département de la Loire-Atlantique, où vos rapporteures se sont rendues, a ainsi décidé de spécialiser certains travailleurs sociaux de son service d'aide sociale à l'enfance (« TS ASE ») dans le « portage » des PPE. Ceux-ci ont pour mission exclusive d'organiser les modalités de suivi et d'évaluation du projet, d'articuler les interventions des différents professionnels, et de proposer, le cas échéant, des aménagements au projet initial.

Proposition n° 28 : encourager tous les départements à élaborer, d'ici fin 2015, un « projet-type pour l'enfant » applicable à l'ensemble des mesures de protection.

Proposition n° 29 : lorsqu'un enfant est pris en charge par un établissement ou un service social ou médico-social au titre de la protection de l'enfance, intégrer le document individuel de prise en charge (DIPC) au projet pour l'enfant (PPE) afin de regrouper toutes les informations concernant sa prise en charge dans un seul document.

Proposition n° 30 : faire du PPE un outil au service d'une prise en charge globale de l'enfant, c'est-à-dire traitant de toutes les dimensions de son développement (sociale, médicale, éducative, affective, etc.), et d'une approche en termes de « parcours de vie ».

Proposition n° 31 : développer la pratique consistant à désigner, pour chaque PPE signé, un référent ASE exclusivement chargé de son suivi et de son évaluation.

c) Garantir la prise en charge psychique des enfants faisant l'objet d'une mesure de protection

Le suivi psychique (psychologique ou psychiatrique) des enfants faisant l'objet d'une mesure de protection est un élément central de leur prise en charge. Dans la très grande majorité des cas, en effet, ces enfants ont subi des traumatismes qui, en fonction de leur degré de gravité, affectent plus ou moins fortement leur développement psychique à court et à long terme. Seuls des soins adaptés et prolongés, prodigués le plus tôt possible, peuvent permettre de limiter le risque de séquelles .

La santé mentale des enfants protégés est un enjeu d'autant plus important que, de l'avis de nombreux professionnels auditionnés, l'ASE accueille de plus en plus d'enfants ou de jeunes adultes présentant des troubles du comportement ou de structuration de la personnalité.

Or force est de constater que l'offre de soins en pédopsychiatrie - comme d'ailleurs en psychiatrie adulte - ne permet pas aujourd'hui d'apporter une réponse satisfaisante aux besoins de ces enfants et de ces jeunes . Même si d'importantes disparités territoriales existent dans ce secteur également, le constat global est celui d'une démographie médicale déclinante, de délais d'attente excessifs pour une prise en charge en ambulatoire, d'un manque de places en hospitalisation et en établissements spécialisés (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques - ITEP- et instituts médico-éducatifs - IME-).

Plusieurs départements ayant répondu au questionnaire estiment en outre que l'ASE, en accueillant des enfants aux profils de plus en plus complexes, qui relèveraient davantage d'une prise en charge sanitaire psychiatrique, est devenue « la variable d'ajustement de la pédopsychiatrie » .

Aussi, vos rapporteures souhaitent-elles alerter sur les difficultés de la pédopsychiatrie française qui ne sont pas sans rejaillir sur le système de protection de l'enfance .

III. SÉCURISER LE PARCOURS DE L'ENFANT PROTÉGÉ

Conformément au principe énoncé à l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant et à l'article 375-2 du code civil, le système français de protection de l'enfance repose sur l'idée que la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant doit être assurée, avant tout, au sein de sa famille. L'éloignement du milieu familial n'est envisagé qu'en dernier recours. Priorité est donc donnée à la politique de soutien à la parentalité, qui consiste à « aider les parents à être parents ». Cette démarche suppose de rechercher leur adhésion et de les impliquer dans la mise en oeuvre des dispositifs.

Malgré les différentes aides qui peuvent leur être apportées, certaines familles, pour des raisons diverses, ne sont pas ou plus en mesure d'assurer le développement et l'éducation de leurs enfants dans des conditions favorables. D'autres, à l'origine de faits pénalement répréhensibles, sont de facto considérées comme nocives. Les enfants concernés par ces situations sont alors placés à l'ASE pendant une période généralement longue, qui peut durer jusqu'à leur majorité.

La prise en charge de ces enfants se heurte aujourd'hui à deux problèmes majeurs : la trop grande instabilité de leur parcours , qui se caractérise par des changements fréquents de familles d'accueil ou d'établissements, et l'absence de perspective quant à une possible évolution de leur statut juridique , qui leur permettrait de bénéficier d'une « seconde chance familiale ».

Il est donc impératif, en tenant compte des besoins propres à chacun de ces enfants, de sécuriser leur parcours et d' envisager des alternatives au placement long, voire définitif, afin de leur offrir l'accès à un autre projet de vie .

1. Sécuriser le parcours de l'enfant placé
a) Renforcer le suivi de l'enfant en cours de mesure de placement

La loi de 2007 oblige le service de l'ASE à élaborer au moins une fois par an un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l'objet d'une mesure éducative (article L. 223-5 du CASF), et à le transmettre à l'autorité judiciaire. Ce rapport annuel vise à renforcer le suivi de la prise en compte des besoins de l'enfant tout au long de la mesure dont il bénéficie, et à évaluer si celle-ci a répondu aux difficultés de la situation, s'il convient d'y mettre fin ou si, au contraire, il est nécessaire de la prolonger ou de lui substituer une autre mesure.

Or, les remontées de terrain montrent que ce rapport annuel, dont le contenu diffère fortement d'un département à l'autre, se limite le plus souvent à une description partielle de la situation de l'enfant, sans se référer à l'ensemble de ses besoins (sociaux, médicaux, éducatifs, affectifs...), ni aborder la question de son avenir, donc de son « projet de vie ».

Le suivi régulier des enfants en cours de procédure est pourtant une condition fondamentale de la réussite des mesures de protection. Plusieurs recherches récentes, mentionnées par le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 65 ( * ) , alertent ainsi sur les besoins spécifiques d'accompagnement des enfants placés à l'ASE . Une étude de la Drees sur la scolarité des enfants accueillis dans les établissements de l'ASE montre, par exemple, qu'à l'âge de quinze ans, ces jeunes sont trois fois plus nombreux que les adolescents de leur âge à être déscolarisés et qu'à l'entrée au collège, deux tiers sont en retard d'au moins une année 66 ( * ) . Une autre étude, sélectionnée par l'Oned dans le cadre d'un appel d'offre, portant sur la santé des jeunes placés en Haute-Savoie, fait apparaître, pour ces mineurs, des facteurs de risque plus importants en termes de santé (prématurité, retard de croissance néonatal), des parcours médicaux plus compliqués (pathologies, traumatismes, hospitalisations), une fréquence des insuffisances pondérales et de surpoids, une prise en charge psychologique pour un tiers des enfants placés, la prise de neuroleptiques par un nombre significatif d'entre eux, une banalisation des problèmes de santé quotidienne (sommeil, alimentation, comportement).

Afin de renforcer l'évaluation des mesures de placement au regard du développement de l'enfant et de ses besoins, plusieurs rapports publics, tout comme des professionnels du secteur, plaident pour un enrichissement du contenu du rapport annuel établi par les services de l'ASE . La commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enfance délaissée et l'adoption 67 ( * ) , déposée par la députée Michèle Tabarot, propose ainsi de préciser le contenu de ce rapport par une analyse de la santé physique et psychique de l'enfant, de son développement, de sa scolarité, de sa vie sociale, de ses relations avec sa famille, et d'une référence à son projet de vie. Cette proposition a été reprise par le groupe de travail précité qui suggère, à cette fin, de compléter l'article L. 223-5 du CASF. Vos rapporteures la soutiennent également, tout en soulignant que les précisions à apporter au contenu du rapport annuel relèvent davantage du décret que de la loi.

Proposition n° 32 : enrichir le contenu du rapport annuel établi par le service de l'ASE sur la situation de l'enfant protégé, par une analyse de son état de santé physique et psychique, de son développement, de sa scolarité, de sa vie sociale, de ses relations familiales, et d'une référence à son projet de vie.

b) Améliorer le statut des assistants familiaux et sécuriser les liens entre l'enfant et sa famille d'accueil

Selon les derniers chiffres publiés par l'Oned 68 ( * ) , le placement familial est le premier mode d'hébergement des mineurs et majeurs confiés à l'ASE : 53,3 % d'entre eux sont placés en familles d'accueil contre 38,6 % en établissements.

Cette statistique, qui témoigne de l'importance de cette modalité d'accueil dans le dispositif de protection de l'enfance, ne doit toutefois pas masquer les difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontés les assistants familiaux, d'une part, s'agissant de leur statut professionnel, d'autre part, dans l'exercice quotidien de leur activité.

(1) Assistant familial : un métier à sécuriser

La loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux a profondément réformé les règles régissant le métier d'assistant familial avec un objectif recherché de meilleure professionnalisation. Elle définit, pour la première fois, cette profession 69 ( * ) ; elle confirme la nécessité d'un agrément préalable délivré par le président du conseil général ( via le service de PMI) pour l'exercer ; elle introduit de nouveaux critères d'agrément relatifs aux aptitudes éducatives des candidats et à leur maîtrise du français oral ; elle offre un nouveau cadre aux conditions de travail, de rémunération et de formation.

Neuf ans après son adoption, le bilan de cette réforme est en « demi-teinte » , ainsi que le constate la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans son rapport d'évaluation publié en 2012 70 ( * ) . En effet, de nombreux freins à la professionnalisation et à un exercice sécurisé de ce métier persistent , ce qui a été confirmé par les représentants du secteur auditionnés par vos rapporteurs :

- la procédure d'agrément est loin d'être optimale : le caractère optionnel des réunions d'information préalable à l'agrément en limite la portée ; certains départements sont toujours en quête d'une véritable stratégie d'agrément en concertation avec les employeurs ; des difficultés ont été signalées au sujet de la procédure de renouvellement de l'agrément ; l'absence d'accompagnement professionnel après l'obtention de l'agrément est fortement décriée ;

- la formation 71 ( * ) , qui constitue une réelle opportunité d'accès à un véritable statut professionnel, est encore inégalement mise en oeuvre selon les départements ;

- l'intégration des assistants familiaux au sein des équipes pluridisciplinaires n'est pas toujours acquise ;

- le PPE, lorsqu'il est élaboré, intègre très peu les assistants familiaux ;

- les contrats d'accueil 72 ( * ) , lorsqu'ils existent, ne sont pas suffisamment précis ;

- l'organisation et le financement d'accueil relais demeurent très difficiles ;

- les conditions de travail sont encore loin d'être satisfaisantes : la rémunération est estimée trop faible et porteuse d'inégalités par les assistants familiaux ; les congés restent trop peu encadrés ; les règles relatives aux indemnités d'entretien et de déplacement sont sujettes à des interprétations divergentes selon les employeurs ; les dispositions relatives aux retraites posent de nombreuses questions ;

- l'évolution du profil sociologique des enfants accueillis (enfants présentant des troubles du comportement, porteurs de handicap, auteurs de violences, etc.) rend de plus en plus difficile l'exercice du métier au quotidien ;

- le vieillissement de la population des assistants familiaux se double d'une vraie difficulté à recruter parmi les jeunes générations.

Au final, ce contexte d'insécurité doit être appréhendé au regard de l'intérêt des enfants confiés aux assistants familiaux car la loi de 2005 avait aussi pour objectif de renforcer la qualité de l'accueil et de promouvoir le mieux-être des enfants placés. Aussi vos rapporteures plaident-elles pour qu' une concertation soit lancée, à l'initiative du ministère des affaires sociales et de la santé, sur les moyens d'améliorer la mise en oeuvre de la loi de 2005 et de remédier à ces insuffisances .

Proposition n° 33 : engager une concertation sur les moyens d'améliorer la mise en oeuvre du volet de la loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 consacré aux assistants familiaux et de sécuriser cette profession.

(2) Mieux reconnaître les prérogatives de l'assistant familial en matière d'actes usuels de la vie quotidienne de l'enfant

Au-delà des questions propres à leur statut, les assistants familiaux rencontrent des difficultés dans la prise en charge quotidienne du ou des enfants qui leur sont confiés.

Comme le souligne le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 73 ( * ) , de nombreux conseils généraux dressent le constat que « le quotidien de l'enfant accueilli est souvent impacté, voire perturbé par certaines lourdeurs administratives, souvent liées à la difficulté de pouvoir déterminer quelle autorité peut être à même de prendre telle ou telle décision, au regard de l'autorité parentale et de son exercice. La frontière entre actes usuels et non usuels, censée délimiter les actes relevant de la compétence de chacun, reste floue et changeante » .

De même qu'il a l'obligation d'informer et d'associer les parents, ainsi que d'obtenir leur accord express pour les décisions les plus importantes de la vie de l'enfant, le service auquel celui-ci est confié (le service gardien) est autorisé, en application de l'article 373-4 du code civil, à exercer les actes usuels de la vie quotidienne 74 ( * ) sans autorisation spécifique des parents. Ce droit se justifie par la nécessité de pallier les carences éducatives parentales et d'assurer l'efficacité de la mesure de protection.

Les difficultés surviennent généralement lorsque le service gardien (l'ASE) délègue à un autre service (famille d'accueil, maison d'enfants à caractère social) la responsabilité de la prise en charge de l'enfant. Il apparaît en effet souvent compliqué pour le service gardien de déterminer clairement la place respective de chacun (professionnels, parents) dans l'exercice des actes éducatifs. Dans la pratique, les professionnels - en particulier les assistants familiaux - ont tendance, d'une part, à solliciter l'accord des parents, y compris pour des actes usuels, alors que celui-ci n'est précisément pas requis, d'autre part, à en référer de manière trop fréquente au service gardien.

Aussi, le groupe de travail précité considère-t-il que l'assistant familial doit pouvoir , dans les situations de délégation de l'autorité parentale comme dans le cadre des mesures d'assistance éducative, pratiquer de sa propre initiative un certain nombre d'actes quotidiens . Ces derniers doivent toutefois être précisément déterminés avec le service gardien et les titulaires de l'autorité parentale dans le cadre du contrat d'accueil et du projet pour l'enfant . Cette proposition, soutenue par vos rapporteures, facilitera non seulement la tâche de l'assistant familial, qui pourra de lui-même autoriser l'enfant à participer à différentes activités, mais aussi la vie quotidienne de celui-ci en évitant qu'il ne se retrouve dans une situation particulière par rapport aux autres enfants qui ne sont pas placés.

Proposition n° 34 : permettre à l'assistant familial d'effectuer, de sa propre initiative, les actes usuels de la vie quotidienne de l'enfant accueilli, dont la liste précise devra être intégrée au contrat d'accueil et au projet pour l'enfant.

(3) Encadrer les changements de familles d'accueil

Certains enfants confiés à l'ASE connaissent des parcours chaotiques, marqués par de nombreux changements de prise en charge. Il arrive en effet qu'un enfant soit confié à une nouvelle famille d'accueil, alors que ni lui, ni sa précédente famille d'accueil ne souhaitaient cette modification.

Comme l'explique le rapport du groupe de travail précité, « d'un point de vue strictement juridique, le service de l'ASE a tout pouvoir pour prendre seul ce type de décision puisque c'est à lui que le juge des enfants a confié l'enfant dans le cadre de l'assistance éducative et qui est le délégataire dans le cadre d'une délégation de l'autorité parentale. La famille d'accueil est salariée du département et le lien de subordination qui existe à l'égard de ce dernier ne lui permet pas, en théorie, de s'opposer à une décision suspendant l'accueil de l'enfant » .

Si une telle décision peut être motivée par des raisons légitimes, il arrive qu'elle ne le soit pas. En tout état de cause, elle n'est pas sans conséquence pour l'enfant et la famille d'accueil qui, avec le temps, ont tissé des liens affectifs parfois très forts. Il paraît donc indispensable, dans un objectif de sécurisation du parcours des enfants placés, d'encadrer davantage les décisions de changement de lieu d'accueil de l'enfant . Le groupe de travail propose ainsi que lorsqu'une modification des conditions de prise en charge de l'enfant est envisagée de manière unilatérale par le service de l'ASE, après plus de trois années au cours desquelles il a été confié à la même famille d'accueil, l'autorité judiciaire (le juge des enfants dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative, le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une délégation de l'autorité parentale) rende un avis sur cette décision, après avoir entendu le mineur et les personnes concernées . L'autorité judiciaire étant à l'origine de la décision de placement, il est logique qu'elle soit chargée de vérifier si le changement de lieu d'accueil est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. Vos rapporteures partagent pleinement cette proposition.

Proposition n° 35 : conditionner la modification du lieu d'accueil d'un enfant confié depuis plus de trois ans à la même famille à l'avis du juge à l'origine de la mesure de placement.

c) Renforcer les droits de l'enfant protégé dans la procédure d'assistance éducative

Certains enfants faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative se trouvent dans une situation de vulnérabilité telle (physique, psychique, intellectuelle, sociale, etc.) qu'ils ne sont pas en mesure de comprendre tous les enjeux liés à leur placement, ni de défendre leurs intérêts.

Le décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 modifiant le code de procédure civile et relatif à l'assistance éducative subordonne l'exercice des droits du mineur à son discernement, qu'il s'agisse de son audition, de la consultation de son dossier ou de la désignation d'un avocat. Comme l'explique le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », « il faut alors en déduire a contrario que l'enfant privé de discernement n'est pas capable d'exercer par lui-même les droits d'une partie à la procédure [...] en conséquence, le mineur non discernant est passif dans la procédure d'assistance éducative, ses intérêts n'étant pas représentés sur le plan procédural » .

Pour éviter cet écueil, le juge des enfants a la possibilité de désigner un administrateur ad hoc , c'est-à-dire une personne qui se substitue aux représentants légaux de l'enfant mineur pour protéger les intérêts et exercer les droits de celui-ci. Les auditions menées par vos rapporteures ont cependant montré que cette possibilité était insuffisamment exploitée par les juges , notamment en raison de la pénurie d'administrateurs ad hoc . Faute d'un véritable statut juridique et financier, cette fonction peine à recruter des candidats, si bien qu'au final, nombre de conseils généraux sont désignés par défaut. Cette solution de substitution n'est toutefois pas satisfaisante car elle crée une confusion entre la mission générale de protection de l'enfance qui incombe au conseil général et la mission plus particulière de représentation de l'enfant qui doit échoir à une personne « extérieure ». Par ailleurs, force est de constater qu'il n'existe aujourd'hui aucun prérequis en termes de formation pour les administrateurs ad hoc .

Eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant, vos rapporteures estiment nécessaire de systématiser, dans la procédure d'assistance éducative, la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc , indépendant des parents et du service gardien, pour représenter l'enfant mineur non discernant . Cette proposition suppose néanmoins, d'une part, de réformer le statut de l'administrateur ad hoc afin de rendre cette fonction plus attractive, d'autre part de prévoir une formation obligatoire pour les personnes candidates, portant notamment sur le développement physique et psychique de l'enfant, le droit de la protection de l'enfance, les procédures civile et pénale.

Plaidant également pour une telle réforme, dans une lettre adressée à la garde des Sceaux le 25 septembre 2013, le Défenseur des droits rappelle qu'il s'agit de « rendre pleinement effectif le droit d'assistance et de représentation dont doit bénéficier l'enfant ».

Proposition n° 36 : systématiser la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc , indépendant des parents et du service gardien, pour représenter l'enfant mineur dans la procédure d'assistance éducative.

Proposition n° 37 : réformer le statut de l'administrateur ad hoc afin de rendre cette fonction plus attractive.

Proposition n° 38 : mettre en place une formation obligatoire pour les personnes candidates à la fonction d'administrateur ad hoc , portant notamment sur le développement physique et psychique de l'enfant, le droit de la protection de l'enfance, les procédures civile et pénale.

2. Encourager le développement de modes de prise en charge alternatifs à un placement de longue durée

Comme l'expliquent les professionnels de la protection de l'enfance à l'initiative du « Plaidoyer pour l'adoption nationale » 75 ( * ) , trois cas de figure se présentent au cours d'une mesure de placement :

- certains enfants maintiennent un lien constructif et positif avec leurs parents et retournent vivre dans leur famille, après un placement transitoire ;

- d'autres, tout en conservant des liens souvent précaires avec leur famille, restent pris en charge à l'ASE durant toute leur minorité en raison de défaillances parentales profondes et durables ;

- d'autres encore se retrouvent assez rapidement sans contacts véritables avec leurs parents, qui disparaissent de leur quotidien, malgré l'aide apportée par les services sociaux ; ils sont victimes de délaissement parental.

Ainsi, un certain nombre d'enfants placés demeurent, de fait, durant toute leur enfance et leur adolescence, en situation de placement définitif jusqu'à leur majorité. Pour se construire, ces enfants ont besoin de développer une relation d'attachement et d'appartenance dans une famille de substitution , qui peut être une famille d'accueil ou une famille d'adoption. Si, en France, l'accueil familial demeure la solution privilégiée (cf. III.1. b. ), l'adoption en tant que modalité de protection de l'enfance n'est pas encore entrée dans les mentalités, encore moins dans la pratique . Elle permet pourtant, pour certains enfants, de construire des projets de vie adaptés à leur situation.

L'encourager, c'est agir sur trois leviers :

- mieux reconnaître le délaissement parental pour que les enfants qui en sont victimes puissent être admis en qualité de pupille de l'Etat et faire éventuellement l'objet d'un projet d'adoption plénière ;

- développer le recours au retrait total de l'autorité parentale afin que les enfants accueillis à l'ASE par cette voie puissent eux aussi être admis en qualité de pupille de l'Etat et éventuellement faire l'objet d'un projet d'adoption plénière ;

- promouvoir l'adoption simple , laquelle permet de bénéficier d'une « seconde famille », pour les enfants dont les parents sont profondément carencés, mais avec lesquels des liens perdurent.

En favorisant l'adoption comme mesure de protection de l'enfance, il ne s'agit en aucun cas de faire des enfants placés la « variable d'ajustement » du désir d'enfant non satisfait des candidats à l'adoption ou du recul de l'adoption internationale, mais de permettre à ces enfants d'acquérir un véritable statut qui réponde à leurs besoins fondamentaux et de grandir dans un environnement affectif et éducatif sécurisé . D'un point de vue plus pragmatique, le développement de projets d'adoption pour certains enfants confiés à l'ASE est une option moins coûteuse que les placements longs ou définitifs aujourd'hui à la charge des départements.

Par ailleurs, il paraît nécessaire de renforcer le rôle des tiers dans l'accompagnement éducatif et affectif de l'enfant confié à l'ASE , à la fois en encourageant la procédure de placement chez un tiers digne de confiance et en développant le parrainage.

a) Améliorer le constat de délaissement parental
(1) Mieux repérer le délaissement parental

Depuis le rapport Bianco-Lamy de 1980 76 ( * ) , qui a constitué une révolution dans le secteur de la protection de l'enfance en recommandant de privilégier toutes les mesures de prévention permettant d'éviter le placement de l'enfant, le maintien ou la restauration du lien parent/enfant reste le premier objectif afin de préparer un retour de l'enfant au sein de sa cellule familiale. Lorsque celui-ci n'est pas envisageable, qu'un placement est décidé et que les parents, conscients de leurs difficultés, sont prêts à collaborer, les services sociaux travaillent à maintenir ou à restaurer des relations entre l'enfant et ses parents.

Ces orientations ne peuvent être contestées dans leur principe puisqu'elles correspondent, dans la grande majorité des cas, à l'intérêt de l'enfant. Rappelons, à ce titre, que l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant reconnaît un droit pour l'enfant de connaître ses parents et d'être, dans la mesure du possible, élevé par eux.

Cependant, pour un certain nombre d'enfants placés, il apparaît que le retour dans leur famille est difficilement envisageable, voire impossible . Les relations qu'ils entretiennent avec leurs parents sont soit inexistantes, soit nocives pour leur développement. Or, trop souvent, ces enfants restent pris en charge dans le cadre de l'assistance éducative, parfois jusqu'à leur majorité, sans qu'un autre parcours de vie que celui de rester confiés à l'ASE soit envisagé et, lorsqu'il l'est, c'est de manière très tardive .

Un changement d'approche est donc nécessaire pour proposer à ces enfants un véritable projet de vie, leur permettant de se construire dans un environnement éducatif et affectif stable . Ce constat a été dressé ces dernières années par de nombreuses études publiques, parmi lesquelles peuvent être cités le rapport de Jean-Marie Colombani sur l'adoption en 2008 77 ( * ) , le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les conditions de reconnaissance du délaissement parental et ses conséquences pour l'enfant en 2009 78 ( * ) , le rapport de l'Académie nationale de médecine sur l'adoption nationale en 2011 79 ( * ) , le rapport de l'Oned sur la situation des pupilles de l'Etat en 2013 80 ( * ) , le « Plaidoyer pour l'adoption nationale » publié par plusieurs professionnels de la protection de l'enfance en 2013 81 ( * ) et le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » en 2014 82 ( * ) .

Les conclusions de ces différentes études convergent sur la nécessité de mieux repérer et de constater plus rapidement l'existence de signes caractéristiques d'un délaissement parental . Les travaux théoriques, anglo-saxons pour la plupart, montrent en effet que le délaissement parental est une forme de maltraitance psychologique qui va retentir irrémédiablement sur le développement de l'enfant et sa capacité à se construire en adulte équilibré. L'enfant délaissé est un enfant qui souffre d'un profond besoin d'appartenance et qui, faute d'une prise en charge suffisamment précoce, peut être dans l'incapacité d'investir une nouvelle relation sécurisante avec une personne prenant soin de lui.

Reconnaissable à certains signes (diminution progressive de la qualité, de la fréquence, de la durée des contacts, manque d'attention, désengagement progressif des responsabilités parentales, exclusion de l'enfant du projet de vie parental), le délaissement parental n'en demeure pas moins complexe à évaluer . Des parents peuvent en effet se désinvestir de l'éducation de leur enfant sur certains aspects, tout en continuant de s'intéresser à lui de façon épisodique ou en entretenant des liens destructeurs voire pathologiques avec lui (relation d'emprise).

C'est pourquoi il paraît souhaitable que les professionnels disposent de critères objectifs d'évaluation des situations de délaissement parental . Dans son rapport 83 ( * ) , l'Igas constate qu'aucun département ne dispose d'un référentiel opératoire permettant de déceler les signes de délaissement parental, à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays. Le Québec, par exemple, a mis en place un outil composé de dix-huit indicateurs qui caractérisent le délaissement parental. Lorsque plusieurs d'entre eux sont recensés, la situation de l'enfant concerné doit être spécifiquement surveillée 84 ( * ) .

Le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » propose, pour sa part, d'instaurer dans chaque département une instance de réflexion pluridisciplinaire et indépendante, dénommée « comité de veille et d'orientation des enfants confiés », chargée de procéder régulièrement à une évaluation de la situation des enfants placés dont les liens avec leur famille se délitent. Cette instance aurait pour mission d'élaborer un projet de vie adapté aux besoins et à l'intérêt de l'enfant. Si l'intention est parfaitement louable, il est à craindre que la création d'un nième comité départemental complexifie l'architecture administrative actuelle et engendre de nouvelles lourdeurs procédurales.

En revanche, il est indispensable que les pratiques des professionnels de l'ASE, qui restent à ce jour prioritairement axées sur le soutien aux parents et sur le maintien du lien parent/enfant, évoluent . D'où la nécessité de former ceux qui sont en contact direct avec les enfants et les parents au repérage du délaissement et à l'existence d'alternatives au « maintien du lien familial à tout prix ». Le département du Pas-de-Calais, où se sont rendues vos rapporteures, fait figure de pionnier dans ce domaine. Depuis trois ans, le conseil général a en effet développé un plan d'information des professionnels sur le délaissement parental et un plan de soutien technique aux équipes de terrain, lesquels ont progressivement permis de faire évoluer les représentations des travailleurs sociaux. Conséquence, en trois ans, le nombre de déclarations judiciaires d'abandon a plus que doublé et le département a été identifié dans le dernier rapport de l'Oned 85 ( * ) comme celui ayant le plus fort taux d'admission en qualité de pupille de l'Etat.

Proposition n° 39 : lancer une réflexion pluridisciplinaire en vue d'élaborer un référentiel national d'aide à l'évaluation des situations de délaissement parental.

Proposition n° 40 : développer la formation des professionnels de l'ASE au repérage du délaissement parental.

(2) Réformer la procédure de la déclaration judiciaire d'abandon

Le premier alinéa de l'article 350 du code civil permet de déclarer judiciairement abandonné « l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon » . La déclaration judiciaire d'abandon constitue l'étape préalable à l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat 86 ( * ) et à son adoption éventuelle 87 ( * ) . Le plus souvent, ce sont les services sociaux ayant en charge l'enfant qui constatent le « désintérêt manifeste » des parents et saisissent le tribunal de grande instance (TGI), par l'intermédiaire du procureur de la République. Le tribunal déclare l'abandon en examinant les critères affectifs et objectifs du désintérêt prolongé des parents pour l'enfant.

Cependant, comme l'a montré le rapport de l'Igas 88 ( * ) reprenant les chiffres fournis par l'Oned, cette procédure est, en pratique, très peu utilisée : le nombre de pupilles de l'Etat admis après une déclaration judiciaire d'abandon a baissé de 70 % entre 1989 et 2008. Il s'élève à moins de 200 chaque année alors que, par comparaison, 600 enfants deviennent pupilles à la suite d'un accouchement sous le secret.

Plusieurs raisons, mises en exergue par l'Igas, expliquent le très faible recours à cette procédure :

- la rédaction ambiguë de la loi (la notion de « désintérêt manifeste » des parents est sujette à interprétation 89 ( * ) ) avec, pour conséquence, l'hésitation des services sociaux à déposer une requête qui serait repoussée par les magistrats ;

- les craintes de réactions de la part des parents ou de membres de la famille élargie qui, sans s'être décidés à prendre en charge l'enfant, déclarent s'y intéresser ;

- l'âge déjà avancé de l'enfant (lorsque la déclaration judiciaire d'abandon est prononcée, elle l'est, la plupart du temps, pour des enfants de plus de cinq ans) et les bonnes conditions de son accueil en cours (en général, une famille d'accueil à laquelle l'enfant s'est attaché) ;

- les incertitudes et la longueur de la procédure judiciaire qui tiennent à la fois à la rédaction de la loi et à des pratiques qui s'écartent de la stricte application du code de procédure pénale ;

- les réticences des professionnels sociaux et des magistrats, formés à donner la priorité au maintien des relations avec les parents, même si celles-ci sont très compliquées à organiser et perturbantes pour l'enfant.

Compte tenu de ces nombreux obstacles, une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité de la procédure de la déclaration judiciaire d'abandon est nécessaire .

Sur le fond, nombre d'experts et de professionnels 90 ( * ) proposent que la déclaration judiciaire d'abandon soit fondée non plus sur la notion de « désintérêt manifeste », trop difficile à caractériser, mais sur celle de « délaissement parental » . Le délaissement serait apprécié par le juge, par référence à l'exercice effectif de l'autorité parentale telle que définie dans le code civil. Dès lors, la procédure serait renommée « déclaration judiciaire de délaissement ».

Une autre évolution, déjà préconisée par la députée Michèle Tabarot dans sa proposition de loi 91 ( * ) et reprise par le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », serait de permettre au ministère public de saisir d'office le juge d'une demande en déclaration judiciaire de délaissement 92 ( * ) , le but étant de faciliter le recours à cette procédure. Le ministère public pourra notamment saisir le tribunal lorsqu'il aura été avisé par le juge des enfants ou le juge aux affaires familiales de la situation de délaissement de l'enfant.

Ainsi que le préconise le groupe de travail précité, il conviendrait également d' imposer au tribunal un délai de six mois pour statuer sur la demande en déclaration judiciaire de délaissement afin de réduire la longueur de la procédure qui, aujourd'hui, nuit à la protection des intérêts de l'enfant en retardant sa prise en charge.

Enfin, sur la forme, il serait souhaitable de déplacer l'article 350, actuellement inscrit au titre VIII du code civil traitant de la filiation adoptive, vers le titre IX dudit code relatif à l'autorité parentale , afin d'affirmer clairement que la déclaration judiciaire de délaissement constitue une modalité de protection de l'enfance.

Proposition n° 41 : fonder la déclaration judiciaire d'abandon non plus sur la notion de « désintérêt manifeste » des parents, mais sur celle de « délaissement parental » ; en conséquence, renommer la procédure en « déclaration judiciaire de délaissement ».

Proposition n° 42 : permettre au ministère public de saisir d'office le juge d'une demande en déclaration judiciaire de délaissement.

Proposition n° 43 : imposer au tribunal de grande instance un délai de six mois pour statuer sur la demande en déclaration judiciaire de délaissement.

Proposition n° 44 : déplacer l'article 350 du code civil, actuellement inscrit au titre VIII traitant de la filiation adoptive, vers le titre IX du même code relatif à l'autorité parentale.

b) Développer le recours au retrait de l'autorité parentale en matière civile

En application de l'article 378 du code civil, le retrait de l'autorité parentale peut être prononcé par le juge pénal à l'encontre des père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant .

En dehors de toute condamnation pénale, les parents peuvent également se voir retirer leur autorité parentale par le TGI lorsqu'ils n'ont pas exercé leurs prérogatives dans l'intérêt de leur enfant. L'article 378-1 du code civil envisage deux cas de retrait de l'autorité parentale au civil :

- lorsque le comportement des parents est susceptible de mettre « manifestement » en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant (alinéa 1) ;

- lorsque les parents, pendant plus de deux ans à compter du prononcé d'une mesure d'assistance éducative, se sont « volontairement » abstenus d'exercer leurs droits et devoirs envers leur enfant (alinéa 2).

L'action en retrait total de l'autorité parentale peut être portée devant le tribunal par le ministère public, un membre de la famille ou le tuteur de l'enfant (l'ASE). Une fois prononcé, le retrait permet à l'enfant d'être admis en qualité de pupille de l'Etat (article L. 224-4 du CASF).

Or, en pratique, il s'avère que l'article 378-1 du code civil est rarement utilisé . Les enfants accueillis à la suite d'un retrait total de l'autorité parentale représentent, en effet, moins de 9 % des enfants bénéficiant du statut de pupille de l'Etat 93 ( * ) . Ce faible chiffre s'explique par la réticence des professionnels de terrain à recourir à une procédure qui rompt le lien de filiation . D'où la nécessité de faire évoluer leurs pratiques par le biais d'actions de sensibilisation et de formation . Le conseil général du Pas-de-Calais a ainsi mis en place une campagne d'information à destination des professionnels ayant permis, en une année, de doubler le nombre de procédures pour retrait de l'autorité parentale.

Par ailleurs, afin d'améliorer la lisibilité des procédures de privation de l'exercice de l'autorité parentale, le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 94 ( * ) suggère de réserver l'application de l'article 378-1 du code civil aux situations dans lesquelles le parent met son enfant en danger. Dans l'hypothèse où la déclaration judiciaire d'abandon serait transformée en déclaration judiciaire de délaissement, le maintien de l'alinéa 2 de cet article, qui traite des situations de délaissement, n'aurait en effet plus lieu d'être.

Proposition n° 45 : sensibiliser les professionnels des services de l'ASE à la procédure de retrait total de l'autorité parentale, qui permet l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat.

c) Promouvoir l'adoption simple comme mesure de protection de l'enfance

Le droit français distingue l'adoption plénière, irrévocable, qui emporte une rupture du lien de parenté d'origine et a pour effet l'inscription dans une nouvelle parenté, de l'adoption simple, révocable, qui fait coexister des liens de parenté (filiation biologique, filiation adoptive).

L'adoption simple est aujourd'hui essentiellement de nature intrafamiliale et concerne le plus souvent des personnes majeures. Elle est très peu utilisée au profit d'enfants placés en raison principalement de sa révocabilité et du maintien des relations avec la famille biologique. Dix-neuf ans après le rapport Mattéi 95 ( * ) , cette procédure, qui offre à l'enfant une filiation « complétive », selon la formule employée dans ce rapport, est également méconnue des services sociaux et souvent disqualifiée à leurs yeux.

Or, ainsi que l'ont montré successivement plusieurs rapports 96 ( * ) , mais qui n'ont pas été suivis d'effet à ce jour, l'adoption simple peut correspondre aux besoins de certains enfants et à l'attente de certains candidats agréés pour l'adoption .

Les enfants potentiellement concernés sont ceux pour lesquels une rupture de la filiation biologique n'est pas conseillée - donc pour lesquels la déclaration judiciaire d'abandon ou le retrait total de l'autorité parentale ne sont pas des procédures adéquates -, mais dont les familles sont profondément carencées (par exemple, parents souffrant de handicap mental ou de troubles psychiques, parents particulièrement démunis sur le plan social, intellectuel et/ou affectif), et qui ont dès lors besoin d'un nouvel environnement éducatif et affectif stable. L'objectif est de permettre à ces enfants de bénéficier d'une nouvelle vie familiale, tout en gardant des liens avec leur famille d'origine .

La question des candidats à l'adoption susceptibles de s'inscrire dans un tel projet est plus délicate en raison des spécificités de la procédure d'adoption simple (âge parfois avancé des enfants, révocabilité, maintien du lien familial biologique). Mais, comme l'écrit l'Igas, « parmi les 30 000 candidats agréés, certains seraient sans nul doute susceptibles d'envisager, puis d'accepter, un projet de ce type, même si ce n'est pas le leur initialement ». On peut en effet penser à « des personnes présentant un profil particulier : couples ayant déjà des enfants, couples plus âgés, ayant une sensibilité particulière pour la situation de parents en grande difficulté... ».

Au vu de ces éléments, la promotion de l'adoption simple comme mesure d'intervention relevant de la protection de l'enfance suppose d'agir dans trois directions : sensibiliser et former les travailleurs sociaux à cette procédure ; repérer les familles dont les enfants pourraient en bénéficier ; sélectionner des candidats agréés pour l'adoption susceptibles de s'y engager .

Il convient, en outre, d' envisager une modification des règles de révocabilité de l'adoption simple qui constituent l'une des explications à son faible développement 97 ( * ) . Deux options sont possibles pour renforcer la sécurité juridique de cette forme d'adoption, tant à l'égard de l'adopté que de l'adoptant : soit son irrévocabilité pleine et entière 98 ( * ) , soit la limitation des possibilités de sa révocation à certains cas de figure 99 ( * ) .

Proposition n° 46 : former les travailleurs sociaux à la procédure de l'adoption simple.

Proposition n° 47 : promouvoir l'adoption simple, dans les services de l'ASE, à la fois par le repérage des enfants qui pourraient en bénéficier et par la sélection de candidats agréés pour l'adoption susceptibles de s'y engager.

Proposition n° 48 : envisager une modification des règles de révocabilité de l'adoption simple afin de sécuriser juridiquement cette forme d'adoption et de favoriser son développement.

d) Renforcer le rôle des tiers liés à l'enfant
(1) Développer le recours au placement chez un tiers digne de confiance

En application de l'article 373-3 alinéa 2 du code civil, le juge aux affaires familiales peut, « à titre exceptionnel et si l'intérêt de l'enfant l'exige, notamment lorsqu'un des parents est privé de l'exercice de l'autorité parentale, décider de confier l'enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté » .

Comme le montre une récente étude réalisée pour le Défenseur des droits 100 ( * ) , le recours au placement chez un tiers digne de confiance (grands-parents, tante, oncle, ami de la famille, voisin...) est rarement utilisé par les juges . Ce mode de placement offre pourtant l'avantage de permettre à l'enfant de continuer à grandir auprès d'une personne avec qui il a pu préalablement nouer des liens affectifs.

La réticence des professionnels à opter pour le tiers digne de confiance tient sans doute à l'insécurité qui caractérise cette fonction . Celle-ci est de trois ordres : financière car le montant de l'aide apportée par les départements est peu élevée (de l'ordre de 350 à 450 euros mensuels) ; statutaire car le tiers est tour à tour assimilé à un assistant familial (comme un assistant familial, dont il n'a pourtant ni la formation, ni les droits à congés, le tiers reçoit une indemnité d'entretien), puis à un parent (comme un parent, le tiers peut prétendre au versement des allocations familiales) ; juridique car les prérogatives du tiers au regard de l'autorité parentale sont limitées (il ne peut accomplir que les actes usuels relatifs à la surveillance et à l'éducation de l'enfant).

Une amélioration du statut du tiers digne de confiance mérite donc d'être apportée pour sécuriser et encourager ce mode d'accueil.

Le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » 101 ( * ) propose plusieurs pistes de réforme, dans le but de « renforcer les droits tant procéduraux que substantiels de ce tiers » parmi lesquelles :

- la possibilité pour le tiers, qui souhaite que l'enfant lui soit confié, de saisir directement le juge aux affaires familiales. En l'état actuel du droit, le tiers doit d'abord saisir le parquet afin que celui-ci saisisse le juge, faute de quoi sa demande est irrecevable. Or l'existence d'un tel « filtre » rend la procédure plus complexe et peut dissuader certains tiers à agir. Certains professionnels auditionnés souhaitent que cette saisine directe soit également prévue pour le service de l'ASE ;

- l'extension des prérogatives du tiers à l'ensemble des actes usuels de l'autorité parentale, ainsi qu'à certains actes non usuels que le juge devra précisément énumérer. Cette recommandation a été reprise à l'article 12 de la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, déposée par les députés des groupes socialistes et écologistes et discutée en première lecture à l'Assemblée nationale en mai dernier 102 ( * ) ;

- la possibilité pour le tiers d'adopter l'enfant qui lui a été confié, même occasionnellement, sans avoir l'obligation d'obtenir un agrément, comme c'est le cas actuellement pour l'assistant familial.

Vos rapporteures ne souhaitent pas, à ce stade, se prononcer sur ces propositions qui ne manqueront pas d'être débattues au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant.

Proposition n° 49 : améliorer le statut du tiers digne de confiance afin de sécuriser et d'encourager ce mode de placement.

(2) Encourager les actions de parrainage d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance

Mode de prise en charge complémentaire à un placement à l'aide sociale à l'enfance (ASE), le parrainage, mis en place à la demande du ou des titulaires de l'autorité parentale ou avec leur accord, permet « la construction d'une relation affective privilégiée entre l'enfant et son parrain » 103 ( * ) .

Un certain nombre de services départementaux ont déjà mis en place des actions de parrainage (le département du Pas-de-Calais, par exemple), tandis que d'autres soutiennent l'action d'associations oeuvrant dans le domaine du parrainage de proximité (le département du Rhône, par exemple, soutient l'action de l'association « Horizon parrainage »). Plusieurs associations nationales telles que l'Union nationale des associations familiales (Unaf) ou la Fondation pour l'enfance plaident également en faveur du développement du parrainage.

L'essor de cette forme de solidarité intergénérationnelle mérite en effet d'être encouragé car elle permet à l'enfant, confronté à une situation de grande fragilité, de nouer des liens avec des adultes bienveillants, susceptibles de l'accompagner tout au long de sa minorité.

Proposition n° 50 : encourager les actions de parrainage d'enfants confiés à l'ASE.

Protection de l'enfance : quelles leçons tirer du modèle québécois ?

En septembre 2010, une délégation de la commission des affaires sociales du Sénat, conduite par sa présidente, Muguette Dini, s'est rendue au Québec afin d'étudier les politiques familiales et de protection de l'enfance mises en oeuvre dans cette province canadienne 104 ( * ) .

En matière de protection de l'enfance, le Québec s'est distingué, dès la fin de la décennie 1970, par l'adoption d'une législation novatrice cherchant à concilier primauté de la responsabilité parentale et respect impératif de l'intérêt de l'enfant . Outre qu'elle reconnaît l'enfant comme sujet de droit et lui accorde des droits spécifiques, la loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), adoptée le 19 décembre 1977, pose le principe de l'antériorité de l'intervention sociale, à l'opposé de la judiciarisation systématique des situations qui prévalait jusqu'alors.

L'une des originalités de cette loi est d'avoir recherché une stabilité accrue des parcours de placement , dans le but de mettre fin aux cas d' « enfants « ping-pong » vivant des placements et des déplacements multiples à la suite de tentatives de réinsertion familiale infructueuses ou de problèmes de ressources d'accueil » 105 ( * ) . Les études théoriques disponibles à l'époque soulignaient en effet l'importance d'offrir des conditions de stabilité le plus tôt possible dans la vie de l'enfant afin de limiter les séquelles possibles sur son développement, ses capacités relationnelles et d'adaptation. Autrement dit, plus l'enfant est jeune et plus il convient d'agir rapidement.

La loi introduit ainsi une durée maximale d'hébergement , modulée en fonction de l'âge de l'enfant et applicable tant dans le cadre d'une entente avec les parents sur la base de mesures volontaires que dans celui d'une ordonnance du tribunal. Cette durée est de 12 mois si l'enfant est âgé de moins de 2 ans ; de 18 mois sur l'enfant est âgé de 2 ans à 5 ans ; de 24 mois au-delà.

Afin que la fixation d'une durée maximale de placement n'aboutisse pas à une hausse du nombre de placements définitifs en dehors de la famille, cette règle est conciliée avec les principes de primauté de la responsabilité parentale et du maintien ou du retour dans la famille comme projet de vie privilégié .

En pratique, l'approche retenue consiste à élaborer concurremment et ce, dès le début de l'intervention, deux projets de vie , l'un privilégié et généralement axé sur le maintien ou le retour dans le milieu familial, l'autre alternatif, consistant en une solution de repli dans le cas où il serait renoncé au projet de vie privilégié pour des motifs cliniques ou judiciaires. Les projets de vie alternatifs doivent toujours être élaborés dans l'intérêt de l'enfant et correspondre à ses besoins ; il peut s'agir d'un placement de l'enfant auprès d'un tiers, d'une famille d'accueil ou d'un établissement, mais aussi d'un projet d'adoption ou d'un projet de vie axe sur l'autonomie du jeune.

Cet objectif de stabilisation et de continuité des mesures de placement avait retenu l'attention de la délégation sénatoriale, qui avait alors suggéré que le système français de protection de l'enfance évolue, à son tour, vers une plus grande sécurisation des parcours des enfants placés.

Cette problématique est plus que jamais d'actualité ; c'est pourquoi le présent rapport y consacre un long développement et formule des propositions sur ce sujet.

3. Renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vers l'autonomie
a) Un accompagnement fondamental, dont la mise en oeuvre est à géométrie variable
(1) Des jeunes confrontés à une exigence d'autonomisation précoce

Lorsqu'ils sont frappés par l'effet couperet des fins de prises en charge en protection de l'enfance, les jeunes majeurs sont confrontés, à la fois brutalement et précocement, à une forte exigence d'autonomisation à laquelle ils sont peu préparés. Dans le cadre de l'ASE, les jeunes ne sont pas les responsables et les acteurs uniques de leurs projets et demeurent en effet peu initiés aux réalités matérielles de la vie quotidienne, comme par exemple dans le domaine du logement ou de la gestion des dépenses.

Comme l'indiquait l'Oned en 2009, ces jeunes qui font face à toutes les transitions en même temps « cumulent des facteurs de risque interdépendants au niveau sociétal, communautaire, familial, personnel » 106 ( * ) . Le passage d'un statut d'enfant protégé à une logique d'insertion et de responsabilité, en particulier pour des jeunes ayant déjà connu des ruptures et eu des parcours chaotiques - avec toutes les conséquences qui peuvent en découler au niveau scolaire et affectif - représente une période critique qui conditionne fortement les parcours de vie ultérieurs.

Il apparaît ainsi pour le moins paradoxal d'exiger de leur part une insertion sociale et professionnelle plus rapide que celle qui est demandée aux jeunes en général.

Au contraire, compte tenu de leur situation, les jeunes majeurs sortant de la protection de l'enfance doivent pouvoir bénéficier, d'un accompagnement renforcé favorisant leur accession graduelle à l'autonomie . Faute de cela, les efforts réalisés pendant la minorité peuvent être réduits à néant. Plusieurs personnes auditionnées par vos rapporteures ont à cet égard évoqué la part importante de personnes sans domicile fixe (SDF) étant passées par l'ASE. L'enquête réalisée par Jean-Marie Firdion corrobore cette observation en indiquant que « les personnes ayant été « placées » sont largement sur-représentées parmi les populations sans domicile (estimées à 23 % sur cette enquête de l'Insee, à comparer à 2 % en population générale logée), en particulier parmi les plus jeunes (35 % parmi les 18-24 ans), et ce phénomène s'observe aussi dans d'autres pays occidentaux » 107 ( * ) .

L'enjeu n'est pas négligeable. Selon l'Oned 108 ( * ) , environ 21 000 jeunes majeurs de moins de 21 ans étaient concernés par une mesure d'aide du conseil général au 31 décembre 2011. Dans de nombreux départements, les jeunes majeurs de 18 à 21 ans représentent une part importante de l'ensemble des jeunes bénéficiant d'une mesure de protection administrative : 36 % à Paris, 52 % dans la Marne, 72 % dans la Meuse, voire 78 % dans le Val-de-Marne fin 2013.

(2) Des modalités de prise en charge très variées selon les départements

Malgré leur caractère facultatif (cf. I.2. b ), des dispositifs d'accompagnement des jeunes majeurs ont été mis en place dans de nombreux départements.

La réalité de cette prise en charge recouvre cependant des pratiques relativement hétérogènes et reste d'une étendue très variable selon les départements.

Si certains d'entre eux, comme la Haute-Loire, n'ont recours qu'au « contrat jeune majeur », d'autres ont mis en place des dispositifs plus larges prévoyant des conditions d'attribution et des prestations spécifiques.

A titre d'exemple, l'Isère a créé un « accompagnement jeune adulte » (AJA) qui se traduit par l'attribution d'une allocation financière d'autonomie pour les jeunes de 18 à 24 ans. Le département du Rhône, où se sont rendues vos rapporteures, a quant à lui prévu, pour les jeunes non pris en charge pendant leur minorité et vivant au moment de leur majorité une situation difficile, la possibilité de bénéficier d'un « contrat éducatif » éventuellement renouvelable une fois alliant accompagnement éducatif et aide financière. Ce dispositif coexiste avec le contrat jeune majeur. A l'opposé, dans le département du Doubs, les jeunes majeurs peuvent être pris en charge jusqu'à 21 ans mais aucun dispositif n'est prévu au-delà bien qu'une réflexion soit en cours sur l'insertion des jeunes âgés de 16 à 25 ans.

De façon plus générale, de nombreux départements alertent sur leurs difficultés à renouveler les contrats jeunes majeurs en raison d'un contexte budgétaire et financier très contraint.

b) Des initiatives départementales à exploiter

Au cours de leurs auditions et de leurs déplacements, vos rapporteures ont jugé particulièrement intéressants plusieurs dispositifs innovants mis en place par certains départements, comme le Pas-de-Calais ou la Loire-Atlantique, pour favoriser, au-delà de l'âge de 21 ans, une accession progressive des jeunes majeurs à l'autonomie.

(1) Le « contrat de soutien à l'autonomie des jeunes » en Loire-Atlantique

Le conseil général de la Loire-Atlantique a mis en place un « contrat de soutien à l'autonomie des jeunes » (CSAJ) qui vise à apporter aux jeunes de 16 à 25 ans « en défaut de solidarité familiale » un accompagnement personnalisé renforcé adapté à leurs besoins . Outre l'attribution d'une aide mensuelle, interviennent ainsi, selon les cas, une assistante sociale de secteur, un service spécialisé ou encore un référent ASE.

Ce dispositif se décline en deux formules : le CSAJ « protection de l'enfance » qui s'adressent aux jeunes majeurs encore pris en charge par la protection de l'enfance et âgés de 18 à 21 ans et le le CSAJ « insertion » qui concerne les jeunes âgés de 16 à 24 ans. Selon les informations transmises par le département, environ 1 070 jeunes bénéficient de ce dispositif actuellement ; 36 % d'entre eux relèvent de la protection de l'enfance.

L'intérêt de ce dispositif, s'agissant des jeunes issus de l'ASE, est qu'il remplace le contrat jeune majeur supprimé en tant que tel dans ce département en proposant une couverture plus large, permettant de prolonger l'aide au-delà de 21 ans si nécessaire .

Il fait en outre appel à une logique de projet qui nécessite une coordination de plusieurs acteurs issus des secteurs de la protection de l'enfance, de l'emploi et de la formation professionnelle ainsi que de l'insertion . C'est pourquoi les dossiers des jeunes sont examinés dans le cadre de comités d'attribution pluridisciplinaire (professionnel de mission locale ou responsable de pôle de l'ASE, prévention spécialisée, professionnels du logement, de la formation, directeur d'établissement socio-éducatif et conseiller général). Sur la base d'une présentation de rapports par les professionnels, le comité se prononce sur le projet du jeune et débat de l'intérêt de poursuivre la mesure de protection de l'enfance.

Le département de la Loire-Atlantique tire un bilan positif de ce dispositif, considérant qu'il a permis le développement du dialogue entre plusieurs cultures professionnelles . Il relève cependant le risque posé par le « le fait qu'il ne relève pas d'une politique obligatoire, et que la loi ne prévoit aucune mesure obligatoire pour les jeunes de 18 à 25 ans ».

(2) Les dispositifs expérimentés dans le Val-de-Marne

Dans le département du Val-de-Marne, parallèlement au recours aux contrats jeunes majeurs, deux dispositifs expérimentaux se sont succédé pour mieux accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le cadre du schéma départemental de prévention et de protection de l'enfance 2011-2015 :

- le dispositif « Rassembler des outils pour l'accompagnement vers l'autonomie des jeunes dans le département » (Road 94) permettant la mise en place, à compter de 2010 et pour une durée de dix-huit mois, de 205 parcours de jeunes sortant de l'ASE, de la PJJ et suivis par les missions locales et les équipes de prévention spécialisée ;

- le dispositif expérimental « Accompagnement des jeunes vers l'insertion » (AJI) qui propose, dans la continuité de Road 94, pour les jeunes âgés de 16 à 21 ans, quatre axes d'intervention : des parrainages professionnels (40 jeunes en 2013), des parrainages de proximité, un réseau de référents ASE insertion (26 référents volontaires plus particulièrement positionnés sur la connaissance et la transmission d'informations autour des dispositifs d'insertion), la diversification de l'hébergement (vers l'autonomie). Il s'agit d'un dispositif cofinancé par le conseil général et le fonds social européen (FSE) et qui concerne 150 jeunes pris en charge par l'ASE. Il est également expérimenté par d'autres départements (Paris, l'Essonne, la Meurthe-et-Moselle, l'Isère et les Landes).

Les dispositifs Road 94 et AJI

• Road 94

Expérimenté de 2010 à 2012, le dispositif Road 94 reposait sur trois séries d'outils nouveaux pour accompagner le jeune dans son accès au droit commun :

- un dispositif de parrainage affectif consistant à mettre en relation un adulte bénévole qui partage son temps et son « savoir-être » avec un jeune pour le soutenir dans son insertion sociale et ainsi favoriser son accès à l'autonomie. Ce volet était mis en place par l'intermédiaire de deux associations (« Parrains Par Mille » dans le cadre d'une approche individuelle et « Comité Français de Protection de l'Enfance » - CFPE - pour l'approche collective) ;

- deux types d'allocations financières : l'allocation Road 94 qui consistait en un versement d'un revenu minimum mensuel (plafonné à 460 euros et dont le versement était revu tous les trois mois) destiné à assurer la vie quotidienne du jeune et à sécuriser financièrement son parcours ; une aide financière complémentaire et subsidiaire par rapport au droit commun accordée pour un objet précis (par exemple, le financement du solde du permis de conduire). Le montant de cette seconde aide était plafonné à 1 500 euros par jeune pour toute la durée du dispositif ;

- l'intervention d'une commission hebdomadaire (composée des directeurs et des chefs de service de la PJJ, des missions locales, des équipes de prévention spécialisée et de l'ASE ainsi que de professionnels de l'éducation nationale de la mission insertion jeunesse du conseil général). A partir de la présentation par le jeune et son référent des étapes de son projet d'insertion, la commission avait pour mission de valider le parcours ou de proposer une autre orientation.

• AJI

Dans la dynamique impulsée par Road 94, le dispositif AJI repose quant à lui sur :

- la mise en place de référents-insertion identifiés comme des personnes ressources tant en interne auprès de leurs collègues qu'en externe auprès des différents partenaires. Parmi leurs missions : renforcer le travail en réseau, constituer une « boîte à outils » avec un guide des démarches à effectuer pour les jeunes avant et après leur majorité, élaborer un annuaire des structures et dispositifs existants en matière d'insertion ;

- des parrainages professionnels : il s'agit de mettre en place un réseau de parrains professionnels pour aider les jeunes ne disposant pas, ou peu, de contacts et d'établir des liens et une ouverture vers le monde de l'entreprise et l'emploi. Ce volet implique les services du conseil général qui travaillent déjà sur le thème de l'emploi et de l'insertion ainsi que deux associations oeuvrant dans le domaine des parrainages professionnels ;

- l'expérimentation des logements partagés , offre intermédiaire entre l'hébergement en foyers et le logement autonome. Dans le cadre des « habitats éducatifs », les jeunes sont à la fois autonomes (seuls, sans éducateur, dans un logement) et accompagnés en tant que de besoin (présence hebdomadaire d'un éducateur dans le logement, suivi des jeunes).

Le calendrier de réalisation de cette expérimentation est le suivant : de janvier à décembre 2014 , un appui méthodologique et opérationnel auprès des départements expérimentateurs avec, en juin, la remise au comité de pilotage des notes d'étape et d'une revue de littérature réalisée à partir d'études existantes sur les parcours de ces jeunes et des pratiques de terrain, et en décembre, la remise du rapport final ; premier trimestre 2015 : journée de valorisation des bonnes pratiques et d'aide à leur transposition ; ensuite, publication d'un recueil de bonnes pratiques.

(3) Les enseignements à tirer de ces expériences

Les dispositifs CSAJ et Road 94 ont permis de mettre en exergue plusieurs aspects clés dans la prise en charge des jeunes majeurs.

La collaboration entre les acteurs de la protection de l'enfance et les professionnels de l'insertion sociale et professionnelle est un apport essentiel. Comme en fait état le Lefras (Laboratoire Etude Recherche Formation en Action Sociale) dans son évaluation de Road 94 109 ( * ) , cette collaboration a permis de démultiplier le pouvoir d'action de chaque organisation travaillant sur un aspect de l'insertion. Il s'agit de faire dialoguer les cultures et les approches différentes de l'insertion socio-professionnelle et de la protection de l'enfance et d'établir des passerelles avec le droit commun pour mieux accompagner les jeunes les plus vulnérables. A cet égard, le regard porté par les commissions pluridisciplinaires sur les projets des jeunes permet à la fois une mise à profit de connaissances et de compétences variés pour préciser ces projets et une reconnaissance, pour les jeunes accompagnés, de leurs efforts et prises de responsabilité . Il s'agit d'une « coconstruction » du projet d'insertion sociale et professionnelle qui suppose la mise en place de nouvelles cultures professionnelles. Comme l'a indiqué le département du Val-de-Marne à vos rapporteures, « c'est une réelle modification des pratiques professionnelles jusqu'à présent axées en grande partie sur la prise en charge éducative du jeune et de ses relations avec la famille ».

Les dispositifs expérimentaux rappellent en outre l'importance de concevoir la prise en charge des jeunes à l'ASE comme un parcours dans lequel est impliqué l'ensemble des professionnels travaillant autour des situations des jeunes et dans lequel les sorties des dispositifs de l'ASE doivent se préparer très en amont . Ainsi que l'indiquait déjà l'Oned en 2010, il faut envisager « le soutien à l'âge adulte comme un parcours marqué par la date symbolique et juridique des 18 ans mais qui se prépare en amont dès 16 ans et peut s'échelonner au-delà de 21 ans. Ceci afin d'éviter dans les dispositifs les effets de seuils et d'évictions ainsi que les ruptures brutales de prise en charge et de permettre une plus grande cohérence et continuité des parcours en laissant plus de temps aux jeunes pour construire leurs trajectoires d'insertion ». 110 ( * )

Proposition n° 51 : envisager la prise en charge des jeunes à l'ASE comme un parcours en préparant, dès l'âge de seize ans, les modalités de sortie du dispositif et en réfléchissant à leur projet d'insertion.

Proposition n° 52 : encourager la généralisation, après évaluation, des dispositifs expérimentaux qui permettent l'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet personnalisé d'autonomisation au travers, d'une part, d'un accompagnement conjoint par des professionnels issus de l'insertion dans l'emploi (formation, parrainages) et de l'ASE, d'autre part, d'un soutien matériel, notamment financier, modulable selon les besoins du jeune.

4. Le cas particulier des mineurs isolés étrangers

Qu'ils soient en situation régulière ou non et quelle que soit leur nationalité, les mineurs isolés étrangers (MIE) sont pris en charge par les services de l'ASE sur le fondement de l'article L. 112-3 du CASF qui dispose que l'un des objectifs de la protection de l'enfance est de « prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge ». En d'autres termes, l'accueil et la prise en charge des MIE relèvent de la responsabilité des départements qui exercent cette compétence au titre la protection de l'enfance.

Une nouvelle donne s'est imposée à un grand nombre de conseils généraux depuis quelques années : la forte augmentation du nombre de MIE arrivant sur le territoire français dans un contexte géopolitique marqué par la multiplication des conflits, notamment interethniques. Certains départements sont plus concernés que d'autres, en fonction des lieux d'arrivée des MIE, par des phénomènes d'engorgement de l'accès au dispositif de la protection de l'enfance.

Des interrogations sont ainsi apparues sur la répartition tant des compétences que du financement de ces prises en charge entre l'Etat et les départements.

La circulaire de mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers 111 ( * ) ainsi que le protocole entre l'Etat et les départements concernant le dispositif des MIE (mai 2013) ont cherché à répondre aux difficultés rencontrées par les conseils généraux en la matière en prévoyant un appui financier de l'Etat et des modalités de répartition des MIE entre départements. Est en effet prévu un financement spécifique de l'Etat limité aux cinq jours de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation. L'indemnisation de la collectivité est de 250 euros par mineur et par jour. A partir de la première phase d'évaluation, une régulation nationale organisée par une cellule nationale créée à cet effet doit permettre l'orientation du jeune vers un territoire éventuellement différent de son lieu d'arrivée.

Ces nouvelles modalités d'organisation suscitent des réactions contrastées. Pour les services de l'ASE de Paris, premier département d'accueil des MIE où ils sont environ 1 900 aujourd'hui (contre 700 fin 2008), la répartition « permet de stabiliser des effectifs qui étaient en progression constante depuis plusieurs années, sans possibilité d'anticipation des besoins, mais aussi de remédier aux difficultés d'insertion, d'accompagnement vers la régularisation et l'emploi de nombres aussi importants de MIE chaque année ». Le département souligne en en ce sens que « la pérennité de ce dispositif et l'application pleine et entière de cette circulaire, une fois les ajustements du comité de pilotage national intégrés, restent très importants pour le maintien d'une mission de qualité » de son dispositif de protection de l'enfance 112 ( * ) .

D'autres départements pointent les menaces que fait porter la nouvelle clé de répartition sur la qualité des dispositifs d'accueil et de prise en charge en vigueur.

L'exemple du Pas-de-Calais, où vos rapporteures se sont rendues, est particulièrement révélateur des difficultés rencontrées.

L'accueil des MIE dans le département du Pas-de-Calais

Dans ce département, un dispositif d'accueil spécifique a été mis en place en décembre 2012 pour l'accueil des MIE de plus de 15 ans. Fonctionnant en partenariat avec l'association France Terre d'Asile (FTA) et les tribunaux compétents, il recourt à trois structures : une mise à l'abri de 30 places, des appartements de stabilisation de 30 places gérés par l'association et un accueil de jour de 50 places leur permettant de les accompagner dans leurs démarches administratives et juridiques. Ce dispositif permet de prendre en compte les profils spécifiques des MIE avec des interventions ciblées en matière d'assistance d'éducative, d'accompagnement administratif et juridique et d'insertion.

La qualité de cette prise en charge est aujourd'hui compromise par la saturation du dispositif du fait de nouvelles arrivées de MIE provenant d'autres départements depuis le 1 er juin 2013 113 ( * ) . Les services sont contraints de solliciter les maisons d'enfant à caractère social (MECS) et les foyers de jeunes travailleurs (FJT), ce qui pose un double problème : d'un côté, cela pèse sur le dispositif de diversification et de restructuration de l'offre d'accueil par l'étouffement des places disponibles pour les jeunes qui ne sont pas des MIE ; de l'autre, cela produit une iniquité de traitement entre MIE car les mineurs placés dans des foyers « classiques » ne bénéficient pas du savoir-faire de l'association FTA .

Tant bien que mal, le département cherche à développer des palliatifs comme la désignation d'un intervenant social de FTA venant en appui à ces établissements « classiques », l'accueil familial des MIE ou encore l'extension d'une annexe de FTA à l'établissement de Saint-Omer.

De manière plus générale, de nombreux départements ont souhaité insister sur le fait que leurs professionnels de la protection de l'enfance n'étaient pas formés à cette problématique spécifique et que les dispositifs d'accueil classique n'apparaissaient pas adaptés à l'accueil des MIE qui ont eu des parcours et qui présentent des vulnérabilités très particuliers.

C'est pourquoi vos rapporteures estiment qu'il serait opportun de réfléchir à d'autres modes de prise en charge spécifiques aux MIE au sein du dispositif de protection de l'enfance .

Proposition n° 53 : étudier l'opportunité de mettre en place d'autres modes de prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE), plus adaptés à leurs problématiques spécifiques, dans le cadre de la protection de l'enfance.

GLOSSAIRE DES ABRÉVIATIONS

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AED : aide éducative à domicile

AEMO : action éducative en milieu ouvert

ASE : aide sociale à l'enfance

CNAF : caisse nationale des allocations familiales

CRIP : cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes

DIPC : document individuel de prise en charge

IP : information préoccupante

MIE : mineurs isolés étrangers

ODPE : observatoire départemental de la protection de l'enfance

ONED : observatoire national de l'enfance en danger

PMI : protection maternelle et infantile

PPE : projet pour l'enfant

TRAVAUX DE LA COMMISSION

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Réunie le mercredi 25 mars 2014, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport d'information de Mmes Muguette Dini et Michelle Meunier sur la protection de l'enfance.

Mme Muguette Dini, rapporteure. - Nous vous présentons aujourd'hui les conclusions de la mission que la commission nous a confiée sur la protection de l'enfance. Celle-ci poursuivait deux objectifs : dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance et proposer, le cas échéant, des améliorations du dispositif actuel.

Depuis le début de l'année 2014, date de lancement de nos travaux, nous avons effectué une quarantaine d'auditions et nous nous sommes rendues dans trois départements - le Rhône, la Loire-Atlantique et le Pas-de-Calais -, des territoires différents par bien des aspects, mais fortement investis sur cette question. Ces auditions et déplacements ont été l'occasion de rencontrer de très nombreux acteurs de la protection de l'enfance : travailleurs sociaux, magistrats, professionnels de santé, représentants associatifs, personnels des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE), responsables d'administrations centrales, chercheurs...

Nous avons également adressé un questionnaire sur l'application de la loi de 2007 à 47 conseils généraux, dont les présidents ou l'un(e) des vice-président(e)s sont également sénateurs(rices). Il nous semblait en effet important, compte tenu du rôle pivot des départements dans cette politique publique, de savoir concrètement comment ils la mettaient en oeuvre sur le terrain et de recueillir leur point de vue sur d'éventuelles évolutions du système. Le taux de retour est très satisfaisant puisque 31 réponses nous sont parvenues, dans leur grande majorité, bien documentées et très instructives. Nous remercions donc vivement nos collègues de la commission, président de conseil général ou vice-président, et, à travers eux, leurs services, de leur précieuse collaboration.

Avant d'en venir à la présentation de nos constats et propositions, rappelons quelques chiffres clés de la protection de l'enfance et les principaux enjeux de la loi de 2007. Selon les dernières données disponibles, le nombre de jeunes pris en charge par les services de la protection de l'enfance est estimé à environ 296 000, dont 275 000 mineurs et 21 000 jeunes majeurs. Le placement représente pour les mineurs et les jeunes majeurs, respectivement 48 % et 83 % des mesures. Le milieu ouvert, c'est-à-dire les actions de protection mises en oeuvre dans le cadre d'une prise en charge à domicile, représente pour les mineurs et les jeunes majeurs, respectivement 52 % et 17 % des mesures. La quasi-totalité des interventions en protection de l'enfance sont financées par les conseils généraux. Ceux-ci ont consacré à l'ASE 6,9 milliards d'euros en 2012, ce qui représente plus de 21 % de leurs dépenses totales d'aide sociale.

Fruit d'une large concertation nationale et locale, la loi du 5 mars 2007 a réformé en profondeur le dispositif tel qu'hérité des grandes lois de décentralisation : elle a remplacé la notion d'enfants « victimes de mauvais traitements » par celle, plus large, d'enfants « en danger ou en risque de l'être » ; se référant à l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, elle a défini les priorités de la protection de l'enfance : « l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits » ; elle a conforté la place des parents dans la démarche de protection en développant les actions de soutien à la parentalité ; elle a défini une nouvelle articulation des modalités d'intervention, en donnant la priorité à la protection sociale sur la protection judiciaire ; elle a confié au président du conseil général une responsabilité essentielle dans l'organisation et le pilotage de la protection de l'enfance ; elle a fait obligation aux départements de mettre en place un observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE) ; elle a introduit, pour la première fois, un volet « prévention », prenant appui sur la protection maternelle et infantile (PMI) et la médecine scolaire ; elle a réorganisé le dispositif d'alerte et de signalement en prévoyant la création, dans chaque département, d'une cellule chargée du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes (la Crip) ; elle a créé de nouvelles modalités d'accueil et d'intervention afin de sortir de l'alternative traditionnelle « aide à domicile/placement de l'enfant » ; elle a encouragé l'individualisation de la prise en charge en posant l'obligation, pour chaque enfant protégé, d'établir un « projet pour l'enfant » (PPE) ; enfin, elle a fixé une obligation de formation, initiale et continue, pour l'ensemble des professionnels concernés.

De l'avis général, la loi de 2007 est globalement une bonne loi, qui a permis au dispositif de gagner en lisibilité et en efficacité. Cependant, confrontée à l'épreuve du terrain, son déploiement connaît des retards et des inerties. Elle est en outre insuffisamment dotée pour répondre au problème de l'instabilité des parcours de prise en charge de certains enfants.

Aussi, avons-nous décidé de structurer notre rapport autour de trois grands objectifs : améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance ; rendre le dispositif plus optimal à tous les stades : la prévention, le repérage et la prise en charge ; sécuriser le parcours de l'enfant protégé.

Notre premier constat porte sur le caractère encore très parcellaire de la connaissance de la population des enfants protégés. L'agrégation et la comparaison des données produites au niveau local sont rendues difficiles tant par la dispersion des sources, la grande hétérogénéité des statistiques disponibles, que par l'absence de nomenclatures et de méthodologies communes. Les réponses au questionnaire montrent que la capacité des services départementaux à fournir des éléments précis sur le volume et la provenance des informations préoccupantes (IP), le nombre de signalements, les mesures de protection mises en places ou l'importance des PPE conclus sur leur territoire est très aléatoire.

La loi de 2007 impose pourtant aux départements de faire remonter un certain nombre d'informations à l'Observatoire national de la protection de l'enfance (Oned). La capacité d'établir un état des lieux exhaustif de la protection de l'enfance est en effet un préalable indispensable à toute prise de décision tant nationale que locale. Les efforts de mise en cohérence des données sous l'égide de cet observatoire national doivent donc impérativement être renforcés.

D'un point de vue plus qualitatif, l'approfondissement des connaissances sur la protection de l'enfance achoppe sur l'insuffisance des travaux de recherche. Les études longitudinales en particulier, qui permettent de suivre les parcours des jeunes après leur sortie du dispositif et de contribuer ainsi à l'évaluation des mesures mises en oeuvre, font encore largement défaut. Plusieurs départements ont également insisté sur la nécessité, compte tenu de l'évolution rapide des besoins et de l'apparition de nouvelles problématiques en protection de l'enfance, de mener des études à visée prospective. De nombreux interlocuteurs ont effectivement attiré notre attention sur les changements qui caractérisent les enfants protégés depuis quelques années : outre la montée des situations de précarité, les services de l'ASE sont davantage confrontés qu'auparavant à des enfants « à grosses difficultés », dont la prise en charge s'avère plus complexe (handicaps, troubles psychiques ou psychiatriques, violences). Il apparaît donc nécessaire d'encourager davantage les travaux de recherche dans tous les domaines (épidémiologique, clinique, sociologique, économique ou encore psychologique), ce qui passe notamment par un soutien accru aux équipes existantes, la poursuite des appels à projets et le financement d'études de cohortes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Notre deuxième constat a trait aux nombreuses disparités territoriales dans la mise en oeuvre de la loi. Sans prétendre à l'exhaustivité, citons les principales : grande diversité des modes de recueil et d'évaluation des IP, manque de lisibilité sur la mobilisation des diverses mesures de protection, recours très variable aux PPE, prise en charge très inégale des jeunes majeurs.

Plus préoccupant, les ODPE ne couvrent que très imparfaitement le territoire national : 35 % des départements n'en sont toujours pas pourvus. En outre, la capacité de travail des ODPE existants est souvent compromise par la faiblesse de leurs moyens humains et budgétaires. Ces observatoires sont pourtant susceptibles de jouer un rôle clef dans la mise en relation et la connaissance mutuelle des différents acteurs de la protection de l'enfance. Leur caractère partenarial et leur rôle complémentaire de l'échelon national (Oned) devraient en faire un lieu d'observation et d'évaluation central, mais aussi et surtout, une force de proposition et d'animation privilégiée dans chaque département.

Au total, si l'existence de pratiques et d'interprétations disparates est un risque intrinsèque à toute politique décentralisée, ainsi que la contrepartie du principe de libre administration des collectivités territoriales, une coordination a minima s'avère indispensable, ne serait-ce qu'au regard des garanties dont doivent pouvoir bénéficier les enfants protégés et leurs familles en matière d'égalité de traitement.

A ce titre, les initiatives d'harmonisation apparaissent insuffisantes et il manque plus largement à la politique de protection de l'enfance un cadre qui permette de lui donner une réelle impulsion nationale. C'est pourquoi nous nous associons pleinement à la proposition formulée par le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » consistant à créer une instance nationale, placée auprès du Premier ministre et regroupant tous les acteurs (départements, Etat, associations, autres organismes...) sur le modèle de ce qui existe dans d'autres champs des politiques sociales. Ce « Conseil national de la protection de l'enfance » se substituerait à deux comités qui ne se réunissent plus aujourd'hui et serait chargé d'une triple mission : proposer au Gouvernement les grandes orientations de la politique de protection de l'enfance ; formuler des avis sur toute question s'y rattachant ; suivre et évaluer l'application des orientations retenues. Cette démarche aurait le mérite de prolonger l'expérience partenariale, qui avait marqué les travaux préparatoires à l'élaboration de la loi de 2007 et qui continue d'être jugée très positivement aujourd'hui.

Notre troisième constat concerne la coopération entre les acteurs de la protection de l'enfance, que la loi de 2007 avait pour objectif de développer. La création d'une interface commune - la Crip - a indéniablement favorisé le dialogue entre les différents partenaires, en particulier entre les services départementaux et l'autorité judiciaire, permis une meilleure compréhension mutuelle et encouragé une évaluation partagée des situations familiales à risque. Les réponses au questionnaire montrent ainsi que, dans la grande majorité des cas, l'installation des Crip s'est accompagnée de la signature d'un protocole interinstitutionnel permettant de formaliser officiellement cette démarche partenariale.

L'apport des ODPE à cette dynamique semble moins évident, compte tenu de leur grande hétérogénéité : certains, très actifs, ont réellement permis de structurer les synergies entre professionnels, d'autres n'ont pas eu cet effet faute le plus souvent de moyens humains et financiers dédiés. En dehors des Crip et des ODPE, des initiatives de coopération originales ont vu le jour dans les territoires, comme la mise en place d'une commission partenariale spécialisée dans le traitement des dossiers les plus complexes en Haute-Loire, la signature d'un protocole interinstitutionnel pour organiser la continuité des interventions dans le Loiret, ou la constitution d'équipes pluridisciplinaires pour certaines modalités d'accueil dans le Maine-et-Loire.

Malgré ces avancées locales, le constat général est celui d'une coopération globalement insuffisante et surtout d'un cloisonnement encore très marqué entre les différents secteurs d'intervention (ASE, justice, médico-social, santé, éducation nationale...). Nombre d'interlocuteurs ont ainsi insisté sur la difficulté à faire émerger une « culture commune » de la protection de l'enfance, chaque sphère restant attachée à la défense de son pré-carré.

La collaboration entre acteurs de terrain est pourtant une condition sine qua non de la qualité de la prise en charge. Comment, en effet, assurer la cohérence et la continuité des parcours des enfants confiés si les professionnels concernés interviennent indépendamment les uns des autres ? Le travail en réseau présente en outre l'avantage de ne pas entraîner de coût supplémentaire pour les finances départementales puisqu'il s'agit principalement d'une question de volonté et d'organisation. Afin de relancer la dynamique partenariale et d'encourager le décloisonnement entre les secteurs, nous proposons, d'une part, d'inclure systématiquement dans la liste des signataires des protocoles relatifs aux IP l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance, en particulier les représentants du secteur médical (hôpitaux et médecins libéraux via leur ordre départemental), d'autre part, de généraliser la pratique consistant à associer l'ensemble des partenaires à l'élaboration du schéma départemental de la protection de l'enfance.

Nous ne pouvons conclure ce chapitre « gouvernance » sans soulever la question du fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE) qui, nous le savons, préoccupe beaucoup nos collègues présidents ou vice-présidents de conseil général. Créé par la loi de 2007, ce fonds a une double mission : compenser aux départements la charge résultant de la mise en oeuvre de cette réforme et financer des actions innovantes en matière de protection de l'enfance. Ses ressources sont constituées par un versement annuel de la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), dont le montant est arrêté en loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement annuel de l'Etat, dont le montant est arrêté en loi de finances. Après avoir reçu, en 2011, 30 millions d'euros de la Cnaf - répartis sur trois ans - et 10 millions de l'Etat, le fonds n'a plus été abondé. Certes, la situation des finances publiques s'est fortement dégradée depuis 2007, mais cette absence de dotation revient à faire peser sur les départements la totalité du coût de la réforme, entraînant inévitablement la progression du poste budgétaire « ASE » dans leurs dépenses d'aide sociale.

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Premier niveau du dispositif, la prévention est l'un des axes majeurs de la loi de 2007, l'objectif étant d'agir le plus en amont possible de la dégradation des situations familiales. En pratique, cette ambition n'a pu être pleinement suivie d'effets en raison tant de l'insuffisance des moyens attribués à la PMI et à la santé scolaire que d'un manque de portage politique.

Compte tenu de la situation critique qu'ils traversent depuis maintenant plusieurs années, les services de PMI peinent en effet à remplir le rôle que leur attribue la loi de 2007. Comme vous le savez et ainsi que nous l'ont rappelé plusieurs départements, les difficultés auxquelles ils font face pour recruter leurs professionnels ne leur permettent pas d'assurer une couverture optimale des besoins et les contraignent à concentrer leur action sur la gestion des urgences. Aussi, de l'avis général, la mission de prévention de la PMI est-elle passée au second plan.

Nous ne sommes malheureusement pas les premières à dresser cet état des lieux. Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes réitérait déjà le constat établi six ans auparavant sur la couverture très inégale du territoire en services de PMI et insistait sur le « besoin d'une réaffirmation de son rôle et de ses missions ». Cette situation est d'autant plus préoccupante que la médecine de ville et les hôpitaux ne sont pas en mesure de se substituer aux carences de la PMI et que le contexte de plus grande précarité sociale, d'évolution des structures familiales et d'isolement croissant de nombreux foyers nécessiterait des moyens d'actions accrus.

En outre, comme le relevait la Cour des comptes, il n'existe aucune politique nationale incitative ou régulatrice pour définir les orientations de la PMI et accompagner leur mise en oeuvre. Nous sommes pourtant convaincues que celle-ci dispose d'atouts reconnus qui devraient lui permettre de jouer pleinement son rôle de digue face aux situations de danger les plus graves : un bon ancrage local permettant une accessibilité géographique, financière et culturelle, ainsi qu'un positionnement à la charnière du sanitaire et du social, de l'individuel et du collectif, du préventif et de l'éducatif. C'est pourquoi nous en appelons à la fois à une réaffirmation du rôle central de la PMI dans la politique de protection de l'enfance et à un renforcement de son attractivité afin de garantir une couverture des besoins sur l'ensemble du territoire.

Deuxième acteur de la prévention, la santé scolaire connaît des difficultés non moins importantes. Sans pouvoir trop développer ce sujet, rappelons simplement que les bilans de santé prévus par la loi de 2007 pour les enfants du primaire et du collège n'ont pas pu être systématisés, faute là encore de moyens suffisants. La médecine scolaire reste en outre marquée par de fortes disparités entre les académies, selon qu'elles se situent ou non dans des zones sous-médicalisées.

Au-delà de la PMI et de la médecine scolaire, la première des préventions est l'acquisition par tous les acteurs de la protection de l'enfance d'une formation adaptée et opérationnelle. Bien que la loi prévoie une obligation générale de formation initiale et continue à destination de l'ensemble des professionnels concernés, le bilan est pour le moins limité, en particulier s'agissant des médecins et des travailleurs sociaux. Ce constat nous conduit à formuler cinq propositions : introduire dans les facultés de médecine un enseignement obligatoire consacré à la protection de l'enfance d'une amplitude horaire proportionnée à l'importance des enjeux soulevés par cette problématique ; développer pour les externes en médecine les stages professionnels chez les praticiens libéraux afin qu'ils puissent in situ apprendre à reconnaître les signes caractéristiques de maltraitance ; rendre effectives les sessions de formation interdisciplinaires par la signature et la mise en oeuvre des conventions prévues à cet effet dans le code de l'éducation ; confier aux ODPE la double mission de réaliser un bilan annuel des formations délivrées dans le département et d'élaborer un plan pluriannuel des besoins en formation des professionnels intervenant dans le champ de la protection de l'enfance ; prévoir pour les travailleurs sociaux des cycles de formation continue sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui pour les cadres de la protection de l'enfance.

Venons-en à présent au deuxième niveau du dispositif : le repérage des situations de danger. Le système de recueil, de traitement et d'évaluation des IP, piloté par la Crip, est l'une des avancées majeures de la loi de 2007. Il est, en effet, unanimement reconnu que cette nouvelle organisation, plus rationnelle, a permis d'améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de l'être : des situations, qui seraient restées inconnues des services de l'ASE dans le système précédent, sont désormais traitées et évaluées. Pour autant, des marges de progression existent afin de rendre le dispositif plus performant.

La première consiste à accroître la participation du secteur médical au dispositif de transmission des IP. Les professionnels de santé, plus particulièrement les médecins (généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, urgentistes), sont un maillon essentiel de la protection de l'enfance car ils sont les acteurs de proximité les plus à même de détecter les signes de maltraitance. Or les réponses au questionnaire montrent la très faible part que représente le milieu médical (hôpital, médecine de ville) dans les sources émettrices d'IP. Celui-ci arrive quasi-systématiquement derrière tous les autres intervenants (éducation nationale, autorité judiciaire, secteur médico-social, association, membre de la famille, source anonyme...). Ce constat a été corroboré par nombre de personnes auditionnées, y compris par les représentants des médecins eux-mêmes. Plusieurs freins expliquent cette faible participation du corps médical : le manque de formation initiale et continue aux problématiques de l'enfance en danger, une méconnaissance des procédures mises en place à l'échelle du département, un certain isolement professionnel (pour les médecins libéraux), la crainte des poursuites judiciaires (pour dénonciation calomnieuse notamment).

Concernant l'hôpital, une vigilance particulière doit être portée sur les urgences car elles sont un lieu de passage privilégié et parfois l'unique lieu de soins des victimes de maltraitance. Deux mesures proposées par le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » ont retenu notre intérêt : la mise en place d'un outil informatique dédié à l'accueil des urgences permettant l'analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue ; le développement d'une formation spécifique aux problématiques de la protection de l'enfance à destination des professionnels des services des urgences.

S'agissant des médecins libéraux, leur participation au dispositif de repérage dépend tout d'abord du niveau de connaissance et du degré de pratique professionnelle qu'ils ont acquis dans ce domaine. Nous réitérons donc notre proposition de renforcement de leur formation initiale et continue. Il convient ensuite d'encourager des échanges réguliers entre les médecins et les autres acteurs de la protection de l'enfance, au premier rang desquels les services du conseil général. Il est, à ce titre, indispensable que chaque conseil départemental de l'ordre des médecins soit partie prenante au protocole interinstitutionnel relatif aux IP. D'une manière générale, ces conseils ont un rôle important à jouer pour développer les partenariats et le travail en réseau.

Une autre piste de réforme consisterait à désigner, dans chaque service départemental de PMI, un médecin référent « protection de l'enfance » chargé d'établir des liens de travail entre les services départementaux (PMI, ASE), les médecins libéraux du département (plus particulièrement les médecins généralistes et les pédiatres), les médecins de santé scolaire, et les praticiens hospitaliers s'occupant d'enfants (urgentistes, pédiatres, ORL...). La désignation de ce médecin référent permettrait à la fois de rompre avec l'isolement du médecin exerçant en secteur libéral et d'améliorer la coopération entre l'ensemble des professionnels de santé, dans l'objectif d'une prise en charge plus précoce et mieux coordonnée des enfants en danger.

La deuxième marge de progrès concerne le fonctionnement des Crip. Bien que celui-ci soit jugé globalement satisfaisant par les départements interrogés, plusieurs améliorations pourraient lui être apportées afin de l'optimiser : inciter les services de l'ASE à mettre en place un référentiel permettant une évaluation harmonisée des IP à l'échelle du département grâce à des critères précisément définis ; encourager les départements à développer le caractère pluridisciplinaire et concerté du processus d'évaluation des IP ;  encadrer strictement la procédure de prise de décision concernant les IP lorsque celle-ci relève des services territorialisés de la Crip ; développer, dans chaque Crip, une permanence médicale assurée par le médecin de PMI référent « protection de l'enfance » ; garantir, dans chaque département, la continuité du service de recueil des IP en organisant un dispositif prenant le relais de la Crip en dehors de ses heures d'ouverture ; conforter le rôle d'avis et de conseil des Crip en permettant à l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance de s'adresser à elle directement (par exemple, via un numéro d'appel mis à leur disposition).

Mme Michelle Meunier, rapporteure. -  Nous en arrivons au troisième niveau du dispositif, la prise en charge, qui nous offre l'occasion de nous arrêter quelques instants sur la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, primordiale à nos yeux.

Pendant très longtemps, les structures de protection de l'enfance ont exercé leurs missions sans associer les familles au travail éducatif mis en place. La famille était en effet considérée comme défaillante, incompétente, toxique, ou responsable des troubles de l'enfant. C'est donc par la séparation et l'éloignement du milieu familial que l'évolution de l'enfant était envisagée. Les années 1980 marquent un véritable changement de paradigme en voyant émerger une nouvelle conception de la place de la famille, selon laquelle les parents sont responsables et non plus coupables et doivent dès lors être associés aux mesures de protection mises en oeuvre pour leur enfant. Cette approche, centrée sur un travail de coconstruction avec la famille, a prévalu et s'est même amplifiée jusqu'aux années 2000, faisant dire à certains que le système de protection de l'enfance avait basculé dans « le familialisme ». C'est dans ce contexte polémique que la réforme de 2007 s'est donné pour objectif de rétablir un certain équilibre entre la protection due à l'enfant et la place de la famille, autrement dit entre droits de l'enfant et droits des parents.

Bien que la notion d'intérêt supérieur de l'enfant irrigue désormais tout le droit de la protection de l'enfance, nos auditions et déplacements ont montré que le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques. Cette conception, que certains professionnels n'hésitent pas à qualifier de dogme, s'exprime d'abord à travers les représentations sociologiques de la famille. En France, il est très difficile d'envisager un aménagement voire une rupture du lien familial biologique. Preuve en est, par exemple, l'injonction qui est souvent faite aux assistants familiaux de ne pas s'attacher aux enfants qu'ils accueillent. Or, certaines situations nécessitent assurément de libérer les enfants de la tutelle de leurs parents, lorsque celle-ci ne peut plus s'exercer dans des conditions raisonnables, est néfaste, ou ne repose sur aucun lien affectif durable.

L'idéologie familialiste imprègne ensuite les pratiques sociales. Par leur formation, les travailleurs sociaux attachent beaucoup d'importance à l'adhésion des parents, à leur accompagnement et à leurs facultés de progression. Bien sûr, cette démarche est parfaitement louable et doit être mise en oeuvre dans la majorité des situations. Mais dans certains cas, les plus difficiles (délaissement, maltraitance), elle peut être préjudiciable à l'enfant en retardant la prise de décisions, qui seraient pourtant bénéfiques à son développement (l'éloignement, par exemple).

Le dogme du lien familial perdure également au sein de l'institution judiciaire. Les condamnations de parents maltraitants (hormis les meurtres et l'inceste) sont généralement d'une moindre sévérité que si les actes incriminés avaient été perpétrés par un étranger à la famille. En outre, il est assez rare que le retrait de l'autorité parentale soit prononcé. Par exemple, un père ayant violenté la mère de ses enfants peut conserver l'autorité parentale sur ceux-ci ; un père abuseur recouvre parfois son autorité parentale au terme de sa peine.

Enfin, même la loi n'est pas exempte de référence à cette idéologie puisque la protection administrative qui, depuis 2007, prime sur la protection judiciaire, doit chercher à obtenir l'adhésion des parents, ceci parfois au risque d'un allongement des procédures préjudiciable à l'enfant. Pour autant, il serait exagéré de parler de la loi de 2007 comme d'un texte familialiste ; ce sont davantage les mentalités et les pratiques professionnelles qui restent imprégnées par « le maintien du lien familial à tout prix ».

Au final, nous estimons fondamental que l'intérêt supérieur de l'enfant soit replacé au coeur du dispositif de protection de l'enfance. Ainsi que l'a expliqué très justement le docteur Daniel Rousseau, pédopsychiatre à Angers, lors de son audition, « en protection de l'enfance, le principe de précaution devrait toujours bénéficier en priorité à l'enfant et non aux parents comme cela est encore trop souvent le cas ».

Comment, concrètement, veiller à ce que l'intérêt de l'enfant soit le principe directeur de toute prise en charge ? C'est précisément la raison d'être de l'obligation légale d'élaborer un PPE. Or, nous l'avons dit, le PPE est aujourd'hui mis en oeuvre de manière très inégale selon les départements. Cette situation, sept ans après l'adoption de la loi, n'est pas acceptable : l'absence ou l'application partielle du PPE dans certains territoires signifie en effet que des enfants ne bénéficient pas d'une prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée. Qui plus est, lorsqu'un PPE est élaboré, celui-ci s'apparente trop souvent à un document administratif classique, mentionnant toutes les données relatives à l'organisation du suivi de l'enfant mais sans référence à son projet de vie.

Nous formulons donc plusieurs propositions pour systématiser la mise en oeuvre du PPE et en faire un instrument au service de l'intérêt et des besoins de l'enfant : encourager tous les départements, à l'image de la Charente, de la Dordogne, de l'Isère ou du Loiret, à élaborer, d'ici fin 2015, un « PPE-type » applicable à l'ensemble des mesures de protection ; rationaliser les documents de prise en charge en intégrant, pour les enfants accueillis en établissement ou service social ou médico-social, le document individuel de prise en charge (DIPC) au PPE ; faire du PPE un outil de prise en charge globale de l'enfant en veillant à ce qu'il traite de toutes les dimensions de son développement (sociale, médicale, éducative, affective, etc.) et privilégie une approche en termes de parcours de vie ; développer la pratique, expérimentée en Loire-Atlantique, consistant à désigner, pour chaque PPE signé, un référent ASE exclusivement chargé de son suivi et de son évaluation.

Nous ne pouvons conclure cette partie sans évoquer la prise en charge psychique des enfants protégés. Dans la très grande majorité des cas, ces enfants ont subi des traumatismes qui, en fonction de leur degré de gravité, affectent plus ou moins fortement leur développement psychique à court et à long terme. Seuls des soins adaptés et prolongés, prodigués le plus tôt possible, peuvent permettre de limiter le risque de séquelles. En protection de l'enfance, la santé mentale est un enjeu d'autant plus important que, de l'avis de nombreux professionnels, l'ASE accueille de plus en plus d'enfants ou de jeunes adultes présentant des troubles du comportement ou de structuration de la personnalité.

Cependant, l'offre de soins en pédopsychiatrie ne permet pas aujourd'hui d'apporter une réponse satisfaisante aux besoins de ces enfants et de ces jeunes. Même si d'importantes disparités territoriales existent dans ce secteur également, le constat global est celui d'une démographie médicale déclinante, de délais d'attente excessifs pour une prise en charge en ambulatoire, d'un manque de places en hospitalisation et en établissements spécialisés (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques - ITEP - et instituts médico-éducatifs - IME -). Certains départements estiment même que l'ASE, en accueillant des enfants aux profils de plus en plus complexes, qui relèveraient davantage d'une prise en charge sanitaire psychiatrique, est devenue « la variable d'ajustement de la pédopsychiatrie ».

Nous souhaitons donc, par notre travail, alerter aussi sur les difficultés de la pédopsychiatrie française qui ne sont pas sans rejaillir sur le système de protection de l'enfance.

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Notre système de protection de l'enfance donne la priorité à la politique de soutien à la parentalité, qui consiste à « aider les parents à être parents », l'éloignement du milieu familial n'étant envisagé qu'en dernier recours.

Malgré les différentes aides qui peuvent leur être apportées, certaines familles, pour des raisons diverses, ne sont pas ou plus en mesure d'assurer le développement et l'éducation de leurs enfants dans des conditions favorables. D'autres, à l'origine de faits pénalement répréhensibles, sont de facto considérées comme nocives. Les enfants concernés par ces situations sont alors placés à l'ASE pendant une période généralement longue, qui peut durer jusqu'à leur majorité.

Leur prise en charge se heurte aujourd'hui à deux problèmes majeurs : la trop grande instabilité de leur parcours, qui se caractérise par des changements fréquents de lieux d'accueil, et l'absence de perspective quant à une possible évolution de leur statut juridique, qui leur permettrait de bénéficier d'une « seconde chance familiale ». Il est donc impératif, en tenant compte des besoins propres à chacun de ces enfants, de sécuriser leur parcours et d'envisager des alternatives au placement long, voire définitif, afin de leur offrir l'accès à un autre projet de vie.

La sécurisation du parcours passe par l'instauration de garanties au profit à la fois de l'enfant et des adultes qui le prennent en charge. La première d'entre elles consiste à renforcer le suivi de l'enfant en cours de procédure afin de vérifier, à échéance régulière, si la mesure dont il bénéficie a répondu à ses besoins, s'il convient d'y mettre fin ou si, au contraire, il est nécessaire de la prolonger ou de lui substituer une autre mesure. Un outil de suivi existe, le rapport annuel établi par le service de l'ASE, mais les remontées de terrain montrent qu'il se limite le plus souvent à une description partielle de la situation de l'enfant, sans se référer à l'ensemble de ses besoins, ni aborder la question de son avenir. Reprenant la préconisation formulée par plusieurs rapports publics, nous proposons d'enrichir son contenu par une analyse de l'état de santé physique et psychique de l'enfant, de son développement, de sa scolarité, de sa vie sociale, de ses relations familiales, et par une référence à son projet de vie.

La deuxième garantie réside dans une meilleure représentation des droits de l'enfant. Le juge a la possibilité de désigner un administrateur ad hoc, c'est-à-dire une personne qui se substitue aux représentants légaux de l'enfant mineur pour protéger ses intérêts et exercer ses droits. Cette possibilité est cependant insuffisamment exploitée en raison de la pénurie d'administrateurs ad hoc, si bien qu'au final, nombre de conseils généraux sont désignés par défaut. Cette solution de substitution n'est toutefois pas satisfaisante car elle crée une confusion entre la mission générale de protection de l'enfance qui incombe au conseil général et la mission plus particulière de représentation de l'enfant qui doit échoir à une personne « extérieure ». Il nous semble donc nécessaire de procéder en deux temps : d'abord, réformer le statut de l'administrateur ad hoc afin de rendre cette fonction plus attractive et mettre en place une formation obligatoire pour les personnes qui y sont candidates ; puis, systématiser la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc, indépendant des parents et du service gardien, pour représenter l'enfant mineur dans la procédure d'assistance éducative.

Enfin, la troisième garantie concerne le placement en famille d'accueil, premier mode d'hébergement des mineurs et jeunes majeurs confiés à l'ASE. Elle repose, d'une part, sur une amélioration du statut des assistants familiaux, d'autre part, sur une sécurisation des liens entre l'enfant et sa famille d'accueil.

Malgré la loi du 27 juin 2005, qui poursuivait un objectif de meilleure professionnalisation du métier d'assistant familial, de nombreux freins persistent : procédure d'agrément encore fragile, formation inégalement mise en oeuvre, manque d'intégration au sein des équipes pluridisciplinaires, absence d'accueil « relais », conditions de travail souvent précaires, etc. N'oublions pas que ces difficultés doivent être appréhendées au regard de l'intérêt des enfants confiés car cette réforme visait aussi à renforcer la qualité de leur accueil. Nous demandons donc qu'une concertation nationale soit lancée sur les moyens d'améliorer la mise en oeuvre de la loi de 2005 et de remédier à ces insuffisances. Cette concertation serait aussi l'occasion de réfléchir à des évolutions concernant les prérogatives des assistants familiaux en matière d'actes usuels de la vie quotidienne de l'enfant accueilli.

Par ailleurs, il est indispensable d'encadrer davantage les décisions de changement de famille d'accueil. Il arrive en effet que l'ASE confie l'enfant à une nouvelle famille, alors que ni lui, ni sa précédente famille d'accueil ne souhaitaient cette modification. Si une telle décision peut être motivée par des raisons légitimes, il arrive qu'elle ne le soit pas. En tout état de cause, elle n'est pas sans conséquence pour l'enfant et la famille d'accueil qui, avec le temps, ont tissé des liens affectifs parfois très forts. C'est pourquoi nous adhérons à la proposition du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », consistant à conditionner la modification du lieu d'accueil d'un enfant, confié depuis plus de trois ans à la même famille, à l'avis du juge à l'origine de la mesure de placement.

Au-delà de cet enjeu de stabilisation des parcours, il convient de questionner le statut des enfants placés sur le long terme. Pour se construire, ces enfants, durablement voire définitivement éloignés de leur famille d'origine, ont besoin de développer une relation d'attachement et d'appartenance à une autre famille, qui peut être une famille d'accueil, un tiers digne de confiance ou une famille d'adoption. Si, en France, l'accueil familial demeure la solution privilégiée, l'adoption en tant que modalité de protection de l'enfance est insuffisamment entrée dans les mentalités, encore moins dans la pratique. Elle permettrait pourtant de construire des projets de vie adaptés à la situation de certains enfants.

L'encourager, c'est agir sur trois leviers :

- premièrement, mieux reconnaître le délaissement parental afin que les enfants qui en sont victimes puissent être admis en qualité de pupille de l'Etat et faire éventuellement l'objet d'un projet d'adoption plénière.

Nombre d'experts et de professionnels en conviennent, il est urgent de mieux repérer et de constater plus rapidement les signes caractéristiques du délaissement parental, qui est une forme de maltraitance psychologique. Une telle évolution dans les pratiques professionnelles suppose d'une part, d'élaborer un référentiel national d'aide à l'évaluation des situations de délaissement parental, d'autre part, de développer la formation des professionnels de l'ASE à leur repérage.

A cela s'ajoute la nécessité, comme l'ont déjà souligné plusieurs rapports, de réformer la procédure de la déclaration judiciaire d'abandon, qui est l'étape préalable à l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat et à son adoption éventuelle, mais dont les insuffisances expliquent la faible mise en oeuvre ;

- deuxièmement, développer le recours au retrait total de l'autorité parentale pour que les enfants accueillis à l'ASE par cette voie puissent eux aussi être admis en qualité de pupille de l'Etat et éventuellement faire l'objet d'un projet d'adoption plénière.

La rare utilisation de cette procédure s'explique principalement par la réticence des professionnels à envisager une rupture du lien de filiation biologique. D'où l'importance, une fois encore, de faire évoluer leurs pratiques par le biais d'actions de sensibilisation et de formation, à l'image de ce qu'a mis en place le département du Pas-de-Calais ;

- troisièmement, promouvoir l'adoption simple, qui permet aux enfants dont les parents sont profondément carencés, mais avec lesquels des liens perdurent, de bénéficier d'une « seconde famille ».

Cette forme d'adoption, aujourd'hui essentiellement de nature intrafamiliale, est très peu employée au profit d'enfants placés en raison principalement de sa révocabilité et du maintien des relations avec la famille d'origine qu'elle prévoit. Or, elle peut correspondre aux besoins de certains enfants et à l'attente de certains candidats agréés pour l'adoption. Nous avons identifié quatre préalables à son développement : former les travailleurs sociaux ; repérer les enfants qui pourraient en bénéficier ; sélectionner des candidats agréés pour l'adoption susceptibles de s'y engager ; réfléchir à une modification des règles de révocabilité.

En favorisant l'adoption, plénière ou simple, comme mesure de protection de l'enfance, il ne s'agit en aucun cas de faire des enfants placés la « variable d'ajustement » du désir d'enfant non satisfait des candidats à l'adoption ou du recul de l'adoption internationale, mais de permettre à ces enfants d'acquérir un véritable statut qui réponde à leurs besoins fondamentaux et de grandir dans un environnement affectif et éducatif sécurisé.

Mme Michelle Meunier, rapporteure . - L'enjeu de la sécurisation des parcours nous a, par ailleurs, conduites à approfondir deux sujets qui ne relèvent pas exclusivement de la protection de l'enfance : la prise en charge des jeunes majeurs protégés et l'accueil des mineurs isolés étrangers (MIE).

Au moment où ils sortent du dispositif de l'ASE, les jeunes majeurs sont confrontés à la fois brutalement et précocement à une forte exigence d'autonomisation à laquelle ils sont souvent peu préparés. Le passage d'un statut d'enfant protégé à une logique d'insertion et de responsabilité, en particulier pour des jeunes ayant déjà connu des ruptures et eu des parcours chaotiques, correspond souvent à une période critique qui conditionne fortement les parcours de vie ultérieurs. C'est toute la question de l'effet couperet des fins de prises en charge.

Malgré leur caractère facultatif, des dispositifs d'accompagnement spécifiques aux jeunes majeurs ont été mis en place dans de nombreux départements. Leur déploiement reste toutefois très inégal. Globalement, les conseils généraux alertent sur leurs difficultés à renouveler les contrats jeunes majeurs en raison d'un contexte budgétaire et financier très contraint. D'autres ont cependant pu mettre en place des mesures plus ambitieuses visant à soutenir ces jeunes dans leur démarche d'insertion.

A cet égard, notre attention a été portée sur plusieurs dispositifs innovants comme ceux mis en place dans le Val-de-Marne. Il s'agit de favoriser, au-delà de l'âge de 21 ans, une accession progressive des jeunes majeurs à l'autonomie, en s'appuyant sur un projet personnalisé. Celui-ci repose d'une part, sur un accompagnement conjoint par des professionnels issus des secteurs de l'insertion et de l'ASE, d'autre part, sur un soutien matériel, notamment financier, modulable selon les besoins du jeune. Ces initiatives, dont la généralisation mériterait d'être encouragée, montrent que la collaboration entre les acteurs de la protection de l'enfance et les professionnels de l'insertion constitue un véritable atout. Elles nous ont également convaincues que la prise en charge des jeunes à l'ASE doit être envisagée comme un parcours qui nécessite de préparer, dès l'âge de 16 ans, les modalités de sortie du dispositif et de réfléchir à leur projet d'insertion.

S'agissant des MIE, leur accueil et leur prise en charge relèvent, comme vous le savez, de la responsabilité des départements au titre de la protection de l'enfance. La forte augmentation du nombre de ces jeunes arrivant sur le territoire français dans un contexte géopolitique marqué par la multiplication des conflits, notamment interethniques, est une nouvelle donne qui s'est imposée depuis quelques années. Des phénomènes d'engorgement de l'accès au dispositif de la protection de l'enfance ont fait leur apparition, certains départements étant néanmoins plus concernés que d'autres en fonction des lieux d'arrivée de ces jeunes.

En 2013, le ministère de la justice a cherché à répondre à cette situation par la mise en place d'un appui financier de l'Etat et la définition d'une clef de répartition des MIE sur le territoire national. Ce dispositif ne semble cependant pas remédier au problème. Qui plus est, de nombreux conseils généraux continuent d'alerter sur l'inadaptation des modalités d'accueil « classique » à la problématique très particulière des MIE et sur l'absence de formation spécifique des professionnels de la protection de l'enfance à l'accompagnement de ce public. Dans ce contexte, nous plaidons pour qu'une réflexion nationale soit lancée sur les moyens de mettre en place des modes de prise en charge spécifiques aux MIE, distincts de ceux prévus pour le dispositif de protection de l'enfance.

Madame la Présidente, mes chers collègues, vous nous pardonnerez la longueur inhabituelle de notre intervention, qui était malheureusement inévitable compte tenu de l'ampleur de notre sujet. Comme vous le voyez, un grand nombre de nos recommandations, qui impliquent une évolution des pratiques, ne nécessitent pas forcément une modification des dispositions de la loi de 2007, mais plutôt leur pleine application. Les suites qui y seront données dépendent en outre fortement des conséquences de la future réforme territoriale sur l'avenir de la politique de protection de l'enfance, dont les départements constituent la pierre angulaire. Il s'agit pour nous d'une source de grande inquiétude.

Mme Annie David, présidente . - Votre présentation était certes longue, mais passionnante sur de nombreux points. Je retiens que l'intérêt de l'enfant est au coeur de vos préoccupations. Le développement sur le lien familial biologique m'a interpellée : a priori, l'on ne peut être que favorable à son maintien, mais en approfondissement cette question, on se rend compte que celui-ci peut, dans certains cas, être néfaste pour l'enfant.

M. Hervé Poher . - Votre rapport est remarquable. Vous faites preuve de beaucoup de courage en soulevant la question du dogme du maintien du lien familial biologique. Au cours de ma carrière tant professionnelle - médecin généraliste - que politique - conseiller général du Pas-de-Calais -, j'ai souvent été confronté à cette idéologie familialiste, qui peut conduire à des situations dramatiques.

Vous avez également raison de pointer la faible participation du secteur sanitaire au dispositif de repérage et de signalement, tout comme le manque de coopération entre les différents intervenants.

Le problème de la démographie médicale, que vous avez soulevé, se pose avec une acuité particulière dans mon département. Je me bats actuellement pour trouver des candidats à trois postes de médecins laissés vacants, sans résultat pour le moment...

Enfin, j'ai beaucoup apprécié votre remarque sur les liens affectifs très forts qui se nouent entre les assistants familiaux et les enfants accueillis ; comment peut-on continuer à diffuser ce dogme du non-attachement ?

Mme Laurence Cohen . - Votre rapport, très précis, pose sans tabou un certain nombre de questions et fait écho à nos expériences respectives, tant professionnelles que personnelles. Dans l'exercice de mon métier, je suis amenée à recevoir des enfants placés en familles d'accueil. Le postulat selon lequel ces dernières ne doivent pas s'attacher aux enfants est d'une violence terrible. Comment peut-on demander aux assistants familiaux de ne pas développer une relation d'affection pour un enfant dont ils sont chargés de l'épanouissement ?

A raison, vous insistez sur la crise que traverse la pédopsychiatrie française. De plus en plus de structures ferment, si bien que des enfants, qui relèveraient normalement d'une prise en charge psychiatrique, sont réorientés vers l'ASE.

Vous dénoncez également les violences intrafamiliales, qui ont des conséquences sur le développement de l'enfant. Comment un père qui bat la mère de ses enfants peut-il être encore considéré comme un bon père ? Là encore, l'idéologie familialiste continue de primer !

J'aurai, enfin, trois questions. La première concerne le financement de la protection de l'enfance, sujet qu'il me semble nécessaire de creuser. On demande aux départements d'être plus efficaces, mais sans leur donner les moyens de remplir leurs missions. Autrement dit, comment faire mieux avec moins ? Ma deuxième question porte sur le rôle des conseils généraux. Il est quand même paradoxal de reconnaître leur apport essentiel dans cette politique, alors que nous débattrons dans quelque temps de leur suppression ! Quel sera donc le devenir de vos propositions ? Ma troisième question a trait aux mineurs étrangers isolés. Le Défenseur des droits a récemment rappelé que ces jeunes devaient continuer à être pris en charge au titre de la protection de l'enfance. J'aurais donc aimé avoir des précisions sur votre position. Car s'il s'agit d'exclure les MIE du dispositif, mon groupe ne pourra vous suivre. Nous estimons en effet qu'ils doivent pouvoir bénéficier des mesures de droit commun, mais qu'en retour, l'Etat doit compenser aux départements la charge afférente.

M. Jean-Claude Leroy . - Comme mes collègues, je trouve ce rapport remarquable car il nous interpelle sur de nombreux points. J'ai été particulièrement sensible à votre point de vue sur les assistants familiaux. J'ai récemment reçu une délégation de ces professionnels, qui m'a fait part de leur isolement et de leur souffrance. Comment y répondre ? Dans le Pas-de-Calais, nous avons décidé de mettre en réseau les maisons de l'enfant et les assistants familiaux, les premiers venant en appui des seconds, notamment sur le plan psychologique. Les établissements médico-sociaux pourraient ainsi devenir des points d'appui en direction de ces familles.

La question des MIE se pose tout particulièrement dans mon département, mais aucune solution satisfaisante n'a, pour le moment, été apportée.

Le sujet des jeunes majeurs est également très important. Il me semble que leur prise en charge relève plutôt de la politique en faveur de la jeunesse que de la protection de l'enfance à proprement parler. Le Pas-de-Calais s'apprête d'ailleurs à expérimenter le contrat d'autonomie, qui est un nouvel instrument au service de l'insertion des jeunes en situation de précarité.

En définitive, je crois que votre travail pourra servir de base à une réflexion nationale sur l'ensemble de ces problématiques.

Mme Aline Archimbaud . - Je rejoins mes collègues sur les éloges qui vous sont adressés. Votre démarche est précise et concrète, sans langue de bois. Ce rapport est un apport très précieux.

Comme vous, je crois qu'il est essentiel d'insister sur la nécessité de faire émerger une culture commune de la protection de l'enfance. Elle est la seule à pouvoir faire évoluer les pratiques professionnelles et à activer le décloisonnement entre les secteurs. Au cours de la mission qui m'a été confiée sur l'accès aux soins, j'ai pu mesurer combien il était difficile de faire travailler ensemble le sanitaire et le social. Nous devons continuer à marteler cet impératif.

Je partage entièrement votre remarque sur le FNFPE : il est intolérable que ce fonds ne soit plus abondé depuis plusieurs années. De même, nous ne pouvons nous satisfaire de l'abandon de secteurs comme la PMI et la santé scolaire. Concernant la pédopsychiatrie, la Seine-Saint-Denis est particulièrement concernée par les fermetures de services. Nous devons absolument alerter sur cette situation.

Un dernier aspect de votre rapport me pose problème, celui relatif aux MIE. Si je peux comprendre les difficultés que l'arrivée de ces enfants pose à certains départements et aux services de l'ASE en particulier, je ne peux accepter qu'ils soient sortis du dispositif de protection de l'enfance. Dans votre proposition, c'est l'adjectif « distincts » qui ne me convient pas. Dans le contexte actuel de montée des extrémismes, il n'est pas bon de vouloir créer des dispositifs spécifiques aux personnes de nationalité étrangère. Regardons ce qui se passe pour l'aide médicale d'Etat...

Mme Colette Giudicelli . - Je vous remercie pour ce travail de grande qualité. Effectivement, le corps médical ne dit pas tout. C'est pourquoi j'ai récemment déposé une proposition de loi qui modifie un article du code pénal afin de permettre aux médecins de dénoncer les faits de maltraitance tout en étant protégés des risques de représailles.

Je partage votre crainte concernant l'avenir des conseils généraux, dans la mesure où le département est l'échelon pivot de la protection de l'enfance.

Mme Claire-Lise Campion. - Je m'associe aux félicitations adressées aux rapporteures et les remercie d'avoir travaillé sur un sujet dont on ne parle pas suffisamment.

Je souhaiterais revenir sur quelques points que vous abordez en commençant par le positionnement de la PMI auprès de l'ASE. Nous connaissons tous dans nos départements de grandes difficultés pour recruter les professionnels de la PMI, en particulier des médecins, comme en témoignent les nombreux postes vacants dans ce domaine. Il faut donc en effet renforcer l'attractivité des métiers de la PMI.

S'agissant du repérage des enfants en danger, vous avez eu raison de souligner le rôle accru que devrait jouer le secteur médical, aussi bien libéral qu'hospitalier, ainsi que la nécessité d'améliorer la formation des professionnels et leur mise en réseau. Cela me conduit à évoquer plus particulièrement la question de la situation inquiétante de la pédopsychiatrie dans notre pays. De nombreux enfants protégés sont accueillis dans des établissements dont ils ne devraient pas relever car ceux-ci proposent des prises en charge inadaptées aux difficultés rencontrées par ces jeunes. Cela pose des questions difficiles à la fois pour les professionnels concernés et pour les autres enfants accueillis à juste titre dans ces établissements, mais qui côtoient des jeunes pour lesquels d'autres formes de prise en charge sont nécessaires.

La question des jeunes majeurs est elle aussi essentielle compte tenu de l'effet couperet engendré par les fins de prise en charge. A l'instar d'autres départements, l'Essonne a mis en place des dispositifs spécifiques pour accompagner les jeunes jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans et préparer l'entrée dans la vie active. Les parrainages associant la protection de l'enfance et le monde de l'insertion professionnelle gagneraient à être davantage développés. Mais je n'oublie pas les difficultés auxquelles font face les professionnels de nos départements sur ces questions.

S'agissant des MIE, question à laquelle sont tout particulièrement confrontés les départements franciliens ainsi que le Pas-de-Calais mais aussi d'autres départements, qui accueillent des centaines de jeunes, votre proposition de relancer une réflexion nationale est indispensable compte tenu de l'insuffisance des réponses apportées jusqu'à présent. Je rappelle à cet égard que les analyses et conclusions développées par notre collègue Isabelle Debré dans son rapport relatif aux MIE, qui a fait date, ont été assez partagées. Elles méritent sans doute d'être mises à jour pour tenir compte de la situation actuelle, mais pourraient constituer l'un des points de départ pour mener la réflexion que vous appelez de vos voeux.

Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec Michèle Meunier sur l'avenir de la politique de protection de l'enfance dans le cadre de la future réforme territoriale.

Par ailleurs, vous l'avez dit, les problèmes posés par l'absence d'abondement du FNFPE restent d'actualité.

Enfin, le seul élément sur lequel je m'interroge, comme notre présidente, concerne la place qu'il faut laisser aux familles. Mon sentiment est que la question du retour de l'enfant au sein de sa cellule familiale se pose dans la plupart des cas. Nous devons continuer à prôner l'objectif du retour. J'ai l'impression que lorsque cette question ne se pose pas, il s'agit de cas très dramatiques, de ceux qui sont les plus médiatisés tant au plan national qu'au niveau des départements. Nous ne devons pas nous orienter trop vers le retrait de l'autorité parentale car un grand travail a été réalisé au cours des dix dernières années sur le maintien de cette autorité ; c'est plutôt l'accompagnement de la parentalité qui doit être développé, même si dans certains cas - minoritaires - il faut aller jusqu'à rompre les liens.

Mme Anne Emery-Dumas. - Je remercie les rapporteures pour la qualité de leur rapport qui réalise un état des lieux très précis des difficultés rencontrées par le secteur de l'ASE.

Je partage les propos de mon collègue Jean-Claude Leroy sur la situation des jeunes majeurs. Il est dramatique que des jeunes soient tout à coup livrés à eux-mêmes, avec toutes les conséquences que nous savons. Cela arrive aux jeunes âgés de vingt-et-un ans mais parfois aussi dès l'âge de dix-huit ans puisque tous les départements n'ont pas la possibilité de financer des contrats jeune majeur. Ce financement, qui reste intégralement à leur charge, nécessite des moyens importants. Je suis issue d'un département très rural, qui compte 210 000 habitants, mais qui compte tout de même 700 enfants placés dans le contexte plus général d'une longue tradition d'accueil des enfants placés.

Je souhaite que la survie des départements permette à cette activité d'être poursuivie même si elle représente une charge importante.

Mme Patricia Bordas. - Je félicite également les rapporteures pour leur travail remarquable.

Je rejoins la présidente sur les difficultés que pose la notion de famille. Je ne suis pas certaine que nous soyons tous d'accord sur la question du lien familial. Faut-il extraire l'enfant de sa famille d'origine ou non ? Quelle famille lui faut-il ? Ces questions sont d'autant plus difficiles que nous savons que certains parents sont dans l'attente d'un enfant à adopter. Je n'ai moi-même pas la réponse.

Vous avez évoqué la question du cloisonnement très marqué des acteurs de la protection de l'enfance. Ne faudrait-il pas, pour faire tomber quelques pré-carrés, insister davantage sur ce problème ? Il conviendrait, à mon sens, de le mettre plus en exergue.

Par ailleurs, ne serait-il pas temps que l'éducation nationale prenne aussi sa part, et un peu différemment de la façon dont elle peut parfois la prendre aujourd'hui ? Ne serait-il pas temps d'arrêter avec les non-dits ?

S'agissant des assistants familiaux, il faut rendre la formation plus pointue et arrêter de leur interdire de s'attacher aux enfants accueillis.

En ce qui concerne les structures de l'ASE et les services de PMI, nous devrions peut-être réfléchir à d'autres possibilités d'organisation. Il est, par exemple, inadmissible qu'un si grand nombre de départements n'aient toujours pas mis en place leur observatoire de la protection de l'enfance.

Quelques mots avant de terminer sur la réforme territoriale que, personnellement, je défends. Je trouve intéressant de transférer aux régions la voirie et les collèges. Je suis persuadée que si l'action sociale était entièrement dévolue, avec les moyens qu'il faut, à un même niveau territorial, au lieu d'être partagée entre plusieurs strates, on s'en occuperait comme il se doit.

Enfin, je soutiens comme vous le faites, l'idée selon laquelle l'intérêt supérieur de l'enfant doit être le leitmotiv de la protection de l'enfance.

Mme Gisèle Printz. - J'adresse à mon tour mes félicitations aux rapporteures et souhaiterais savoir si la loi de 2007 prévoit que les allocations familiales sont obligatoirement versées à la famille d'accueil.

M. Jacky Le Menn. - Compte tenu des réactions positives suscitées par ce rapport, on peut dire que celui-ci fera date.

Comme vous l'avez indiqué, le corps médical fait souvent face à la crainte d'être poursuivi pour dénonciation calomnieuse, en particulier dans un contexte de judiciarisation croissante de la société et des activités médicales. Des possibilités existent pour faire évoluer les choses et le sujet doit être travaillé. S'agissant du monde hospitalier, c'est l'institution en tant que telle qui doit signaler ; nous ne sommes pas obligés de connaître l'identité de la personne qui se trouve à l'origine du signalement. L'agence régionale de santé (ARS) pourrait également avoir son rôle à jouer, par exemple en commettant des médecins au nom de l'institution pour la réalisation des signalements.

S'agissant du maintien du lien familial, j'ai eu la chance de fréquenter en tant qu'étudiant une école des éducateurs du ministère de la justice. Il nous y était enseigné qu'il valait mieux laisser un enfant dans une famille, même lorsqu'elle ne présentait pas toutes les garanties de sécurité pour l'enfant, plutôt que de le placer. Les travailleurs sociaux se trouvent parfois dans une situation de « conflit d'intérêts », dans laquelle il est très difficile de choisir entre l'intérêt de l'enfant et l'intérêt de la famille. C'est donc un sujet à travailler au fond.

En tant que vice-président de mon conseil général, j'ai rencontré des familles venant à ma permanence pour faire part de leur incompréhension face à une décision ayant abouti au placement de leur enfant et insistant sur le fait que l'enfant était aimé de sa famille. Les choses ne sont donc pas aussi simples en pratique.

Par ailleurs, comme cela a déjà été dit, demander aux assistants familiaux accueillant des enfants dans le cadre de placements de longue durée d'avoir une distance professionnelle paraît aberrant. Il me semble même au contraire positif que des liens d'affection se créent.

Enfin, s'agissant des MIE, ceux-ci présentent en effet des besoins spécifiques auxquels les établissements « classiques » ne sont pas forcément en mesure de répondre. Il faut une prise en charge adaptée aux MIE dans le cadre du dispositif de protection de l'enfance et non pas dans un cadre distinct de celle-ci. Il me semble d'ailleurs que cette idée peut recueillir une adhésion générale.

Mme Patricia Schillinger. - Je tenais également à féliciter les rapporteures.

La détection des enfants en danger a souvent lieu par l'intermédiaire des crèches ou des écoles. Les réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté (Rased), malgré les restrictions et les regroupements dont ils ont fait l'objet, jouent-il également un rôle dans la détection ou bien auraient-ils eux-aussi un rôle à jouer dans ce domaine, en particulier dans les territoires ruraux souvent sous-médicalisés ?

M. Gilbert Barbier. - Il est dommage que les présidents de conseil général soient en ce moment même réunis en assemblée générale car ceux d'entre eux qui siègent au sein de notre commission sont très directement concernés par le rapport qui vient de nous être présenté.

Je félicite les rapporteures pour leur travail qui montre que la loi votée en 2007 n'est finalement pas si mauvaise. Ce sont les difficultés d'application sur le terrain qui conduisent aux disparités évoquées et aux difficultés rencontrées dans les territoires ruraux pour travailler en équipe.

Les médecins, notamment libéraux, sont pris entre le serment d'Hippocrate et le risque encouru de rupture avec les familles. Ce problème reste difficile à aborder.

Je pense aussi que la médecine scolaire, dans beaucoup de domaines, vit un cloisonnement qu'elle entretient. J'ai eu l'occasion de m'en apercevoir en matière de toxicomanie, domaine dans lequel la médecine scolaire veut préserver un pré-carré qu'il est difficile de combattre.

Le rapport revêt un caractère philosophique très marqué et pose de nombreuses questions d'ordre organisationnel. Il évoque pour finir les difficultés financières qui sont malheureusement devenues notre lot quotidien.

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Je vous remercie pour toutes vos interventions qui nous confortent dans notre constat. Notre mission nous a permis de pointer un certain nombre de dysfonctionnements qui appelle une meilleure application de la loi de 2007.

Mme Michelle Meunier, rapporteure . - Sur les MIE, je tiens à vous rassurer. Au cours de nos auditions et déplacements, qu'avons-nous constaté ? Premièrement, qu'il s'agit d'une problématique récente qui prend toutefois de plus en plus d'ampleur. Deuxièmement, que des réponses ont été apportées par l'Etat pour permettre un rééquilibrage entre les départements, mais que celles-ci ne sont pas suffisantes. Troisièmement, que même si certains conseils généraux - comme le Pas-de-Calais- ont mis en place des dispositifs innovants, notre système de protection de l'enfance n'est pas adapté à la prise en charge de ces enfants, qui présentent des besoins spécifiques. Il faut donc réfléchir à d'autres outils permettant de les accueillir dans de bonnes conditions.

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Effectivement, l'ASE est démunie pour répondre à ce nouveau défi. Notre volonté n'est en aucun cas d'exclure les MIE de la protection de l'enfance, mais d'envisager des modes de prise en charge spécifiques à ce public, à l'intérieur du dispositif actuel.

Mme Laurence Cohen . - Après ces explications, ne pourriez-vous pas réécrire votre proposition en enlevant l'adjectif « distincts » et en précisant que la prise en charge des MIE doit s'effectuer dans le cadre de la protection de l'enfance ?

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Nous sommes tout à fait d'accord. Voici la rédaction que nous vous proposons : « Mettre en place des modes de prise en charge propres aux mineurs isolés étrangers dans le cadre de la protection de l'enfance ».

Mme Aline Archimbaud . - Cela me convient parfaitement.

Mme Muguette Dini , rapporteure . - Quelques remarques complémentaires. J'insiste tout d'abord sur l'importance de la diffusion des bonnes pratiques. Il est du ressort du ministère de mettre au point des guides à destination de l'ensemble des départements. Je reviendrai ensuite sur la protection dont doivent bénéficier les médecins lorsqu'ils signalent des faits de violence (sur les femmes, sur les enfants). Il est indispensable qu'ils puissent dénoncer ces agissements sans être inquiétés par d'éventuelles représailles. Par ailleurs, je comprends que notre position sur le maintien du lien familial biologique puisse interpeller. Notre volonté n'est évidemment pas d'écarter systématiquement les parents, mais de rechercher la meilleure solution pour l'enfant. Seul l'intérêt supérieur de l'enfant doit guider la prise de décision, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. C'est pourquoi le PPE doit absolument être systématisé et devenir un outil au service du projet de vie de l'enfant. Au Québec, les services sociaux se donnent deux ans pour travailler avec la famille et permettre un retour de l'enfant auprès de ses parents. A l'issue de cette période, si ce retour n'est pas possible, un autre projet de vie est conçu pour l'enfant. Nous devrions nous inspirer de cette approche, très pragmatique.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Nous continuerons à alerter sur l'absence d'abondement du FNFPE car il s'agit d'une question cruciale. Quel que soit l'avenir de la protection de l'enfance dans la future configuration territoriale, cette politique aura besoin de financements.

Mme Muguette Dini, rapporteure . - Une dernière précision s'agissant des allocations familiales. Le juge peut décider de maintenir tout ou une partie de leur montant à la famille ou de les attribuer à l'ASE. Dans la pratique, les familles continuent le plus souvent d'en bénéficier.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

__________

Mardi 14 janvier 2014

Dr Maurice Berger , chef de service en psychiatrie de l'enfant
CHU de Saint-Etienne - Ex-professeur associé de psychologie de l'enfant à l'Université Lyon 2

Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger - Observatoire national de l'enfance en danger (Snated-Oned)

Groupement d'Intérêt Public (GIP) Enfance en Danger

Marie-Paule Martin-Blachais , directeur général

Gilles Séraphin , directeur

Anne Tursz , pédiatre, épidémiologiste, directeur de recherche émérite à l'Inserm et présidente du comité de suivi du colloque sur les violences faites aux enfants

Mardi 21 janvier 2014

Convention nationale des associations de protection de l'enfance (Cnape)

Fabienne Quiriau , directrice générale

Laure Sourmais , conseillère technique en charge de la protection de l'enfance

Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

Martine Brousse , membre

Cécile Riou-Batista , chargée de mission

Marie Derain , défenseure des enfants, adjointe au défenseur des droits

Mardi 28 janvier 2014

Direction de la Protection judiciaire de la Jeunesse (DPJJ)

Catherine Sultan , directrice

Céline Raphaël , Auteure de « La démesure »

Sous-direction de l'enfance et de la famille - Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Isabelle Grimault , sous-directrice de l'enfance et de la famille

Jean-François Hatt , chef du bureau de la protection de l'enfance

Mardi 4 février 2014

Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas)

Marie-Agnès Feret , chargée d'étude enfance/famille

Alain Grevot , chargé d'étude enfance/famille

Syndicat national des médecins de la protection maternelle infantile (SNMPMI)

Pierre Suesser , président

Marie-Christine Colombo , vice-présidente

Chantal Pittion-Rossillon , assistante sociale, conseillère technique au rectorat de Versailles - membre du comité de suivi du colloque national sur les violences faites aux enfants

Mardi 11 février 2014

Organisation nationale des éducateurs spécialisés (Ones)

Jean-Marie Vauchez , président

Fondation pour la recherche en psychiatrie et en santé mentale

Foyer de l'enfance « Village Saint-Exupéry », Angers

Vladia Charcellay , directeur

Bénédicte Laumonier-Reeves , directrice Enfance-famille

Dr Daniel Rousseau , pédopsychiatre

Zoé Logak , secrétaire générale

Mardi 18 février 2014

Edwige Merienne , assistante familiale

Fédération nationale des assistants familiaux (Fnaf)

Michèle Babin , présidente

Véronique Martinet , vice-présidente

Patricia Benoit , membre

La voix de l'enfant

Martine Brousse , déléguée générale

Marie-Laure Joliveau-Tezcan , directrice des missions sociales et juridiques

Enfance et partage

Isabelle Guillemet , présidente

M e Rodolphe Costantino , avocat

Mardi 25 février 2014

Association des directeurs (trices) et cadres d'associations, d'établissements et de services associatifs concourant à la protection de l'enfance (Adape Paris)

Xavier Florian , président

Benjamin Ledoux , directeur d'association, trésorier de l'Adape Paris

Bénédicte Aubert , directrice générale d'association, membre de l'Adape Paris

Fondation Action enfance

Phong Guillen, directeur général

Marc Chabant , directeur de la communication et du développement

Ecole nationale de magistrature (ENM)

Edouard Durand , juge des enfants, coordonnateur de formation

Tribunal de grande instance de Fontainebleau

Issam El Abdouli , substitut du procureur de la République

Mardi 4 mars 2014

Conseil général du Val-de-Marne

Christine Buisson , chargée de mission

Conseil général des Hauts-de-Seine

Marie-Françoise Bellée-Van Thong , directrice « famille-enfance-jeunesse »

Pascale Nouaille , chef de service

Safase de Saint Gervais la forêt (41)

Safase de Montluçon (03)

Responsable de l'action « Accompagner les jeunes dans la construction de leur projet individuel »

SOS villages d'enfants

Ludovic Niccoli , directeur du village d'enfants de Sainte-Luce-sur-Loire (Loire-Atlantique)

Sandrine Dottori , chargée de mission « Etude et innovation »

Etablissement Les Gavroches, Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis)

Bernard Moulin , directeur général

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

Marie-Pierre Hourcade , présidente

Marie-José Marand-Michon , trésorière adjointe

Mercredi 5 mars 2014

Conseil supérieur de l'adoption (CSA)

Marie-Anne Chapdelaine , présidente

Tribunal de grande instance de Paris

Sylvain Barbier Sainte-Marie , vice-procureur

Chef du parquet des mineurs de Paris

Membre du comité de suivi du colloque national sur les violences faites aux enfants

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGSCO)

Guy Waïs , chef du service du budget, de la performance et des établissements

Nadine Neulat , chef du bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité

Martine Carn , conseillère technique

Bureau de la santé et de l'action sociale

ATD Quart monde

Bénédicte Jacquey-Vasquez , administrateur

Mardi 25 mars 2014

Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS)

Dr Richard Pierre , président

Agence régionale de santé (ARS) Pays de Loire

Marie-Sophie Desaulle , présidente

Collège des directeurs généraux des agences régionales de santé

Directrice générale

Conseil national de l'ordre des médecins

Docteur André Deseur , vice-président

Mercredi 26 mars 2014

Assemblée des départements de France (ADF)

Jérôme Cauët , vice-président en charge des familles, de la protection de l'enfance

et de l'action sociale

Jean Francois Kerr , directeur départemental de la protection de l'enfance

Conseil général de l'Essonne

Marie-Christine Le Boursicot , magistrate

Conseiller à la Cour de cassation

Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop)

André Nutte , président

Chef de l'Inspection générale des affaires sociales honoraire

Personnalité qualifiée

Raymond Chabrol , secrétaire général

Conseil national des adoptés (CNA)

Cécile Février , présidente

Maylis Martin , administratrice

Jeudi 27 mars 2014

Alain Guillaume-Biard , représentant des associations de défense du droit à la connaissance de ses origines au sein du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop)

Mouvement du planning familial (MFPF)

Véronique Sehier , coprésidente

Enfance et famille d'adoption (EFA)

Nathalie Parent , présidente

Mouvement pour l'adoption sans frontière (MASF)

Marc Lasserre , président

LISTE DES DÉPLACEMENTS

__________

DANS LE RHÔNE (LYON) : LUNDI 10 FÉVRIER 2014

Rencontre avec les services du département

- Jean-Paul Delorme , vice-président enfance, famille et accompagnement de la petite enfance

- Anne-Camille Veydarier , directrice générale adjointe - pôle intégration sociale

- Marie-Hélène Gauthier , directrice-adjointe

- Chantal Dangé , chef du bureau de la coordination des informations préoccupantes et des signalements du conseil général du Rhône

Visite du hameau d'enfants Les Angelières, maison d'enfants à caractère social, à Saint-Cyr au Mont d'Or

- Marc Ferrera , directeur

EN LOIRE-ATLANTIQUE (NANTES) : LUNDI 24 FÉVRIER 2014

Rencontre avec les services du département

- Fabienne Padovani , vice-présidente

- Gérard Allard , vice-président

- Véronique Guion de Méritens , directrice générale solidarité

- M. Jean-Luc Goujon , directeur enfance jeunesse

- Agnès Muet , médecin chef du service protection de l'enfance

- Annabelle James , responsable unité prévention et Crip

- Anne Dréau , adjointe au chef de service responsable des dispositifs d'accueil

- Clémence Roux , responsable cellule accueil familial

- Edith Coutant , chef du service protection de l'enfance

- Michelle Boutin , chef du service adoption

- Marie-Dominique Moreau , médecin responsable de l'unité médicale

- Emilie Suaud , responsable unité administrateur ad-hoc et MIE

Visite du centre éducatif Anjorrant pour l'accueil de mères adolescentes et de leurs enfants

- Dominique Moulet , directeur

- Louise Marie da Rocha , responsable de service éducatif

- Jacques Michel , psychologue

- Jeanne Bethuys , administratrice bénévole

- Catherine Bouget , directrice Enfance-parentalité, Croix rouge Nantes

- Jean-Claude Priou , président du conseil de surveillance des établissements, Croix rouge Nantes

- Annick Borghetto , directrice du centre maternel Saint-Luc et du centre parental En Vie de Famille, Croix rouge Nantes

- Renaud Lemor , directeur-adjoint du pôle, Croix rouge Nantes

DANS LE PAS-DE-CALAIS (ARRAS) : MARDI 1 ER AVRIL 2014

Rencontre avec les services du département

- Yvan Druon , vice-président de l'enfance et de la famille et de la prévention de la délinquance ;

- Jiovanny Dumoulin , chargé de missions au cabinet du président ;

- Roland Giraud , directeur général adjoint du pôle Solidarités ;

- Patrick Miquel , directeur de la direction de l'enfance et de la famille ;

- Dany Marcy , chef du service départemental de l'accueil familial et institutionnel ;

- Gérard Lefebvre , chef du service départemental de la prévention et de la protection de l'enfance ;

- Philippe Liebert , chef du service de l'adoption et de l'accompagnement aux origines ;

- Claire Dooze , chef de mission d'appui de la DEF ;

- Fanny Bertrand , chargée de missions auprès des MIE.

Visite de l'unité de vie spécialisée et thérapeutique (UVST) de Bully-les-Mines

- Patrick Miquel - DEF ;

- Géraldine Botte , chef du bureau des établissements et des lieux d'accueil ;

- Claude Tabet , pédopsychiatre et son équipe ;

- Alain Guffroy , directeur général de l'EPDEF et son équipe.

Visite de la maison d'enfants « La Charmille »

- Patrick Miquel , DEF ;

- Géraldine Botte , chef du bureau des établissements et des lieux d'accueil ;

- Richard Rogner , directeur de la MECS « La Charmille » et son équipe.


* 1 Rapports de la mission d'information « Bloche-Pécresse » de l'Assemblée nationale, des sénateurs Philippe Nogrix et Louis de Broissia, du Défenseur des enfants, de l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned).

* 2 Cet appel a été lancé en septembre 2005 par le président du tribunal pour enfants de Bobigny et le directeur de l'enfance et de la famille du département de Seine-Saint-Denis.

* 3 Cet entretien était prévu par le plan « périnatalité » 2005-2007.

* 4 « Démarche de réflexion et d'expertise en vue d'un consensus sur le périmètre de l'observation de la population prise en charge dans le dispositif de protection de l'enfance ». Rapport remis le 2 juillet 2013 par le président du comité d'experts et rapporteur, Michel Legros, à la ministre déléguée chargée de la famille et aux membres du comité d'organisation.

* 5 Rapport « 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui » du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », présidé par Adeline Gouttenoire, février 2014.

* 6 Etude débutée en 2011 par des équipes du centre de recherche clinique du CHU d'Angers à partir des biographies de 128 enfants placés avant quatre ans au Foyer Saint-Exupéry de la même ville entre 1994 et 2000. (Les premières conclusions sont les suivantes : « si un tiers d'entre eux ont une bonne évolution, un autre tiers est très handicapé sur le plan psychique et social à l'âge adulte, avec AAH et/ou tutelle » ; « l'un des déterminants majeurs de cette disparité d'évolution est la rapidité des interventions au plus jeune âge »). Il est précisé que «le volume et la qualité des données recueillies nécessitent et autorisent une deuxième phase de travaux de recherche pour 2014-2015 avec : 1- actualisation des données des jeunes majeurs (90/128 en juin 2014) ; 2- analyse des sous-populations (orphelins, bébés à risque, prématurés) ; 3- analyse économique comparée des parcours ; 4- description qualitative des diverses typologies de parcours (du pire au meilleur) et de leurs déterminants ».

* 7 Le département du Rhône indique avoir réalisé en 2011, avec la collaboration de l'Inserm, une étude sur le parcours des jeunes pris en charge et leur entrée dans la vie adulte.

* 8 Le département du Pas-de-Calais indique qu'une étude longitudinale sur l'accès des jeunes à l'autonomie après un placement (Elap) est en cours avec l'Institut national des études démographiques (Ined).

* 9 Le département du Pas-de-Calais indique avoir établi ce constat dans le cadre d'une étude des parcours des bénéficiaires de l'ASE réalisée en partenariat avec l'Insee Nord-Pas-de-Calais sur la période 2011-2013.

* 10 Article 9 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance.

* 11 Depuis 2007, les thèmes d'étude successivement retenus dans les rapports annuels de l'Oned ont porté sur le soutien à la parentalité et le développement des compétences parentales ainsi que la médiation familiale (2007), la mise en place des Crip (2008), les parcours des enfants protégés (2010), l'offre de services en protection de l'enfance et l'accompagnement des droits de visite en présence d'un tiers (2011), l'information préoccupante (2012), les mesures d'assistance éducative en milieu ouvert (2013) et le travail de l'accord avec les familles (2014).

* 12 Décret n° 2011-222 du 28 février 2011 organisant la transmission d'informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance et à l'Observatoire national de l'enfance en danger.

* 13 Décret n° 2013-994 du 7 novembre 2013 organisant la transmission d'informations entre départements en application de l'article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Rapport précité.

* 15 Oned, neuvième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, mai 2014.

* 16 Rapport précité.

* 17 Celle-ci est notamment chargée de formuler des recommandations de bonnes pratiques (cf. I.2.c.)

* 18 Oned, quatrième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, décembre 2008.

* 19 Oned, septième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, mars 2012.

* 20 Cour des comptes, rapport public thématique « La protection de l'enfance », octobre 2009.

* 21 Oned, rapport précité.

* 22 Décret n° 2013-994 précité dont l'article 1 er définit l'IP comme l'« information transmise à la cellule (...) pour alerter le président du conseil général sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnant, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. » (article R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles).

* 23 C'est le cas, par exemple, des départements du Lot, du Lot-et-Garonne, du Maine-et-Loire, de la Manche, des Pyrénées-Orientales.

* 24 C'est le cas, par exemple, des départements de l'Aube, de la Seine-Maritime.

* 25 C'est le cas, par exemple, des départements de la Charente, de la Dordogne, de l'Isère, du Loiret.

* 26 C'est le cas, par exemple, du département de la Haute-Loire.

* 27 Oned, neuvième rapport annuel au Parlement et au Gouvernement, mai 2014.

* 28 Ibid.

* 29 « Prévention en faveur de l'enfant et de l'adolescent » ; « La cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation » ; « Intervenir à domicile pour la protection de l'enfant » ; « L'accueil de l'enfant et de l'adolescent protégé » ; « L'observatoire départemental de la protection de l'enfance ».

* 30 La DGCS mentionne en particulier la note technique sur le décret du 7 novembre 2013 pris en application de la loi du 5 mars 2012 sur la transmission d'informations sur les enfants en danger entre départements ou celle pour la mise en oeuvre de la loi du 23 juillet 2013 sur la loi relative à l'arrêté d'admission de pupille de l'Etat.

* 31 La DGCS évoque le procès-verbal de recueil de l'enfant pupille et la lettre de notification aux parents.

* 32 « L'exercice de l'autorité parentale dans le cadre du placement » (mars 2010) ; « Le partage d'informations à caractère secret en protection de l'enfance » (mai 2011) ; « L'évaluation interdisciplinaire de la situation du mineur/jeune majeur en cours de mesure » (mai 2013).

* 33 Les dernières journées techniques en date sont celles qui ont été organisées par la DGCS, la DPJJ et l'ADF sur l'information préoccupante et la mise en place des Crip (décembre 2009) et celles portant sur les pupilles de l'Etat à besoins spécifiques (décembre 2011).

* 34 Rapport précité.

* 35 Ibid.

* 36 C'est le cas, par exemple, des ODPE de la Gironde - dont la présidente est Adeline Gouttenoire, professeur à la faculté de droit et science politique de l'Université de Bordeaux et présidente du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption »-, du Calvados, du Doubs, de la Haute-Loire, de l'Isère.

* 37 C'est le cas, par exemple, des ODPE des Ardennes et du Maine-et-Loire.

* 38 La Haute-Loire a mis en place une commission dite « Ariane » chargée d'examiner les dossiers des mineurs en très grande difficulté, le but étant d'améliorer la coordination entre les différents types de prise en charge.

* 39 Le Loiret a élaboré, sur la base d'un protocole interinstitutionnel, une « feuille de parcours en protection de l'enfance » pour coordonner les actions de tous les acteurs concernés.

* 40 Le Maine-et-Loire a, par exemple, encouragé la constitution d'équipes d'accueil d'urgence pluridisciplinaires.

* 41 En juin 2009, le Premier ministre a indiqué aux départements, qui le sollicitaient sur la question, qu'il ne prendrait pas le décret nécessaire à la création du Fonds national de financement de la protection de l'enfance. Le Premier ministre estimait en effet que : l'Etat n'était pas tenu, par une obligation juridique, de compenser les charges résultant de la mise en oeuvre de la loi réformant la protection de l'enfance ; le double financement prévu par le législateur (Cnaf/Etat) était complexe et dérogatoire au droit commun, dans la mesure où le champ de l'aide sociale à l'enfance relève d'une compétence départementale ; la détermination annuelle du niveau d'abondement du fonds risquait de susciter de nombreux conflits entre l'Etat, la sécurité sociale et les départements. Suite à ce refus du Gouvernement, plusieurs départements ont engagé des recours devant le Conseil d'Etat pour enjoindre l'Etat à prendre le décret. Ceux-ci ont obtenu gain de cause de la part de la plus haute juridiction administrative. Le décret n° 2010-497 du 17 mai 2010 a permis la création du FNFPE.

* 42 Loi n° 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l'enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé.

* 43 Voir l'insertion « La politique de périnatalité : l'urgence d'une remobilisation ».

* 44 Quatre demi-journées de consultations prénatales pour 100 000 habitants âgés de quinze à cinquante ans ; une demi-journée de consultation pour les enfants de moins de six ans pour 200 enfants nés l'année civile précédente ; une sage-femme à plein temps ou son équivalent pour 1 500 enfants nés au cours de l'année civile précédente ; une puéricultrice à plein temps ou son équivalent pour 250 enfants nés au cours de l'année civile précédente. La Cour constate que, s'agissant des consultations prénatales destinées aux mères, 40 départements ne respectent pas ces normes tandis que 20 assurent deux fois plus de consultations que prévu. S'agissant des consultations infantiles, 56 départements n'assurent pas le nombre de séances de consultations minimales tandis qu'une douzaine en offre au moins 50 % de plus (articles R. 2112-5 à R. 2112-7 du code de la santé publique).

* 45 Ibid.

* 46 Igas, Etude sur la protection maternelle et infantile en France, novembre 2006.

* 47 Cour des comptes, rapport précité.

* 48 Selon le projet annuel de performances de la mission « enseignement scolaire » du PLF 2014.

* 49 « Contribution de la Cour des comptes à l'évaluation de la médecine scolaire au titre de l'article 135-2 du code des juridictions financières », 6 octobre 2011.

* 50 Loi n° 2013-595.

* 51 Céline Gréco, Université Paris XI, thèse pour le doctorat de médecine, « Repérage et prise en charge de la maltraitance faite aux enfants par les internes en médecine générale. Bases pour améliorer la formation ». Sous la direction du Docteur Anne Tursz. Soutenue le 18 septembre 2013.

* 52 Rapport précité.

* 53 Les cadres de la protection de l'enfance ont la possibilité de suivre un cycle de formation continue pour acquérir les capacités nécessaires à la mise en oeuvre de la politique départementale de prévention et de protection de l'enfance sur un territoire donné. Le cycle de formation leur est accessible dans l'année qui suit la prise de fonction. D'une durée totale de 240 heures réparties sur 18 mois au maximum, il se compose des six modules suivants : « le contexte de l'ASE » ; « le droit de la famille et de l'enfant » ; « l'apport des sciences humaines dans la protection de l'enfance » ; « de l'évaluation des situations familiales à la décision » ; « du projet pour l'enfant à la participation des parents et de la famille » ; « diriger un service ASE et contribuer au pilotage du dispositif départemental de protection de l'enfance ».

* 54 Rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », février 2014.

* 55 Rapport précité.

* 56 Sur son site Internet, le Cnom a mis à disposition des médecins libéraux un modèle-type de signalement qui apparaît, de toute évidence, insuffisamment diffusé et donc connu des praticiens (« modèle de signalement de sévices à mineur »).

* 57 « La cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation », guide pratique protection de l'enfance, Oned.

* 58 Rapport précité.

* 59 Parmi les départements interrogés, seuls la Sarthe et Paris font état de la participation d'un médecin à la Crip.

* 60 Guide pratique précité.

* 61 Recherches menées en psychologique autour du processus d'attachement.

* 62 La loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l'enfance, et au statut des pupilles de l'Etat, dite « loi Dufoix », reconnaît pour la première fois des droits aux familles au cours de la procédure (droit d'être informées, associées et accompagnées).

* 63 La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale oblige à élaborer, pour toute personne accueillie en établissement ou service social ou médico-social, un contrat de séjour ou un document individuel de prise en charge (DIPC), dont le but est de formaliser la relation entre l'usager, le service ou l'établissement, de définir les objectifs et la nature de la prise en charge, de préciser les prestations offertes et leur coût prévisionnel.

* 64 La loi du 2 janvier 2002 prévoit également que toute personne accueillie en établissement ou service social ou médico-social se voit remettre un livret d'accueil, qui l'informe des prestations et services dont elle peut bénéficier.

* 65 Rapport précité.

* 66 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), « Echec et retard scolaire des enfants hébergés par l'aide sociale à l'enfance », Etudes et résultats n° 845, juillet 2013.

* 67 Rapport de l'Assemblée nationale n° 4330 fait par Michèle Tabarot, députée, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enfance délaissée et l'adoption, février 2012.

* 68 Oned, neuvième rapport annuel remis au Gouvernement et au Parlement, mai 2014.

* 69 L'assistant familial est « une personne qui accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans à son domicile, dans le cadre d'un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique ». L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil.

* 70 Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), rapport d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, août 2012.

* 71 La formation, dispensée après l'agrément et la signature du contrat de travail, s'effectue en deux temps : un premier volet d'une durée de 60 heures préalable à l'accueil du premier enfant et un second volet de 240 heures en cours d'emploi. La formation peut déboucher sur un diplôme d'Etat de niveau 5. Les assistants familiaux ne sont pas tenus de passer ce diplôme mais il permet à son titulaire d'être exonéré de la procédure de renouvellement de l'agrément.

* 72 En application de l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles, il est conclu entre l'assistant familial et son employeur, pour chaque mineur accueilli, un contrat d'accueil annexé au contrat de travail.

* 73 Rapport précité.

* 74 La loi ne définit pas de liste des actes usuels. Ceux-ci sont définis de façon négative par la jurisprudence, comme les actes qui ne rompent pas avec le passé ou qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant, des actes non graves et habituels, et qui sont réputés pouvoir être autorisés par l'un des deux parents. En pratique, la définition des actes usuels reste malaisée. Il faut en effet apprécier la situation au cas par cas. Des actes qui, dans certaines situations, ou à certains moments de la vie de l'enfant, peuvent être déclarés usuels sont considérés comme importants dans d'autres situations. En outre, des actes considérés comme usuels dans le droit commun ne le seront pas nécessairement en cas de placement de l'enfant.

* 75 Chris Benoît à la Guillaume, Sylvie Blaison, Marie-Laure Bouet-Simon, Sandrine Dekens, Catherine Lohéac et Annie Roussé, « Plaidoyer pour l'adoption nationale, 10 propositions pour une mobilisation en faveur des enfants délaissés », septembre 2013.

* 76 Jean-Louis Bianco et Pascal Lamy, « L'aide à l'enfance demain », documentation française, 1980.

* 77 Jean-Marie Colombani, rapport sur l'adoption, la documentation française, 2008.

* 78 Inspection générale des affaires sociales (Igas), rapport sur les conditions de reconnaissance du délaissement parental et ses conséquences pour l'enfant, novembre 2009.

* 79 Professeur Jean-Marie Mantz, docteurs Aline Marcelli et Francis Wattel, « Faciliter l'adoption nationale », Académie nationale de médecine, février 2011.

* 80 Oned, « La situation des pupilles de l'Etat - Enquête au 31 décembre 2011 », janvier 2013.

* 81 Chris Benoît à la Guillaume, Sylvie Blaison, Marie-Laure Bouet-Simon, Sandrine Dekens, Catherine Lohéac et Annie Roussé, « Plaidoyer pour l'adoption nationale, 10 propositions pour une mobilisation en faveur des enfants délaissés », septembre 2013.

* 82 Rapport précité.

* 83 Rapport précité.

* 84 Sur la politique de protection de l'enfance du Québec, se référer à l'encadré des pages 86 et 87.

* 85 Rapport précité.

* 86 En application de l'article 224-4 du CASF, sont admis en qualité de pupille de l'Etat : les enfants dont la filiation n'est pas établie ou est inconnue, qui ont été recueillis par le service de l'ASE depuis plus de deux mois ; les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont été remis au service de l'ASE en vue de leur admission comme pupilles de l'Etat par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ; les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l'ASE depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l'Etat et dont l'autre parent n'a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d'en assumer la charge ; avant l'expiration de ce délai de six mois, le service s'emploie à connaître les intentions de l'autre parent ; les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle n'est pas organisée selon le chapitre II du titre X du livre I er du code civil et qui ont été recueillis par le service de l'ASE depuis plus de deux mois ; les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil et qui ont été recueillis par le service de l'ASE en application de l'article 380 dudit code ; les enfants recueillis par le service de l'ASE en application de l'article 350 du code civil.

* 87 En application de l'article 347 du code civil, peuvent être adoptés : les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption ; les pupilles de l'Etat ; les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l'article 350 du même code.

* 88 Rapport précité.

* 89 Le deuxième alinéa de l'article 350 du code civil dispose que «sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ».

* 90 L'Igas, la proposition de loi de la députée Michèle Tabarot, le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption », le Conseil supérieur de l'adoption, la fédération nationale des Adepape (associations des pupilles, anciens pupilles de l'Etat et des personnes admises ou ayant été admises à l'aide sociale à l'enfance).

* 91 Cf. rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale précité.

* 92 En l'état actuel du droit, seul le particulier, l'établissement ou le service ayant recueilli l'enfant a l'obligation de présenter une demande en déclaration d'abandon à l'expiration du délai d'un an, dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant.

* 93 Oned, « La situation des pupilles de l'Etat - Enquête au 31 décembre 2011 », la documentation française, janvier 2013.

* 94 Rapport précité.

* 95 Jean-François Mattéi, « Enfant d'ici, enfant d'ailleurs, l'adoption sans frontière », la documentation française, 1995.

* 96 Le rapport Colombani, le rapport de l'Igas, le « Plaidoyer pour l'adoption nationale », le rapport du groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption ».

* 97 En l'état actuel du droit, l'adoption simple ne peut être révoquée que s'il est justifié de motifs graves. L'existence de motifs graves relève de l'appréciation souveraine des juges du fond : les faits doivent révéler une altération irrémédiable des liens affectifs entre l'adoptant et l'adopté et être de nature à rendre moralement impossible le maintien des liens créés par l'adoption, ou tout au moins, éminemment souhaitable leur cessation.

* 98 Proposition défendue notamment par les rapports de Jean-Marie Colombani, de l'Académie nationale de médecine, de la députée Michèle Tabarot.

* 99 Le groupe de travail « Protection de l'enfance et adoption » propose d'autoriser la révocabilité de l'adoption simple, s'il est justifié de motifs graves, à la seule demande de l'adoptant ou de l'adopté (sont dès lors exclus les parents biologiques et les membres de leur famille). Il estime également que l'action en révocation ne devrait être recevable qu'à compter de l'accession à la majorité de l'adopté. Lorsque l'adopté est mineur, seul le ministère public peut demander la révocation de l'adoption et ce, dans l'intérêt de l'enfant.

* 100 Catherine Sellenet et Mohamed L'Houssni, « Autour d'un enfant : accueil dans la parentèle ou chez des tiers digne de confiance », Etudes et résultats, mai 2014.

* 101 Rapport précité.

* 102 Rapport n° 1925 fait par Marie-Anne Chapdelaine, députée, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi n° 1856 relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, 2013-2014.

* 103 Article 1 er de la Charte du parrainage.

* 104 Rapport d'information n° 685 fait au nom de la commission des affaires sociales par Muguette Dini, Brigitte Bout, Alain Gournac, Claire-Lise Campion, Christiane Demontès et Isabelle Pasquet, « Politique familiale et protection de l'enfance : quelles leçons tirer du modèle québécois ? », 2010-2011.

* 105 Comité d'experts sur la révision de la loi sur la protection de la jeunesse, ministère de la santé et des services sociaux, 2004.

* 106 Oned, rapport d'étude, « Entrer dans l'âge adulte - La préparation et l'accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection », décembre 2009.

* 107 Jean-Marie Firdion (Ined), « Influence des événements de jeunesse et héritage social au sein de la population des utilisateurs des services d'aide aux sans-domicile », 2006.

* 108 Oned, neuvième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, mai 2014.

* 109 Rapport d'évaluation financé par le fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) dans le cadre d'un appel à projets lancé en 2009 par le ministère chargé de la jeunesse, octobre 2012.

* 110 Oned, cinquième rapport annuel au Gouvernement et au Parlement, avril 2010.

* 111 Circulaire de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation. NOR : JUSF1314192C.

* 112 Réponse au questionnaire de vos rapporteures.

* 113 Selon les informations recueillies par vos rapporteures au cours de leur déplacement, en 2013, le département du Pas-de-Calais a accueilli un flux de 403 MIE, dont 24 filles (6 %). Près de 86 % étaient âgés entre 15 et 18 ans. Ils étaient originaires d'Afrique (48 %), d'Asie (40 %) et d'Europe (12 %). Depuis le 31 mai 2013, 80 MIE ont été « stabilisés » dans le département, dont 39 venant d'autres départements. Du fait de la saturation des places d'accueil à FTA, 36 mineurs ont été placés en établissements « classiques ».

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